L'Expérience spirituelle - Deuxième partie -
Il y a ces Expériences spirituelles extrêmes, qui bouleversent des vies, qui courtisent les frontières de la psychose: ces «crises» qui sont comme des crises de nerfs et qui font pleurer de joie. Je devais commencer par évoquer celles-là parce que certaines d'entres elles ont profondément marqué voire bouleversé nos cultures (Cf. Paul de Tarse, Thérèse d'Avila et autres Blaise Pascal). Il ne faudrait pas pour autant négliger la spiritualité en 'mode mineur', celle qui alimente des millions de croyants et dont la production de plaisirs n'est certes pas suffisante pour vivre heureux mais suffisante pour survivre sans vouloir se suicider. Ici aussi, pour éviter de me perdre dans des abstractions, je dois partir du concret, identifier des faits précis, pour pouvoir y repérer des traits caractéristiques et faire la distinction nette entre ce qui relève du spirituel et le reste.
La joie est commune à tous ces instants de grâce qui émaillent nos vies sans les transformer. Le silence aussi, qui parle à sa manière, même s'il y a le vent entre les dunes de sables, le bruit des autres dans l'église pas tout à fait vide, la TV allumée chez le voisin... L'absence de désir, la paix, le silence ...et cette 'poix' de Dieu partout, jusqu'au coeur de mes neurones et sans laquelle ce bonheur passager ne serait pas un bonheur spirituel mais un simple repos de guerrier. «Dieu»... «Jésus-Christ»... Pour d'autres «la Vierge» peut-être, mais en tout cas quelque chose d'immensément religieux! Difficile d'expliquer cette 'glu' qui colle vraiment à tout dans ces moments-là. Ineffable... Mais par contre sans ambiguïté et très perceptible... Dieu presque palpable... Dieu se dit dans cette Joie.
De cette énumération de quelques faits tout simples et probablement banaux, je crois pouvoir alimenter une intuition qui me hante depuis toujours malgré son extrême pauvreté argumentative: si je veux bien ne pas trop demander, je peux recevoir, mais en agissant! Me lever le matin très tôt et dire simplement pour commencer tout: «Seigneur, ouvre mes lèvres...» , c'est à ma portée. Arrêter le moteur et écouter le silence, c'est à ma portée. Entrer et m'asseoir dans une église, c'est aussi à ma portée. Ça ne donne pas toujours des fruits mais ça en donne souvent. Peut-être même de plus en plus souvent si je répète ces attitudes? Contempler un beau corps endormi à mon flanc après le plaisir sexuel, c'est malgré tout un peu plus compliqué parce qu'il y a une troisième personne. C'est comme lorsque je suis en présence d'un prisonnier ou d'un malade en qui Jésus, dit-on, se niche. Dans ces situations qui rassemblent plus de monde, j'observe souvent en moi un peu trop de désirs, d'interpellations, de compassion, de devoirs pour que le bilan spirituel soit in fine très intéressant - quoique puisse en penser les théologiens. En d'autres mots, lorsqu'il y a trois personnes dans la partie, je constate souvent, hélas!, que je suis déjà descendu au-dessous de l'altitude requises par ma nature pour éprouver de la joie spirituelle. (C'est dommage car que serait sinon mon zèle pour être plus aimable!) Et l'art alors, que je disais être susceptible de privilégier l'expérience spirituelle en 'mode majeur'? L'art est autant dans le «regard» que dans le «regardé». L'échappée dans l'oeuvre d'art favorise certainement une qualité du «regard» qui déborde largement le «regardé» et privilégie l'accès à la profondeur des mystères spirituels.
Si je veux déconstruire la spiritualité en 'mode mineur' je dois aussi m'attarder plus sur ce que la méditation a à offrir. (En Orient, la méditation est en première ligne dans le travail spirituel!) La méditation dont je parle ici est un effort de lucidité pour distinguer le méditant de ce qui par lui n'est qu'accidentel ou n'appartient qu'à son milieu. En fait ce travail qui est un travail de lucidité est par nature, un moyen de «libérer» la composante purement spirituelle des autres composants de ma vie. Aujourd'hui, je ne pense plus que la pratique de a méditation puisse par elle-même produire la joie spirituelle. Je pense plutôt qu'elle dispose à ne plus bloquer cette production dont l'initiative émane d'un mystère (qui donc, contrairement à ce que serait une énigme, ne sera jamais sous ma totale maîtrise). Partez vous-même, en payant même de quelques efforts s'il le faut, dans cette sphère spirituelle qui vous attend toujours. Vous risquez d'y faire parfois de bonnes rencontres...
paul yves wery - Belgium - February 2007 Version 1.02 - Chiangmai - Février 2009 Version 1.03 - Chiangmai - Mars 2011
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