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<p class="rougemaigre petit">Egologie- premi&egrave;re partie. </p> <p class="rougemaigre centre">&quot;...'Je' est un autre... &quot; (A. RImbaud)</p> <div class="just"> <blockquote> <p class="petit">Abstract: La mise en relations de l'image que j'ai de moi, de la spécificité de mes joies, de l'image de <em>'celui que je voudrais être' </em> et de l'image que les autres ont de moi me conduit à comprendre que le &quot;je&quot; est habité par au moins deux mystères dont les exigences peuvent entrer en conflit. L'art de vivre en paix avec moi-même exige ma lucidité, mon honnêteté, le secret et la complexification culturelle du monde ... </p> </blockquote> <p >Proposition d'une division du &quot;je&quot; en quatre parties: </p> <ol> <ol> <li>L'image que j'ai de moi</li> <li>Le myst&egrave;re en moi</li> <li>L'image de celui que je voudrais &ecirc;tre</li> <li>L'image que les autres ont de moi</li> </ol> </ol> <p>Cette division du &quot;je&quot; est arbitraire. En divisant symboliquement mon &quot;je&quot; de cette manière-là, je laisse certainement hors d'atteinte quelques dimensions importantes de ma réalité, ...mais qu'importe. Je sais et j'assume que cette division du moi est étrange et partiale. Je l'ai choisie parce que la mise en relation de ces quatre parties-là est particulièrement fertile sur le plan spirituel. </p> <p>Aucune de ces quatre parties n'est totalement autonome et je n'ignore pas que ces quatre parties ne sont même pas exclusives les unes des autres, ...mais qu'importe.&nbsp;Il n'en reste pas moins vrai que chacune a sa manière propre de fonctionner, son système de nécessités et une forme d'inertie à faire valoir. </p> Dans et par la guerre civile que ces parties alimentent au coeur de mon coeur, s'aménagent et s'identifient les caractéristiques que je considère comme étant parmi les plus importantes de mon «je». Ce jugement de valeur est discutable, j'en conviens, ...mais qu'importe, pourvu que je circule plus lucidement dans les méandres de l'identité. <p>&nbsp;</p> <p class="centre">*** </p> <p>&nbsp; </p> <p class="rougemaigre"><a name="imagequejai"></a>-1- L'image que j'ai de moi. </p> <p>L'image que j'ai du moi, je ne l'ai pas choisie, je l'ai découverte. Elle est faite des souvenirs de sensations, d'idées claires, d'idées confuses... </p> Ma seule marge de manoeuvre en face de cette image, c'est de pouvoir la regarder plus attentivement, y compris en ce qu'elle a de volatile, d'énigmatique, de dynamique, d'imprévisible. La clé de mon acuité c'est mon honnêteté intellectuelle. Il s'agit ici de déshabiller à la fois l'observant et l'observé, de mettre à nu les effets de styles de mes sympathies, de mes désirs, de ma volonté... <p> (Faire la <a href="../rel-bud/rel-bud-desirvolonte-tab.htm#0" >distinction entre sympathie, d&eacute;sir et volont&eacute;</a> est une &eacute;tape importante dans la maturation de la vie spirituelle. C'est par excellence un des enjeux de ce qu'il est convenu d'appeler la <a href="rel-spirit-medicontempl-tab.htm#0" >m&eacute;ditation</a>.) </p> <p>L'image que je découvre in fine n'est pas «je». ...«Je» finis toujours par le comprendre&nbsp;et c'est pour cela que je dois parler d'une image, d'une représentation, que &quot;je&quot; donne à &quot;je&quot;. </p> <p>Cette image peut donc être source d'illusions ou de déformations. C'est pourtant la plus grande certitude que je puisse avoir à propos de mon identité. </p> <p>&nbsp; </p> <p><span class="rougemaigre"><a name="noyaudur"></a>-2- Le myst&egrave;re du &laquo;je&raquo;, le &laquo;noyau dur&raquo;..</span>. </p> <p>Il y a dans le &quot;je&quot; une partie, un territoire, plus solide que tout le reste, un noyau qui lui seul me détermine comme étant mort ou encore vivant. Son diktat, c'est moi &quot;<em>malgré moi</em>&quot;, c'est le maître absolu qui sévit au coeur de mon coeur. Ce tyran qui me nomme, qui me désigne, et m'incline, il se révèle par les caractéristiques non pas de mes désirs mais de mes joies. Ce récif autour duquel &quot;je&quot; me cristallise dans l'océan cosmique, ce roc qui choisit pour moi de laisser ou de ne pas laisser émerger la joie dans tel ou tel contexte, il a ses règles dont &quot;je&quot; n'arrive pas à trouver la formule. Le coeur de mon coeur &quot;subit&quot; son principal identifiant!... </p> <p>Mais un jour plutôt que l'autre, le coeur de mon coeur s'étonnera de ses propres spécificités qui au regard du reste du monde lui semblent maintenant contingentes. </p> <p>L'effort nécessaire pour élucider les singularités de ce noyau me laisse comprendre que le coeur de mon coeur se cache encore à moi-même, qu'il est encore partiellement non-dit. Le sac de mots dans lequel mon «je» tente d'enfermer son propre noyau est troué et, pour ma plus grande confusion, du réel inconnu y fait passer subrepticement quelques-uns de ses tentacules. </p> <p>En pratique, que ce réel qui habite mon coeur contienne une part 'inconnaissable' (mystère) ou une part 'encore inconnue '(énigme), cela revient au même. Mais plus je travaille avec des mots, plus je suis enclin à penser que cette partie du réel, qui contribue à me singulariser, est plutôt mystérieuse qu'énigmatique: je suis de plus en plus convaincu que la production de ma joie n'obéira jamais parfaitement aux règles que je découvrirai. </p> <p><strong>Ce «noyau», tout mystérieux qu'il puisse être, semble par contre être précis, univoque, «dur»; le problème c'est d'en circonscrire les règles par des mots mais pas de découvrir son existence ni d'en entendre le singulier diktat. </strong></p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Dans la spiritualité bouddhiste, l'étude de ce &quot;noyau dur, c'est le discernement et la contemplation du &quot;Védana&quot; auquel Bouddha donne un sens précis et consacre un chapitre clé dans son livre sur la méditation &quot; ('Maha-Satipatthana-Sutta'). </p> </blockquote> <p>Évitons ici un piège du langage: je pense que ce noyau est «univoque» et «dur» mais ce n'est pas dire que je le considère comme immuable. Sa manifestation est péremptoire, magistrale, ...mais en lui s'exécute une mutation soumise à une durée propre, une imprédictibilité&nbsp;spécifique. </p> <p>Pourtant -et c'est là toute la subtilité du sujet- cette mouvance créatrice du coeur de mon identité, cette figure particulière d'un &quot;aléatoire&quot; (sur lequel ma volonté a d'ailleurs manifestement une vague influence), plus je la déshabille, plus je découvre qu'elle est et reste très précisément délimité hors du «non-moi». L'inconnu est pluriel; le mystère du non-moi ne se confond pas avec le mystère du moi. </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Dans ce que, par exemple, je penserais &ecirc;tre un amour fou, impossible et suicidaire, la sympathie &eacute;trange et d&eacute;mesur&eacute;e que j'&eacute;prouverais malgr&eacute; tout pour l'&ecirc;tre aim&eacute; est un myst&egrave;re qui me tyrannise. Ce myst&eacute;rieux caprice de ma sympathie m'appartient. Je peux le ligoter, le b&acirc;illonner, le distraire, maltraiter le d&eacute;sir qu'il fait na&icirc;tre... Mais dans ce douloureux combat, l'autre reste debout ou assis, comme bon lui semble! Son myst&egrave;re ne m'appartient pas et c'est lui justement l'objet de ma myst&eacute;rieuse passion puisque tout le reste, chez lui et chez moi, n'est qu'une poup&eacute;e molle. De l'&ecirc;tre aim&eacute;, &agrave; cause m&ecirc;me de la nature de l'amour, je ne peux pas ne pas assumer l'autonomie qui affole mon propre myst&egrave;re. </p> </blockquote> <p>Des myst&egrave;res d'entrechoquent. L'inconnu est pluriel et la douleur s'infiltre dans ses jointures. </p> <p><a name="imagedesir"></a></p> <p class="rougemaigre">-3- L'image de ce que je d&eacute;sire &ecirc;tre.</p> <p>En observant les hommes, il me semble que pour certains, quoique doués d'une bonne intelligence et d'une bonne maîtrise du langage, la conscientisation et la dénomination des singularités du «je» suscite un malaise voire l'épouvante. C'est comme s'il y avait chez eux, des choix à faire durant ce travail de verbalisation. Or, si choix il y a ici, ce n'est que celui d'être honnête avec soi-même. Aucune véritable entreprise spirituelle n'est envisageable sans cette honnêteté. Je ne chercherai même pas à démontrer ce truisme. Ce malaise devrait donc, à mes yeux, être traité sans délai et sans pitié, comme s'il s'agissait d'une maladie très grave. </p> <p>Je me demande souvent, avec quelques raisons, si cette souffrance particulière n'est pas le symptôme d'une peur&nbsp;précise: celle de percevoir une différence entre l'image que j'ais du «je» et l'image de ce que le «je» désire être.</p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Comment me soigner de cette peur? </p> <p class="turquoisemaigre">Une personne n'est pas l'autre évidemment. Cette peur, je l'ai personnellement éprouvée durant mon enfance et mon adolescence lorsque je commençais à identifier et dénombrer mes singularités (spécificités de genre, imperfections corporelles, failles intellectuelles, conscience morale en contradiction avec les codes, etc.). Mais cette peur, j'ai pu la maîtriser sans devoir consommer trop d'énergie dès que je me suis rendu compte que lorsque mon honnêteté me déshabille, elle le fait dans une sphère que je peux rendre strictement privée. </p> <p class="turquoisemaigre">Après l'adolescence, force est de constater par ailleurs que je n'ai plus vraiment craint de découvrir dans mon «mystérieux noyau dur» quelque chose qui me soit à la foi essentiel et inacceptable. Confiance d'idiot? Naïveté? Présomption? Peut-être. Mais quoique conscient d'être capable, par exemple, de terribles méchancetés, je suis devenu progressivement certain que la part la plus intime de mon être, par-delà sa nature mystérieuse, veut toujours être gentille et cela me protège contre la haine de moi-même. Ce que je découvre en moi de cruauté est toujours plus accidentel qu'essentiel; pour que je succombe à cette horrible tendance, il faut d'abord la colère, la lassitude, l'impatience, la frustration, la peur, l'erreur de jugement de mes semblables ...en un mot: une force qui n'est PAS de ma sphère et qui s'acharne à essayer de m'arracher hors de moi.</p> </blockquote> <p>C'est quoi cette image de ce que je d&eacute;sire &ecirc;tre&nbsp;?</p> <p>Surtout et avant tout c'est un d&eacute;sir. Un d&eacute;sir est une strat&eacute;gie pour acqu&eacute;rir sinon de la joie, au moins du plaisir. Le d&eacute;sir, certes, par son objet est <a href="../rel-bud/rel-bud-desirvolonte-tab.htm#0" >inf&eacute;od&eacute; &agrave; un flux de sympathies</a> qui n'a rien de virtuel, qui est produit par mon «noyau dur» et qui a dit à un moment donné (toujours au présent!): «<em>j'aime</em>», «<em>je n'aime pas</em>» ou «<em>je suis indifférent</em>». Mais ce désir, qui est donc amarré à un moment réel (le passé est une réalité dont la trace continue inévitablement de marquer le présent), n'en reste pas moins arrimé aussi &agrave; du virtuel: le désir est structurellement virtualisé par ses conjectures autour d'un futur qui n'existe pas et n'existera peut-&ecirc;tre jamais. </p> <p>Lorsque j'analyse plus encore mon désir, je me rends compte que «je» le construis non seulement avec des productions de mon noyau dur &agrave; un moment pr&eacute;cis et un fantasme d'avenir, mais aussi avec des matériaux issus de ma culture, de ma religion, de mon intelligence, etc. Le «je» remodèle le désir premier suscité par la rencontre entre le cosmos et mon noyau dur en touchant à diverses variables dont certaines sont sous mon contrôle. Que ce désir final soit plus performant ou non pour acquérir de la joie est une tout autre question que je n'aborde pas ici; ce qui m'importe c'est de remarquer que <strong>mon désir peut se retravailler sans que le coeur de ma singularité ne soit nécessairement mis en péril</strong>. </p> <p>&laquo;<em>L'image de ce que je d&eacute;sire &ecirc;tre</em>&raquo; (un d&eacute;sir parmi d'autres) a donc une certaine plasticit&eacute;. Cette plasticit&eacute; n'est pas &eacute;norme mais j'ai tout int&eacute;r&ecirc;t &agrave; la prendre en consid&eacute;ration! </p> <p>Disons-le autrement&nbsp;: </p> <p>Le &laquo;noyau dur&raquo; du &laquo;je&raquo; secr&egrave;te sans interruption un flux de sympathies et d'antipathies contingentes qui me singularisent. Jusqu'ici, je ne ma&icirc;trise rien; je subis. Tout au plus puis-je, &agrave; mes risques et p&eacute;rils, donner une <a href="rel-spirit-ascese-tab.htm#manipulation" >impulsion sur l'orientation globale de ce flux</a>. L'effet de cette impulsion resterait malgr&eacute; tout al&eacute;atoire, ...et mon identit&eacute; y laisserait n&eacute;cessairement quelques plumes. </p> <p>C'est en aval de ce flux que &laquo;je&raquo; secr&egrave;te et fa&ccedil;onne des d&eacute;sirs (dont &eacute;ventuellement ce d&eacute;sir particulier d'&ecirc;tre diff&eacute;rent de l'image que j'ai de moi-m&ecirc;me). Par la culture, la morale, la volont&eacute;, la religion, la raison, l'alcool, la m&eacute;decine, (...), le &laquo;je&raquo; est <a href="rel-spirit-ascese-tab.htm#travail" >en mesure de r&eacute;ajuster</a> au moins partiellement les d&eacute;sirs qui se cristallisent autour de ses flux de sympathies. </p> <p>In fine, des d&eacute;sirs dont les caract&eacute;ristiques principales sont artificielles peuvent m&ecirc;me devenir des phares de mon identit&eacute; sociale sans que le jet de &laquo;sympathies&raquo; (produit par mon &quot;noyau dur&quot;) qui est &agrave; la racine de ma singularit&eacute; ne soit sacrifi&eacute;. </p> <p>Accepter que le d&eacute;sir &eacute;volue sans accepter que ma singularit&eacute; ne soit ni&eacute;e est par excellence le travail spirituel du chr&eacute;tien et m&ecirc;me une vertu chr&eacute;tienne! </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Le Bouddhisme est moins soucieux de pr&eacute;server cette singularit&eacute; produite par le &quot;noyau dur&quot; (&quot;v&eacute;dana&quot;) qu'il d&eacute;clare plus encha&icirc;nant qu'utile. (En fait, le bouddhisme, pour atteindre son id&eacute;al qui est l'abolition des d&eacute;sirs, ne garde que la volont&eacute; qui, &agrave; l'inverse du d&eacute;sir, est suppos&eacute;e ind&eacute;pendante des sympathies et n'est donc pas &agrave; proprement parler une 'singularit&eacute;'!) </p> </blockquote> <p>Il m'est utile de pouvoir distinguer en moi-m&ecirc;me les d&eacute;sirs de ces sympathies qui les font na&icirc;tre. Cela m'aide &agrave; mieux conscientiser l'essentiel de l'accidentel dans mon identit&eacute;, ...mais, surtout, pour un chr&eacute;tien, ce discernement-l&agrave; me permet de retravailler plus sciemment mes d&eacute;sirs sans mettre en p&eacute;ril le coeur de mon coeur, sans mutiler exessivement ma singularit&eacute;. </p> <p>L'enjeu est de taille puisque mes d&eacute;sirs pilotent mon &laquo;je&raquo; dans le &laquo;non-je&raquo;. S'il est bien men&eacute;s, ce travail spirituel me permettra de gagner quelques miettes d'autonomie: sans devoir trop sacrifier mon identit&eacute; &laquo;je&raquo; deviendrai peut-&ecirc;tre plus susceptible de devenir joyeux malgr&eacute; la souffrance, malgr&eacute; l'agressivit&eacute; des autres, ...malgr&eacute; la force du &laquo;non-je&raquo;. </p> <blockquote> <p class="petitpetit">Sur le th&egrave;me de la plasticit&eacute; des d&eacute;sirs, voir les articles d&eacute;di&eacute;s dans ce site&nbsp;: &laquo;<a href="../rel-theo/rel-theo-virtuel-tab.htm#0" >Christianisme et jeux &eacute;lectroniques</a>&raquo;, &laquo;<a href="../rel-bud/rel-bud-desirvolonte-tab.htm#0" >Sympathie, d&eacute;sir et volont&eacute;</a>&raquo;, &laquo;<a href="rel-spirit-ascese-tab.htm#0" >l'asc&egrave;se</a>&raquo;, &laquo;<a href="../rel-bud/rel-bud-vipa-sympathie-tab.htm#0" >Le 'Vedana' dans la m&eacute;ditation Bouddhiste</a>&raquo;,etc. </p> </blockquote> <p><a name="imagequilsont"></a> </p> <p class="rougemaigre"> -4- L'image que les autres ont de moi. </p> <p>Le cosmos semble me conna&icirc;tre. Il s'adapte et s'installe autour d'une image qu'il se fait de mon &laquo;je&raquo;. &Agrave; premi&egrave;re vue, cette image-l&agrave; de mon &laquo;je&raquo; n'est pas une de mes composantes; m&ecirc;me si manifestement le &laquo;je&raquo; contribue parfois &agrave; transformer cette image, au moins en droit, cette image semble int&eacute;gralement &ecirc;tre la &laquo;chose&raquo; du non-moi. </p> <p>Pourtant, &agrave; mieux y regarder, cette premi&egrave;re impression se r&eacute;v&egrave;le fausse. Entre le para&icirc;tre et l'&ecirc;tre, il y a des relations symboliques d'une complexit&eacute; abyssale et il ne faudrait pas se laisser abuser par des automatismes langagiers. Aussi paradoxal que cela puisse para&icirc;tre, l'image du &laquo;je&raquo; produite par le &laquo;non-je&raquo;, aussi peu fid&egrave;le qu'elle puisse &ecirc;tre &agrave; ce qu'elle est sens&eacute;e repr&eacute;senter, est aussi une part inh&eacute;rente du &laquo;je&raquo; et elle contribue aussi &agrave; caract&eacute;riser la singularit&eacute; du coeur de mon coeur.</p> <p>Historiquement, l'image que les autres se faisaient de moi n'a d'abord &eacute;t&eacute; pour moi qu'un moule dans lequel je modelais mes premi&egrave;res &eacute;lucidations. J'&eacute;tais un b&eacute;b&eacute;.</p> <p>Petit enfant, il m'arrivait d&eacute;j&agrave; de percevoir de temps en temps une diff&eacute;rence entre cette image et ce que je croyais &ecirc;tre. Je vivais alors cette 'erreur' du monde exactement comme n'importe qui vit un corps &eacute;tranger plant&eacute; dans son corps. Cet objet &eacute;trange pouvait <a href="../rel-bud/rel-bud-nirvana-tab.htm#0" >me faire mal comme une &eacute;charde</a> et j'essayais alors, autant que possible, de le retirer de moi ou, &agrave; tout le moins, j'&eacute;vitais les mouvements qui aggravaient ma douleur. Dans ces efforts d'&eacute;vitement, mon &laquo;je&raquo; a peut-&ecirc;tre sacrifi&eacute; quelques-unes de ses sp&eacute;cificit&eacute;s, mais, globalement, les enjeux engag&eacute;s ne permettaient pas encore de mettre s&eacute;rieusement en p&eacute;ril l'identit&eacute; d'un &laquo;je&raquo; qui devait surtout faire un d&eacute;coupage et un &eacute;tat des lieux dans les <a href="../rel-bud/rel-bud-symbole%20et%20langage-tab.htm#0" >symboles et les mots</a> avant de pouvoir se dire &agrave; lui-m&ecirc;me. </p> <p>Dans mon coeur, ce 'para&icirc;tre' qui prenait des libert&eacute;s par rapport &agrave; mon '&ecirc;tre', devenait de plus en plus clairement un ennemi potentiel. J'essayais donc souvent de r&eacute;duire la diff&eacute;rence entre l'id&eacute;e que j'avais du &laquo;je&raquo; et l'id&eacute;e que les autres en avaient. J'&eacute;tais d'autant plus z&eacute;l&eacute; &agrave; la t&acirc;che que je comprenais de mieux en mieux que pour me penser, en dehors de cette image, le &laquo;non-je&raquo; n'aurait de toute &eacute;ternit&eacute; &agrave; sa disposition que quelques formules objectives (scientifiques) sans v&eacute;ritable importance au regard des enjeux mis sur la table! Au d&eacute;but, pas encore assez imaginatif que pour songer &agrave; tricher, l'enfant que j'&eacute;tais estimait donc que seule 'sa' v&eacute;rit&eacute; &eacute;tait susceptible de plaider sa cause dans ses conqu&ecirc;tes de joies. Mais tr&egrave;s vite les choses ont chang&eacute;&nbsp;lorsque l'enfant s'est rendu compte que des masques existaient aussi qui offraient d'insolents avantages. </p> <p>En vieillissant, de nouvelles &eacute;chardes venaient s'ajouter aux anciennes et l'ensemble de ces incrustations commen&ccedil;ait &agrave; constituer une v&eacute;ritable carapace. Ma peau devenait comme une coquille&nbsp;de plus en plus &eacute;paisse dans laquelle j'en arrivais finalement &agrave; manquer de place. Parfois, au travers de ma coquille, le piquant d'une &eacute;charde plus longue que les autres arrivait encore &agrave; torturer ma chair la plus intime et hanter mes r&ecirc;ves, mes nuits. Cette &eacute;charde-l&agrave; devenait alors comme la lame d'un bistouri qu'un chirurgien distrait aurait oubli&eacute; dans mon ventre. Je me r&eacute;fugiais dans un espace encore plus profond et plus petit. Je commen&ccedil;ais &agrave; &eacute;touffer. J'allais &agrave; ma perte. </p> <p>Il me fallait sinon pouvoir retoucher l'image que les autres avaient de moi, au moins transformer son r&ocirc;le dans l'organisation de mon &laquo;je&raquo;. La meilleure strat&eacute;gie (et probablement la seule qui me fut accessible &agrave; cette &eacute;poque de ma vie), c'&eacute;tait d'&eacute;tudier un compromis symbiotique: faire de ces &eacute;chardes un outil par et avec lequel je pourrais &eacute;largir ma sph&egrave;re de vie. J'allais pratiquer un nouveau sport&nbsp;: le <span class="bleumauve" onClick="MM_popupMsg('Vocabulaire: Judo = sport de combat dans lequel le combattant est sensé utiliser la force de l\'adversaire pour le vaincre.')"><a href="../rel-citationsdicos/rel-ref-dicoperso.htm#judo" >judo</a></span> spirituel! Il me fallait r&eacute;ussir un grand oeuvre d'alchimiste: transmuter cette image du moi fabriqu&eacute;e par les autres en l'un de mes propres organes. (En th&eacute;orie, cela revenait &agrave; distinguer deux myst&egrave;res dans mon &laquo;je&raquo;). Il fallait faire de chaque &eacute;charde comme l'os d'un squelette pour offrir une bonne prise &agrave; chacun des muscles de mon intimit&eacute; et gagner de cette mani&egrave;re quelque autonomie sur l'&eacute;tendue. </p> <p>C'est ainsi que les caract&eacute;ristiques myst&eacute;rieuses (apparemment transcendantes) de l'image que les autres se font de moi, par un subtil d&eacute;placement de mes fronti&egrave;res symboliques, sont progressivement entr&eacute;es dans ma vie et sont devenues comme un engrenage contingent mais immanent de mon organisation. </p> <p>D&egrave;s l'adolescence, cette nouvelle dynamique du &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; me permettait de mieux n&eacute;gocier l'image que le monde se faisait de moi. Je savais ma faiblesse dans cet effort de r&eacute;ajustement: c'est toujours le monde qui aurait le dernier mot et il pouvait toujours soit se tromper soit nier l'une ou l'autre de mes singularit&eacute;s. Il y avait l&agrave; de quoi alimenter de s&eacute;rieuses angoisses, mais mes strat&eacute;gies de conqu&ecirc;te de la joie n'en devenaient que d'autant plus subtiles. Si par mon action je ne pourrai jamais 'imposer' au monde de me penser comme je le voulais, au moins pourrais-je mieux l'y 'incliner'? </p> <p>&Agrave; ce stade de ma maturation, la ressemblance entre l'id&eacute;e que j'avais de moi et l'image que le monde se faisait de moi n'&eacute;tait d&eacute;j&agrave; plus n&eacute;cessairement une priorit&eacute; d'ailleurs. Mon but &eacute;tait autre: il me fallait de l'espace, ...de l'espace autant que possible, pour d&eacute;ployer de nouveaux d&eacute;sirs que je sentais na&icirc;tre en moi comme autant de nouvelles sources possibles de joies.</p> <p>Je remarquerai vite que par-del&agrave; son myst&egrave;re, le &laquo;non-je&raquo; est lui aussi inscrit dans un processus de maturation. Il fallait pouvoir consid&eacute;rer que le monde ne fut &eacute;ventuellement pas encore en mesure d'assumer en son ventre une trop grande ressemblance entre l'id&eacute;e qu'il avait de moi et l'id&eacute;e de moi que j'essayais de lui inculquer! </p> <p>Suite &agrave; cette incorporation du myst&egrave;re du monde en moi, l'immaturit&eacute; du monde, lorsqu'elle venait &agrave; se manifester ainsi, devenait un bourreau plus cruel qu'un simple diktat transcendant. J'en arrivais &agrave; me ha&iuml;r! </p> <p>Pour apaiser ces guerres civiles, il me fallait jouer sur deux plans avec intelligence et&nbsp;circonspection: <a href="rel-spirit-ascese-tab.htm#0" >travailler mon d&eacute;sir</a> d'un c&ocirc;t&eacute; (pour garder la possibilit&eacute; d'en satisfaire et d'&eacute;prouver ainsi de la joie) et travailler la maturit&eacute; du monde de l'autre (pour qu'il puisse un jour assumer des d&eacute;sirs produits par des cract&eacute;ristiques de mon &quot;je&quot; jusqu'ici inexploit&eacute;es). </p> <p>En fait, travailler la maturit&eacute; du monde, c'est tout simplement le complexifier culturellement, &eacute;toffer les division symboliques &agrave; partir desquelles il &eacute;labore ses cultures pour &eacute;largir la combinatoire des relations symboliques possibles. Le but c'est que le &laquo;je&raquo; sois capable d'exister dans des contextes plus divers, plus subtils. Pas seulement rendre le monde capable d'assumer mon d&eacute;sir, capable de m'aider &agrave; recouvrer la sant&eacute; en cas de rencontre avec tel virus ou telle bact&eacute;rie, d'allumer une lampe pendant la nuit, (...), mais aussi capable d'assumer ma joie si j'en arrivais &agrave; donner suite &agrave; des d&eacute;sirs au service de mes sp&eacute;cificit&eacute;s plus subtiles, plus compliqu&eacute;es. </p> <p>L'art de vivre? Rien de moins que l'art de collecter de la joie en transformant mes d&eacute;sirs et le cosmos sans que mes flux de sympathies de mon &quot;noyau dur&quot; ne soient enterr&eacute;s dans l'inconscient, d&eacute;ni&eacute;, ou purement et simplement taris (ce qui est un peu le synonyme de la mort dans notre christianisme qui a su imposer le concept de 'personne' contre celui 'd'individu'!). </p> <p>Tout le mal, toute la souffrance sur la terre na&icirc;t de ces tensions entre des images et des maturations inachev&eacute;es. Une &eacute;charde peut devenir une b&eacute;quille, un cache-mis&egrave;re, une tumeur, ...une coquille, une carapace, un squelette. J'oscille entre l'autonomie du mollusque l'autonomie de l'&eacute;crevisse, l'autonomie du f&eacute;lin... et l'autonomie plus typiquement humaine qui par des jeux de feedback complexifient le monde et l'autorise ainsi &agrave; tirer de meilleurs profits de la mise en relation de ses parties. </p> <p>J'ai besoin d'&eacute;nergie pour ex&eacute;cuter tout ces mouvements et accommodations. L'&eacute;nergie? Mais oui! C'est la joie justement! Il y a comme un cercle vicieux: c'est la joie qui me permet de complexifier le monde et la complexification du monde qui augmente ma joie. </p> <p>J'ai le culot de croire que je ne suis pas seul &agrave; vivre consciemment avec deux myst&egrave;res dans mon coeur. Nous ne sommes pas seuls, mais nous sommes tous singuliers quand m&ecirc;me! Lorsque les singularit&eacute;s ne sont pas ni&eacute;es ou entrav&eacute;es, les combinatoires de leurs relations sont d'une telle vastitude que la complexification du monde n'a pratiquement plus de limite. Viendra le jour d'Isa&iuml;e... </p> <blockquote> <p class="vertmaigre"><em>&laquo;...Le loup habitera avec l'agneau, le l&eacute;opard se couchera pr&egrave;s du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit gar&ccedil;on les conduira. La vache et l'ourse auront m&ecirc;me p&acirc;ture, leurs petits, m&ecirc;me g&icirc;te. Le lion, comme le boeuf mangera du fourrage. Le nourrisson s'amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vip&egrave;re, le jeune enfant &eacute;tendra la main. Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux.&raquo; Isa&iuml;e 11,6-9 </em></p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <div ></div> </div> <p> paul yves wery - Bruxelles - F&eacute;vrier 2007</p> <p class="petitpetit">Version 1.02 - Chiangmay Janvier 2008</p> <p class="petitpetit">Version 2.01 - Chiangmai - Decembre 2009</p> <p class="petitpetit">Version 3.01 - Chiangmai - Juin 2010 </p> <p class="petitpetit">Version 3.02 - Chiangmai -Mars 2011 </p>