Version 2.2 - Mai 2017
Abstract: Présentation générale du Vipassana. (Premier article d'une série consacrée à la description de la méditation pratiquée dans le Bouddhisme Théravada avec usage systématisé du Maha-Satipatthana-Sutta, la leçon de Bouddha consacrée à la méditation). Que cherche celui qui médite? Il veut atteindre par sa méditation un
certain état de lucidité qui, selon les Bouddhistes,
libère l'esprit des illusions et des désirs qui en
découlent. Ce travail lui permettrait d'avancer vers 'l’Éveil'
('Nirvana'). Que fait celui qui médite ? Le méditant se met dans une posture particulière et focalise son attention sur quelque chose de précis.Ce faisant, son esprit va très vite être distrait. Le méditant doit s'en rendre compte (conscience), déconstruire cette distraction en détournant momentanément son attention vers elle, et puis revenir à l'objet de son attention initiale. Il va essayer de pousser cette attention jusqu'en ses plus intéressantes performances. La posture peut être, par exemple, celle du lotus et le point de focalisation peut être, par exemple, le contact du souffle de la respiration sur ses narines, ou la tension induite sur la paroi abdominale par la respiration. (Attention! Contrairement à ce qui se passe dans d'autres écoles spirituelles, dans la pratique du Vipassana, on n'essaye PAS de modifier le rythme respiratoire; observer, ce n'est pas de maîtriser!) La posture peut aussi bien être une marche très lente ('Walking meditation') et l'attention pourra alors se focaliser, par exemple, sur les coordinations musculaires et les diverses pressions et angulations induites sur le corps par cette marche. Les exemples donnés ici sont les choix habituels proposés dans les centres de méditation lors des sessions d'initiation ou de pratique intensive du Vipassana. Mais tout contexte de la vie peut (et devrait!) devenir prétexte à méditation. Ça a l'air tout simple, mais ce ne l'est que quelques secondes. Pour le débutant, la douleur surtout (liée à la posture) sera le principal ennemi... Et elles peuvent devenir atroces pour des raisons inhérentes au travail mental demandé (cela invite d'ailleurs à d'autres considérations qu'il serait prématuré d'analyser ici). Le premier objet de la focalisation peut donc varier d'un centre de retraite à l'autre. Cet objet peut être 'fixe' ou 'mobile', liés ou non aux corps... Mais ce n'est pas là que se situe le critère principal pour choisir un centre d'initiation plutôt qu'un autre. C'est surtout et avant tout la discipline exigée des retraitants qui fait la différence. Il ne faut pas se voiler la face: le Vipassana est une affaire compliquée et, pour un débutant, méditer sérieusement n'est pas toujours agréable. Si l'on ajoute à cela, pour beaucoup d'entre nous, ces dispositions innées à placer le travail spirituel dans la catégorie du divertissement, voire de la détente, on comprendra pourquoi certains centres Vipassana exigent d'emblée de leurs retraitants une discipline de fer. Dans ces centres-là, pas question de choisir son rythme de travail, pas question de s'accorder quelques digressions ludiques, familiales, sexuelles ou professionnelles, le stage doit durer au minimum dix jours pendant lesquels on s'imposera de ne jamais parler avec les autres stagiaires, un régime alimentaire maigre et végétarien avec un jeûne tous les jours entre midi et six heures du matin, un lever à trois heures du matin, dix heures ou plus de méditation assise par jour, etc. On pourrait croire qu'on est dans une secte, dans un centre d'endoctrinement, mais dans un bon centre on remarque très vite que l'esprit est plus proche de celui d'un club sportif de haut niveau que de celui d'une secte: le propos (en général!) est exclusivement technique, les convictions métaphysiques (métempsychose, nirvana...) et politiques (non-violence, écologie...) qui sont aux racines du Bouddhisme ne sont données qu'accessoirement et comme des informations de culture générales. Pas de tension prosélyte et les stages sont toujours accessibles pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent payer...Ce retour aux perceptions élémentaires associé à une volonté de focaliser son attention sur quelques-unes en particulier et, surtout, associé à une volonté de préserver une équanimité dans la manière de les accueillir va nécessairement mettre en valeur le caractère volatil, voire futile, des sensations. La technique est donc une voie royale pour approcher «physiquement» les grandes affirmations dogmatiques du Bouddhisme et en particulier 'l'impermanence' ('Anicca') de toute «réalité» que l'on se donne par les sens.
Différences entre 'concentration', 'attention' et 'conscience'. Ce qui est vite mis en jeu, c'est la capacité de nous
concentrer volontairement, intensément et longtemps sur 'quelque
chose'. En supposant même que le méditant ait la
parfaite maîtrise de sa concentration, qu'il puisse donc
parfaitement déparasiter son esprit de toutes les
distractions qui l'assaillent, il reste que cette
concentration ne préjuge pas de la qualité et de l'intensité
de l'attention dont elle délimite le territoire; une bonne
concentration («focalisation» dirait le photographe) sur une
zone du corps ou un autre objet peut aussi bien circonscrire
une attention aiguë qu'une attention molle, sans acuité,
sans discernements subtils, sans intensité (haute ou basse
«résolution» dirait le photographe). La concentration donne
une frontière tandis que l'attention décrypte une texture...
'Vision Intérieure' et 'Absorptions' C'est un certain équilibre entre attention et concentration ajusté par la conscience qui donne accès à la 'Vision Intérieure' ('Vipassana'). La concentration de l'attention poussée en ses plus extrêmes retranchements (concentration très ponctuelle et attention maximales) peut conduire la conscience de celui qui médite aux 'Absorptions' ('Jhana') qui sont un état de connaissance illusoire pour Bouddha. Ces 'Absorptions' ne sont PAS des étapes obligées pour atteindre la 'Vision Intérieure' ('Vipassana') et 'l'Éveil final' ('Nirvana'). Stricto sensu, le degré de concentration nécessaire pour obtenir la 'Vision Intérieure' est inférieur à celui qui est nécessaire pour atteindre les 'Absorptions'. Or, c'est la 'Vision Intérieure' et non l'absorption qui est la clé de la porte du Nirvana! C'est dire d'une autre manière qu'en méditation, l'équilibre entre l'attention et la concentration est une affaire délicate.Une focalisation extrêmement pointue qui ne laisserait de disponible à l'attention qu'un seul objet, purifie cette perception de toutes les associations spontanées. Il ne restera alors de la perception que quelques traces désordonnées (puisque libérée de toutes les interprétations associées à cette perception). On parle alors 'd'Attention Pure'. Puisqu'il s'agit pour la conscience de capter la perception avant qu'elle soit interprétée, on peut augurer que cette 'Attention Pure' ne prendra PAS en considération toutes les influences que cet objet a sur l'univers dans sa globalité (son rôle cosmique que décrit la science par exemple). Une focalisation très large peut au contraire offrir à l'attention les relations de cet objet avec beaucoup d'autres objets. Cela autorise donc éventuellement l'attention à aborder ce que signifie un objet (ou un acte!) pour le cosmos et d'en remarquer l'utilité, la compatibilité avec l'idéal des Bouddhistes, le degré de contingence, etc. On parle alors de 'Compréhension Claire' (Sampajanna). Cette manière d'utiliser le trio concentration/attention/conscience tend à être pour un bon Bouddhiste un moyen d'optimiser la gestion de sa vie hors du temps consacré aux exercices de méditation intensive, lorsqu'il est par exemple en train d'agir pour nourrir sa famille, faire de la politique construire sa maison ou faire de la science... On peut encore imaginer d'autres usages extrêmes de ces variables, mais il est déjà intéressant de constater qu'il y a opposition entre 'Compréhension Claire' et 'Attention Pure' puisque la focalisation y est sollicitée dans des directions opposées. C'est 'l'Attention Pure' qui doit être bien maîtrisée pour conduire aux 'Absorptions' (Jhana) ou pour révéler la radicalité de 'Anicca' (Impermanence). Si la 'Compréhension Claire' permet aussi de dévoiler 'Anicca', sa bonne maîtrise permettra surtout de s'offrir les conditions optimales pour se consacrer à 'l'Attention Pure' et rendre possible la vie monastique (des autres ou de soi) dans un monde éthiquement mieux appréhendé! L'esprit. L'acteur principal dans Satipatthana, celui qui donne les
ordres, paye et profite de ces pratiques, c'est «l'esprit»
bien entendu, qui est par définition l'organe de la connaissance
et de la volonté,
et dont on n'a pas encore parlé.
(Cette recommandation est répétée exactement 42 fois dans le "Maha-satipatthana-sutta"! - voir plus bas dans cette étude) Pas question donc de pousser inconsidérément en avant un travail critique car Bouddha ne semble pas dupe du cercle vicieux dans l'établissement de l'esprit. Le but: Vipassana. Alors que la concentration est un long travail volontaire
et méthodique ('Satipatthana'), la 'Vision
Intérieure' (Vipassana, le but de la
méditation!), ne se cherche pas tant qu'elle se trouve. La 'Vision
Intérieure' est comme un fruit mûr qui tombe lorsque,
par une pratique assidue de la méditation, le fruitier a été
bien soigné et nourrit. Comment procède le méditant pour améliorer sa méditation? Dans les textes canoniques, Bouddha nous l'explique par deux discours dont l'un des deux reprend l'intégralité du deuxième. Ce texte (le plus long qui inclut l'autre) ne fait qu'une vingtaine de pages. C'est le 'Maha-satipatthana-sutta' que vous pouvez lire dans différentes traductions en cliquant ici (nouvelle fenêtre). Selon Bouddha, dans 'l'esprit', quatre ouvriers indisciplinés se passent la main pour parasiter notre attention. Tel un contremaître, l'esprit du méditant doit surveiller ces travailleurs pour les mettre au pas. Il s'agit surtout de bien les connaître d'abord, pour pouvoir ensuite mieux les maîtriser et déconstruire mentalement leurs capricieuses (et distrayantes) initiatives qui nous écartes des grands dogmes fondateurs du Bouddhisme (Anicca, Dukkha, Anatta, Samkara, Karma, etc.) Ces quatre ouvriers sont:
On pratique la méditation pour mieux connaître et discipliner ces quatre bouffons. Bien sûr, le texte de Bouddha est trop court; il laisse sur la table des ambiguïtés. Consulter le travail des philologues peut être utile, mais il faut d'emblée sentir aussi les limites de la philologie. C'est pour cela que, traditionnellement, le Bouddhisme travaille avec des maîtres de méditation. A défaut de maître (ou lorsque le maître n'est pas bon), le débutant a heureusement à sa disposition livres et articles abondants. Le net lui-même est bien achalandé et je vous conseille de le consulter régulièrement lorsque vous commencerez à pratiquer, ne serait-ce que pour y trouver des adresses de centres de méditation intensive (il y en a dans la plupart des pays occidentaux).
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Je crois que l'essentiel de la théorie a été dit. On voit
bien pourquoi la méditation est vraiment centrale dans la
vie du Bouddhiste. Elle est un peu au Bouddhiste ce que la
charité est au Chrétien ou le conformisme au Musulman
intégriste. *** - Sur la douleur pendant la méditation (bon usage du "presynaptic system") - Sur la sympathie et le désir durant la méditation (débrancher le système limbique) - Sur la «walking meditation» (le by-pass du cervelet) - L'observation des cadavres en Vipassana (avec exercice pratique!) - Sur la question des frontières durant la méditation - Le corps et le Vipassana - L'état d'esprit en Vipassana - Les objets mentaux en Vipassana
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paul yves wery - Chiangmai - Octobre 2009 Version 2.01 - décembre 2010 Version 2.2 - Mai 2017
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