Abstract: Présentation générale du Vipassana.
(Premier article d'une série consacrée à la description de
la méditation pratiquée dans le Bouddhisme Théravada avec
usage systématisé du Maha-Satipatthana-Sutta, la leçon de
Bouddha consacrée à la méditation).
Note de vocabulaire:
On appelle communément «Vipassana» la méditation pratiquée
dans le Bouddhisme Théravada (« Petit
Véhicule »). Stricto sensu, le mot «Vipassana» ne
renvoie pourtant qu'à la «Vision Intérieure» qui est le
principal objectif de la pratique de cette méditation.
Mais cette querelle de mots est évidemment sans
importance. Parlons simplement de synonymie.
Que cherche celui qui médite?
Il veut atteindre par sa méditation un
certain état de lucidité qui, selon les Bouddhistes,
libère l'esprit des illusions et des désirs qui en
découlent. Ce travail lui permettrait d'avancer vers 'l’Éveil'
(Nirvana).
Mais, pour les moins ambitieux, cette méditation peut aussi
ne viser qu'un état de tranquillité particulier qui n'est
pas 'l’Éveil': les 'Absorptions Méditatives' (jhana)
Que fait celui qui médite ?
Le méditant se met dans une posture particulière et focalise
son attention sur quelque chose de précis.
Ce faisant, son esprit va très vite être distrait. Le méditant
doit s'en rendre compte (conscience), déconstruire cette
distraction en détournant momentanément son attention
vers elle, et puis revenir à l'objet de son attention
initiale. Il va essayer de pousser cette attention jusqu'en
ses plus intéressantes performances.
La posture peut être, par exemple, celle du lotus et le point
de focalisation peut être, par exemple, le contact du souffle
de la respiration sur ses narines, ou la tension induite sur
la paroi abdominale par la respiration. (Attention!
Contrairement à ce qui se passe dans d'autres écoles
spirituelles, dans la pratique du Vipassana, on n'essaye PAS
de modifier le rythme respiratoire; observer, ce n'est pas de
maîtriser!)
La posture peut aussi bien être une marche très lente
('Walking meditation') et l'attention pourra alors se
focaliser, par exemple, sur les coordinations musculaires et
les diverses pressions et angulations induites sur le corps
par cette marche.
Les exemples donnés ici sont les choix habituels proposés dans
les centres de méditation lors des sessions d'initiation ou de
pratique intensive du Vipassana. Mais tout contexte de la vie
peut (et devrait!) devenir prétexte à méditation.
Ça a l'air tout simple, mais ce ne l'est que quelques
secondes. Pour le débutant, la douleur surtout (liée à la
posture) sera le principal ennemi... Et elles peuvent devenir
atroces pour des raisons inhérentes au travail mental demandé
(cela invite d'ailleurs à d'autres considérations qu'il serait
prématuré d'analyser ici).
Le premier objet de la
focalisation peut donc varier d'un centre de retraite à
l'autre. Cet objet peut être 'fixe' ou 'mobile', liés ou
non aux corps... Mais ce n'est pas là que se situe le
critère principal pour choisir un centre d'initiation
plutôt qu'un autre. C'est surtout et avant tout la
discipline exigée des retraitants qui fait la différence.
Il ne faut pas se voiler la face : le Vipassana est
une affaire compliquée et, pour un débutant, méditer
sérieusement n'est pas toujours agréable. Si l'on ajoute à
cela, pour beaucoup d'entre nous, ces dispositions innées
à placer le travail spirituel dans la catégorie du
divertissement, voire de la détente, on comprendra
pourquoi certains centres Vipassana exigent d'emblée de
leurs retraitants une discipline de fer. Dans ces
centres-là, pas question de choisir son rythme de travail,
pas question de s'accorder quelques digressions ludiques,
familiales, sexuelles ou professionnelles, le stage doit
durer au minimum dix jours pendant lesquels on s'imposera
de ne jamais parler avec les autres stagiaires, un régime
alimentaire maigre et végétarien avec un jeûne tous les
jours entre midi et six heures du matin, un lever à trois
heures du matin, dix heures ou plus de méditation assise
par jour, etc. On pourrait croire qu'on est dans une
secte, dans un centre d'endoctrinement, mais dans un bon
centre on remarque très vite que l'esprit est plus proche
de celui d'un club sportif de haut niveau que de celui
d'une secte: le propos (en général!) est exclusivement
technique, les convictions métaphysiques (métempsychose,
nirvana...) et politiques (non-violence, écologie...) qui
sont aux racines du Bouddhisme ne sont données
qu'accessoirement et comme des informations de culture
générales. Pas de tension prosélyte et les stages sont
toujours accessibles pour ceux qui ne veulent ou ne
peuvent payer...
Dans la technique de Vipassana
qui est probablement la plus enseignée actuellement, (ce
qui ne préjuge pas de la supériorité de cette technique,
mais plutôt du charisme de son « entraîneur »,
Mr Guenka, qui est laïc et
marié), l'étudiant en Vipassana commence par essayer de
percevoir les sensations provoquées par la respiration sur
le territoire corporel délimité par le sommet du nez et la
lèvre supérieure (triangle).
Pendant les quatre premiers jours de son initiation, la
"méthode Guenka" attend de l'élève qu'il arrive d'abord à
clairement ressentir quelque chose puis d'aiguiser cette
sensibilité le plus possible. On peut donc considérer que
ces premiers jours sont consacrés à l'entraînement des
terminaisons nerveuses sensitives situées dans ce triangle
afin d'améliorer le pouvoir discriminant et l'intensité
des perceptions. L'étudiant apprend ainsi à conscientiser
des perceptions de plus en plus infimes. À partir du
quatrième jour de sa formation, il va devoir consacrer son
attention à d'autres zones de son corps.
Cette sensibilité exacerbée est la prémisse incontournable
d'un autre travail qui consiste à préserver une parfaite
équanimité dans la gestion mentale de toutes ces
perceptions qui se succèdent dans l'esprit. En d'autres
mots, l'étudiant devra progressivement devenir capable
d'abandonner toute préférence, toute répulsion, tout
attrait, toute forme d'attachement positif ou négatif,
(...) par rapport à ces perceptions dont la palette peut
évidemment devenir très riche: chaleur, tension, pression,
sécheresse, moiteur, contacts, angulation, ...et, surtout,
douleurs diverses liées à la posture!
(À ces perceptions
naturelles qui sont parfaitement identifiables à des flux
neuronaux par la neurologie contemporaine, il faut encore
ajouter celles qui, pour d'aucuns, ne sont que des
'pseudo-perceptions', des effets d'autosuggestions obtenus
par les protocoles d'apprentissage dans lesquels le
méditant est plongé par M. Guenka. Ces
'pseudo-perceptions' relèveraient alors d'une activité
neurologique autrement plus complexe... Mais il n'y a pas
dans cette éventuelle complexité une cause suffisante pour
dénier l'intérêt de sa méthode. Gardons simplement en tête
que M. Guenka ne fait pas l'unanimité chez les amateurs de
Vipassana.)
Ce retour aux perceptions élémentaires associé à une
volonté de focaliser son attention sur quelques-unes en
particulier et, surtout, associé à une volonté de préserver
une équanimité dans la manière de les accueillir va
nécessairement mettre en valeur le caractère volatil, voire
futile, des sensations. La technique est donc une voie
royale pour approcher «physiquement» les grandes
affirmations dogmatiques du Bouddhisme et en particulier 'l'impermanence'
('Anicca') de toute «réalité» que l'on se donne par
les sens.
Dans les autres centres
d'initiation au Vipassana (donc PAS ceux de Guenka) où, en
général, on recommande de concentrer son attention sur le
mouvement de la région ombilicale plutôt que sur la région
nasale, la procédure est presque la même. On s'efforce
d'abord de bien percevoir les tensions induites par la
respiration. Au fur et à mesure que la perception de la
tension devient plus précise, l'étudiant remarque que
cette tension naît et puis se dissémine et se fond de
proche en proche dans l'entièreté du corps. Chaque
respiration influe sur toute la surface du corps. Une fois
cette perception bien assise, il faudra progressivement la
déconstruire et, au bout d'une dizaine de jours, le
décapage de cette sensation primitive est tel qu'il ne
reste que des microperceptions élémentaires dont même
l'organisation temporelle semble mise en péril...
Autant dire que l'on ne sort pas nécessairement indemne de
ces sessions de dix jours (dix jours sont le minimum
requis pour une initiation dans les centres sérieux). Pour
ma part, ma première expérience du Vipassana s'est soldée
par la certitude qu'il me fallait absolument oublier au
plus vite ces techniques qui transforment en vents nos
plus chères certitudes... Je pensais même à l'époque que
cela détruisait aux racines toute possibilité d'être
chrétien. Je suis moins affirmatif sur ce point
aujourd'hui.
Différences entre 'concentration',
'attention' et 'conscience'.
Ce qui est vite mis en jeu, c'est la capacité de nous
concentrer volontairement, intensément et longtemps sur 'quelque
chose'. En supposant même que le méditant ait la
parfaite maîtrise de sa concentration, qu'il puisse donc
parfaitement déparasiter son esprit de toutes les
distractions qui l'assaillent, il reste que cette
concentration ne préjuge pas de la qualité et de l'intensité
de l'attention dont elle délimite le territoire; une bonne
concentration («focalisation» dirait le photographe) sur une
zone du corps ou un autre objet peut aussi bien circonscrire
une attention aiguë qu'une attention molle, sans acuité,
sans discernements subtils, sans intensité (haute ou basse
«résolution» dirait le photographe). La concentration donne
une frontière tandis que l'attention décrypte une texture...
Notre cerveau s'adonne simultanément à énormément de tâches
et, en général, on gère automatiquement (d'une manière
algorithmique dirait le mathématicien) l'attention et la
concentration en fonction de l'activité en cours, de
l'agressivité de l'environnement, de la passion pour ce que
l'on fait, de la fatigue, de la complexité d'un contexte, de
nos habitudes, etc. Si l'attention s'oppose à la somnolence
et si la concentration s'oppose à la distraction, la
conscience, elle, s'oppose surtout à cet automatisme.
La conscience, tout le monde sait
vaguement de quoi il s'agit, mais dès qu'il faut la
définir, des problèmes insolubles se posent. Le mot
« conscience » est un mot polysémique et, par
là, très ambigu. Le médecin oppose la conscience au
sommeil, au coma, le psychologue à l'inconscient, au rêve,
le juriste et le moraliste s'attachent à y repérer la
conformité à l'intention, le spirituel l'associe à la
lucidité, à un pouvoir discriminant, au raffinement d'une
division symbolique de l'environnement (Cf.
articles dans ce site sur l'ordre symbolique, sur le Nirvana,
sur la différence entre le langage et le symbole
etc.)... Tous ont raison, aucun ne dit tout...
Pour ma part, j'ai donc cru comprendre que lorsque l'on
parle de la conscience en Vipassana, on l'oppose bien sûr
aussi au sommeil, peut-être même à l'inconscient ou à
l'indivision symbolique, mais c'est surtout et avant tout
les automatismes mentaux qu'on cherche à explorer. Cette
conscience-là sera donc exacerbée par assomption des choix
qui ne ressemblent pas à ceux que l'instinct propose. Il y
aurait dans cette conscience comme une mise en examen des
automatismes par un regard réflexif (regard en miroir) sur
notre activité. En Vipassana, il ne s'agit pourtant pas
tant de «débrancher» le pilotage automatique (comme le
propose plus systématiquement le yoga par exemple) que de
le surveiller, de le juger à travers un filtre de valeurs
où l'intention cette fois a beaucoup à dire. En Vipassana,
il faudra donc admettre qu'il y a dans l'usage de la
conscience la présomption d'une autonomie, aussi mince
soit-elle. Elle en est une prémisse qui, me semble-t-il,
fait du Vipassana une démarche active autant que
contemplative
Par la conscience, on module
notre degré d'attention et le champ de notre concentration
pour obéir à une intention née de l'esprit et non de la
conscience qui le sert.
On n'a ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif, lorsqu'on est
poursuivi par un fauve parce que l'instinct, le «pilotage
automatique», sans l'intervention expresse de la
conscience, ne va accorder aucune importance à ces
perceptions en une telle circonstance. Méditer, c'est
apprendre notre métier d'homme, c'est apprendre à moduler
par notre conscience les importances relatives des choses
pré-classées par notre instinct, par notre «pilotage
automatique». Devant le fauve, il ne s'agit alors plus
tant de courir vite, comme le propose l'instinct, que de
chercher ce qui peut être à la fois disponible et utile
dans l’environnement pour nous sortir d'embarras: un arbre
mort dont on pourrait facilement casser une branche, un
tison dans le feu, un flash pour aveugler, etc. La
conscience, ici, élargit le domaine de l'attention au
fauve à la présence d'un arbre, du feu ou de l'appareil
photo, mais aussi à la sphère de l'imagination. La
méditation a quelque chose à voir avec cette intelligence
pratique qui nous pousserait dans un tel contexte à lutter
ou à ruser plutôt qu'à fuir... C'est une autre manière de
dire que la méditation peut aider à améliorer l'action...
Une comparaison peut être faite
avec l'usage de l'œil. Lorsque je lis, je peux ne porter
attention qu'au texte. Mais en fait, tout en m'intéressant
principalement aux lettres, je préserve dans mon champ de
vision une plus vague attention (en général inconsciente
puisque automatiquement réglée) à l'environnement qui
supporte le texte: la qualité du papier, la qualité de
l'éclairage, les couleurs, la police de caractères, les
taches de doigts... Supposant même que je puisse me
concentrer exclusivement sur le texte, il reste encore
possible que ma lecture soit plus somnolente et que le
texte ne me renvoie pas aux référents qu'ils désignent...
et je dois alors reprendre ma lecture. On voit bien dans
cet exemple que les trois acteurs (conscience,
concentration et attention) sont trois variables
différentes qui me conduisent à des qualités très
différentes de lectures d'un même texte.
Les maîtres de méditation
utilisent parfois la métaphore de la bûche que l'on scie.
Pour bien scier je dois surtout me concentrer sur le lieu
de rencontre entre les dents de la scie et la chair du
bois . Mais je dois aussi avoir une concentration
suffisamment lâche pour préserver un degré d'attention sur
la fixité de la bûche, sur la force de mes gestes, sur la
position de mes bras, etc. J'insiste bien ici sur le fait
que dans cet exemple comme dans le précédent, la
conscience n'est pas tout à fait identifiable à
l'attention. Ici, l'attention portée à la stabilité de la
bûche est le plus souvent inconsciente. Elle relève d'un
automatisme. Pour le neurologue, la différence se situe en
général dans l'usage plus ou moins intensif du cervelet.
Le cervelet nous permet en effet d'être attentif sans être
conscient et l'on comprend alors mieux le sens d'un
exercice comme la 'walking meditation' (marche très lente)
dans les sessions de Vipassana. La marche est par
excellence une activité qui fait un usage intensif et
inconscient du cervelet, usage que cet exercice essaye de ramener à la conscience.
'Vision Intérieure' et 'Absorptions',
C'est un certain équilibre entre attention et concentration
ajusté par la conscience qui donne accès à la 'Vision
Intérieure' ('Vipassana'). La concentration de
l'attention poussée en ses plus extrêmes retranchements
(concentration très ponctuelle et attention maximales) peut
conduire la conscience de celui qui médite aux 'Absorptions'
('Jhana') qui sont un état de connaissance illusoire
pour Bouddha. Ces 'Absorptions' ne sont PAS des
étapes obligées pour atteindre la 'Vision Intérieure'
('Vipassana') et 'l'Éveil final' ('Nirvana'). Stricto
sensu, le degré de concentration nécessaire pour obtenir la
'Vision Intérieure' est inférieur à celui qui est
nécessaire pour atteindre les 'Absorptions'. Or,
c'est la 'Vision Intérieure' et non l'absorption qui
est la clé de la porte du Nirvana! C'est dire d'une autre
manière qu'en méditation, l'équilibre entre l'attention et
la concentration est une affaire délicate.
Une focalisation extrêmement pointue qui ne laisserait de
disponible à l'attention qu'un seul objet, purifie cette
perception de toutes les associations spontanées. Il ne
restera alors de la perception que quelques traces
désordonnées (puisque libérée de toutes les interprétations
associées à cette perception). On parle alors 'd'Attention
Pure'. Puisqu'il s'agit pour la conscience de capter
la perception avant qu'elle soit interprétée, on peut
augurer que cette 'Attention Pure' ne prendra PAS en
considération toutes les influences que cet objet a sur
l'univers dans sa globalité (son rôle cosmique que décrit la
science par exemple).
Une focalisation très large peut au contraire offrir à
l'attention les relations de cet objet avec beaucoup
d'autres objets. Cela autorise donc éventuellement
l'attention à aborder ce que signifie un objet (ou un acte!)
pour le cosmos et d'en remarquer l'utilité, la compatibilité
avec l'idéal des Bouddhistes, le degré de contingence, etc.
On parle alors de 'Compréhension Claire'
(Sampajanna). Cette manière d'utiliser le trio
concentration/attention/conscience tend à être pour un bon
Bouddhiste un moyen d'optimiser la gestion de sa vie hors du
temps consacré aux exercices de méditation intensive,
lorsqu'il est par exemple en train d'agir pour nourrir sa
famille, faire de la politique construire sa maison ou faire
de la science...
On peut encore imaginer d'autres usages extrêmes de ces
variables, mais il est déjà intéressant de constater qu'il y
a opposition entre 'Compréhension Claire' et 'Attention
Pure' puisque la focalisation y est sollicitée dans
des directions opposées. C'est 'l'Attention Pure' qui doit
être bien maîtrisée pour conduire aux 'Absorptions'
(Jhana) ou pour révéler la radicalité de 'Anicca'
(Impermanence). Si la 'Compréhension Claire' permet
aussi de dévoiler 'Anicca', sa bonne maîtrise permettra
surtout de s'offrir les conditions optimales pour se
consacrer à 'l'Attention Pure' et rendre possible la vie
monastique (des autres ou de soi) dans un monde éthiquement
mieux appréhendé!
L'esprit.
L'acteur principal dans Satipatthana, celui qui donne les
ordres, paye et profite de ces pratiques, c'est «l'esprit»
bien entendu, qui est par définition l'organe de la connaissance et de la volonté, et dont on n'a pas
encore parlé.
L'esprit est le tableau de bord de la méditation. Il ne
faudra pourtant pas trop perdre son temps à spéculer sur la
définition de cet «esprit» parce qu'il produit et qu'il est
produit dans un même mouvement avec les attitudes combinées
de la conscience et de l'attention. Bouddha, dans son cours
de méditation, ne cesse de dire et répéter:
«...La conscience que ceci est 'un
corps' (ou 'la
production d'une appétence' ou 'un états
d'esprit' ou etc.) est établie en lui dans la simple mesure nécessaire
à la connaissance et à l'observation attentive. Ainsi il
(l'esprit du moine) demeure libéré, ne s'attachant à
rien dans le monde...»
(Cette recommandation est répétée exactement 42 fois dans
le "Maha-satipatthana-sutta"! - voir plus bas dans cette
étude) Pas question donc de pousser inconsidérément en avant
un travail critique car Bouddha ne semble pas dupe du cercle
vicieux dans l'établissement de l'esprit.
Le but: Vipassana.
Alors que la concentration est un long travail volontaire et méthodique
(Satipatthana), la 'Vision Intérieure' (Vipassana, le but de
la méditation!), ne se cherche pas tant qu'elle se trouve.
La 'Vision Intérieure' est comme un fruit mûr qui tombe
lorsque, par une pratique assidue de la méditation, le
fruitier a été bien soigné et nourrit.
Cette 'Vision Intérieure' (Vipassana), c'est la certitude que tout est
impermanent (Anicca), que tout est empâté par
l'insatisfaction (Dukkha) et que même le moi est sans
véritable consistance (Anatta).
Comment procède le méditant pour
améliorer sa méditation?
Dans les textes canoniques, Bouddha nous l'explique par
deux discours dont l'un des deux reprend l'intégralité du
deuxième. Ce texte (le plus long qui inclut l'autre) ne fait
qu'une vingtaine de pages. C'est le 'Maha-satipatthana-sutta'
que vous pouvez lire dans différentes traductions en
cliquant ici (nouvelle fenêtre).
Selon Bouddha, dans 'l'esprit', quatre
ouvriers indisciplinés se passent la main pour parasiter
notre attention. Tel un contremaître, l'esprit du méditant
doit surveiller ces travailleurs pour les mettre au pas. Il
sagit surtout de bien les connaître d'abord, pour pouvoir
ensuite mieux les maîtriser et déconstruire mentalement
leurs capricieuses (et distrayantes) initiatives qui nous
écartes des grands dogmes fondateurs du Bouddhisme (Anicca,
Dukkha, Anatta, Samkara, Karma, etc.)
Ces quatre ouvriers sont:
- le corps
(kaya),
- la sympathie
(vedana)('sensations', 'feeling'...),
- l'état
d'esprit (citta) ('l'esprit', 'mind'...),
- et les objets de la pensée (dhamma)
('phénomènes', 'qualités mentales'...).
On pratique la méditation pour mieux connaître et
discipliner ces quatre bouffons.
Bien sûr, le texte de Bouddha est trop court; il laisse
sur la table des ambiguïtés. Consulter le travail des
philologues peut être utile, mais il faut d'emblée sentir
aussi les limites
de la philologie. C'est pour cela que,
traditionnellement, le Bouddhisme travaille avec des maîtres
de méditation. A défaut de maître (ou lorsque le maitre
n'est pas bon), le débutant a heureusement à sa disposition
livres et articles abondants. Le net lui-même est bien
achalandé et je vous conseille de le consulter régulièrement
lorsque vous commencerez à pratiquer, ne serait-ce que pour
y trouver des adresses de centres de méditation intensive
(il y en a dans la plupart des pays occidentaux).
***
Je crois que l'essentiel de la théorie a été dit. On voit
bien pourquoi la méditation est vraiment centrale dans la
vie du Bouddhiste. Elle est un peu au Bouddhiste ce que la
charité est au Chrétien ou le conformisme au Musulman
intégriste.
Il reste maintenant à entrer dans la chair de cette étrange
pratique pour laquelle, chaque année, des millions d'heures
de vie consciente et d'efforts sont consommées de par le
monde.
Pour éviter tout malentendu, j'insiste sur le fait que les
textes qui vont suivre ne sont pas des conseils d'un maître
mais le compte rendu d'hésitations et d'échecs d'un
disciple! Je ne prétends pas être un bon méditant, que du
contraire. Ce qui va suivre est avant tout la trace d'une
recherche presque désespérée pour arriver à méditer mieux.
Je rédige ces pages d'abord pour moi-même, pour essayer
d'établir un plan de ce labyrinthe où pour le moment je me
perds deux heures par jour. Si je m'impose de les publier
sur ce site, c'est, comme d'habitude, pour stimuler ma
rigueur et mon assiduité. C'est encore et surtout une
manière d'inviter le lecteur à réagir là où il sentirait
qu'il pourrait m'aider à mieux méditer.
Vous aurez compris que je prends distance par rapport à ce
diktat qui voudrait qu'en de telles matières, un texte
publié soit nécessairement un aboutissement, une référence,
une synthèse. D'une manière très générale, je puise moi-même
autant d'énergie du désarroi de mes semblables que de leurs
victoires et leurs certitudes. Je ne joue donc pas le jeu de
cette pseudo-morale qui voit dans l'étage public du journal
intime de l'égotisme, du narcissisme ou de
l'exhibitionnisme. Je pense d'ailleurs qu'il faut un orgueil
immense pour oser croire qu'on puisse parler d'autre chose
que de soi... à moins que ce soit un manque de lucidité.
Oui, une page web devrait pouvoir être comprise comme une
conversation autour d'une tasse de café, à cette nuance près
que, sur le web, je protège mieux le droit qu'à mon
interlocuteur de me quitter sans devoir le justifier.