Collection des sermons, chapitres et autres exposés du père Hubert (prononcés pour ses moines en 1997)
Retour au menu des sermons de 1997 Chapitre du jour de l’an. 01.01.97
- Mes frères, Nous venons de l’entendre, nous sommes invités à écouter, à incliner
doucement l’oreille de notre coeur afin de percevoir le
murmure de l’Esprit Saint, de saisir et de comprendre ce
qu’il veut nous dire aujourd’hui tout spécialement
quand nous entrons dans une année nouvelle, une année
qui sera une année de grâce pour chacun d’entre
nous et pour le corps que nous constituons. Nous laisserons donc le Christ ressuscité affiner notre
foi et nous ouvrirons tout grand notre coeur pour accueillir
les cadeaux qu’il nous a préparé. Et quels
sont ces cadeaux? Ce sont des cadeaux qui viennent des profondeurs
de la divinité car c’est là que se trouve
le Christ ressuscité des morts. C’est cela qu’il
est! Il est Dieu tout en étant homme, nous venons encore
de le chanter à l’instant dans l’antienne
du Bénédictus. Un autre cadeau sera une confiance accrue dans notre vocation.
Nous ne sommes pas ici simplement pour nous mettre à l’abri
des difficultés du monde et pour sauver notre âme,
comme on disait autrefois. Nous sommes venus ici pour être
en première ligne d’un combat, du combat contre
l’égoïsme, contre les convoitises, contre l’orgueil,
contre tout ce qui peut dénaturer la nature de l’homme. Un autre cadeau sera le regard plus pur que nous porterons les uns sur les autres, un regard de bienveillance, un regard de charité, un regard d’accueil, un regard de respect, un regard d’admiration. Oui, nous devons nous admirer les uns les autres parce que chacun d’entre nous tel qu’il est, derrière l’enveloppe charnelle qui se présente à nous, chacun d’entre nous est un trésor parce qu’il est un sanctuaire, un temple dans le coeur duquel vit la Sainte Trinité. Voilà, mes frères, ce que cette année,
cette année sainte va nous apporter si nous nous ouvrons à la
grâce qui nous est offerte. Le Christ est la manifestation
incarnée de l’amour qui est Dieu et il s’offre à nous
sans s’imposer. Si nous acceptons, nous le comblerons de
joie, lui, et lui nous enrichira de tout ce qu’il est. Nous allons donc nous préparer de notre mieux à ce
fameux Jubilé. Et déjà, nous avons posé deux
actes que je rappelle: le 8 décembre, nous nous sommes
consacrés au Coeur Immaculé de Marie. Car il n’est
pas possible de célébrer l’anniversaire de
l’Incarnation de Dieu sans en même temps acclamé Marie,
la mère qui l’a accueilli, qui l’a formé,
qui a fait de lui un homme. Dans ce mémorial de l’Incarnation,
je le rappelle, Marie occupe une place centrale. Nous devons
donc la fêter elle aussi. Eh bien, qu’allons-nous faire de concret au plan de notre
communauté? Je propose diverses démarches qui éveilleront
notre esprit, qui le rendront attentif: Maintenant le dimanche de la récollection, en principe le premier dimanche du mois, au cours du salut le soir, on lirait à l’ambon la prière que le Pape a composé pour l’année 1997. Mais comme nous sommes aujourd’hui le premier janvier et que nous ouvrons cette année, nous lirons cette prière ce soir au salut pour la première fois. Nous ne la lirons pas le jour de l’Epiphanie (récollection ) mais les autres mois, ce sera le jour de la récollection. Ce sera ainsi une belle façon de clôturer ce jour de récollection. Maintenant, comme le Pape le rappelle, en relation avec l’Incarnation
du Verbe de Dieu se trouve le sacrement du Baptême. C’est
ce sacrement qui nous greffe sur la personne du Christ ressuscité.
C’est grâce à lui que nous devenons membres
de son corps. Et ce sacrement du Baptême est affermi par
la collation, le don de l’Esprit Saint dans le sacrement
que nous appelons la confirmation. Et enfin, comme le Pape aussi nous le demande, nous réfléchirons ensemble sur la foi, sur la vertu de foi, sur sa nature et sur son exercice. Et çà, je pourrais le faire comme ça au cours du Chapitre, à l’occasion. Je pourrais peut-être commencer le jour de notre récollection dimanche prochain. Mais qu’est-ce que la foi au juste? Et comment alors vivre cette foi? Ainsi, mes frères, nous serons exactement dans la ligne de ce que le Saint Père nous demande et de ce qu’il attend de nous. Nous l’avons vu, le Saint Père, ces derniers soirs. Nous l’avons encore vu hier soir de tout tout près. Et nous avons remarqué que lorsqu’il s’agissait de rappeler la présence du Christ dans l’Histoire, et puis les droits des hommes qui sont tous ses enfants, droits qui sont trop souvent bafoués, alors il retrouve toute son énergie. Il devient vraiment un autre homme, il rajeunit si je puis dire. Donc voilà, mes frères, nous devons nous aussi
profiter de cette année pour rajeunir, c’est à dire
pour mieux savoir qui nous sommes et pourquoi nous sommes dans
le monastère. Ainsi l’année 97, elle sera
fructueuse pour chacun d’entre nous et pour la communauté.
Et c’est le souhait que je forme de tout mon coeur.
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Frères et soeurs, «Il est né d’une femme» vient de nous
préciser l’Apôtre. C’est concis, c’est
clair, net, précis! Inclinons-nous devant ce mystère!
Une femme a façonné à Dieu un corps au départ
de sa propre chair. Elle l’a attendu; elle l’a senti
grandir en elle au long des mois; elle l’a mis au monde;
elle l’a serré sur son coeur. Ses yeux le contemplaient,
l’admiraient, l’adoraient. Et elle savait qui était
cet enfant! Frères et soeurs, cette femme, la douce Marie, (...?archive abimée?...) mais qui était tout dans son coeur. Elle ne pouvait tout comprendre, tant de choses la dépassaient. Mais elle faisait confiance, elle se savait la comblée de Dieu. Elle n’en tirait aucune vanité. Elle était trop proche de ce Dieu pour ne pas se savoir la plus faible de toutes les créatures même si elle était la plus grande. Elle a enfanté dans les moindres prescriptions de la
loi et Jésus fut circonci au huitième jour comme
tous les jeunes garçons en Israël. Il appartenait à son
peuple et il s’incorporait à lui. Jamais il ne renierais
ses attaches juives. Il était d’abord le Messie
d’Israël, le Sauveur si ardemment espéré,
si longuement attendu. Elle est la mère de chacun d’entre nous et elle
attend que nous nous laissions enfanter par elle à notre
véritable destinée qui est, comme je le disais,
de devenir lumière, d’être transparent, d’être
ouverture, d’être le contraire de tout repli sur
soi, de vivre des autres et pour les autres, totalement désapproprié,
parfaitement libre, dégagé de tout même de
la mort physique, déjà entré pleinement
dans la vie du monde à venir. Mes frères, salir ce Corps, salir une seule cellule de ce Corps même en pensée, c’est faire injure à Marie sa Mère. Par contre, rien ne lui fait plus plaisir que lorsque nous admirons ses enfants, lorsque intérieurement nous la félicitons d’être la mère d’un tel, et d’un tel, et d’un tel quel qu’il soit. Car dans le secret, là où pénètre le regard d’un coeur pur, là luit une lumière. C’est le germe qui a été déposé par Marie et qui au jours de l’éternité se déploiera dans toute sa splendeur. Frères et soeurs, voilà ce que Marie attend de
nous, que nous admirions ses enfants. Alors cette année,
si vous le voulez bien, nous serons attentifs à la présence
de Marie dans la chair du monde. Et ainsi, ce sera une façon
très délicate de rendre gloire à Dieu, lui
qui est tellement heureux de sa Mère et qui sera aussi
heureux de nous.
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Mes frères, Suivant de savants exégètes contemporains, le récit des rois mages, le massacre des enfants seraient des midrachim d’inspiration chrétienne nés dans des cercles judaïsants. Ils aideraient à voir dans Jésus le nouveau Moïse, un prophète qui le dépasse, un prophète qui réalise dans sa personne et dans sa vie ce que Moïse avait lui-même vécu de manière initiatique. Un midrach, pour ceux qui ne le savent pas, c’est un récit construit autour d’un personnage qu’on veut comparer à un héros des temps anciens. C’est une recherche théologique réelle destinée à faire sentir la continuité de l’Histoire. Ces midrachim sont nombreux dans l’Ancien Testament. C’est un procédé qui est étranger à notre culture moderne mais qui était courant dans les milieux pieux et fervents du monde israélite. Qu’en est-il exactement pour le récit de cette étoile,
de ces mages qui viennent de l’orient lointain, du massacre
des enfants? Pour nous, pour nous qui avons reçu de Dieu
le privilège d’entrer un petit peu, mais tout de
même bien réellement, dans les secrets de son agir,
de sa personne et de son univers, pour nous, ces récits,
ces événements ont une valeur réelle. L’intelligence de l’homme est une faculté dont
la puissance est pratiquement illimitée. Elle atteint
le cosmos à son point le plus éloigné, un
cosmos qui est en expansion continue, une expansion qui s’accélère à mesure
qu’elle s’éloigne. Eh bien, notre intelligence
atteint ce monde immense et elle l’enferme à l’intérieur
d’elle-même. Donc, l’intelligence de l’homme a une puissance qui nous sidère. Mais c’est notre intelligence à nous. Elle peut tout explorer, tout maîtriser, tout inventer. Cependant, elle a des limites, celles même de l’univers matériel. Elle est comme prisonnière de cette matière dont elle est la conscience. Grâce à elle, l’univers réfléchit sur sa nature, il réfléchit sur lui-même et il oriente d’une certaine manière son évolution, du moins ici sur terre. Mais au-delà de cet univers, l’intelligence n’a
aucun accès. Pour elle, c’est l’inconnu et
c’est l’inconnaissable. Ce n’est pas son domaine.
Son domaine à elle, c’est le naturel et ce n’est
déjà pas mal. Donc, je veux dire ceci, que l’intelligence
de l’homme, elle est enfermée à l’intérieur
de l’univers. La foi est une force, elle est une puissance d’origine
divine qui permet à l’intelligence de franchir tous
les naturellement impossibles, de participer à l’être
de Dieu, de connaître Dieu comme il se connaît, de
pénétrer le projet de Dieu, de l’explorer,
de s’en nourrir, d’y collaborer; elle permet de se
découvrir soi-même, sa vie et sa destinée. Mes frères, la foi surélève l’intellect
au-dessus de lui-même et elle lui confère une incomparable
grandeur. Voici donc l’homme qui par la pointe de son être
est capable de scruter les profondeurs de Dieu. Il est capable
de recevoir Dieu en lui-même, de devenir un temple, un
sanctuaire, un ciel pour Dieu.
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Frères et soeurs, Frère R. nous a quittés à la manière
d’un voyageur arrivé à la gare de destination.
Il nous laisse là tandis qu’il va explorer des paysages
nouveaux. Peut-être sera-t-il pressé de nous voir à notre
tour partager ses découvertes? Peut-être attend-il
que nous venions le rejoindre? A la suite des vénérables anciens qui l’ont
précédé sur les chemins de l’éternité,
frère R. avait gardé quelque chose de la ferveur
de son noviciat. Jusqu’au dernier jour, jusqu’au
jour de son envol, il a suivi avec attention les Chapitres de
son Abbé, et jamais il ne manquait une conférence. La veille de son décès encore, samedi dernier,
il m’a dit combien les frères avaient été gentils
pendant mon absence. C’est son expression: gentils. Chacun,
disait-il, avait fait son travail calmement à la place
où Dieu l’avait appelé. Et lorsqu’il
venait me parler, même lorsqu’il me rencontrait dans
le cloître ou ailleurs, il ne me quittait jamais sans me
remercier pour tout ce que je faisais pour lui et pour chacun
des frères. Mes frères, le corps que nous formons, la petite Eglise que nous sommes, la grande Eglise à l’intérieur de laquelle nous sommes des cellules vivantes n’est-elle pas un paradis où se rencontrent une foule de tempéraments non seulement divers mais unis. Et c’est cette unicité que Dieu aime, que Dieu admire, que Dieu ne cesse d’embellir jusqu’au jour où il peut venir nous cueillir et nous repiquer – alors parfaitement cette fois – à l’intérieur de son être qui est amour et beauté. Et ce que je pressentais à propos de frère R. est arrivé brusquement au jour et à l’heure où personne ne pouvait le prévoir. Ce n’est pas sans raison que Saint Benoît nous recommande de nous préparer chaque jour à accueillir la mort. La mort est tout ensemble un point d’aboutissement et un commencement nouveau. Elle est une porte qui s’ouvre sur d’indicibles beautés. Il y avait chez frère R. une curiosité très
vive. Il était avide de savoir ce qu’il allait découvrir
derrière le voile de la mort. Il s’en réjouissait.
Il allait rencontrer les saints qu’il priait chaque jour
avec tant de ferveur. Il allait pouvoir leur parler, il allait
pouvoir enfin les connaître. Il serait en leur compagnie,
dans leur communion pour toujours. Et puis il y avait le Christ
ressuscité, il y avait la Vierge Marie. Alors oui, l’amour fraternel va jusque là, il
ne recule jamais. Ayons donc confiance en Dieu, confiance en
notre frère, confiance en nous-mêmes, en notre vocation
d’homme, de chrétien, de moine. Dieu nous a appelés.
Efforçons-nous d’être vrais, efforçons-nous
d’être purs de manière à ce que à travers
notre corps mortel transparaisse déjà quelque chose
d’une présence, qu’apparaisse déjà la
beauté d’un visage, celle de notre Christ ressuscité d’entre
les morts. Amen.
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Mes frères, Il serait incongru de parler de ma petite personne quand nous avons entendu ce matin la plus belle page de l’Evangile et sans doute de la Bible entière. Il est donc tout normal que je vous dise en quelques mots les échos que ce récit a éveillés en moi cette année. Mais je veux tout de même vous remercier de votre patience et de votre indulgence qui, je l’espère et j’en suis certain, va se poursuivre? Nous remarquons que Marie de Béthanie demeure silencieuse
sous les sarcasmes de Judas. Elle se tait comme Jésus
se taira lui-même plus tard devant ses juges. Elle poursuit
son geste de folle beauté et elle l’achève;
elle l’accomplit sans peur jusqu’au bout. Elle est
dérangeante car elle ouvre des horizons nouveaux. Mais l’éternité est déjà présente
aujourd’hui parmi nous qui mystiquement assistons à cette
fête extraordinaire de Marie qui verse sur les pieds de
Jésus un parfum hors prix et qui les essuie avec ses cheveux.
Elle a posé là un geste prophétique au retentissement
immense. C’est comme si soudain le ciel était présent
sur la terre. Et Marie le fait savoir dans un non-dit sublime. Elle est à la
tête de ces femmes et de ces hommes qui au cours des siècles
vont tout sacrifier par amour du Christ, par amour de Dieu et
par amour des hommes. Au moment où Marie verse le parfum
et l’essuie de ses cheveux, elle a attiré mystiquement à l’intérieur
de son coeur l’humanité entière. Nous devons
aller jusque là! Et par son silence, Marie nous dit que nous devons nous taire, nous, quand nous sommes objet de critiques, de paroles blessantes, ou d’accusations fausses, ou de soupçons déplacés. Nous devons nous taire, nous n’avons pas à nous défendre ou à nous disculper. Dieu entend, Dieu sait et Dieu juge. Ce n’est pas à nous de nous justifier. C’est lui qui nous prend en charge. Nous lui appartenons, nous lui avons donné notre confiance, nous lui avons remis notre vie. C’est donc lui qui au temps voulu et de la façon la meilleure apportera la réponse. Pour le Christ, la réponse fut la résurrection et la collation du nom qui est au-dessus de tout nom. Il est vrai que pour nous, il est pratiquement rare que nous soyons l’objet d’accusation comme ça fausses, de paroles déplacées, mais cela peut arriver! Mais encore une fois, n’essayons pas de nous défendre. Faisons comme Marie qui n’a rien dit devant les accusations et les propos déplacés de Judas; faisons comme Jésus qui n’a rien dit. Nous avons remis notre vie entière à Dieu. Eh bien, soyons logiques jusqu’au bout! C’est à Lui de prendre notre défense. Saint Benoît dira – avait-il à l’arrière
plan de sa pensée cette scène de l’onction
de Béthanie? C’est possible! – il dira: tacita
conscientia, 7(95).
Quoi qu’il arrive, il faut se taire mais jusqu’à l’intérieur
de sa conscientia. C’est à dire un silence qui n’est
pas seulement un silence des lèvres, mais qui est aussi
le silence des passions. Il peut y avoir un bouillonnement à l’intérieur
de nous, mais il faut le laisser s’apaiser, il faut que
le silence s’empare de tout notre être. Dans ces minutes de l’onction, Jésus et marie étaient
seul. Ils étaient étrangers, c’était
dans un autre univers. Et entre eux se décidait l’avenir
du monde. A l’instant de ce geste, nous sommes au dernier
jour. Il y a là une présence, la présence
de Dieu, la présence du Rédempteur, la présence
du juge, la présence de Celui qui est la tête d’un
Corps, le corps de toute l’humanité. Et nous voyons aussi se réaliser une admirable union
sponsale dans le partage de la mort et dans le don réciproque
de la vie. Jésus le dit: Elle a gardé ce parfum
pour son ensevelissement. Marie entre avec Jésus à l’intérieur
de la mort. Elle sait très bien ce qui va se passer. Et
au même moment, Jésus lui fait don de sa propre
vie. Il y a là une union sponsale. Et remarquons encore une fois: Le parfum emplit la maison.
Et il emplit, au delà de cette maison, il emplit l’univers
entier. Si bien que le péché est évaporé dans
la ferveur de l’amour. Et la bonne odeur du Christ chasse
tous les miasmes délétères. C’est
cela qu’il faut voir dans ce petit trait qui nous est rapporté.
Le parfum emplit toute la maison, tout l’univers, chacun
des hommes. Vous allez dire ou penser que ça ne paraît guère
dans le concret de la vie courante? mais nous n’en savons
rien. Nous ne savons pas ce qui se passe à la racine de
chaque être vivant, là où Dieu travaille.
Là, la bonne odeur du Christ est à l’oeuvre
dans le coeur d’absolument tous les hommes et, il arrive
toujours un instant où cette bonne odeur triomphe de tout.
Cela peut être après la mort! Eh bien, mes frères, nous remarquons encore une fois
que l’amour est vainqueur de toutes les morts. Il les anéantit
et il les annule. Et la vie contemplative condensée à l’intérieur
de son amour a une fécondité sans limite, absolument
sans limite. Et c’est la raison pour laquelle nous devons
nous y donner de tout notre coeur. Alors Marie reçoit du Christ la divine tendresse d’une
communion éternelle. Et tel est l’avenir et déjà le
présent de l’Eglise. Et nous, mes frères,
nous devons le croire, nous devons le vivre pour nous-mêmes,
pour l’Eglise naturellement et pour l’humanité entière.
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Mes frères, Il aura fallu la Pentecôte et l’effusion de l’Esprit
Saint pour que les Apôtres commencent à percer le
sens des événements qu’ils avaient vécus
avant la mort de Jésus. Dieu seul en effet peut introduire
l’homme dans le mystère d’amour et d’agonie
qu’il a connu dans la personne du Christ. Il faut se laisser prendre par la main - cette main de Dieu,
c’est son Esprit – et alors sous cette conduite,
effectuer un passage du dehors vers le dedans, d’une vue
superficielle des choses à une saisie spirituelle. Car il fallait vraiment être audacieux pour accepter –je
vois ici le Verbe de Dieu, la seconde personne de la Trinité– pour
accepter de s’engager dans l’Histoire des hommes
avec l’espérance, l’espérance folle,
tout à fait folle qu’il serait possible de se laisser
reconnaître et de métamorphoser l’homme, et
de lancer l’Histoire dans la bonne direction. Mes frères, les Apôtres eux-mêmes ont dû parcourir
un chemin qui est un chemin de conversion. La chair, c’est à dire
l’intelligence la plus subtile, la plus aiguisée,
cette intelligence laissée à elle-même ne
sert à rien. L’Apôtre Paul en a fait lui-même
l’expérience. Il y a donc là une conversion à opérer
car nos raisonnements les plus subtils sont déjà empêtrés
dans les lacets de la mort. Ce sont des raisonnements humains
et l’humain va vers la décomposition, la corruption
et la mort. Et les raisonnements humains s’en vont aussi
dans le gouffre de la mort. Les premiers moines, les tout premiers, ils le savaient. Ils
l’avaient senti et, c’est pourquoi ils avaient renoncé à tout
savoir humain. Ils s’appuyaient sur cette Parole de l’Ecriture
qu’ils entendaient dans leur langue: J’ai renoncé au
savoir tiré des sciences humaines et c’est la raison
pour laquelle il m’est donné dans tous les mystères
de la vie divine. Le renoncement devait aller jusque là! Judas est la pointe extrême de l’antithèse,
de cette antithèse chair-esprit. Et à l’autre
extrémité, c’est la Vierge Marie. Marie,
ne l’oublions pas, la maternité de Marie était étrangère
au biologique. Marie n’est pas une mère comme une
autre. Marie a accueilli en elle de manière ineffable,
unique; elle a accueilli en elle la personne du Verbe de Dieu
et cela, en s’ouvrant toute entière à l’Esprit, à l’Esprit
Saint qui allait reposer, qui reposait déjà sur
elle. Et de l’autre côté, vous avez Judas, Judas
et la chair. Eh bien Judas, c’est le contraire. Judas,
il lui faut quelque chose en main, il lui faut trente pièces
d’argent. Et s’il avait pu même, eh bien, il
aurait été prendre le parfum de Marie de Béthanie
pour le vendre pour trois cent pièces. Mais il s’est
contenté de trente pièces. Et au lieu d’accueillir
en lui l’Esprit de Dieu et le Christ-Dieu, eh bien, il
a tout vendu et il a tout perdu. Vous avez là vraiment
l’antithèse chair-esprit. Et les autres Apôtres, et nous-mêmes, prenons bien
garde! Nous-mêmes aujourd’hui, nous sommes les cousins
de Judas. Nous sommes les enfants de Marie mais les cousins de
Judas. Prenons bien garde! Soyons sincères: nos réactions,
elles sont toujours bassement charnelles avant d’être
spirituelles, toujours! Ce n’est pas facile, mais enfin, c’est la gymnastique à laquelle
nous nous sommes voués dès l’instant où nous
sommes venus dans le monastère. Car nous sommes appelés à aller
où Jésus va et, nous ne pouvons y aller seul. Là où je
vais, disait Jésus, eh bien, vous ne pourrez pas venir.
Et puis alors Pierre, réaction charnelle, dira: Mais pourquoi,
pourquoi? Où vas-tu? Moi, je suis capable d’y aller!
Et Jésus corrige: Non, même toi tu ne peux pas venir.
Plus tard! J’ai entendu dernièrement cette réflexion, oui, c’était à propos d’un engagement à l’intérieur d’une oeuvre, un groupe qui veut se former pour oeuvrer à l’avènement du Royaume de Dieu. Et la réaction: je ne veux pas me laisser prendre là-dedans car je ne veux pas risquer d’être étouffé! Comme si le fait d’entrer en communion avec le Christ, comme si le fait d’entrer à l’intérieur de son Eglise, grande Eglise ou petite Eglise, pouvait étouffer quelqu’un? C’est exactement l’inverse qui se produit. Des espaces s’ouvrent et on peut librement respirer. Vous voyez, c’est ça le mystère de l’obéissance! Et il ne peut être perçu que par des personnes qui en reçoivent le pouvoir, le pouvoir de l’entendre et le pouvoir de suivre. Nous sommes des voyageurs, nous sommes des migrants et notre vie, c’est Dieu lui-même dans la personne du Christ. La caravane humaine, elle s’étire sur le chemin. La quitter, c’est la mort! C’est un peu ce que le Cardinal nous dit au réfectoire. Il nous l’a dit aujourd’hui avec d’autres termes, mais c’est cela. Il y a un choix, le choix d’une caravane qui, en principe, devrait être l’humanité entière, mais qui pour nous sera la fidélité au Christ, qui sera l’Eglise. Cette caravane, cette communion de personnes, c’est elle qui est la sécurité, c’est elle qui est la vie, c’est elle qui nous donne la liberté. Quitter cette caravane pour aller prendre un chemin à soi, eh bien, c’est se perdre et c’est la mort! Obéir, c’est donc opérer sa Pâque, c’est entrer dans la vérité et comprendre la vie. Au fond, mes frères, tout se ramène à l’amour.
Il faut accepter d’être aimé, et puis accepter
d’aimer soi-même sans retour sur soi. Tout se joue
là. Il est très difficile d’accepter d’être
aimé. Accepter de se laisser aimer, c’est ce qu’il
y a de plus difficile peut-être ici sur terre? Nous ne
nous en rendons pas compte parce que nous n’y réfléchissons
pas. Mes frères, Dieu est amour et le moine, et le chrétien, et tout homme doivent finalement être amour. C’est ça l’essentiel! Dieu dans sa Trinité, et puis le Christ Dieu-homme avec nous, l’Esprit Saint qui fait de nous un seul Corps, l’Esprit Saint qui diffuse l’amour partout et qui nous permet de devenir nous-mêmes amour, c’est cela l’éternité, c’est cela la vie, et c’est cela le ciel! Eh bien, mes frères, prions les uns pour les autres
afin que nous soyons dignes jusqu’au bout et de mieux en
mieux de notre belle et grande vocation.
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Mes frères, Le drame de Judas restera une interrogation, une interpellation
jusqu’à la fin des temps. Ne condamnons pas trop
vite cet homme! Au fond de chacun de nous sommeille un Judas.
Nos relations avec nos frères nous diront s’il se
réveille parfois? Le moine du douzième degré d’humilité est
devenu source intarissable de vie éternelle. Il le sent
et il le sait. Il y a une voix en lui qui lui en donne l’assurance.
Il est un fleuve de générosité. Il est un
sanctuaire où personne n’est jugé, où chacun
est aimé et, ses yeux sont des fontaines de lumière
qui purifient tout et qui ne souillent rien. Tel est le moine
parvenu au sommet de la fameuse échelle! Ce n’est
plus lui qui vit, c’est le Christ qui vit en lui. Mais en quoi consiste le péché qui tient prisonnier
le moine qui est devenu un saint? Nous allons dire que ce sont
de buées, ce sont des poussières. Oui, c’est
vrai! Mais tout au fond, tout au fond du coeur reste le sentiment
lourd, constant de la présence du vieil homme parent de
Judas. Alors le moine se confie éperdument à l’amour
et c’est sa paix et sa force. Encore une fois, n’essayons pas de trop scruter ce mystère.
Peut-être aussi est-il en lien avec le mystère du
Christ qui, en étant de condition divine, s’est
enfoncé au plus bas dans la chair. Il a été reconnu
comme un homme à son comportement et les péchés
de la multitude ont été déposés sur
lui. Donc, Jésus qui est Dieu, et qui est absolument sans
péché, devait certainement avoir conscience d’être
le Péché avec un grand P. Et ça, vraiment,
c’est le mystère des mystères et nous ne
devons pas trop nous y arrêter parce que c’est un
terrain difficile, un terrain mouvant et, nous risquons très
fort de glisser dans l’erreur. Alors, mes frères, remarquons encore une chose à laquelle personne à mon sens n’a jamais pensé. C’est que le premier sauvé de la mort par Jésus, c’est Barabbas. Il s’est produit là un prodigieux échange: la mort de Jésus a sauvé Barabbas de la mort. N’oublions pas que Barabbas se traduit: fils du père. C’était un nom prédestiné: Jésus est le fils de l’homme, il est le fils de Dieu et Barabbas est le fils du père. Il y a là une sorte de complicité entre Jésus et Barabbas. Vraiment, vraiment il est le premier des sauvés! C’est une parole prophétique! La mort de Jésus
a délivré de la mort tous les hommes et Barabbas
est, comme l’était Marie de Béthanie, une
personnalité corporative. Tous les pécheurs, tous
les criminels étaient ramassés dans la personne
de Barabbas. Il n’est rien, mes frères, dans la passion de Jésus qui soit sans signification. Nous essayerons d’y être attentif les jours qui suivront. Prenons garde de ne pas faire de sentimentalisme, de ne pas faire non plus d’intellectualisme, mais laissons l’Esprit de Dieu entrer et murmurer tout bas: Viens vers le Père! La vie monastique est une entreprise démesurée où chaque jour on fait, on reproduit les mêmes gestes. La vie des hommes dans le monde est bien souvent un véritable drame. Mais ne soyons pas ici des hommes qui se protègent des coups que le monde, que le démon peut porter contre nous. Soyons ouverts, soyons ouverts sur le mystère et ne nous laissons pas désarçonner par ce que nous voyons, par ce que nous entendons et par ce que nous souffrons. Voilà, mes frères, nous essayerons d’être attentifs à ce mystère dans les jours qui viennent. Et je pense que nous serons heureux de pouvoir dire, de pouvoir proclamer silencieusement que nous sommes un seul esprit avec le Christ. Même si nous sommes encore pris dans les lacets du péché, dans le fond cela n’a pas d’importance parce que l’amour est plus fort que tout, et l’amour est une personne. Et lorsque nous aimons, nous sommes en communion avec cette personne. Voilà donc, mes frères, essayons de retenir ceci:
que nous avons à aimer, à aimer tous nos frères, à aimer
tous les hommes et à nous laisser porter par l’Esprit
Saint jusqu’à ce que nous soyons devenus vraiment
la présence du Christ sur la terre.
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Frères et soeurs, Vous excuserez ma voix caverneuse, sépulcrale. Elle
est peut-être providentiellement en accord avec cette journée.
Nous sommes entrés dans le grand, l’océanique
impressionnant silence de Dieu. Où donc est Dieu? Dieu
est mort, il est réduit à l’état de
cadavre et l’homme est arrivé à ses fins.
Il a supprimé Dieu et maintenant, il est le maître,
le seul maître de sa destinée. Mes frères, en cet instant, nous sommes encore et toujours
dans l’éternel aujourd’hui de Dieu, cet aujourd’hui
que nous célébrons chaque nuit à l’heure
des Vigiles. Et nous sommes attentifs à une voix, la voix
de cet aujourd’hui. Nous remarquons que nous sommes toujours
en train de bafouiller sur le (…?…), une antinomie
où s’abîme notre esprit. Dieu est inexistant et Dieu est omniprésent. Dieu est
mort et Dieu est la vie du cosmos. Vie et mort sont comme les
deux faces d’une même réalité. Jésus
dans son tombeau est le dévoilement de ce mystère. Oui, Jésus est mort dans son humanité, mais il
est vivant dans sa divinité et, les deux se confondent
au plus intime de son être. Ce mystère se projette
sans fin sur nous et sur le monde.
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Mes frères, A l’occasion des solennités pascales, Dieu distille
dans notre coeur une lumière qui nous vaut le privilège
d’être mystérieusement et activement présent à toutes
les heures de l’Histoire. Nous devons non seulement le
croire, mais nous devons adapter notre vie à ce qui au
regard de la foi est une évidence. La résurrection du Christ a pour effet premier, si nous
la laissons agir sans entraves en nous, de nous arracher au biologique
avec ses pulsions et ses répulsions, avec ses convoitises
et ses peurs, et de nous établir dans notre vérité entière,
dans notre être d’enfant de Dieu pour une vie nouvelle,
pour une vie autre sous la mouvance de l’Esprit. Mes frères, lorsque on dit ces choses, lorsque on les
entend, on peut avoir l’impression que c’est une
théorie extrêmement belle mais qui ne répond à rien,
et qui ne nous concerne pas. Et pourtant, si nous sommes dans
le monastère, si nous avons été appelés
par Dieu à vivre dans cette solitude de S. R., c’est
précisément pour que nous puissions incarner dans
toute notre vie cette réalité de la résurrection
du Christ. Mes frères, efforçons-nous donc de laisser agir
en nous les énergies de la résurrection. Et puis,
n’attendions pas d’avoir vu pour croire. C’est
en croyant et c’est en vivant que nous verrons. Communier à tous
les temps, communier à tous les devenir. C’est la
grâce des enfants de Dieu, c’est la grâce des
fils de la résurrection! Eh bien, mes frères, si nous sommes fils de la résurrection,
il doit en être de même de nous. Mais alors, nous
nous exposons à tous les périls. Car les hommes,
nous-mêmes aussi d’ailleurs par une partie de nous,
les hommes sont méfiants, les hommes ont peur; et puis,
les hommes sont rusés et il s’en trouve qui sont
des profiteurs de tout et de tous. Mes frères, ça ne doit pas nous décourager car ces hommes sont aussi des enfants de la résurrection. Il y a une partie en eux, une partie secrète qu’eux-mêmes ne connaissent pas, à laquelle ils n’ont pas accès, une partie qui est restée naïve, une partie qui est restée innocente parce que là dans le secret se cache l’Esprit Saint, se cache la Trinité qui agit et qui, au jour voulu, au jour que seul la Trinité connaît, au jour voulu fera éclater toutes les résistances, anéantira tous les péchés et fera de chacun de ces hommes, de chacune de ces femmes, aussi un astre de lumière. Mes frères, si nous vivons dans cette foi, donc dans cette espérance, nous comprenons mieux la première des Béatitudes: Bienheureux les pauvres en esprit car le Royaume des cieux est à eux! Alors, mes frères, Pâques, le Temps Pascal aujourd’hui particulièrement en ce dimanche, eh bien, c’est notre fête! C’est notre fête et c’est la fête de l’humanité toute entière, de l’humanité dans sa totalité, de l’humanité récapitulée dans notre personne et dans notre coeur. Alors, laissons-nous submerger, laissons-nous emporter par
cette immense espérance que nous-mêmes nous participons
dès maintenant à la résurrection du Christ,
et avec nous tous les hommes, et que personne, absolument personne
ne soit laissé en dehors.
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Mes frères, Nous venons de l’entendre de la bouche du Seigneur Jésus
ressuscité. Oui, il est ici parmi nous dans la gloire
de son être nouveau, de son être éternel,
de son être de Dieu. Il est homme et il est Dieu et, nous
sommes greffés sur lui. Il est la vigne et nous sommes
les sarments. Dans l’immense jardin de la création de Dieu, chaque chrétien devrait être un arbre, un arbre unique en son genre et donnant un fruit, un fruit toujours nouveau, un fruit de chaque saison, un fruit comme on aimerait regarder pour se réjouir, pour que le regard soit captivé par cette beauté, et un fruit dont on devrait pouvoir se nourrir à satiété, sans aucune crainte, en toute liberté. Voilà le véritable chrétien! Mais quel est donc ce fruit? C’est un fruit de conversion
totale, un fruit de transfiguration, un fruit de résurrection.
Car si le Christ est mort et ressuscité, nous sommes ressuscités
avec lui à condition que nous acceptions dès maintenant
de participer à sa mort. Comment? Mais en donnant notre
vie pour les autres, en leur donnant la première place
dans notre coeur. Or, cette puissance, c’est celle de l’amour, d’un amour humble, doux, patient, compatissant, généreux, désintéressé. Une telle puissance est invisible car rien, pas même la mort, ne peut lui porter atteinte. C’est la puissance de l’amour. Elle est vainqueur de la mort et de toutes les formes de mort, même de cette forme subtile de mort qu’est l’égoïsme, l’égocentrisme, le narcissisme tout ce qui replie l’homme sur lui-même, qui l’emprisonne dans son petit moi et qui l’empêche de vivre. Oui, cette puissance de l’amour a vaincu dans le Christ et aujourd’hui encore, elle vainc en chaque véritable chrétien. Demeurer dans le Christ comme le sarment dans la vigne, se nourrir heure par heure de la volonté du Christ, grandir en charité, porter un fruit de grâce, voilà qui nous ouvre un avenir, voilà qui nous plonge dès maintenant au-delà du voile dans la lumière, dans une joie et une paix indicible. Rappelons-nous qu’avant de quitter ce monde pour retourner à son Père, le Seigneur jésus nous a laissé sa joie et nous a laissé sa paix. Il ne donne pas la paix et la joie avec mesure, non, il la donne sans limite, il ne garde rien pour lui. Il nous introduit dans tout ce qu’il est, dans tout ce qu’il a. Prendre le risque de la confiance en Dieu, prendre le risque d’aimer, c’est ce qui nous est plus particulièrement proposé en ce temps de Pâques. La résurrection du Christ n’est pas une pieuse légende. Elle est un fait qui nous saisit au plus intime et qui nous transplante au plus secret du coeur de Dieu. Nous sommes enfants de Dieu, nous vivons de sa vie, nous sommes déjà par le meilleur de nous-mêmes dans l’éternité. Eh bien, frères et soeurs, que cela transparaisse en
toute notre conduite! C’est là mon souhait pour
chacun de vous, c’est là ma prière, c’est
là mon espérance. Amen.
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Mes frères, Que pouvons-nous retenir de la retraite que nous avons vécue
pendant la semaine dernière? Volontiers je vous proposerais
deux points. Nous avons visité le désert de Scété.
En fait, Scété était un immense monastère
rempli de cellules habitées par des hommes originaux,
des hommes dont la stature spirituelle nous étonne encore
aujourd’hui, des hommes qui sont nos Pères dans
la vie monastique, des initiateurs. Un monastère est peuplé d’hommes appelés
par Dieu, retirés du monde par Dieu, transplantés
du monde dans un terreau nouveau. Ce terreau est un terreau vivifiant,
un terreau riche parce que c’est un terreau d’un
jardin, le jardin même de Dieu. Dans le monastère,
nous ne sommes pas chez nous, je ne le répéterai
jamais assez. Nous sommes chez Dieu. Et nous avons le droit chacun
d’être nous-mêmes. La beauté d’un
jardin est faite de la variété de ses arbres, de
ses plantes, de ses fleurs. La monotonie, l’uniformité serait
mortelle; on prendrait la fuite. Et la deuxième chose que nous pourrions conserver de
cette retraite, c’est que il est indispensable de donner
un sens à notre vie. Et le sens profond de la vie monastique,
nous ne devons jamais le perdre de vue. Mais quel est-il? La
vie monastique est une migration, elle est un passage, elle est
une pâque. Ce n’est pas un transfert d’un lieu
dans un autre, ce n’est pas seulement ce transfert. Il
s’agit d’un transfert spirituel qui se passe à l’intérieur
du coeur. Il ne faut jamais, mais au grand jamais, on n’en a pas
le droit, ce serait quasiment profanateur et criminel, on n’a
pas le droit de mettre Dieu au service des ambitions humaines
quelque soit leur noblesse. Au contraire, il faut que notre être
entier, coeur, intelligence, volonté et même le
corps, existe, vive, réagisse et respire pour Dieu. Voilà, mes frères, le sens de la vie monastique.
Pour le comprendre vraiment, il faut déjà avoir
une certaine maturité spirituelle. Mais je pense que chacun
de nous est déjà depuis un certain temps ici, donc
il a ouvert son coeur à cette intelligence. Mais il faut
que nous entretenions cette vision de notre vocation. Et comme
le disaient beaucoup de Pères, nous devons ainsi nous
faire violence en tout. Cela ne veut pas dire que nous méprisons le monde. Au
contraire, nous devons l’aimer comme Dieu l’a aimé.
Nous ne le méprisons pas, mais nous essayons de le saisir
par l’intérieur pour le faire avancer vers son véritable
destin. Nous sommes nous aussi des cellules du monde, des fragments
du monde. Ce n’est pas parce que nous avons été retirés
du monde que nous n’en faisons plus partie. Le monde a besoin, mes frères, de telles colonnes sur
lesquelles reposer, des colonnes qui lui rappellent sa véritable
destinée qui est, comme je le disais tout à l’heure,
que Dieu soit finalement tout en toutes choses. Eh bien, qu’il
soit tout en chacun de nous et, en chacun de nous alors, le monde
aura déjà trouvé, il aura touché et
reçu son ultime récompense.
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Mes frères, Que d’amoncellements de souffrances dans notre monde d’aujourd’hui! Comment entendre encore et toujours ces cris, ces pleurs, ces gémissements? A quoi bon vivre dans un monde peuplé de cauchemars! Nous n’avons pas le droit d’élever des barrières, des blindages autour de notre monastère; nous n’avons pas le droit de nous boucher les oreilles et d’obstruer notre coeur. Il faut que tout cela d’une manière ou d’une autre parvienne jusqu’à nous et nous interpelle avec vigueur. Voici un exemple d’aujourd’hui: cinquante mille,
quatre-vingt mille, cent mille, des dizaines de milliers de réfugiés
Ruandais se sont mis en route pour traverser le Zaïre d’Est
en Ouest pour essayer de gagner le Congo-Brazaville à travers
la forêt équatoriale. Il en meurt chaque jour des
dizaines et des centaines de faim et d’épuisement.
Ce sont des hommes, des femmes et des enfants. Eh bien voilà, mes frères, on aurait pensé que
c’était fini, à jamais fini toutes ces choses-là.
Mais non, c’est encore comme ça aujourd’hui.
Et la déléguée des Nations-Unies pour les
questions de l’Afrique Centrale vient de révéler à Bruxelles
que l’est du Zaïre était devenu un véritable
abattoir. On massacre les gens ou on les laisse mourir comme ça
sans rien! Et celui qui est devenu le nouveau maître du
Zaïre en est pratiquement responsable. Il n’est pas
digne de diriger un pays. Voyez où nous en sommes! Et cette personne, nous le savons, notre foi nous le dit, c’est la personne du Seigneur Jésus bafoué, torturé, rejeté, crucifié, tué; le Seigneur Jésus qui est l’amour sans défense, qui est la pauvreté, qui est pure offrande et pure attente; le Seigneur Jésus qui est aussi l’éternel invaincu parce que il est le Prince de la vie; et ce Seigneur Jésus qui est plus intime à nous-mêmes que le plus intime de nous et qui attend notre oui pour nous ressusciter avec lui. Eh bien, mes frères, nous devons laisser les sentiments du Seigneur Jésus devenir nôtres. Nous devons évacuer notre jugement, notre vision, notre écoute pour être entièrement à la disposition de ce Sauveur du monde; nous devons lui donner, lui remettre tout ce que nous sommes, lui permettre d’évacuer de nous tout égocentrisme pour que à partir de nous ici dans notre monastère, il puisse mystérieusement mais bien réellement rayonner sur le monde et à travers toutes ces horreurs le conduire malgré tout à une issue. C’est cela, mes frères, le mystère de l’Ascension
qui ne fait qu’un avec le mystère de la Résurrection.
Alors, laissons-nous absorber par ce mystère! Qu’il
ne soit pas pour nous un objet sur lequel travaille notre intellect
ou notre imagination, et qui au fond ne nous touche pas vraiment.
Il est si commode de regarder les choses de l’extérieur,
de pouvoir en discourir, de pouvoir même épater
un public. Mais dans le fond, on n’y croit pas. On n’y
croit pas parce qu’on n’y est pas engagé. Rappelons-nous que Thérèse de Lisieux, qui n’a
jamais quitté son Carmel, qui a passé toute sa
vie à faire des choses de rien du tout, faire le ménage,
composer de petits poèmes, confectionner de petites roses
de papier pour les fêtes, et toutes choses ainsi, eh bien,
elle avait un coeur aux dimensions du cosmos parce qu’il était
devenu pur amour. Je l’ai déjà dit et je le répète:
nous portons dans notre coeur tous les hommes, absolument tous.
Eh bien, si notre coeur devient un sanctuaire de lumière,
tous les hommes en sont éclairés et cela, encore
une fois, dans le concret de notre vie en faisant la cuisine,
en prenants des densités, en fabriquant du pain, en arrangeant
le réfectoire, en nettoyant les couloirs, et tout cela! Mes frères, nous devons aussi apprendre à tout
voir, tout entendre, tout juger en référence à la
Passion, à la Résurrection et à l’Ascension
du Seigneur Jésus. C’est un homme comme nous qui
a vécu toutes ces petites choses de la vie, mais un homme
qui était également Dieu. La souffrance de l’homme, toute souffrance de l’homme, c’est une souffrance de Dieu; l’humiliation de l’homme, c’est l’humiliation de Dieu. Ah, si on pouvait le savoir! Mais au moins que nous, nous le sachions. C’est pour cela que Saint Benoît a voulu fonder une école où l’on serve le Seigneur, une école où il se passera dans les coeurs, dans les regards, et aussi dans le paroles et dans les gestes, des choses qu’on ne verra pas ailleurs et qui seront des reflets de sa présence, et de son Royaume, et de son amour. Nous devons ainsi apprendre à vivre en permanence à l’intérieur de cette vision de foi. Alors, mes frères, nous serons de vrais chrétiens,
nous serons des hommes authentiques et nous serons une lumière
et une réponse pour les autres.
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Mes frères, Nous laisserons de côté l’Abbé et les devoirs que lui impose notre Père Saint Benoît et nous ferons un petit saut en arrière jusqu’à l’exorde de notre Règle. Un détail m’a frappé qui va éveiller votre attention en ce temps de Pâques qui s’achève et qui va bientôt se couronner par le don de l’Esprit Saint, un don permanent, un don toujours nouveau, un don qui doit, à terme, nous rendre semblable à Dieu. Saint Benoît nous dit que nous avons été engagés
pour combattre sous l’étendard du Seigneur Christ
notre véritable Roi, Pr.9. Une évidence s’impose
donc: Jésus est Roi. Il est le Roi d’Israël,
il est le Roi de l’univers, il est tout simplement le Roi,
le Roi par excellence. Il l’est du fait de sa nature humano-divine;
il l’est davantage encore par sa résurrection, par
tout ce qui lui a été remis par son Père.
Tout pouvoir m’a été donné, a-t-il
dit, au ciel et sur la terre. Au moment d’entrer dans sa passion, il a fait son apparition dans sa ville à lui, Jérusalem. Il est venu, non pas en grand équipage, mais monté sur un âne. Et la foule dans son instinct infaillible ne s’y est pas trompée: elle l’a acclamé pour son Roi, elle a jubilé, elle a crié sa foi. Les gens bien-pensants auraient voulu les faire taire; mais s’ils avaient gardé le silence, les pierres elles-mêmes se seraient mises à crier. Nous nous rappelons aussi que quelques jours plus tard, Jésus Dieu, Jésus le Roi a manifesté sa Royauté en s’agenouillant aux pieds de ses disciples. C’est là que nous devons le contempler et l’admirer: chevauchant sur un âne et à genoux aux pieds de ses disciples, aux pieds de chacun d’entre nous, offrant tout ce qu’il est et attendant avec patience, avec confiance notre accord. Nous savons que pour l’accepter dans notre vie, nous devons lui faire place, nous devons nous vider de notre moi, notre moi égocentrique, notre moi peuplé de convoitises, notre moi hanté de peurs. Et nous devons prendre le risque d’aimer, de l’aimer lui d’abord et puis, dès qu’il a pris possession de nous, d’aimer nos frères, d’aimer tous les hommes jusqu’à la folie, jusqu’à la déraison. Et cela peut se manifester de façon très concrète. Jésus est le véritable Roi parce qu’il
est Amour. Et ici, nous touchons le mystère le plus secret
et le plus beau de Dieu et, ce mystère nous dépasse à l’infini.
Il nous dépasse et en même temps il est là et
il veut que nous le comprenions, ce mystère. Et nous ne
pouvons le comprendre, ce mystère d’amour, nous
ne pouvons le comprendre que si nous devenons nous-mêmes
un mystère, que si nous devenons nous-mêmes amour. Et si Jésus est Roi, s’il est notre Roi, c’est
pour nous introduire dans les espaces merveilleux de l’amour
qu’il est. Alors, mes frères, pourquoi hésiter?
Pourquoi résister? Eh bien, c’est parce que nous
avons peur d’être livrés à tout ce
que lui-même a dû endurer. Nous avons peur d’être
dévorés, d’être moqués, d’être
conduits à la mort. Voilà, mes frères, restons ce matin sur cette
note de beauté que Jésus est Roi, Jésus
est Dieu, Jésus est amour et nous croyons en lui. Durant
cette octave préparatoire à la fête de la
Pentecôte, lorsque aux Vêpres nous chantons le Veni
Creator Spiritus, à ce moment-là, ouvrons largement
notre coeur! Essayons de ne pas être distraits, mais offrons-nous à cet
amour qui doit faire de nous pour le monde des flammes d’espérance!
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Mes frères, En écoutant la lecture de notre Règle, mon attention a été accrochée par une phrase de Saint Benoît. Et si vous le voulez, je vais vous partager en toute simplicité ce que j’ai ressenti. Il était question de l’Abbé, comme aujourd’hui encore, ou l’Abbé ne doit pas faire acception des personnes dans le monastère, 2,44, etc. Mais pour Saint Benoît, l’Abbé est un visage,
un visage qui condense toutes les beautés que Saint Benoît
a contemplé dans les Abba du désert, ces grands
hommes, ces grands Maîtres spirituels, tous issus de notre
Père Saint Antoine, l’ancêtre commun. Et ça
vraiment, c’est l’Abbé, ce sont les Abbés! Car l’Abbé pour Saint Benoît, comme pour
les premiers Abbés, doit être le réceptacle
de la sagesse, de cette sagesse qui est une expérience,
une tradition qui s’est petit à petit sédimentée
dans les coeurs, et puis qui a affleuré, et puis qui doit être
partagée. Elle ne peut pas être retenue jalousement. Et les premiers moines s’appelaient les vrais philosophes. Ils recherchaient cette sagesse. Il faut dire qu’ils l’ont trouvée. C’était la Sagesse incarnée alors qui est le Verbe de Dieu et qui s’est mise à notre disposition pour nous communiquer ce qu’il a de plus riche, ce qu’il a de plus beau, sa nature divine. A ce moment-là, on est devenu un véritable spirituel, un véritable homme de Dieu. Eh bien, voici la petite phrase de notre Père Saint
Benoît. Il s’agit donc de l’Abbé. Il
dit que l’Abbé par ses instructions doit répandre
dans les âmes de ses disciples comme un levain de la divine
justice, 2,12. C’est cela! Donc ici, c’est le mens, c’est le coeur, c’est
cet organe qui permet au moine d’entrer en relation consciente
avec Dieu. Donc c’est là qu’il va ensemencer
le fermentum, 2,11, le levain, le ferment de la divine justice. Il existe donc des levains qui sont pervers, des levains qui feront tourner la pâte, des levains qui empoisonnent le coeur et qui, par le poison qu’ils distillent, le feront mourir, des levains qui conduisent à la perdition. Il y a le levain des pharisiens et le levain d’Hérode. Ce sont deux levains antagonistes, mais ils sont aussi mauvais l’un que l’autre. Oui, c’est ça! Et alors, lequel choisir, ils sont tous les deux mauvais? Et Saint Benoît dira: il y a le levain de la divine justice. Mais voyons un peu le levain des pharisiens, ce que ça
peut bien être? Eh bien, les pharisiens étaient
vraiment les «saints» de l’époque (entre
guillemets naturellement), des hommes irréprochables.
On ne trouve aucun défauts en eux. Leur vie est en conformité parfaite
avec la Parole de Dieu, avec la Loi de Moïse, avec toutes
les prescriptions de la Loi et aussi de la Tradition orale. Ce
sont des hommes qui peuvent se montrer partout, on n’a
rien à leur reprocher. Et puis, il y a le levain d’Hérode. C’était
l’Hérode qui avait fait condamner Jésus.
Ce n’était pas le vieil Hérode, lui aussi
naturellement, mais le jeune ne valait pas mieux que son père.
Il était pire encore peut-être? Mais ce levain-là fait illusion et rapetisse l’homme et, finalement, il le rend abject. Le levain d’Hérode est exactement le contraire du levain des pharisiens. Ils sont aussi dangereux l’un que l’autre. Mais à choisir entre les deux, je préférerais encore – je ne sais pas – je préférerais encore le levain des pharisiens parce que là, il y aurait encore une possibilité, disons à la suite d’un choc, une possibilité de conversion. Tandis que le levain de la magouille politique, et financière, et charnelle, et aussi les intrigues et les corruptions, là je pense que quand on est dedans, il n’est plus possible d’en sortir. Voilà, mes frères, les deux levains. Ces deux
levains mortels, l’Abbé doit les rejeter avec vigueur,
c’est certain! Mais alors, il y a le levain de la divine
justice. Eh bien, nous reviendrons là-dessus une autre
fois.
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Mes frères, En ce jour de Pentecôte, nous allons faire un petit saut à l’intérieur
de notre Règle pour nous retrouver au sommet de l’échelle
de l’humilité. A ce moment-là Saint Benoît
nous dit: C’est la grâce que notre Seigneur daignera
manifester par le Saint-Esprit dans son serviteur purifié de
ses défauts et de ses péchés, 7,186. Le
texte latin est un peu différent. A ce moment-là, mes frères, remarquons-le, Saint
Benoît s’arrête. Il n’ose pas aller plus
loin. Il s’arrête dans une attitude de respect, d’admiration
et de crainte. Il remet son disciple à l’Esprit
Saint. Il le lui confie tout entier, sans regret. Il l’a
conduit jusqu’où il pouvait le conduire. Maintenant
le disciple aura un autre guide, l’Esprit Saint lui-même. C’est un conte de beauté, mes frères, une
beauté qui rassasie Dieu, qui rassasie le Christ, qui
rassasie le monde angélique et qui, peut-être, rassasie
les hommes qui ont les yeux pour voir, des yeux suffisamment
purs. Certes, le moine peut opposer des résistances, mais
l’Esprit est confiant. Si malgré tout le moine est
docile, s’il ose croire, s’il ose prendre le risque
de l’espérance, alors l’Esprit Saint malgré tout
parviendra à le purifier de tout ce qui fait obstacle à l’emprise
de Dieu sur un homme. Mais ce n’est pas une emprise tyrannique,
c’est une emprise d’amour. Dieu prend l’homme
par le poignet – comme il nous l’a été rappelé le
jour de l’Ascension – il le prend par le poignet
comme il a pris le Christ par le poignet pour l’élever
là où il devait aller et, où il ne pouvait
pas aller seul. Et cette oeuvre de l’Esprit Saint dans le coeur d’un homme est attachée à l’essence même du christianisme. Le chrétien est un homme né de l’eau et de l’Esprit, un homme baptisé dans l’Esprit Saint, plongé dans le feu. Le Christ là encore nous avait prévenu: Jean-Baptiste baptisait dans l’eau. Eh bien d’ici peu, vous, vous serez baptisé, plongés, immergés, noyés dans l’Esprit Saint qui est une personne, ne l’oublions pas, une personne qui est l’amour. Mais alors, mes frères, à quoi va-t-on reconnaître
la présence de l’Esprit Saint dans le coeur d’un
frère? Eh bien, c’est très simple! On le
reconnaît à l’amour qui meut se frère;
l’amour qui lui permet de s’oublier de plus en plus
jusqu’à un oubli total parfait; l’amour qui
lui donne de devenir une source d’amour intarissable, et
pour lui-même, et pour les autres. Mes frères, l’humilité, eh bien, elle consiste
tout simplement à être de plus en plus entraîné par
l’Esprit Saint, et immergé en lui jusqu’à ne
plus faire qu’un seul souffle avec lui, véritable
révélation de Dieu pour les hommes.
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Mes frères, Nous étions restés sur les deux levains que le
Christ notre Dieu proscrit absolument: le levain des pharisiens
et le levain d’Hérode. S’introduisent-ils
dans les monastères? Je préfère me taire
car je ne voudrais pas vous exposer à des jugements qui
pourraient être erronés. Mais pour que l’Abbé puisse faire cela avec succès,
il est nécessaire que lui-même soit ensemencé de
ce levain, ce levain qui est la divine justice, qui est la justice
même de Dieu. Quand nous parlons de justice, ne pensons
pas à un tribunal, à un juge, ou à une sentence
qui est prononcée. (passage inaudible, racine hébraïque) Alors, l’Abbé aura besoin à l’intérieur
de sa mission d’une patience infinie, d’une patience à la
mesure de la patience de Dieu. Il doit se contenter, comme dit
Saint Benoît, de conspergere, de saupoudrer, d’asperger,
d’arroser, d’ensemencer. Le reste ne lui regarde
pas, cela se fait tout seul. Saint Paul le dit aussi à propos
de la prédication. Il dit: Moi, j’ai planté;
Apollos a arrosé; et c’est Dieu qui a donné la
croissance. C’est la même chose ici, l’Abbé ne
doit pas attendre de voir le résultat de son travail.
La divine justice qui va être semée dans le coeur
des frères, elle se développe dans le secret sous
l’action de Dieu; Et maintenant, quel est donc ce levain de la divine justice?
Eh bien, mes frères, ce sont des choses comme Dieu le
voit, comme il les aime et comme il les veut. L’Abbé ne
peut, comme le dit Saint Benoît, ne rien faire, ni ne rien
disposer, ni ne rien enseigner qui soit en dehors de ce que Dieu
désire. Il faut donc que l’Abbé soit constamment à l’écoute
de ce que Dieu veut. Et cette justice est radicalement différente de celle
de scribes et des pharisiens. D’ailleurs le Christ le dit
sans cesse: Si votre justice ne dépasse pas celle-là,
vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu. C’est à dire
qu’il ne faut pas être meilleur que ces hommes qui
sont absolument parfaits. Il n’est pas possible d’être
meilleurs qu’eux. Alors, Saint Benoît nous donne un exemple au quatrième
degré de l’humilité et il reprend les termes
mêmes du Seigneur Jésus dans son discours sur la
montagne. C’est le praeceptum Domini, 4,113,
un seul précepte sans restrictions aucunes. Ils doivent être
conduits à la perfection mais avec patience dans les adversites
et les iniuriae. C’est traduit par injures, mais ce ne
sont pas des injures. Et alors, en quoi cela consiste-t-il? Si on nous a fait quelque
chose, un frère peut-être sans le savoir, ou l’Abbé lui-même,
ou n’importe qui, au lieu de crier, de riposter, d’écrire à Rome,
de se plaindre au Père Immédiat, d’attendre
la Visite Régulière pour raconter l’affaire.
Non, pas de problème, patience! Eh bien voilà, mes frères, c’est ça
la divine justice! Et sans aller si loin que ce qui est dit,
essayons tout de même d’agir et même de penser
en conformité avec la manière dont Dieu qui est
l’amour voit et …?… . Essayons!
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Mes frères, Le Seigneur Jésus, alors qu’il se tenait à genoux devant chacun de ses disciples et qu’il leur lavait les pieds, a eu à l’adresse de l’Apôtre Pierre une perole énigmatique qui nous interpelle encore vivement aujourd’hui. Plus tard, lui dit-il, tu comprendras! Mes frères, qu’avons-nous à comprendre?
Le geste du Seigneur? Voyons-le en
train de laver les pieds poussiéreux de ses disciples,
de tous sans exception, même ceux de Judas! Et ce geste
qui devait, et qui a surpris d’ailleurs les coeurs déjà inquiets
de ses disciples, ce geste nous clame dans un non-dit magnifique,
saisissant, l’être le plus secret et le plus intime
de Dieu. Alors, que vient faire Dieu là-dedans? Il est inutile
et pourtant tout vient de l’amour, tout subsiste dans l’amour
et tout converge vers l’amour. Mais qu’est-ce que
l’amour? Mes frères, avons-nous compris tout cela? Avons-nous
compris à notre tour? Commençons-nous à comprendre?
Dieu est aux antipodes de ce que nous imaginons. Nous avons un
passage à effectuer, nous avons une Pâque à subir,
nous avons une conversion à accomplir pour enfin le percevoir
tel qu’il est. Oui, l’Apôtre Jean a magnifiquement chanté ces merveilles dans les lettres qu’il nous adresse. Ayons à coeur de l’écouter, de l’entendre et surtout de le croire. Il n’est pas d’autre chemin pour aller à Dieu que notre métamorphose en ce qu’il est. Un des tout premier Saint Irénée l’a dit: Dieu est devenu homme pour que l’homme puisse devenir Dieu. Et à ce moment-là, c’est nous qui occupons la première place; ce n’est plus lui, car lui est à nos pieds. Alors, mes frères, ne devons-nous pas, nous, être
aux pieds de chacun de nos frères. Nous n’avons
rien à exiger d’eux pas plus que Dieu n’exige
rien de nous. Il attend simplement qu’ils s’ouvrent
pour se donner à eux. Mes frères, le mystère de l’Eucharistie
est indissociable du lavement des pieds et de la question du
Christ: Tu comprendras un jour, et de la réponse que nous
a donné l’Apôtre. Et si Dieu nous a aimés
jusque là, nous devons nous aussi aimer jusque là chacun
de nos frères et chacun des hommes. Mes frères, ainsi le mystère du lavement des pieds, le mystère de l’amour, le mystère du corps et du sang du Christ s’achève en nous et, nous-mêmes, nous pouvons devenir nourriture pour le salut de chacun de nos frères et pour le salut de tous les hommes. En ce premier jour du nouveau mois, mes frères, en cette
solennité du Corps et du sang du Christ, réfléchissons à ces
choses, c’est notre jour de récollection. N’allons
pas nous casser la tête, mais exposons-nous avec confiance
au rayonnement de cette réalité qu’est notre
Dieu, présent, et s’offrant, et se donnant à nous.
Et le soir venu, nous serons plus proches de lui parce que nous
lui serons devenus un peu plus semblable.
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Frères et soeurs, Le départ d’un frère vers la plénitude
du Royaume nous replace chaque fois devant la pureté et
l’exigence de notre vie chrétienne et monastique.
Nous n’avons pas de demeure permanente ici bas sur cette
terre traversée par tant de souffrances, de gémissements
et de pleurs. Pour comprendre cette merveille, pour comprendre ce mystère, il faut tourner le dos à la sagesse étriquée de ce monde et s’agréger au peuple des humbles et tout petits. Le Seigneur vient de nous le dire, il a rendu grâce au Père d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux petits qui s’avancent vers lui sans prétention aucune. C’est le geste qu’a posé le frère J. en venant au monastère et en y persévérant durant plus de soixante années jusqu’au seuil de l’éternité. Il a fait confiance à la voix du Christ. Il a cru à la douceur et à l’humilité de son Seigneur et il a trouvé le repos. Mais ne nous y trompons pas, ce n’était pas un repos de paresse, mais c’était déjà le repos d’une victoire, la victoire de la foi et de l’espérance, la victoire de l’amour qui à travers bien des vissicitudes est toujours resté ouvert aux vouloirs imprévisibles de Dieu. S’attacher au Seigneur Jésus et le suivre avec
fidélité, c’est le fait des âmes fortes,
des âmes bien trempées comme celle de frère
J.. Pour suivre le Seigneur, il faut apprendre à renoncer à soi, à se
dépouiller pour les autres, à aimer encore et toujours.
Il faut croire en l’incomparable noblesse de l’homme.
Il faut reconnaître en chacun le visage caché du
Christ Sauveur. Et ainsi, frère J. a traversé toutes les étapes de la vie spirituelle, toutes les étapes de son pèlerinage sans jamais dire non. Je l’ai connu bien longtemps, et c’est vrai! Sur ses lèvres, je n’ai jamais entendu non, ce fut toujours oui. Il est passé d’un emploi à l’autre la main toujours dans celle de Dieu et, il ne la lâcha pas. Et finalement, il avait un coeur d’enfant même sous des dehors parfois un peu brusques. Je me souviens des heures vécues avec lui devant une
cuve de fromage, lui d’un côté et moi en face
de lui. Nos bras étaient plongés jusqu’aux
coudes dans le caillé qu’il fallait lentement travailler,
qu’il fallait lentement transformer en fromage. Et nous étions
dans l’humidité d’une cave faiblement éclairée. Maintenant nous avons là-bas dans la lumière,
nous avons au coeur de la véritable Jérusalem,
nous avons un frère et un ami qui nous attend, qui nous
protège, qui nous garde et qui nous aide.
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Mes frères, Ce fut court et bon! Mais est-ce qu’il n’est pas bon d’être parfois un peu sot? C’est une question de nuances. Et voilà pourquoi aujourd’hui je vais vous donner connaissance d’une lettre reçue de notre Père Immédiat. Elle est datée du 2 juin. Cher Dom H., La Visite Régulière étant en vue, je vous propose de donner à chacun de vos frères une copie de la feuille ci-jointe en signe de mon affection et de mon souci pour votre communauté. Je regrette vivement de ne pas avoir réussi à passer une journée parmi vous pour exprimer cette affection mais, n’ayant qu’un seul chauffeur, mes possibilités de mouvement sont forts réduites. Il ne sais pas conduire de voiture, ce qui est une grande qualité pour un Abbé car il reste plus facilement chez lui. Vous voyez, il ne sait pas venir. Maintenant un petit mot à l’adresse du frère P.M.: Dans notre video-montage, il nous manque absolument une bonne diapositive de votre nouvelle église. Est-ce qu’il y aurait moyen de nous en faire parvenir une sans tarder? Je me réjouis de vous revoir sous peu. Ce sous peu bien concrètement, c’est le dîner
du 12 juin. Il nous arrivera dans la matinée pour le dîner.
Donc avis au frère J.: pour le dîner du 12 juin,
nous avons le Père Immédiat. Chers frères, En ce temps de préparation à la Visite Régulière, point n’est besoin de vous rappeler que le nouveau Statut de la Visite Régulière préconise que chacun s’y prépare par la prière, demandant les lumières de l’Esprit Saint pour la communauté elle-même, et pour le Visiteur, ainsi que la grâce d’un véritable discernement et celle du bon zèle. C’est vrai! L’esprit de la Visite est donc bien rappelé ici en quelques mots. Donc, une grâce pour la communauté! C’est l’occasion d’un nouveau progrès, une nouvelle ouverture à Dieu et à sa grâce. Et il faut demander à l’Esprit Saint d’habiter le coeur de chacun d’entre nous pour que la Visite Régulière atteigne ses objectifs. Je vous propose ici quelques questions qui pourraient vous aider dans votre discernement: Voici donc les questions auxquelles chacun devra répondre lorsqu’il paraîtra devant le Visiteur: 1. Quand je présente la communauté, mes frères, moi-même devant Dieu, qu’est-ce qui me rend heureux? Et bien mes frères, c’est la toute première question qu’il faut vraiment se poser. La Visite Régulière, ce n’est pas un champ clos où l’on règle le compte de l’Abbé ou de l’un ou l’autre frère. Non la communauté est une cellule du grand Corps qu’est le Christ mystique. Elle est une petite église et elle doit s’épanouir dans l’amour, dans la charité, dans le respect mutuel. Ce qui est beau, mes frères, c’est ceci qui est sous-entendu ici. Et je vous pose la question: Est-ce que j’ai en moi, est-ce que je porte en moi la faculté d’admiration? Est-ce que je sais m’étonner? Est-ce que je sais admirer? Est-ce que je sais percevoir la beauté qu’il y a non seulement dans les choses qui m’entourent, mais aussi dans les frères parmi lesquels je passe ma vie? Est-ce que je puis admirer le dévouement d’un tel? Est-ce que je puis admirer la perfection avec laquelle il rempli sa tâche? Est-ce que j’ai l’occasion d’admirer l’un ou l’autre petit fait grâce à son dévouement? Voilà, vous savez, comme je l’ai dit je pense au moment de l’enterrement du frère J. que je connaissais depuis toujours, depuis que je suis novice, tout petit, enfin tout petit monastiquement parlant, je travaillais avec lui ici à la fromagerie. Mais c’est un garçon qui n’a jamais dit non. Pourtant, c’était le frère J. bourru et rude. Oui, mais on pouvait lui demander n’importe quoi et il n’a jamais dit non. Eh bien, admirer cette chose-là! Derrière la croûte du frère J., voir cette beauté! Eh bien, il faut faire ça pour chacun d’entre nous, avoir en nous cette faculté d’admiration. Et alors, est-ce que quand je présente ma communauté, mes frères devant Dieu - voilà, devant Dieu, nous sommes ici chez lui – qu’est-ce qui me rend heureux? Et qui me rend reconnaissant d’être ici à S. R.? Voilà, quoi? Et c’est la première question! Et est-ce capital? Est-ce par là que vraiment il faut commencer? C’est par là qu’il faut commencer une Visite Régulière. 2. Est-ce que je ressens alors comme une invitation du Seigneur à la croissance spirituelle de tous et de chacun de nous? Voilà, qu’est-ce qui dans la
lumière de Dieu pourrait favoriser la croissance spirituelle
de chacun d’entre nous? Qu’est-ce que je ressens
alors? Est-ce que ça pourrait encore être plus
beau, ça pourrait être meilleur? Il pourrait y
avoir plus encore de don de soi, de dévouement, d’oubli
de soi. Maintenant vous avez une question qui a sa place aussi, mais sa place en troisième lieu. Ce n’est pas la première, c’est la troisième! 3. Quand je présente la communauté devant le Seigneur, est-ce que je vois des choses qui lui font de la peine? des situations qui me posent question? Oui, tout n’est pas clair, tout n’est
pas blanc. Il y a des taches sur le visage de chacun de nos frères.
Eh bien ces taches, elles font de la peine à Dieu parce
qu’elles sont de petites blessures à la charité.
Eh bien, est-ce que j’en vois? Peut-être bien que
je n’en vois pas? mais est-ce que j’en vois? Et alors, il y a-t-il des situations qui me posent question? des situations qui sont là et qui sont incrustées qui me posent question. Elles ne devraient pas être donc, soit chez un frère, soit dans la communauté comme telle. S’il y en a, eh bien alors, je les expose au Visiteur. Parce que il faut arriver à rendre la communauté plus belle aux yeux de Dieu et puis qu’elle puisse continuer sa croissance. 4. Comment est-ce que je vois les effets de la Visite précédente? Il y a-t-il des effets de la Visite précédente? Oui, la Visite précédente, elle
est déjà loin. C’était en octobre
1994. C’est presque trois ans. Nous avons gagné un
an. Les effets de la Visite Régulière ont pu se
confirmer et s’approfondir. Un des effets, par exemple,
de la Visite précédente serait ceci: il y a-t-il
dans notre communauté plus de paix? Il y a-t-il pacification
plus grande à l’intérieur de notre communauté?
Peut-on dire que depuis deux ans et demi notre communauté est
plus paisible? plus pacifiée? Vous savez, quand il est venu la première fois, il avait suggéré que tout le monde se rencontre personnellement. Bien sûr, il y en a qui l’ont fait consciencieusement. Pour le Visiteur, c’est une affaire faite. Mais voilà, comment ai-je vécu la rencontre de chacun de mes frères? Cela a-t-il été pour moi une découverte? Cela a-t-il été pour moi un enrichissement? Ou bien, cela a été pour moi une surprise. Enfin répondre à cette question. Je vous suis bien de coeur et d’esprit dans le Seigneur. Eh bien voilà, mes frères, quand vous irez, quand nous irons pour la Visite Régulière, nous prendrons notre petit papier. Il aura le sien et nous suivrons ce schéma. Et je pense que c’est très, très, très bien parce que non seulement cela va créer pour le Visiteur une uniformité de questions, mais d’un autre côté on commence à l’essentiel: Qu’est-ce qui est bon dans notre communauté? Et puis on termine par ce qui est capital aussi: ce qui pourrait encore être amélioré dans notre communauté. Voilà, mes frères, je pense qu’avec ça,
nous sommes bien armés pour accueillir notre nouveau Père
Immédiat et, je pense que ça ira très bien!
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Mes frères, Il y a sept jours exactement, la dépouille mortelle
de notre frère J. était descendue dans la tombe.
En rentrant du cimetière dans l’église tandis
que nous chantions encore quelques psaumes, j’ai eu une
illumination. Ce n’est rien d’extraordinaire, ce
n’est pas une extase? Oh non! Quelque chose de tout naturel
mais en même temps très riche et très beau.
C’est une petite perle que j’ai découverte
et je vais vous la partager bien simplement. Vous vous rappelez certainement que Jean le Baptiste en prison
entend parler de tout ce que fait Jésus, ce Jésus
qu’il avait baptisé dans le Jourdain. Il envoie
deux de ses disciples pour lui poser une question: Est-ce toi
celui qui doit venir ou bien devons-nous en attendre un autre? Il y a toujours eu et il y a encore dans l’Eglise des
théologiens , de grands théologiens qui scrutent
les mystères de l’Eglise, les mystères du
Christ et qui parviennent – c’est leur charisme – qui
parviennent à couler ce qu’ils ont découvert
en des paroles, en des mots qui sont alors mis à notre
disposition. L’un d’entre eux est le Cardinal Ratzinger
que nous apprenons à connaître ici. Mais il y en
a bien d’autres et il y en aura encore. Eh bien, tous ces grands hommes parlent dans le fond de ce qu’ils ne connaissent pas. Ils le connaissent, oui, mais à travers l’obscurité de la foi. Ils ont des yeux, oui, mais comme des yeux affligés d’une puissante cataracte. Ils voient comme dans un brouillard et alors ce qu’ils disent, c’est à peu près çà, mais c’est encore tout autre chose. Tandis que dans le Royaume de Dieu, notre brave frère
J., lui, devient tôt ou tard le fruit d’une serre
chaude. Il est passé à travers les ténèbres
lumineuses de la foi et il voit directement. Il sait maintenant,
il le sait, il n’y a plus besoin de lui enseigner, il le
voit. Il est au ciel, c’est à dire à l’intérieur
même de Dieu. Il est en plein dans le coeur du Christ et
là, il lui suffit de regarder pour savoir. Eh bien voilà, mes frères, ce que je voulais
partager avec vous. Je pense que ça nous met fameusement à notre
place. On vient de terminer le chapitre de notre Règle
sur l’humilité. Ici dans notre condition actuelle,
notre place vraie est celle d’hommes pécheurs, pas
d’hommes qui savent parler d’un mystère qui
les dépasse. Non, d’hommes pécheurs! Voilà, mes frères, ce que je voulais vous dire.
Ce n’est pas extraordinaire, mais enfin je pense que ça
peut tout de même nous aider à réfléchir
sur notre condition et sur l’avenir merveilleux qui nous
est préparé.
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Mes frères, Chaque année, les ouvriers de toutes les entreprises
sont soumis à un contrôle sanitaire qui a pour but
de voir si le travail qu’ils effectuent ne porte pas atteinte à leur
intégrité physique. En cas de besoin, des mesures
de sécurité sont prescrites à l’employeur
et l’ouvrier lui-même peut être soumis à d’autres
contrôles plus poussés qui le conduiront éventuellement à un
traitement qui lui permettra de rétablir sa santé ou
de mieux la protéger. Nous-mêmes, si nous sommes prudents, nous nous soumettons
aussi, chaque année si possible, à un examen de
notre denture pour prévenir des caries ou l’apparition
de tartre, ou à un examen de nos yeux pour rééquilibrer
notre acuité visuelle. Pratiquement tout le monde dans
notre communauté, à un moment donné, porte
des verres correcteurs. Il faut dire qu’ils étaient terminés et
je ne m’en étais pas encore aperçu. Il paraît
que je suis un phénomène dans ce domaine-là.
Je ne sais pas pourquoi, mais il est probable que c’est
pour cette raison-ci: je reste parfaitement détendu, non
pas par un effort de volonté, mais tout simplement parce
que je fais confiance à ceux qui me triturent de tous
côtés. Et le résultat, mes frères, vous le connaissez. Ce fut une intervention chirurgicale grâce à laquelle je sens revenir en moi une nouvelle jeunesse. C’est vraiment ce que dit le Psaume 42: le Seigneur qui chaque matin réjouit ma jeunesse. Auparavant on récitait ce psaume au début de chaque Eucharistie. Maintenant, c’est fini, peut-être pour simplifier parce que ce n’était pas entièrement dans la tradition. Tout cela, ce sont d’excellentes raisons, mais enfin,
retenons tout de même cette évidence: c’est
que lorsque on s’approche du Seigneur, lorsque on le reçoit
dans son coeur, on entretien en soi une jeunesse qui est la jeunesse
même du Christ ressuscité. Eh bien, mes frères, tout cela pour vous dire que dans une communauté monastique, que toute communauté monastique – je l’ai déjà répété si souvent – est un corps, un corps vivant. Et chacun de nous est membre de ce corps. Et pour que ce corps reste en bonne santé, pour qu’il connaisse un épanouissement prometteur et qu’il porte des fruits qui réjouissent le coeur de Dieu et le coeur des hommes, il est nécessaire que ce corps soit soumis à un examen périodique, un examen qui établit un bilan spirituel, matériel, économique. Vous avez déjà compris que je parlais de la Visite Régulière. C’est un mot barbare et je ne sais pas si on saurait
le remplacer par un autre. Voilà, c’est un mot un
peu effrayant, inquiétant. On appréhende la Visite
Régulière comme on appréhende le fait de
se présenter dans une clinique pour y rester quelques
jours et y subir toutes sortes de tests. C’est normal! La Visite Régulière est donc une marche normale,
une démarche bienvenue. Si elle n’était pas
là, il manquerait quelque chose dans la vie d’une
communauté. C’est la raison pour laquelle dès
l’origine, nos premiers Pères, nos Fondateurs l’ont
prévue. Ils avaient un sens très sûr d’une
réalité que nous n’avons pas le droit de
laisser s’échapper de notre coeur. Et cette réalité est
que nous constituons un Corps. Et alors, le Visiteur distribue ses encouragements. Il conseille quelques ajustements. Voilà, il agit comme un sage médecin, sapiens medicus, comme dit Saint Benoît de l’Abbé en 28(9). Et le Corps qui s’abandonne aux regards de ce médecin, il fait confiance. Et le Visiteur reçoit grâce à cette confiance, en bonne partie, les lumières de l’Esprit Saint, les lumières spéciales, les lumières d’écoute. Il voit, il juge, il aide, il recherche le bien. Alors on peut dire que c’est un Visiteur qui connaît son métier. Eh bien voilà, mes frères, la Visite Régulière
est une grâce à exploiter sans peur et ainsi le
Corps monastique reçoit une meilleure santé et
devant lui s’ouvre un avenir plus large et plus beau. Nous
sommes cette année-ci dans l’année de la
foi, cela nous a été rappelés hier soir
encore au cours de la lecture de Complies. Eh bien, laissons
grandir en nous cette foi à l’occasion de la Visite
Régulière.
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Mes frères, Je voudrais vous faire sentir le mystère de la prière.
J’aimerais vous faire goûter l’ineffable beauté de
cette rencontre la plus intime qui soit entre Dieu et l’homme.
Nous devons comprendre qui nous sommes. Donc, à l’intérieur de nous se développe insensiblement un organisme divino-humain qui nous permet de voir, de sentir, de goûter, de penser, de juger et d’agir sur un mode qui est proprement divin. Il nous est possible de tout voir et de tout toucher exactement comme Dieu juge et voit. C’est Dieu lui-même par son Esprit, par la personne de son Esprit Saint qui façonne avec un amour infini – l’amour qu’il est – qui façonne cet organisme, ce que Saint Paul appelle le corps spirituel. Et ce corps spirituel nous délivre de nos pulsions in ( …??…) . Il nous rend libres. C’est l’Esprit de liberté. C’est le propre Esprit de Dieu. Et s’abandonner à lui, c’est entrer dans les espaces sans limites de la liberté. Nous ne sommes plus esclaves de nos pulsions, nous ne sommes plus dépendants de nos raisonnements humains. Non, il nous est possible de tout voir, je le répète, de tout juger à la manière de Dieu. Eh bien, mes frères, ce corps spirituel est en relation
directe avec Dieu, immédiate, sans intermédiaire
et, il nous installe déjà dans l’univers
de la résurrection. Vous êtes ressuscités
avec le Christ, dira l’Apôtre Paul. Notre demeure
est déjà dans les cieux aujourd’hui. Donc, mes frères, voyez un peu vraiment qui nous sommes
et qui est l’homme. Et notre corps, je ne dois pas oublier
de le dire, notre corps charnel est donc un sanctuaire. Il est
un temple, il est un tabernacle pour prendre une expression qui
est plus proche de nous peut-être, de nos habitudes. Il
est le sanctuaire de Dieu. L’Apôtre le disait: Vous
portez l’Esprit Saint, vous portez Dieu dans votre corps! Auparavant, quand j’étais gamin, il y a longtemps – maintenant ça ne se fait plus – lorsque une personne, un habitant du village allait mourir, il recevait l’extrême-onction. Et le curé lui portait le Saint Viatique, il lui portait la communion pour une dernière fois. Et le curé marchait dans les rues du village précédé d’un enfant de choeur, portant une lampe et qui sonnait avec une petite clochette. Alors tous ceux qui étaient sur la route, sur la rue et qui le voyaient, tout le monde s’agenouillait au moment où passait le prêtre avec le Corps du Christ. Eh bien, ce devrait être notre réflexe lorsque
nous nous rencontrons, lorsque nous nous croisons. Un réflexe
qui devrait être, qui devrait devenir spontané chez
nous parce que vraiment, vraiment en nous dans notre coeur, nous
portons le Christ, nous portons l’Esprit, nous portons
le Père, nous portons la Sainte Trinité. Donc, retenons ceci, mes frères, pour aujourd’hui
car nous devons aller à l’Office, retenons que la
prière est la respiration de notre corps spirituel. Voyez
un peu à quel niveau déjà elle se situe!
Demain et les jours suivants, nous ferons un petit pas de plus.
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Mes frères, Avec le mois de juillet, nous sommes entrés dans la
période des vacances. Les écoliers, les étudiants,
les travailleurs déposent leurs soucis, prennent le large,
se mettent au vert, se reposent, reprennent leurs forces, retrempent
leurs énergies. Et nous, mes frères, quel type
de vacances pouvons-nous prendre? Voyons un peu ce que signifie vacances. Nous avons là une
racine reprise dans l’expression que j’ai cité il
y a un instant, la racine vacare d’où vient aussi
vacatio et qui éveille l’image d’un vide,
d’une vacuité. Il y a donc dans l’image de
vacances l’idée d’un vide qu’il convient
de remplir. Nous savons que la nature a horreur du vide. Il est bon de nous y arrêter en ce jour anniversaire
de la Dédicace de notre église, de notre temple.
Il importe de vider notre coeur de tout ce qui l’oppose à Dieu,
de tout égoïsme, de toutes formes de saletés.
Notre coeur doit être net, il doit être propre. Il
doit être un récipient vide et propre, un vase bien
nettoyé. Et ainsi, dans l’idée de vide s’introduit
une nouvelle idée, celle d’ouverture. Pour se vider,
il faut s’ouvrir. Oui, notre coeur a des portes et il a
des fenêtres en grand nombre. Eh bien, il faut tout ouvrir
et tout laisser ouvert afin que l’Esprit de Dieu puisse
pénétrer et qu’il puisse mettre dehors tout
ce qui doit être jeté à la rue. Il nous faut aussi ouvrir notre bouche pour accueillir en nous
l’Esprit Saint. J’ai ouvert ma bouche et j’ai
laissé entrer en moi l’Esprit Saint, nous dit le
Psaume. J’ai attiré en moi l’Esprit, car lorsque
Dieu remarque que notre bouche est ouverte, aussitôt il
nous envoie son Esprit. Nous devons aussi l’ouvrir bien large pour nous nourrir
des vouloirs divins. Ouvre bien large ta bouche pour que je l’emplisse,
nous dit encore le Psaume. Voici donc que Dieu veut nous nourrir.
Il veut nous nourrir à la cuillère. Et dans chacune
des cuillères qu’il nous présente, il y a
une dose infinie d’amour, une dose infinie de sa propre
vie, de l’amour qu’il est. Saint Benoît nous dit que nous devons ouvrir no yeux,
les ouvrir à la lumière qui divinise, P(25).
Et cette lumière, c’est Dieu en personne, Dieu dans
sa beauté qui transcende tout. Le moine est un visionnaire
qui reconnaît Dieu partout. Eh bien, Saint Benoît nous demande d’ouvrir les
yeux à cette lumière qui va faire de nous des dieux,
une lumière déifique, une lumière qui divinise,
qui rend semblable à ce qu’elle est. Voilà, mes frères, ce que doivent être
nos vacances. Ce sont des vacances qui durent toute l’année,
qui durent toute la vie et qui nous introduisent dans l’éternel
repos qu’est notre Dieu. Voilà, mes frères, me semble-t-il, un beau sujet
de réflexion pour notre jour de récollection.
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Mes frères, Nous allons poursuivre notre méditation sur le mystère
de la prière. Je dis bien mystère car la prière
est la respiration la plus pure, la plus légère,
la plus profonde aussi de cet organisme spirituel qui prend naissance à l’intérieur
de notre corps charnel; organisme qui est en voie de divinisation,
celui qui définit notre qualité d’enfant
de Dieu, celui qui nous ouvreaux plus folles espérances,
qui nous met déjà dès maintenant, dès
cette vie en possession de la résurrection bienheureuse. Et la prière peut prendre les formes les plus variées,
et aucune de ces formes ne peut être méprisée,
et aucune de ces formes ne peut être exaltée. De
l’extérieur, nous ne percevons que l’enveloppe.
Nous ne voyons pas ce qui se passe à l’intérieur
du coeur de chacun. Je disais tout au départ que nous
devions accepter les portions d’inconnaissance qui se trouvent
en nous et chez les autres. L’essentiel de cette prière, c’est que un
contact est établi entre Dieu et l’homme. Un courant
passe qui accomplit ce qui nous échappe absolument. Nous
devons donc nourrir une profonde admiration devant chaque forme
de prière. Je ne puis jamais dire que ma prière à moi
est supérieure à celle de mon voisin! Je n’en
sais rien! Lorsque nous pratiquons au cours de la liturgie des encensements,
il nous est dit, nous le chantons que notre prière doit
s’élever devant Dieu comme un parfum d’agréable
odeur! Maintenant, il y a un moine des origines qui a très
bien parlé de la prière. Peut-être que personne
jusqu’aujourd’hui n’a dépassé ce
qu’il a dit? Il s’agit d’Evagre le Pontique.
Il a écrit un petit Traité sur la prière.
Ce Traité compte 153 chapitres, autant qu’il y avait
de poissons dans le filet ramené par Pierre lors de la
pêche miraculeuse après la résurrection du
Christ. Evagre nous dit, en grec, que la prière est une homélie,
un discours, un entretien, un commerce mais un commerce amoureux
du nus, c’est à dire du coeur, de ce qu’il
y a en nous de plus personnel, de plus secret, de plus profond,
ce qui définit notre être dans son unicité,
dans sa vocation d’éternité, ce qui est inaccessible
en nous à tout le monde et même à nous, ce
qui nous est inconnaissable et qui est ouvert seulement aux regards
de Dieu. Eh bien, c’est un commerce, un échange amoureux
de notre coeur avec son Créateur qui est amour. Et ici,
Evagre a une petite note qui est extraordinaire et qui va nous
entraîner infiniment loin. Il emprunte cette petite note
tout au début du Prologue de Saint Jean où Jean
dit: Au commencement était la Parole, était le
Verbe, était le Logos. Et le Logos était prospontheon.
Le latin a traduit ………….. . Je ne
sais pas comment le traduire en français! Donc la prière, ce n’est pas quelque chose de statique, la prière est plus que dynamique. La prière est saisie, elle est emportée dans le propre mouvement qui projette le Verbe de Dieu vers le Père. Alors là, c’est la véritable prière! Elle est prise, elle prend naissance dans notre coeur, elle est saisie par le Verbe de Dieu et avec lui elle est emportée vers la source, vers Dieu le Père, et cela sans arrêt. Donc la prière, la vraie prière, elle est divinisée. Elle vient de nous, mais elle est de suite saisie par le Verbe de Dieu. Je dis déjà tout de suite – je vois qu’il est temps de nous rendre à l’église – mais je dis déjà tout de suite que nous terminons toutes les oraisons par: par Jésus- Christ ton fils notre Seigneur! Par Jésus-Christ, toujours par. C’est ça la vraie prière! La prière vient de nous mais elle est de suite saisie par le Christ et portée jusqu’à Dieu. Et elle est un mouvement, elle est un élan, elle est une extase à la limite. Elle nous arrache à nous, elle nous fait nous décoller de nous et elle nous emporte jusqu’à chez Dieu. Voilà, mes frères, nous en resterons là pour
ce soir. Vous voyez comme c’est beau! Il ne faut pas tellement
laisser jouer son intellect, mais il faut sentir, il faut avoir
une sensibilité de poète, une sensibilité d’artiste
pour bien comprendre ce que c’est que la prière.
Cela fait partie de notre vocation contemplative et c’est
un encouragement pour nous.
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Mes frères, Nous venons d’entendre une phrase de notre Père
Saint Benoît qui me semble la plus belle de toute sa Règle:
Que personne ne soit troublé ni contristé dans
la maison de Dieu, 31,41. Lorsque dans un monastère quelqu’un est troublé,
quelqu’un est contristé, il y a là une sorte
de contradiction dans les termes. C’est une chose qui ne
doit pas, qui ne peut pas arriver. C’est un paradoxe insoutenable:
chez Dieu, dans la maison de Dieu, on ne peut pas être
triste! Rappelons nous que cette expression maison de Dieu se trouve
pour la première fois dans les Ecritures sur les lèvres
de Jacob qui a passé la nuit à Béthel, qui
signifie maison de Dieu et qui au cours d’un songe a vu
une échelle dressée jusqu’au ciel avec des
anges qui montaient et qui descendaient. Eh bien, mes frères, le monastère est une maison
de Dieu et, dans la maison de Dieu, on doit être heureux.
Attention! Il ne s’agit pas ici d’un bonheur facile;
c’est un bonheur qui doit se payer. C’est un bonheur,
je ne dit pas que c’est un bonheur qu’on doit mériter
car il n’est pas possible de le mériter, c’est
un cadeau qu’on reçoit de Dieu. Mais notre nature
pécheresse, notre nature blessée, notre nature
malade doit le payer. Tout peut arriver alors, tout, absolument tout, cela ne change rien à la paix profonde, au bonheur immense qui est là parce que c’est le propre bonheur de Dieu qui se déverse sans fin et sans limite à l’intérieur du coeur. Même si on doit rencontrer la croix, des souffrances très dures, ça ne change rien à cet état de bonheur et de paix parce que c’est le Christ qui souffre tout cela dans le moine qui va dire comme l’Apôtre Paul: C’est vrai, mais j’achève en ma chair ce qui manque à la passion du Christ. Ce n’est pas du masochisme, non c’est du mystère. Eh bien pour Saint Benoît, le moine ne peut être
troublé ni contristé par les circonstances du lieu,
c’est à dire par des négligences, par une
organisation qui ne serait pas bonne, par un défaut d’amour
de la part …… Mes frères, je pense que nous devrions toujours avoir
présent à notre conscience cette parole de Saint
Benoît. La charité qui règne entre nous et
qui est bien réelle s’épanouirait davantage
encore et on goûterait mieux encore le bonheur de vivre
chez Dieu, de vivre dans sa maison. Mais tout cela ne peut se
réaliser que si nous sommes de plus en plus enracinés
dans la foi. Il faut oser croire, il faut prendre le risque de
la foi. Mes frères, nous allons fêter Saint Benoît
après demain. Ici, il nous permet de toucher la beauté et
la tendresse de son coeur. Saint Benoît n’est pas
mort, il est entré dans la plénitude de la vie.
Il veille sur chacun de nous. Il est notre guide, il est un ange
gardien pour chacun. Voilà, aussi je pense que lui-même sera heureux
de pouvoir nous accorder ce que nous espérons de sa bonté.
N’oublions pas qu’il est le Père de notre
vocation.
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Mes frères, Nous allons revenir à notre Carte de Visite qui nous
faisait remarquer que la présence d’un groupe important
d’ouvriers au sein de notre communauté pouvait porter
préjudice à la vérité de notre vie
monastique. Maintenant, pour en venir à notre personnel salarié, remarquons d’abord, ce n’est pas un reproche mais un constat, qu’il y a chez eux une absence quasi totale de culture religieuse. Cela n’affecte en rien leur qualité d’honnêteté et leur compétence professionnelle. Mais ils sont, comme beaucoup de nos contemporains, sans aucune références à un monde, à un univers dont Dieu serait le Roi, dont Dieu serait la vie. Leur vision est totalement horizontale, vision de événements, vision des personnes. Mais comment faire? Avant la guerre, avant la dernière guerre – je n’ai pas connu cela, mais j’ai connu celui qui l’organisait – le personnel ouvrier recevait ici des cours de religion. Ils étaient donnés par un prêtre, le Père Emmanuel qui était un ancien Frère des Ecoles Chrétiennes. Frère A.l’a peut-être connu? oui. Mais voilà, c’était aussi dans l’air du temps. On n’imagine pas aujourd’hui que nous réunissions chaque semaines nos ouvriers pour leur donner un cours de religion! Pourtant, ils en auraient bien besoin! Mais voilà, pour que la présence de collaborateurs
laïcs parmi nous ne soit pas un obstacle mais qu’elle
devienne plutôt une croissance dans la vie divine, je pense
que nous pouvons prendre en considération deux grands
principes. Le premier, c’est que nous sommes ici chez Dieu;
et le second que nous aborderons une autre fois, c’est
que nous devons apprendre à reconnaître le Christ
dans chacun de nos ouvriers. Mais voyons d’abord le premier. L’économie monastique et la relation qui gère
tous les agents de cette économie obéissent à des
normes qui sont étrangères aux moeurs du monde.
Je ne vais pas rappeler l’expérience que j’ai
faite moi-même lorsque je travaillait dans le monde, des
choses que j’ai vues ou que j’ai entendues depuis
que je suis ici, la façon dont les affaires sont conduites
dans le monde. Et ces lois, c’est le respect de l’autre, c’est
l’amour du prochain, c’est la patience, c’est
l’écoute, c’est une justice plus humaine.
Ce qui anéantit dans une entreprise tout esprit, même
dans une entreprise d’inspiration chrétienne, ce
qui anéantit toute vie profonde, toute vie intérieure
réelle, c’est le souci du rendement, c’est
le souci de la rentabilité. Mais le principe est très beau, il est juste, mais il
y a une difficulté. Chez nous, ici, il fonctionne à sens
unique. Il fonctionne de nous vers notre personnel mais notre
personnel, lui, il voit les choses autrement. Il est enfoncé dans
le système de la lutte des classes. Il s’agit donc, mes frères, de créer à l’intérieur
de notre communauté et d’entretenir un climat de
saine liberté entre nous, dans nos relations avec notre
personnel. Mais il importe que chacun d’entre nous – j’insiste
encore – que chacun d’entre nous soit pénétré de
cette vue initiale de foi: nous sommes dans la maison de Dieu.
Il faut le croire et le savoir, pas seulement sur le lieu de
travail! Donc, que si notre coeur est ouvert à un véritable
amour, que si nous acceptons de nous laisser vider de tout égoïsme
et que notre réaction ne soit pas d’abord une réaction
de défense, de protection puis une seconde réaction
d’agressivité. Mais non, que nous soyons libres
intérieurement parce que nous ne vivons plus pour nous,
et nous ne vivons plus de nous. Nous vivons pour Dieu et nous
vivons du Christ.
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Mes frères, Nous avons vu que nos relations avec l’extérieur, particulièrement avec notre personnel ouvrier, devaient être régulées à partir de deux principes qui sont le fondement même de notre vie monastique. Le premier principe est de ne jamais perdre de vue que nous sommes ici non pas chez nous mais chez Dieu. Nous habitons la maison de Dieu, nous sommes les gérants de son domaine et nous devons rendre compte de notre gestion. Le second principe que nous allons aborder ce matin est que
nous devons reconnaître le Christ dans la personne de chacun
de nos ouvriers. Si nous vivons en harmonie avec ce principe,
la promiscuité – je le prends dans le sens étymologique
du terme – la promiscuité avec notre personnel ne
sera jamais un préjudice pour notre projet monastique. Ne nous y trompons pas, mes frères, le concret, le véritable
concret n’est pas ce qui est quantifiable, ce qui est mesurable,
ce que nous pouvons voir de nos yeux de chair, ce que nous pouvons
juger d’après nos catégories charnelles.
Non, le véritable concret est ce que perçoivent
nos yeux éclairés par la foi. L’Apôtre
lui-même l’avait déjà dit: Le Royaume
de Dieu, il n’est pas dans le boire et le manger. Il est
dans la paix, la justice et la charité. Il s’agit donc de cultiver en nous un esprit de foi toujours
plus vivant et de le cultiver vraiment, de le cultiver dans la
fréquentation des Ecritures d’abord. Ecouter à l’Office, écouter
les paroles que nous entendons prononcer ou que nous énonçons
nous-mêmes au cours de l’Office. L’Office divin,
c’est d’abord une écoute. Eh bien, mes frères, c’est cela! Ecouter d’abord
cela! Et puis alors cultiver notre esprit de foi dans la prière,
dans la supplication, dans la louange. Si vous pouviez retenir
cela jusqu’à la fin de vos jours, je pense que ce
serait extraordinaire! Le fondement et le sommet, l’alpha
et l’omega de notre vie, d’une vie monastique réelle,
d’une vie spirituelle authentique, c’est l’écoute! Voilà, mes frères, c’est cela que nous
devons cultiver. Et nous ne devons pas nous laisser rebuter par
ce qui se voit en façade. Je pense ici à nous qui
ne sommes pas de purs esprits. Nous sommes des chairs, des êtres
de chair et d’os, et de même nos ouvriers. Ne nous
laissons donc pas rebuter par ce qu’on aperçoit
en façade. Ce sont des choses auxquelles nous ne réfléchissons
pas peut-être assez? Une telle vision perpétuelle
de foi est difficile. Le Visiteur nous le disait: C’est
aussi facile à dire que difficile à vivre! Mais
non, ça ne doit pas nous décourager, ça
ne doit pas nous faire reculer, au contraire! Cette vision de
foi, elle exige que nous ne nous protégions plus, que
nous laissions tomber nos murailles, nos barrières, nos
forteresses, que nous soyons une place ouverte. Prenons bien garde, mes frères, car si nous ne vivons
pas avec nos ouvriers dans un rapport de foi, à ce moment-là,
il va se produire un glissement; c’est à dire que
fatalement nous finirons par adopter leurs façons de penser,
leurs façons de juger, leurs façons de voir, leurs
façons d’agir et, sous l’habit monastique,
nous serons des séculiers. Et je vous assure, ça roule parmi notre personnel ouvrier, ça
roule. Je veux dire qu’il ne faut pas penser qu’ils
ont les yeux fermés ni la langue dans leur poche. Non,
non, loin de là, la langue, ils la font marcher. Et à partir
d’un rien, ils savent construire un roman, un roman des
plus invraisemblable qu’ils colportent, qu’ils diffusent
même à l’extérieur. Eh bien alors,
si nous entrons dans ce jeu, nous n’en sortirons jamais
plus. Voilà mes frères, il faut donc renoncer à une
approche charnelle, à une approche minimaliste, frileuse
des hommes. Nous devons absolument laisser le divin triompher
en nous car ça, c’est ce qu’il y a – encore
une fois – de plus concret; même si ce n’est
pas perceptible, même si ce n’est pas mesurable,
nous devons le laisser triompher en nous de manière à ce
que nous puissions recevoir un regard de lumière qui voit
ce qui est caché. Et ainsi, mes frères, il nous sera donné de voir le Christ dans chacun de nos frères et dans chacun de nos collaborateurs, même chez le plus rustre de tous. Et ainsi, nous pourrons servir le Christ en leur personne, l’aimer en vérité alors. Mais je le rappelle, n’attendons pas de réciprocité; si elle vient, tant mieux! Il est possible qu’elle vienne parce que l’exemple, le surnaturel est contagieux. Mais soyons, nous, toujours établis dans la gratuité. Donnons le meilleur de nous, le meilleur de notre vie surnaturelle. Laissons-là rayonner dans notre regard, dans nos paroles, dans notre conduite et fatalement, elle produira son effet, peut-être pas tout de suite, mais certainement à long terme. Voilà, mes frères, il me semble ainsi avoir bien défini ce que le Père Immédiat proposait, un art spirituel à cultiver dans l’écoute du Christ présent dans les personnes à l’extérieur qui nous abordent. Voilà donc un petit programme et, je vous assure, mes
frères, je suis sur la voie de garage, je n’en ai
plus pour longtemps, donc ce que je dis, ce n’est pas pour
le dire ainsi, non, je le tire de ma propre expérience.
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Frères et soeurs dans le Christ, Nous venons de l’entendre de la bouche de l’Apôtre: il y a ceux qui sont loin et il y a ceux qui sont proches; il y a les familiers de Dieu, et nous en sommes puisque nous sommes ici réunis, et il y a ceux qui ne connaissent pas Dieu. Le Seigneur Jésus par sa mort sur la croix et sa résurrection a balayé tout cela. L’importance n’est pas d’être proche ou loin, l’important c’est d’être un homme nouveau, un homme nouveau en lui, un membre de son corps, un membre qui vit de son Esprit, qui ne réagit plus à la façon du monde, mais qui possède un coeur plein de tendresse et qui réagit à la manière de Dieu. Le mystère de la réunion de tous les hommes en
un seul corps se déploie à travers les siècles
et il est encore présent et agissant aujourd’hui.
Il y a l’histoire visible que l’on peut comptabiliser
au jour le jour et il y a une histoire invisible que façonne
l’Esprit Saint dans le secret des coeurs. L’Apôtre nous dit aussi quelque part: Quiconque est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Alors je le répète: Soyons-le! Nous devons donc laisser les sentiments du Seigneur Jésus nous envahir et nous transformer en colonnes de vérité et de justice, en foyers d’amour, en sources d’espérance, en réserves inépuisables de douceur et de patience. Nous venons de l’entendre, nous venons de le voir, de
le contempler dans la petite péricope évangélique
qui nous est rapportée ce matin. Le Seigneur n’est
pas un bourreau de travail, il n’est pas un despote sans
pitié qui exige l’impossible de ses sujets. Voyons!
Les apôtres ont parcouru le pays deux par deux. Ils ont
enseigné, ils ont guéri et maintenant les voici
de retour et ils racontent tout ce qu’ils ont vécu. Remarquons un détail magnifique qui lance un éclair
sur les profondeurs cachées du coeur de notre Dieu: Jésus
s’expose seul. Il met ses apôtres à l’abri;
il leur assure, il leur permet le repos dont ils ont besoin.
Et lui, tout seul, il instruit longuement cette foule apeurée,
cette foule affamée. Frères et soeurs, Dieu est notre Père. Et il
est un Père attentif aux besoins de chacun, un Père
compatissant, désireux de nous partager sa vie. Ne lui
imputons jamais rien de mauvais. La source du mal, le mal est
chez nous, il n’est pas chez lui. Alors pour notre part,
faisons notre possible pour devenir des hommes nouveaux, des
hommes dans lesquels auront triomphé les sentiments qui
habitaient le coeur du Seigneur Jésus. Voilà, frères et soeurs, le modèle d’un
homme nouveau! Essayons de croire en cette beauté. Demandons
chaque jour que grandissent en nous la foi, l’espérance
et la charité, c’est le thème de l’oraison
d’aujourd’hui. Que ce désir, ce besoin soit
ancré dans notre chair: devenir en tout point l’image
ici sur notre terre, l’image du Seigneur jésus.
Et alors, nous pourrons être les uns pour les autres de
véritables bergers. Amen.
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Mes frères, Venons-en, si vous le voulez bien, à notre réflexion
sur la nature profonde de la prière. Nous avons vu que
la prière est un mouvement. Elle est un mouvement vers
Dieu, Dieu qui est notre Père, Dieu qui est amour, Dieu
qui veille avec une sollicitude de chaque instant sur chacun
d’entre nous. Toute prière se trouve donc à l’intérieur
de la personne du Christ, le Christ qui est le Verbe de Dieu
devenu homme justement pour nous saisir là où nous
sommes et nous emporter là où il est. C’est à l’intérieur
du Christ que la prière atteint sa perfection, qu’elle
touche à son but, son but qui est de faire de l’homme
saisi dans sa globalité une manifestation du Verbe de
Dieu incarné. Si bien que toute prière – ça, c’est à retenir! – toute
prière est donc en Eglise, elle est à l’intérieur
de l’Eglise. Et ce Corps, c’est l’Eglise. Et
quand nous disons l’Eglise, ne voyons pas le Pape et les
Evêques, c’est infiniment trop étroit. Ils
sont aussi membres de l’Eglise dans leur fonction, dans
leur mission. L’Eglise est le grand Corps de l’humanité assumé par
la personne du Verbe et se trouvant déjà pour une
bonne partie de son être, se trouvant déjà au
coeur de la Trinité. Donc, la prière authentique est toujours à l’intérieur
de ce Corps. Si bien que nous ne prions jamais seul même
lorsque nous faisons, comme on dit, oraison tout seul n’importe
où. Si tu pries, disait le Christ, entre dans l’arrière
cuisine, là où il n’y a personne et ferme
toutes les portes, ferme les fenêtres et prie seul; et
ton Père qui voit dans l’obscurité, il accueille
ta prière! Nous sommes donc pris à l’intérieur d’un
courant, un courant contre lequel nous ne luttons pas, un courant
qui nous porte. Nous sommes un esquif sur ce courant. Et ce courant
nous conduit jusqu’au coeur de la Trinité. Et lorsque
tout sera accompli, lorsque la Sainte Trinité sera tout
en toutes choses, à ce moment-là notre prière
sera arrivée à son sommet. Car la prière
ne s’achève pas, n’a pas un terme ici bas;
la prière se poursuit toute l’éternité.
Nous ne sommes plus que prière et c’est ça
qui est beau! Alors nous avons l’exemple du Seigneur Jésus lui-même
qui lui a prié. Et il nous apprenait ainsi que notre fonction
essentielle, c’est d’arriver à ce stade où toute
notre activité ne sera plus que prière et notre être
entier un pur élan vers Dieu qui est amour. C’est
ce que je viens de dire, mais je le dis avec des termes peut-être
un peu différents.
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Mes frères, Le mois d’août est parmi les mois de l’année
un mois particulièrement riche. Il est traversé en
effet de part en part d’un axe qui nous indique avec netteté la
dimension eschatologique de l’existence humaine et de l’univers
dans son ensemble. Nous sommes chair, c’est vrai, mais infiniment plus qu’une
chair! Nous sommes – nous ne devrions jamais l’oublier – nous
sommes le ciel de Dieu. Ne cherchons pas Dieu en dehors de nous.
Dieu est à l’intérieur de notre coeur et
c’est là qu’il se révèle en
premier lieu. Si nous avions une oreille assez fine et des yeux
assez purs, nous le reconnaîtrions à sa voix, nous
le reconnaîtrions à sa parole et à sa beauté.
Et tout cela à l’intérieur de nous. Nous sommes le réceptacle d’un faisceau d’énergies
divines qui tendent à faire de nous des astres lumineux.
Et si nous collaborons avec ces énergies dans une pleine
confiance, dans une sage humilité, dans une remise entière
de nous, nous devenons insensiblement par grâce ce que
le Seigneur Jésus est par nature. Nous devenons des dieux
dans le sens le plus vrai et le plus beau du terme. Dieu n’est
pas content, il ne sera jamais content aussi longtemps qu’il
n’aura pas fait de nous ses enfants, des êtres qui
partagent en plénitude sa vie divine. Et le but de l’agir de Dieu en nous et sur nous, c’est
cette transfiguration , notre transfiguration; c’est à dire
de nous donner la forme de Dieu, la propre forme de Dieu au point
que nous ne pouvons plus rien faire d’autre qu’aimer,
et aimer toujours, aimer inconditionnellement, aimer gratuitement,
aimer sans mesure car Dieu est amour et il n’est rien d’autre
qu’amour. C’est à cela que nous invite Marie, Mère
de Dieu et notre Mère. Elle est là devant nous,
au-devant de nous pour nous tracer, pour nous ouvrir le chemin.
Et c’est elle, mes frères, du sein même de
son Assomption qui nous enfante à la transfiguration.
Ce mystère de beauté est très bien figuré dans
le labyrinthe qui orne le pavement de notre église. Et Marie qui est vraiment notre Mère, vraiment une véritable
Mère, elle nous connaît par notre nom. Elle nous
aime dans notre unicité personnelle. Nous ne sommes pas
pour elle des atomes d’une masse anonyme. Non, pour elle,
chacun est seul au monde avec elle. Rien ne peut la détourner
de l’amour qu’elle nous porte. Et c’est là que vient à notre aide Saint
Bernard. Il nous dit que tout ce qui a été réalisé en
lui par l’Esprit Saint est possible aussi pour nous. Dieu
n’est jamais à court de moyens. Notre état
de vie monastique, mes frères, n’est pas un leurre,
il n’est pas une illusion, il est une réalité infiniment
belle. Nous sommes les membres d’une immense famille. Nous
ne pouvons en dénombrer l’amplitude. Nous aurons dans trois jours cette fête de la Transfiguration.
Nous avons entendu en préparation à cette fête
la lecture de la façon dont les moines Athoniques vivent
cette expérience, cette expérience de la transfiguration.
Et puis nous savons que cette transfiguration est aussi une assomption,
une assomption jusqu’au centre même de la Sainte
Trinité. Et là, dans ce centre, nous sommes déjà parce
que nous sommes les enfants de Marie.
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Mes frères, Nous sommes encore dans le rayonnement de la Transfiguration
du Seigneur et, si nous avons une foi grosse comme un grain de
moutarde, nous sommes établis à l’intérieur
de cette lumière. Et la solennité de l’Assomption
de Marie, Mère de Dieu et notre Mère, nous conforte
dans cette foi et dans cette conviction que notre destinée
s’accomplit déjà ici-bas à travers
les labeurs de chaque jour. Tel est, mes frères, le sens ultime de la purification
pour ce qui nous concerne. Et cet état sublime, qui est
celui du Christ, sera à ce moment commun à tous.
Nous devons nous y préparer aujourd’hui durant notre
vie terrestre. C’est la raison d’être des monastères. Il y a des hommes, même dans les monastères, qui
ne peuvent pas supporter cela. Pourquoi? Parce que cela les effraie;
parce que ils ne peuvent pas y croire; parce que ils sont comme
séduits par des valeurs purement matérielles, purement
charnelles qu’ils qualifient alors de spirituelles. Prenons
y garde, je le rappelle, à chaque tournant du cloître! A ce moment, mes frères, l’amour est vainqueur,
et Dieu est vainqueur. Il y a une nouvelle présence de
Dieu vivant incarné sur notre terre, et cela dans un homme.
Notre transfiguration est donc essentiellement de nature spirituelle.
Et Dieu en prenant possession du coeur se révèle
aussi à la conscience de l’homme. Les yeux s’ouvrent
et ils baignent dans cette lumière de la transfiguration
qui est le Christ et qui est Dieu. Alors, ce trésor sans prix, ne le laissons pas nous échapper.
Il a été préparé pour nous, pour
chacun d’entre nous dès avant la création
du monde et il doit, si nous l’acceptons de tout notre
coeur, il doit réjouir l’univers entier.
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Ma révérende Mère, mes frères, Saint Benoît nous dit que son intention est de créer,
d’organiser une école où on apprend à servir
le Seigneur. Et du coup, il nous renvoie au début de son
discours, là où il définit l’attitude
qui doit être la nôtre, la posture que nous devons
adopter et que nous ne devons jamais quitter jusqu’à la
mort. Je rappelle qu’il nous dit: Ecoute, mon fils, les
préceptes de ton Maître, incline l’oreille
de ton coeur! Il y a, dans les propos de Saint Benoît, une allusion discrète à une des scènes les plus belles de l’Evangile, celle où nous voyons Marie assise aux pieds de Jésus, buvant ses paroles. Elle est devenue étrangère à tout ce qui l’entoure. Une seule chose compte pour elle: être là! Et elle voudrait ne jamais, ne jamais quitter cette place. D’ailleurs, le Christ la confirme dans son intuition: Elle a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée! Eh bien, nous devons nous aussi rester jusqu’à la
fin de nos jours dans cette attitude d’écoute. La
qualité d’un homme, surtout la qualité d’un
moine se définit par la qualité de son écoute.
Je suis vraiment, j’existe vraiment lorsque je sais écouter.
C’est là une chose à laquelle on ne pense
guère. Saint Benoît nous dit: la place du disciple,
c’est de se taire et d’écouter. Et le Maître, comme nous dit Saint Benoît, le Maître
qui dispose de cet enseignement est bien réel. Nous allons,
nous, instinctivement penser au Christ. Et c’est vrai,
c’est lui qui est le premier des Rabbi, le premier des
enseigneurs. Il est, lui, notre véritable Père.
Nous n’étions pas, nous écoutons et nous
recevons ses paroles, et puis nous commençons à exister.
Et grâce à lui, nous vivons. Et l’Abbé mérite le nom de Maître
et le nom d’enseignant tout comme le Christ, dans la mesure
où ce n’est plus lui qui vit mais où c’est
la Règle qui vit en lui. Attention! Il n’est pas
un fanatique de la Règle, il n’est pas un fanatique
de l’observance, loin de là! Voilà, mes frères, ce que Saint Benoît
nous dit aujourd’hui. Mais que pourrions-nous retenir?
C’est aujourd’hui notre jour de récollection.
C’est l’occasion de nous reprendre en main. Même
si nous sommes toujours dans la droite ligne de notre vocation,
c’est l’occasion de corriger de petites choses, de
petites bévues qui nous échappent parce que nous
sommes chair et que nous sommes extrêmement fragiles et
faibles. Et ce silence? Ce silence, eh bien regardons! Nous taire et écouter,
c’est la raison pour laquelle nous devons pratiquer le
silence dans le monastère, la raison pour laquelle nous
sommes dans une solitude. Nous sommes dans un lieu qui est protégé d'une
clôture, un lieu qui est séparé du monde
tout en étant au milieu du monde et intégré à lui.
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Mes frères, Saint Benoît termine l’allocution qu’il nous
adresse ce soir sur un ton sévère qui, pour lui,
est définitif. Je pense que nous ne le prenons pas au
sérieux? La Règle de Saint Benoît, c’est
un monument, un document qui est réservé à quelques
savants, à quelques moines qui n’ont pas autre chose à faire
que d’étudier ces histoires, mais ça ne concerne
pas le commun, le commun du troupeau. Mes frères, je dis ça parce que je crois que
c’est ainsi pour certains. Pour l’un ou l’autre
d’entre nous ici, c’est comme ça, c’est
comme ça! Oui, haïr son Abbé, le détester,
le vouer aux gémonies, ce n’est tout de même
pas autre chose que ce que Saint Benoît dit ici en 2,27.
Et au terme, mais voilà, ce sera la mort, c’est à dire
la condamnation à mort. Il nous a dit, je l’ai rappelé dimanche, que le
moine devait jusqu’au terme de son existence garder une âme
de disciple, un coeur de disciple. Et pour cela, il doit être
un écoutant. Personne n’est au-dessus de la Règle
qui est la Maîtresse de vie du moine. Si on ne la prend
pas pour Maîtresse de vie, on n’est pas un moine,
tout simplement. On est un intrus dans le monastère. C’est
une Maîtresse de vie! Mais il ne suffit pas, nous dira Saint Benoît aussi,
il ne suffira pas d’écouter. Il faut aussi tenir
les yeux ouverts. Il ne faut pas les tenir ouverts sur n’importe
quoi. Nous n’avons pas des yeux qui filent de tous les
côtés pour alimenter le premier degré d’orgueil,
comme dit Saint Benoît, qui est la curiosité. Il y en a encore un qui est venu ici avec sa maman dernièrement.
J’ai eu l’occasion de le voir. Ce petit enfant qui
avait cinq ans et demi, mais il s’intéressait à tout.
On est allé faire un tour autour de l’étang,
mais tout l’intéressait, des choses que nous autres
nous ne voyons plus. C’était remarquable! Et Saint Benoît nous dit que nos yeux doivent être
ouverts sur quelque chose ou sur quelqu’un. Et c’est,
dit-il, sur la deificum lumen, Pr,
25, sur la lumière qui divinise, la lumière qui
doit faire de l’homme un Dieu. A quoi bon être un
homme parfait si je ne deviens pas un enfant de Dieu? On ne vient
pas au monastère pour être sans péchés,
pour être parfait. Je rappelle cette anecdote qui nous a été rapportée
par Evagre. Evagre et son ami Amonas avaient remonté le
Nil pendant 18 jours pour aller consulter Jean de Nicopolis,
le voyant de la Thébaïde, pour lui demander: Mais
quelle est cette lumière que coeur commence à percevoir? Et cette lumière est partout présente et particulièrement
elle est présente dans le coeur. Le coeur de chacun d’entre
nous est le sanctuaire de la divinité. Et le mouvement
qui est attendu de nous, c’est de nous retirer des vanités
de ce monde pour entrer dans le lieu du coeur. Ce sont des expressions
un peu mystérieuses, oui, se retirer des vanités
de ce monde, ça, nous comprenons. Mais entrer dans le
lieu du coeur? Cela signifie, mes frères, acquérir,
recevoir la maîtrise de son regard. Les yeux ne s’ouvrent
plus sur n’importe quoi! C’est que voir la lumière de Dieu dans les êtres,
dans les hommes, dans les choses, c’est à dire découvrir à partir
du coeur, encore une fois; le coeur étant le ciel de Dieu.
Le cosmos tout entier est enfermé à l’intérieur
du coeur. On va à la fin de ce mois célébrer
le centenaire, surtout dans les Carmels, du décès
de Sainte Thérèse de Lisieux. Eh bien elle, elle
le savait, elle le disait. Mais voilà, mes frères, restons-en là pour
ce soir parce qu’il est temps d’aller rendre grâce à Dieu
pour tout ce qu’il nous accorde et lui demander pardon
pour les faiblesses, les erreurs, les péchés qui
nous échappent encore. Mais il est infiniment bon, il
est l’amour; et il est patient, il nous attend toujours.
Et il espère que si ça ne va pas aujourd’hui,
eh bien, ça ira mieux demain.
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Révérende Mère, mes frères, Permettez-moi de revenir sur la magnifique expression de Saint Grégoire le Grand: une découverte, une exclamation, une vérité absolue. C’est sur elle que j’ai terminé ma petite allocution la dernière fois. Je la rappelle: Le ciel de Dieu, c’est l’âme du juste; le ciel de Dieu, c’est le coeur de l’homme juste! A l’intérieur de ce coeur, puisque il est le ciel
de Dieu, le cosmos tout entier est enfermé. Et la proximité est
tellement vraie qu’il n’y a plus d’intervalle
entre Dieu, l’homme et l’univers. Tout, absolument
tout est unifié dans l’Esprit de Dieu. Mais alors, mes frères, une conclusion: nous ne devons pas chercher Dieu à l’extérieur de nous. Nous ne devons pas imaginer, penser Dieu comme un objet qui serait extérieur à nous. Si nous faisons cela, il y a grand danger que nous trébuchions dans l’idolâtrie. Non, Dieu est à l’intérieur de notre coeur, là est son ciel. C’est là que nous devons écouter, c’est là que nous devons regarder! Dieu est lumière, et Dieu est beauté, et Dieu
est écoute, et Dieu est voix. Tout cela, c’est une
seule et même réalité mais nous la percevons,
nous, de manière différente suivant le moment que
nous vivons. Il y a donc Dieu qui entre à travers l’oreille
de notre coeur, Dieu qui entre en nous à travers les yeux
de notre coeur; et ainsi, insensiblement il nous transfigure.
Il fait de nous une lumière, il fait de nous une voix.
Nous ouvrons les yeux pour admirer ou nous émerveiller
et non pas pour épier, pour avoir l’occasion de
juger. La curiosité s’est éloignée
de nous. Et nous ouvrons l’oreille, non pas aux cancans,
aux racontars, aux ragots, mais nous l’ouvrons à la
Parole de Dieu. Mais voilà, mes frères, tout ce qu’évoque
cette belle parole de Saint Grégoire: Le ciel de Dieu,
c’est le coeur du juste! Alors, nous devons être
persuadés d’une chose: nous vivons dans un monde
de ténèbres. Nous ne le savons que trop: il suffit
d’être un peu introduit dans le monde des affaires,
comme nous le sommes ici par la force des choses. Nous devons
vivre en symbiose avec le monde. Nous sommes toujours à l’intérieur
du monde même si nous n’en faisons plus mystiquement
partie. Eh bien, mes frères, c’est donc un monde de ténèbres!
Eh bien, la lumière qui habite notre coeur, elle est,
elle, seule capable de faire reculer les ténèbres.
Il faut que notre monastère, il faut que nos monastères
soient des lieux d’honnêteté, des lieux de
vérité, des lieux de respect, des lieux d’accueil,
des lieux où on se comprend, des lieux où on ne
fait pas la guerre. Oui, ces ténèbres aussi s’acharnent contre notre coeur, nous ne le savons que trop. La vie monastique est une militia. Saint Benoît nous le dit encore aujourd’hui en 2,52. Nous portons tous les mêmes armes au service du même Seigneur. Nous luttons contre les puissances des ténèbres, mais nous parviendrons à vaincre si nous permettons à la lumière d’envahir tout notre coeur, si nous sommes attentifs à la voix qui sans cesse nous interpelle et nous invite. Alors bien concrètement, dans le concret de la vie,
tout cela se traduit par ce que Saint Benoît appelle l’obéissance.
Il faut, il s’agit d’obéir pour se protéger
des ténèbres. Obéir, c’est écouter
et aussitôt s’adapter à ce qu’on a entendu,
c’est à dire obéir. Le but est d’être
selon Dieu et non pas selon nos propres règles. Il faut,
non pas se régler sur soi, mais se laisser régler
par Dieu. Et voilà, mes frères, voyez! C’est tout
simple, extrêmement simple! Il suffit de tenir les yeux
ouverts à la lumière de Dieu dans sa beauté,
et de tenir nos oreilles ouvertes à la voix qui nous appelle,
qui nous invite, une voix qui est amour et sainteté.
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Mes frères, Notre Père Saint Benoît est un génie parce qu’il est un saint. Il est un théologien extraordinaire. Il n’a pas écrit de Traités que nous pourrions scruter pour mieux comprendre les mystères du Christ? Non, il a fait mieux. Il a mis à notre disposition une Règle qui est d’une justesse théologique sans pareille. En voici encore un exemple. Il nous dit que nous devons ceindre nos reins de la foi et
de la pratique des bonnes oeuvres, Pr,48.
Cela signifie que nos actions sont bonnes lorsqu’elles
sont accomplies dans la lumière de la foi. Il y a un échange
constant entre la foi et l’agir, une symbiose que rien
ne doit pouvoir déranger. La foi s’exprime à travers
le concret vécu et la vie n’a de valeur que par
la foi qui l’anime. Oui, mes frères, tout ce que nous faisons ne compte que si nous l’accomplissons dans la lumière de la foi, c’est à dire si nous les faisons parce que Dieu nous le demande. Nous sommes donc toujours avec Saint Benoît renvoyés à l’obéissance, l’obéissance dans le sens noble du mot, c’est à dire une écoute, une écoute attentive, une écoute aimante de la voix de Dieu, de cette parole qui sans cesse chante à l’intérieur du coeur et que l’on reconnaît à l’extérieur dans ce qui nous est demandé. Le moine doit être un homme d’une souplesse parfaite.
Il ne reste pas cramponné à ses idées. Il
les abandonne, il les lâche lorsqu’il reconnaît
que Dieu, par l’intermédiaire de l’Abbé,
par l’intermédiaire d’un frère, par
l’intermédiaire d’un événement
lui demande autre chose. C’est cela ceindre les reins de
la foi! Il est donc, mes frères, tout à fait aberrant
de chercher à faire soi-même sa vie, à suivre
les penchants de son coeur. S’il en était ainsi,
nos actions je le répète, aussi relevées
qu’elles fussent, ne seraient pas bonnes. Pourquoi? Parce
que ne visant pas le but, elles seraient déplacées,
donc mauvaises! Dans le monastère, mes frères, il y a une logique
normale mais une logique impitoyable; c’est la logique
de la foi, c’est à dire d’une symphonie avec
Dieu, et avec son agir, et avec son projet. Dieu est un chef
d’orchestre et chaque moine joue son instrument; mais il
le joue sous le contrôle du chef et en harmonie avec tous
les autres. C’est cela la vie monastique dans sa pureté! Mes frères, je pense que cette vision, qui est une vision très belle et très juste, elle est encourageante parce que il ne s’agit pas de suivre des observances, il ne s’agit pas d’être carré dans son agir. Non, nous sommes des artistes, nous sommes des poètes et tous ensemble mais chacun à notre place, et toujours sous la mouvance, la motion de Dieu dont l’Esprit est comme à l’extrémité de la baguette de Dieu chef d’orchestre. Donc si ensemble, encore une fois, nous sommes entraînés par ce mouvement de l’Esprit, eh bien, nous réussissons notre vie qui que nous soyons et quoiqu’il nous arrive. C’est cela la logique de la foi: ça exige un effort, ça
exige du courage, ça exige de ne pas regarder en arrière
et de ne pas regarder sur le côté mais d’avoir
toujours les yeux fixés sur la partition, et sur la baguette
de Dieu, sur le doigt de Dieu qui est son Esprit. Et voilà, je vous souhaite une bonne fête de la
Sainte Croix demain. Nous avons eu de belles Vêpres et
nous aurons une belle liturgie demain. Le 14 septembre, c’est
une date très importante dans le calendrier monastique,
il y a quelque chose qui change. Aujourd’hui on ne le remarque
plus guère mais auparavant, ça se marquait très
fort. Mais dans notre coeur, il y aura ce désir d’appartenir
encore plus à ce Dieu qui nous a appelés de manière à ce
que la vie du Christ puisse s’imprimer en nous et que nous
lui soyons de plus en plus configurés.
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Mes frères, Pour Saint Benoît, l’idéal du sage, c’est
un homme qui sait écouter. Nous venons encore de l’entendre,
c’était implicite dans les conseils que Saint Benoît
dispense à l’Abbé. Il doit pouvoir prendre
le pouls de la communauté, il doit pouvoir écouter
les frères qui s’expriment, non seulement lorsqu’il
prend leur avis en communauté mais aussi lorsqu’il
entend des remarques qui lui sont faites en privé. Il s ‘agit donc lorsqu’on écoute de construire
sa vie sur une sagesse qui n’est pas de ce monde. Et c’est
là le paradoxe et, osons le dire, la difficulté de
l’obéissance. La Sagesse de Dieu est identique à l’être
même de Dieu. Rien ne peut prévaloir contre elle.
L’homme vêtu de cette Sagesse divine peut juger de
tout et lui-même échappe à tout jugement. Eh bien, nous ne verrons que l’homme parfois et nous
penserons que notre sagesse vaut bien la sienne. Nous descendons
du niveau, de l’étage de la foi où nous devons
toujours demeurer, nous descendons au rez-de-chaussée
des considérations purement humaines. Et à ce moment-là,
nous décrochons de la réalité, la réalité qui
est Dieu lui-même, Dieu qui a son projet, Dieu qui est
la Sagesse. Car le moine qui sait écouter, il répond à l’attente
du Seigneur sur lui. Il lui devient semblable, c’est à dire
que ultimement il sera un être de lumière comme
Dieu est lumière. L’homme obéissant, l’homme
qui sait écouter devient lumière dans la lumière
de Dieu. Tandis que celui qui n’écoute pas, il devient
une statue sans vie. Il se pétrifie en idole inanimée,
une idole à laquelle il sacrifie tout. Il a des oreilles,
il n’entend pas; il a des yeux, il ne voit pas; il a une
bouche, il ne parle pas; il a des pieds, il ne marche pas. Mais cet homme ne vit pas, voyez, il est pétrifié. Dieu peut le secouer, Dieu peut lui envoyer une épreuve, Dieu peut lui tendre la main pour le tirer de ce trou. C’est certain, Dieu ne l’abandonne jamais! Mais enfin, en attendant, cet homme perd son temps. Oui, car tout ce qui se fait en dehors de cette écoute, en dehors de l’obéissance n’a aucune consistance. Cela n’existe pas, cela relève de la fantasmagorie, c’est pure illusion! Et cela peut aussi faire beaucoup de mal car ça fonce dans le néant. Mes frères, écouter, je le rappelle, n’est
pas facile. C’est prendre un risque. C’est renoncer à une
sagesse humaine, qui paraît solide parfois mais qui sera
détruite, pour embrasser la Sagesse de Dieu, qui paraît
folie souvent mais qui est porte ouverte sur la vie éternelle.
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Mes frères, Pour saisir toute l’amplitude du premier instrument que nous propose Saint Benoît, nous devons le resituer à l’intérieur de son contexte. Le Seigneur Jésus l’a lui-même employé sans l’amputer comme l’a fait Saint Benoît. Et voici l’injonction que nous devons entendre: Ecoute Israël! Il s’agit d’écouter. Depuis tout un temps, nous nous appuyons fort sur l’écoute. La qualité d’un homme se définit, je le rappelle, par la qualité de son écoute. Ecouter Dieu naturellement, écouter le Christ, écouter l’Esprit, écouter le chant qui monte du fond de notre coeur, écouter l’harmonie des mondes, écouter la création qui se poursuit et qui s’achève sans jamais s’accomplir. Il s’agit ici d’écouter, de ne rien faire d’autre qu’écouter. Mais il faut écouter quoi? Eh bien, il faut écouter la déclaration d’amour la plus belle qui soit: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. Il s’agit donc d’aimer, et il faut que les moindres parcelles de notre être soient des étincelles, des énergies d’amour qui se dirigent vers Dieu et qui ayant atteint Dieu vont retomber comme une pluie bienfaisante sur tous les hommes et même sur tous les êtres. Aimer, ce sera donc se mesurer à l’immense et à l’inouï. Et l’amour, c’est la personne même de Dieu. Se livrer à l’amour, ce sera donc se mesurer à Dieu. Et Dieu, c’est l’immense, le sans frontière, le sans limite. Il n’est pas possible d’enfermer l’amour dans des catégories humaines, dans des catégories créées. Non, l’amour dépasse absolument tout ce que nous pouvons concevoir. C’est l’immense, le sans mesure par excellence. Et Dieu, c’est aussi l’inouï! Jamais nous
n’avons entendu parler de Dieu. Nous ne savons pas qui
il esr, on ne nous l’a pas expliqué. C’est
impossible d’ailleurs! Ce que nous pouvons faire, c’est écouter;
et en écoutant, accueillir sa volonté dans notre
coeur. Aimer, se livrer ainsi à Dieu qui est amour, c’est aussi prendre le large; c’est se quitter soi-même et partir. Et prendre le large, c’est aussi prendre de l’altitude. Celui qui aime ignore la mesquinerie, les calculs, les comptes d’apothicaire. Il aime et puis c’est tout. Celui qui aime est généreux, chevaleresque, princier. Rappelons-nous les grands mystiques du Moyen Age qui étaient des hommes au coeur sans calcul, au coeur qui ne soupesait pas, au coeur qui s’ouvrait, qui était pure béance et qui devenait un océan. C’était l’époque de la chevalerie. On pourrait dire, et ce serait très, très, très vrai, très beau si cela se réalisait, que les derniers chevaliers se trouvent aujourd’hui dans les monastères; des hommes véritablement nobles parce qu’ils se sont donnés à l’amour sans jamais reculer et qu’ils deviennent eux-mêmes des foyers d’où rayonne l’amour. Et l’amour n’avilit jamais; il ennoblit celui qui aime. Il le rend lumineux, il le rend beau mais il rend beau aussi ceux qui sont aimés. Voyez, mes frères, tout ce qui est caché à l’intérieur
de cet instrument que nous propose Saint Benoît aujourd’hui
après le Christ, après Moïse. L’amour
n’habite pas chez les hommes frileux. Il requiert des âmes
grandes et fières, c’est à dire des âmes
humbles, mais humbles à la manière de l’Apôtre
Paul, à la manière d’un Saint Jean de la
Croix qui se tenait debout en présence de Dieu et qui
recevait dans son coeur l’univers entier. C’est ce que Saint Benoît nous dira en conclusion
de sa Règle, pervenies, 73,26.
Si tu sais écouter, si tu sais ainsi t’ouvrir totalement à l’amour,
eh bien, tu parviendras, tu arriveras là où tu
es attendu. Et le pire malheur, mes frères, serait de fermer notre
fenêtre à l’appel du large et à l’appel
de l’altitude. Eh bien, je demande à notre Père
Saint Benoît, je demande au Seigneur Jésus et, je
demande à celui qui le premier a capté le message,
je demande à notre ancêtre, à notre Père
Moïse de nous préserver de ce malheur. Et au contraire,
de nous ouvrir à ce qui nous est offert de manière à ce
que nous puissions ravir de joie notre Dieu, notre Seigneur et
tous les saints.
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Mes frères, Si nous voulons y être attentifs, nous remarquerons que tous les instruments déposés par Saint Benoît entre nos mains viennent d’un trésor, d’un trésor d’une richesse inouïe. Et ce trésor, c’est le grand et premier commandement: Aimer le Seigneur Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa force. Ce premier commandement, nous en avons déjà parlé avant-hier,
est un noyau de lumière qui éclate en une multitude
d’étincelles. Et Saint Benoît détaille à plaisir
chacune de ces étincelles. Nous pourrions nous arrêter
longuement sur chacune d’elles, mais ce n’est pas
possible. Et cette source, encore une fois, c’est de pouvoir aimer
Dieu. Aimer le Seigneur Dieu, c’est cela que dit Saint
Benoît exactement. Si nous pouvons vraiment aimer ainsi
le Seigneur, nous le désarmons. Je rappelais avant-hier
soir que c’était se mesurer à lui. Eh bien,
c’est vrai! Mais il se laisse vaincre. Il est désarmé quand
il rencontre quelqu’un qui l’aime vraiment. A ce
moment-là, il ne peut pas se retenir de prendre possession
de cette personne et de déverser en elle tout ce qu’il
est. Et ainsi, mes frères, si nous voyons ces jaillissements d’étincelles à partir de cet amour de Dieu auquel nous nous livrons, nous pouvons dire que le moine est appelé à jouer avec les étoiles, car l’amour de Dieu est un feu d’artifice qui gravit toutes les altitudes, toutes les hauteurs, et puis qui retombe en étincelles. Et chaque étincelle est une étoile. Maintenant remarquons encore, mes frères, un détail.
Saint Benoît dit: Aimer le Seigneur Dieu, Dominum Deum
diligere, 4,2. Il ne dit pas amare, il dit diligere. Lorsque
nous regardons ce verbe, nous remarquons que le Seigneur Dieu
a été l’objet d’un choix. La dilectio,
c’est le geste de quelqu’un qui à l’intérieur
d’une multitude d’objet en choisit un. Il l’a
choisi. Dans ce tracé, il y a aussi en arrière
le mot élection. Dieu est l’élu de mon coeur.
C’est lui que j’ai choisi et je ne recule pas. Eh bien, encore autre chose: il s’agit d’aimer
ainsi le Seigneur Dieu. Et rappelons-nous que le Verbe de Dieu
n’avait pas retenu jalousement pour lui le fait d’être
l’égal de Dieu. Il est l’expression de ce
que Dieu est. Dieu se dit à lui-même et dit devant
l’univers qui il est: c’est son Verbe. Eh bien, qu’est-ce
qu’il a fait? Il s’est vidé de lui-même,
de sa substance, et il est devenu semblable aux hommes, reconnu
comme un homme parmi les autres. Donc, quand nous voyons ici Saint Benoît qui dit qu’il
faut aimer le Seigneur Dieu, nous voyons Dieu le Père,
nous pouvons voir la Sainte Trinité, mais aussi et d’abord
le Seigneur Christ. C’est lui que nous devons d’abord
aimer de tout notre coeur, de toute notre âme, de toutes
notre force.
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Mes frères, Permettez-moi de m’arrêter un instant sur ce point. Ayons toujours bien conscience que nous ne sommes pas ici chez nous. Nous sommes chez Dieu, dans sa maison, chez Dieu toujours présent, aimant et agissant. Il travaille dans le secret de nos coeurs: il veut les purifier, il veut en faire des temples de beauté. Et il attend notre collaboration qui est, comme le rappelle le Visiteur, qui est d’abord notre confiance, confiance en sa présence toujours attentive, confiance en son amour qui dépasse tout le concevable. Et il se fait parfois plus pressant, le Seigneur, comme au temps de la Visite Régulière. Il nous parle plus ouvertement avec une clarté plus grande et, il nous laisse quelques conseils qui sont justesse et vérité. C’est ainsi que nous devons voir la Visite Régulière. Nous ne devons pas penser et encore moins dire que c’est une formalité qui ne rime à rien! Et de tout ce que dit le Visiteur, penser ou dire: mais voilà, il a été influencé par l’un ou l’autre! Ce qu’il raconte vient de un tel et alors il ne faut pas en tenir compte, ou alors de loin! Mes frères, si nous venions à parler ainsi, nous
nous établirions en dehors de la foi, d’une vision
de foi. Et Saint Benoît nous le dit, la Tradition nous
le dit, tout nous dit que la vie monastique en dehors d’une
telle vision de foi, elle ne ressemble plus à rien. Celui
qui a perdu cette vision de foi, il peut encore être présent
corporellement dans le monastère; mais réellement
dans ses profondeurs, il a quitté la vie monastique. Et le Visiteur nous a dit qu’il aimerait insister sur
l’importance du soutien mutuel dans la prière. Et
c’est là-dessus que je voudrais un instant appuyer.
Il s’agit bien entendu de la prière chorale où nous
sommes en coude à coude et où le corps du monastère
se nourrit et se construit. Et si je m’absente sans motif de l’Office Divin, sans motif sérieux naturellement, eh bien, je prive mes frères de mon aide, une aide à laquelle ils ont droit. Je les affaiblis, je risque de les pousser dans le découragement. Et puis, si je faisais cela, je manquerais à la charité; je me replierais sur moi et je ferais passer mes aises avant l’amitié due à mes frères. Certes, il existe des situations où il n’est pas possible d’être présent au choeur. Il y a des problèmes de santé, de santé physique, de santé psychologique aussi, tous les problèmes de santé qui peuvent se présenter. Il y a l’urgence de certains travaux. Il y a des imprévus qui soudain sont là. Toutes ces absences sont légitimes; elles ne portent pas préjudice à la communauté parce que à ce moment-là Dieu supplée. Alors, mes frères, soyons toujours fidèles à ce
que le Christ attend de nous, à ce que nous attendons
les uns des autres.
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Mes frères, Voici deux ou trois jours, j’ai reçu de la maison générale une lettre signée conjointement par le Procureur Général de notre Ordre et le Procureur Général de l’Ordre de Cîteaux. Cette lettre se réfère à une décision du dernier Chapitre Général. Le plus simple est que je vous en donne lecture. Les Chapitres Généraux des Cisterciens de la
stricte observance ont exprimé le désir qu’à l’occasion
du neuvième centenaire de la fondation du Nouveau Monastère à Cîteaux
se tiennent une réunion des représentants de toutes
les branches de la famille cistercienne en vue de suggérer
des moyens pour améliorer la communication et favoriser
la collaboration entre tous. Donc, une commission se réunira au mois de mars à Cîteaux pour élaborer cette Carta, la soumettre aux Chapitres Généraux des deux Ordres. Ces Chapitres alors essayeront de dégager des pistes communes pour favoriser un rapprochement et construire un avenir d’espérance. Dans cette perspective, un groupe restreint, mais représentatif des moines et des moniales, a rédigé le texte ci-joint comme base de discussion dans les communautés en vue de proposer un document de travail qui sera discuté et approuvé à la réunion de mars prochain. Bien entendu, il appartiendra à la réunion elle-même de donner au texte définitif son caractère propre, la version présentée ici ne peut être que le début du processus. On enclenche donc un processus qui trouvera son aboutissement au mois de mars prochain lors de cette réunion générale. Maintenant ils s’adressent à l’Abbé. Vous êtes invités à présenter ce
texte à votre communauté et à en faire une évaluation
et ensuite à compléter le petit questionnaire qui
suit. Donc, je dois vous soumettre ce texte. Je l’ai déjà lu
et je vous assure que ce n’est pas mal fait. Pour moi,
je n’y trouve rien à reprocher. Mais peut-être
vous qui êtes des hommes perspicaces à l’esprit
critique, vous trouverez encore à améliorer. Nous, cisterciens et cisterciennes représentants toutes les différentes branches de la famille cistercienne, nous sommes ici réunis pour célébrer le neuvième centenaire de Cîteaux notre Mère à tous. Nous rendons grâce à Dieu pour le don fait à l’Eglise du charisme cistercien dont nous sommes tous de diverses façons les bénéficiaires. On pourrait ici, mais dire que nous en sommes aussi responsables. Il ne s’agit pas de l’édulcorer et de le dénaturer. Nous devons le conserver pur et le transmettre dans sa pureté; Réfléchissant à cette heure et en ce lieu sur les diverses expressions qu’a connu ce charisme au cours des siècles, nous cherchons à bien discerner la communion profonde qui nous lie tous ensembles et nous voulons réaffirmer notre solidarité et notre volonté de réaliser l’unité spirituelle de la famille cistercienne. Non pas l’unité canonique, juridique, mais l’unité spirituelle! C’est ici, donc à Cîteaux, que nos Pères
sont venus vivre il y a neuf siècles mus par le désir
d’une plus authentique suite du Christ dans la fidélité à la
Règle de Saint Benoît. L’Abbé Robert,
puis Albéric son Prieur puis successeur quittèrent
Molesmes dans la foi avec un petit groupe de compagnon guidés
par une vision claire de la vie monastique mais sans savoir quels
seraient les fruits de leurs efforts. La première chose à faire, c’est de remonter
aux sources, de bien situer l’origine de ce grand mouvement
cistercien. C’est ce qu’on s’efforce de faire
aussi dans les recherches oecuméniques. On essaye toujours
de retrouver la racine commune et, à partir de cette racine,
de réfléchir sur les différentes branches
qui se sont développées; et essayer de comprendre
pourquoi certaines branches sont entrées en conflit. Si cela n’avait pas été vrai, ils n’auraient pas rencontré un tel succès! Les premiers cisterciens désiraient être pauvres avec le Christ pauvre et vivre en conformité substantielle avec la Règle de Saint Benoît, libres de tout ce qui pouvait être un obstacle à une vie cachée au service de Dieu. C’est le désir qui hante encore notre coeur, que
nous essayons toujours d’incarner dans notre société d’aujourd’hui
malgré les difficultés que l’on peut rencontrer.
L’époque de la fondation de Cîteaux était
tellement différente de la nôtre que nous nous ne
pouvons à peine maintenant l’imaginer. Il faudrait
pour cela être retourné dans des pays, et encore
dans des pays qui émergent aujourd’hui un peu de
leur chaos. Mais voilà, c’est difficile de l’imaginer! Pour sauvegarder l’intégrité de ce charisme,
le premier collège d’Abbés promulgua la Charte
de Charité qui donna à l’Ordre sa structure
et procura aux communautés locales des instruments efficaces
de sollicitude pastorale et d’adaptation continue. Donc, non seulement au plan juridique, mais aussi au plan beaucoup plus profond de la vie: cela devenait des Ordres différents. Et d’ailleurs le malheur s’est produit. Malheureusement cela conduisit souvent à des rivalités et à des hostilités. En 1892 ce mouvement aboutit à la division de l’Ordre en deux entités séparées. Ce fut une décision du Saint Siège. Les trois Congrégations qui se réclamaient de la Trappe ont été réunies pour former un Ordre distinct de tout le reste et, c’est la situation d’aujourd’hui. Eh bien, nous en resterons là pour ce matin. Demain
ou plutôt le premier jour libre, nous continuerons cette
lecture, cette présentation. Est-ce que vous avez des
remarques à faire sur ce qui vient d’être
présenté? Une toute petite remarque, mais attention, ce n’est pas
une critique ni rien du tout! Mais c’est pour montrer l’évolution
du vocabulaire et l’évolution dans l’esprit.
Remarquez qu’on parle de la fidélité à la
Règle de Saint Benoît. Saint Benoît, alors
qu’après on n’utilisera plus le vocable saint.
C’est l’Abbé Robert, c’est l’Abbé Albéric,
c’est l’Abbé Etienne, c’est Bernard
de Clairvaux. On ne dit plus Saint Bernard de Clairvaux.
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Frères et soeurs, Les paroles que nous venons d’entendre, qu’elles soient du Seigneur Jésus ou de l’Apôtre Jacques, ont de quoi nous secouer. Nous ont-elles atteints? Nous ont-elles touchés? Nous portent-elles à la réflexion? Pour les comprendre dans leur sens profond et pour en expérimenter
vraiment toute la puissance, nous devons les distiller dans la
lumière toute crue de notre destinée ultime. La
mort biologique ne marquera pas le terme de notre existence.
Nous sommes promis autant que nous sommes à la vie même
de Dieu au coeur de son mystère, au creux de l’amour
qu’il est. L’esprit est subtil, il est enthousiaste mais la chair
est faible. Et c’est pourquoi aujourd’hui le Seigneur
Jésus veut nous éveiller. De même l’Apôtre
Jacques avec son tempérament, lui, frappe encore plus
fort. Il nous invective. Chaque chrétien, oui, devrait être un prophète pour son temps. Un prophète, c’est à dire un homme habité par l’Esprit Saint; un homme vivant sous la motion de l’amour et non pas entraîné par les pulsions de ses convoitises; un homme juste en toutes ses voies et non pas un individu tortueux dans toute sa conduite; un homme doux, patient, miséricordieux, compatissant et non pas un être dur et intraitable, un être injuste. Nous devons, chacun à notre place, être une apparition,
une révélation du Royaume de Dieu. Nos contemporains
ont plus que jamais besoin de repères fiables qui leur
rappellent leur vérité d’homme, leur véritable
vocation. Oui, leur vocation d’homme appelé à un
autre bonheur que le bonheur qui peut être distillé en
eux par l’assouvissement de leurs désirs. Mais alors, nous du moins, nous qui nous glorifions d’être
des disciples du Christ, nous qui avons reçu le germe
de l’Esprit Saint, nous, soyons du moins dans notre petit
cercle, notre cercle familial, notre cercle professionnel, notre
cercle communautaire, soyons du moins des hommes, des femmes
de droiture, de vérité, d’honnêteté et
de lumière. Le Christ nous charge aujourd’hui de prendre des options
cruciales. Il nous le dit: mieux vaut sacrifier son oeil, mieux
vaut sacrifier sa main, mieux vaut sacrifier son pied si tout
cela nous entraîne vers le mal, si tout cela nous pousse
sur une route dont le fond s’enfonce, dont l’extrémité se
perd dans les profondeurs de la géhenne! Et pour en revenir aux invectives de l’Apôtre Jacques,
la justice sociale est solidement établie dans nos sociétés
occidentales, c’est vrai! Mais elle est toujours perfectible.
Il y a des hommes qui s’y attellent chaque jour pour qu’il
y ait sans cesse une croissance de la justice dans notre société. Mais si nous sommes ce que nous devons être, c’est à dire
de véritables disciples du Christ, des enfants de Dieu,
des prophètes du Royaume, à partir de nous, dans
l’invisible, il se passera quelque chose à l’extrémité de
la terre. Nous ne le verrons peut-être pas maintenant?
Mais un jour, lorsque nous aurons atteint en toute réalité le
Royaume de Dieu, nous contemplerons le bien qui se fait à partir
de quelques petites personnes qui vivent dans la vérité de
leur vocation chrétienne. Eh bien, frères et soeurs, que cet exemple nous encourage
et quie la puissance de la résurrection agissant en chacun
de nous puisse finalement chasser bien loin toutes les injustices. Amen.
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Mes frères, Nous allons ce soir poursuivre la lecture du projet de Charte qui sera présenté aux Chapitres Généraux de tous les Ordres Cisterciens en son temps et, qui devra être mis au point et achevé à Cîteaux au mois de mars. Depuis plus d’un siècle, nos Ordres ont fait des
fondations sur tous les continents. Moines et moniales ont cherché à exprimer
leur charisme d’une manière adaptée à la
Culture locale et ouverte à des authentiques valeurs spirituelles. C’est surtout le cas en Chine pendant la guerre et immédiatement après. Aujourd’hui, la famille cistercienne est composée de divers Ordres et Congrégations juridiquement autonomes. A l’occasion de ce neuvième centenaire, nous voulons réaffirmer notre héritage commun et nous engager tous ensemble à vivre les valeurs permanentes de la réforme cistercienne. On va maintenant détailler quelles sont ces valeurs permanentes, donc ce qui est en-dessous, le soubassement au-dessus duquel peuvent fleurir des diversités qyui en soi doivent être enrichissante pour l’Ordre comme tel. Nos Pères désiraient avant tout une vie substantiellement
conforme à l’Evangile aussi bien pour eux-mêmes
que pour ceux qui viendraient après eux. Aujourd’hui,
nous affirmons de nouveau que les Ecritures sont au coeur de
la vie monastique à la fois comme guide de vie et comme
source de prière. Il s’agissait ici des biens matériels. Donc en communauté, tout appartient à tout le monde. Comme le prescrit Saint Benoît, personne ne peut dire qu’un objet quelconque est sa propriété. Mais nous devons aussi être disposés à partager avec les autres monastères. Donc il y a une entraide mutuelle qui était prévue dès l’origine de l’Ordre. Et puis naturellement le partage avec les pauvres. Aujourd’hui, nous sommes appelés à avoir un sens plus large de l’Ordre et à partager non seulement nos biens matériels mais aussi nos ressources spirituelles. Cela se manifeste déjà dans l’apparition de communautés de laïcs associés à tel ou tel monastère et vivant selon la grâce cistercienne. Je vous l’ai déjà dit, c’est le cas
aux Etats-Unis. Voici encore un exemple de partage de biens matériels
avec un autre monastère: c’est notre maison-mère
d’A. Le frère P doit de nouveau s’absenter
deux jours en France et puis, de là, remonter sur A. car
Dom M. lui demande encore de nouveaux services. Il a de nouvelles
idées pour l’aménagement de son église
et il a demandé au frère P de vouloir bien le conseiller
en la matière et, même de lui procurer les matériaux
nécessaires. L’élément le plus sensible de la réforme cistercienne était l’insistance sur l’observance intégrale de la Règle de Saint Benoît. Aujourd’hui, nous sommes invités à nous adonner à une lecture sérieuse de la Règle en vue de son application concrète dans la vie tant de chacun des moines et moniales que de la communauté. Vous m’êtes témoins que c’est cela que je m’efforce de faire depuis tant et tant d’années: voir comment vivre notre Règle de Saint Benoît aujourd’hui, dans le contexte d’aujourd’hui. Ce n’est pas toujours facile. Mais voilà, nous devons nous efforcer à vivre sérieusement notre Règle, l’essentiel de notre Règle aujourd’hui. Et nous devons alors transmettre ce dépôt à d’autres, à ceux qui viendront après nous. En particulier, les premiers cisterciens se sentaient appelés à une grande simplicité de vie et à une austérité radicale. Tout ça est peut-être difficile à imaginer
pour nous aujourd’hui! Ceux qui ont déjà un
certain âge, qui ont vécu dans les campagnes, surtout
les campagnes ardennaises, savent ce que c’est que de vivre
sans électricité, sans eau courante, sans allocations
familiales, avec des semaines officielles de 48 heures. Aujourd’hui ce fondement, dans une société complexe et technologique, nos communautés ont à chercher le moyen d’éliminer le superflu de leurs biens et d’éviter les tentations de la société de consommation. Les tentations de la société de consommation! Là aussi c’est tellement difficile! Tout est relatif, les besoins d’aujourd’hui, les besoins des jeunes d’aujourd’hui et même des moins jeunes! Ces besoins sont là, on ne peut pas les contourner. Ils s’imposent même s’ils étaient encore hors de portée il y a 40, 50 ans. Mais voilà, comment évaluer la chose? Comment éviter les tentations de la société de consommation? Je me rappelle – je l’ai peut-être déjà dit
ici – nous sommes à la fin du mois de septembre.
Donc, je suis en train de collationner tous les comptes pour
l’ASBL. Je vois les comptes du cellerier par exemple, puis
les comptes de la brasserie, puis les comptes de la caisse. Je
vois tout ça et il y a des lignes et des lignes, des choses
et des choses. Je détaille. Et aujourd’hui, ce sont des listes! Et aujourd’hui, ce n’est pas du gaspillage, et ce n’est pas du superflu, et ce n’est pas céder aux tentations de la société de consommation. Ce sont les besoins d’aujourd’hui! On avait besoin d’une paire de chaussures, mettons! Aujourd’hui, on va chez B., ou je ne sais pas où? Mais quand les chaussures étaient faites sur place, elles duraient déjà longtemps. Mais avant de faire une nouvelle paire, on allait voir dans celles de ceux qui étaient morts pour voir s’il n’y en avait pas une qui allait aux pieds. C’était comme ça! Frère A. s’en rappelle peut-être? Voilà, mes frères, on vivait comme ça
mais, on vivait comme ça dans le monde aussi. On ne dépensait
presque rien. Un bon ouvrier à la fin de la guerre gagnait
4 FB de l’heure, 30 FB pour une journée. Et aujourd’hui,
il faut aller dans les pays du tiers-monde pour trouver des salaires
pareils.
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Mes frères, Il va de soi que ce soir nous allons quelques instants contempler la figure de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Voilà déjà cent ans qu’elle est morte, voyez comme le temps passe vite! On a l’impression, quand on la connaît, que c’est arrivé hier, que ça vient d’arriver, oui, et que nous allons pouvoir nous rendre à ses obsèques. Sainte Thérèse, durant les années vingt à cinquante
environ, a été la coqueluche de l’Eglise.
Il y avait pour elle un engouement inouï. On la connaissait
par l’Histoire d’une âme, par des peintures,
des reproductions de la peinture que sa soeur avait faite. Sainte
Thérèse se trouvait partout. Après la guerre, l’esprit critique s’est éveillé.
On a voulu en savoir davantage sur elle, sur sa famille, sur
le Carmel où elle avait vécu durant neuf années.
Et puis, on réclamait autre chose que l’Histoire
d’une âme. On a donc commencé à publier
ses écrits à elle. Et on a aussi scruté la vie du Carmel, de son Carmel à son époque.
Et on a appris ainsi qu’elle avait durant de longues années
vécu sous l’autorité d’une Prieure
qui était une névrosée. On a aussi vu comment
elle réagissait vis-à-vis de ses soeurs. Elle est
morte alors que cette fameuse religieuse était Prieure. Et aujourd’hui, tout ce qu’on voulait savoir est épuisé et,
l’intérêt pour celle qu’on appelait
la petite Sainte s’est peu à peu apaisé.
L’année dernière, je pense, ou déjà un
peu l’année d’avant, ses reliques ont été promenées à travers
la France, à travers la Belgique aussi. Mais il faut dire
que ce ne fut pas l’explosion d’enthousiasme et de
ferveur qui se serait produite si l’événement
s’était passé dans les années trente. Même aujourd’hui, nous ne réalisons pas
ce qui s’est passé dans ce petit Carmel: nous sommes
habitués maintenant aux actes de Thérèse,
nous sommes habitués à entendre les échos
d’une spiritualité qui est parfaitement vraie, parfaitement
belle. D’une certaine manière, nous l’avons
faite nôtre mais à l’époque de Thérèse,
c’était une véritable révolution. Je pense aussi qu’à notre époque où l’homme
maîtrise de plus en plus puissamment tout l’univers
matériel et même l’univers psychologique,
on pénètre jusque dans les profondeurs les plus
obscures de l’homme. Aujourd’hui, on va de l’infiniment
grand à l’infiniment petit. Et il me semble qu’à l’intérieur
de cette ambiance nouvelle et extraordinaire, nous avons un besoin
très urgent du message de Thérèse de Lisieux. Il ne s’agit pas de sombrer dans l’infantilisme
mais de devenir ce que Dieu est. Car le grand enfant, le grand
innocent, le grand pur, le grand confiant, c’est Dieu lui-même
dans la Trinité de ses Personnes. C’est là que
Thérèse est entrée et c’est là qu’elle
nous invite, et c’est là qu’elle nous attend,
et c’est là qu’elle nous aide à arriver.
Saint Benoît ne nous dit rien d’autre quand il dresse
devant nous l’échelle de l’humilité. Mais nous sommes empêtrés par ce que Saint Benoît
appelle les vices des pensées. Nous sommes secoués
par des peurs et sans cesse nous tentons de nous protéger.
Nous protéger des autres d’abord; nous protéger
de nous-mêmes aussi alors qu’il suffirait de se laisser
porter bien simplement par l’Esprit de Dieu afin de devenir
ce que nous sommes vraiment, des enfants de Dieu, des dieux bien
réels. Eh bien, mes frères, demandons à la petite Thérèse
de nous ouvrir le coeur et les yeux afin que nous comprenions
et que nous fassions, et que son message devienne la règle
de notre vie. La lecture de l’Evangile d’aujourd’hui
nous l’a encore rappelé. C’est une Parole
du Christ, c’est une Parole de Dieu; il est impossible
de tourner autour, elle est devant nous. Si vous ne devenez pas
comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume
de Dieu.
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Mes frères, Nous allons terminer ce soir la présentation de la Charte de l’unanimité dans la diversité qui nous est proposée par une commission mixte et même triple: cisterciens des deux Ordres et Esquermes. En particulier, les premiers cisterciens se sentaient appelés à une grande simplicité de vie et à une austérité radicale. Aujourd’hui, dans une société complexe et technologique, nos communautés ont à chercher le moyen d’éliminer le superflu de leurs biens et d’éviter les tentations de la société de consommation. Il y a ici une expression qui me paraît un peu déplacée: éliminer le superflu comme si on éliminait des toxines, comme si habituellement nous vivions dans le superflu? Encore une fois, la frontière est difficile à délimiter. Plutôt que superflu qui a un sens péjoratif, ce serait peut-être plus indiqué de parler de surplus. C’est une question de nuances. En ce moment d’action de grâces, nous, membres de la famille cistercienne, sommes unanimes dans notre volonté de nous rapprocher les uns des autres. Pour vous donner un exemple de ce qu’était l’esprit
il y a une trentaine d’année, au début des
années soixante, le Père Abbé Général
du Saint Ordre de Cîteaux était venu, s’était
présenté à la Maison Généralice
de notre Ordre pour présenter ses voeux de Noël et
de nouvel an. Eh bien, l’Abbé Général
n’a pas prétendu qu’on lui ouvre la porte
et il a pu retourner! La grâce sans précédent de cette synaxe nous donne l’espoir et la détermination de faire ensemble tout ce qui peut être fait ensemble, d’être unis dans la prière et de nous assister mutuellement dans l’expression de la richesse du charisme cistercien en sa diversité. C’est un éventail d’une extrême ampleur! Vous avez l’Abbaye de B., par exemple, où ils sont encore trois ou quatre dans le monastère lui-même, mais il y en a qui sont curés dans les paroisses environnantes, titulaire de la paroisse. Et ce sont des cisterciens aussi! La différence alors, le fossé avec nous! Malgré tout, il faut pouvoir se rencontrer, se parler, être unis dans la prière et s’assister mutuellement. Nous demandons donc à nos Chapitres Généraux respectifs, et à ceux et celles qui ont charge de leur préparation, de prévoir une coopération dans des domaines tels que le liturgie, la formation, l’étude du patrimoine cistercien, les réunions conjointes de Supérieurs et la collaboration au sein de diverses aires géographiques. Donc, ce seront les Chapitres Généraux qui devront encourager cette forme de rencontre! Peut-être serait-il utile d’établir une commission inter-congrégations? Car du côté du Saint Ordre, il y a beaucoup de
Congrégations Cisterciennes, mais qui sont unifiées.
Il y a un Abbé Général commun. Maintenant écoutez ceci, c’est autre chose! De plus, les monastères d’une branche pourraient être jumelés avec des monastères d’une autre branche pour favoriser leur rapprochement. Imaginons un jumelage entre R. et V. Ce serait d’autant
plus, comment dire ça? d’autant plus bienvenu qu’aujourd’hui
même on a inauguré et béni la brasserie du
V.à l’intérieur des murs de l’Abbaye.
Oui, oui, oui, les voici brasseurs maintenant! Le temps est peut-être venu aussi d’envisager une fonction créatrice au sein de la famille cistercienne dans la préparation et la réalisation de nouvelles fondations. Donc, on pourrait imaginer que R. et V.étant jumelés travaillent à une seule et même fondation quelque part en Asie. Imaginons ça! Ce sont de très grands pas qui peuvent favoriser un rapprochement et une communion des esprits et des coeurs; et puis finalement, peut-être un jour, la reconstitution d’une unité au plan juridique. Daigne Marie, Reine du ciel et de la terre et Mère de
Cîteaux, nous aider à réaliser l’unité pour
laquelle son Fils a prié et qu’aujourd’hui
nos communautés désirent si ardemment. Mais voilà, mes frères, une toute petite chose
que j’avais oublié de vous dire la dernière
fois à propos de la simplicité de vie telle qu’elle était
pratiquée, ici, auparavant, que moi j’ai connue
encore. C’est au plan des soins de santé. Maintenant pour les soins dentaires, le dentiste venait sur
place. Il y avait une fraise qui était manoeuvrée
au pied par le dentiste. Et voilà, il vous travaillait
comme ça! C’était ainsi! Et alors, lorsqu’il a fallu réformer la brasserie,
la remettre en route et mettre au point un laboratoire, Dom F.
s’est dit: Celui-là, il a bien fait comme pharmacien,
mais il ferait bien aussi de la bière. Et c’est
comme ça que ça fonctionnait. Et c’est ainsi
que j’ai eu la responsabilité de la brasserie et
de monter un laboratoire. Voilà, mes frères, ayons une petite pensée
pour ceux qui préparent ces documents et pour notre part,
essayons de vivre dans la mesure du possible, et selon nos moyens
et nos capacités, la pureté de notre vocation.
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Mes frères, Le mois d’octobre nous rappelle que vivent à nos côtés des saints, des saintes dont le bref passage sur notre terre a marqué de façon définitive le visage de l’Eglise. Je pense à Sainte Thérèse de Lisieux, à Saint François d’Assise, à Sainte Thérèse d’Avila. Ce ne sont pas des étrangers; ils vivent, comme je viens de le dire, à nos côtés. Nous ne leur sommes pas indifférents. Ils désirent rendre notre coeur semblable au leur; ils désirent nous tenir la main et nous emmener là où ils sont. Nous ne sommes pas suffisamment attentifs à leur présence.
Nous sommes distraits par toutes sortes de futilités parce
que nous les considérons comme des devoirs plus urgents.
D’abord vivre, dit-on, et puis réfléchir!
Non, l’essentiel c’est d’être dans leur
société, c’est d’entrer toujours plus
profondément dans leur communion. Il est dit que Saint Benoît avait eu un jour la vision
de l’univers enfermé dans un rayon de lumière.
Eh bien, c’est cela qui doit devenir notre vision habituelle.
Il ne s’agit pas ici de choses qui vont au-delà de
notre vocation, non, c’est jusque là que Dieu veut
nous élever. Et c’est ainsi que vivaient les trois
saints qui se trouvent toujours à côté de
nous et que le mois d’octobre rappelle à notre attention. Nous autres, je ne veux pas dire que nous sommes plus paresseux,
mais notre route est différente. La route de chacun est éminemment
personnelle. Nous ne devons pas envier notre voisin, nous ne
devons pas envier ces saints et ces saintes. Non, soyons ce que
nous sommes et soyons-le pleinement. Et pour ça, permettons à l’amour
de Dieu de dilater notre coeur. Eh bien, Dieu est déjà tout en toutes choses au regard pur de l’amour. C’est lui que nous devons admirer dans la beauté des êtres, c’est lui que nous devons chanter. Ce serait si encourageant si notre regard reflétait sans arrêt la beauté qu’il contemple, ce serait un encouragement pour chacun. Et encore une fois, c’est là que nous devons arriver, c’est là que l’Esprit veut nous conduire, c’est là que nous escortent les saints et les saintes. Et il est une personne qui a réalisé à la
perfection cet idéal, et c’est la Vierge Marie.
Elle est la première des saintes, elle en sera aussi la
dernière, pas dans l’ordre du classement mais parce
qu’elle fermera la marche. Elle nous ouvre la route et
elle la ferme. Elle enveloppe tout en elle. Et c’est à l’intérieur
de son coeur que nous grandissons et que nous parvenons à notre
taille adulte, notre taille adulte qui est la sainteté.
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Mes frères, Si nous jetons un regard rétrospectif sur l’échelle dressée par Saint Benoît pour permettre aux moines d’accéder au Royaume de Dieu, nous remarquons des choses surprenantes, quasi scandaleuses. Nous observons dans la personne du moine qui s’engage sur cette échelle des colorations plutôt négatives. J’en rappelle quelques-unes. Il est dit que le frère doit se soumettre à un maior, 7,91, un homme qu’il estime supérieur, qu’il estime plus grand que lui. Et il doit en tout se soumettre à ce que cet homme décidera pour lui.Il est dit qu’il devra embrasser des choses dures, des choses contraires, des choses qui le contrarient. Il devra se contenter de toute extrémité, de toute pauvreté, de toute vilitate, 7,131, de tout ce qu’il y a de plus bas, de plus commun. Il devra se trouver maladroit, incapable, indigne de se trouver dans le monastère. Et finalement, lorsqu’il arrivera au sommet de l’échelle de l’humilité, il se verra du haut en bas, dans toutes ses profondeurs et dans toutes ses superficies, immergé dans le péché. Alors, nous pouvons nous poser une question: l’exercice de l’obéissance dans des conditions difficiles, le fait de s’en remettre totalement à un autre n’entraîne-t-il pas finalement une détérioration du psychisme et un avilissement de la personnalité? N’y a-t-il pas là de quoi détruire un homme, de le réduire à l’état d’objet? N’est-ce pas à cela que visaient les techniques misent en oeuvre dans les camps de concentration, ou dans certaines prisons, ou dans certains milieux, des techniques qui visent à l’anéantissement de la personne? Mes frères, si on veut porter sur la vie monastique et son déroulement
pratique le regard d’un homme charnel, d’un homme du monde, eh
bien, nous devons donner raison à toutes les questions qui se sont
dressées, que j’éveille ici devant vous. Nous aurons
encore un exemple bien frappant aujourd’hui dans le récit évangélique: Oui, mes frères, nous devons sur notre vie porter un regard clair,
un regard pur; nous ne devons jamais nous arrêter ni nous bloquer sur
les apparences. La vie monastique est un phénomène d’ordre
surnaturel même si elle se présente sous un jour naturel. Il
faut, encore une fois, percer les apparences. Le moine monte insensiblement
mais sûrement de la terre au ciel. Il passe de l’obscurité à la
lumière. Voilà, mes frères, le petit message que nous pouvons accueillir
aujourd’hui. Dès qu’on s’approche de Dieu, il y
a comme un fossé qui s’élargit et qui se creuse sans
fin et sans mesure. D’un côté se trouve Dieu dans son
infinie pureté, mais aussi Dieu qui est amour et rien qu’amour. Mais voilà, mes frères, encore une fois la vie monastique,
c’est la sequela Christi, oui, vraiment ce que le jeune homme riche
aurait dû faire. Et cette sequela Christi, même si elle passe
par une authentique crucifixion, elle débouche tout de même
sur la joie inextinguible de la résurrection.
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Mes frères, Remarquons une fois encore l’insistance de Saint Benoît sur le nombre de douze psaumes qui doivent être dits au cours des Vigiles nocturnes. Pourquoi ce nombre douze? Les Anciens avaient beaucoup plus que nous le sens de la symbolique des
nombres, les Anciens dans toutes les Cultures. Et ce besoin de vivre dans
un univers de symboles était pour le monde Judéo-chrétien
basé sur une constatation du Livre de la Sagesse: que Dieu avait tout
créé avec mesure et avec nombre. Mais que signifie justement ce nombre 12? Eh bien, remarquons, je l’ai
déjà expliqué mais il est toujours utile de le rappeler,
et puis il y a des nouveaux qui ne sont pas encore initiés. Donc,
3+4, une addition, nous donne le chiffre 7; et 3x4, une multiplication, nous
donne le chiffre 12. Le chiffre 4, de son côté, représente le monde des
hommes. Les quatre éléments primordiaux constituent l’univers:
la terre, l’eau, l’air et le feu. Vous allez penser que c’est
assez rudimentaire? Pour nous, les physiciens d’aujourd’hui,
c’est infiniment plus complexe. Mais enfin, pour les Ancêtres,
c’était ainsi! Et pour nous, gens très simples, nous
adoptons leurs manières de voir et de sentir. Maintenant le chiffre 7, 3+4, signifie l’union des deux univers,
de l’univers de Dieu et de l’univers de l’homme. Ils sont
dans la continuité. Le monde le l’homme est porté par
le monde de Dieu. L’homme vit par Dieu et il vit pour Dieu. C’est
tout le mystère de la création, de l’évolution,
de la destinée finale de chaque homme et de l’humanité dans
son ensemble. Il y a donc une société entre l’homme et
Dieu. Maintenant, si nous pouvons user d’une image, nous pouvons nous représenter
l’univers de Dieu comme un trépied – toujours ce chiffre
3 – et ce trépied porte un quadrilatère. C’est
ce que nous verrons dans l’Apocalypse où nous voyons Dieu, la
Jérusalem Nouvelle qui descend d’auprès de Dieu. Et cette
Jérusalem est en forme de cube. C’est extraordinaire! Vous voyez
toute cette symbolique! Maintenant le nombre 12, c’est 3x4. Ce n’est pas ici une juxtaposition;
c’est une compénétration, une interpénétration
qui va jusqu’aux frontières de la fusion. Il n’y a plus
d’un côté Dieu et de l’autre côté le
monde matériel, mais il y a un dans l’autre. Et tout cela se
réalise par l’Incarnation du Verbe de Dieu. Dieu a crée
l’univers par sa Parole et il l’anime par son Esprit. Et voilà que
la Parole, le logos est entré dans la matière. Il l’a épousé,
il est devenu chair, il est devenu homme. Cela ce marque, cela ce signifie
par le nombre 12. Mais avec l’avènement de Jésus, du Christ, là ça
se réalise mais poussé à son extrême limite. Nous
avons devant nous un homme qui est Dieu. Les épousailles sont vraiment
ici poussées, conduites à leur perfection. Alors, grâce à ça,
l’homme participe à la nature de Dieu. Voilà, mes frères, nous pouvons nous en souvenir! Dans la
tradition chrétienne, judéo-chrétienne et dans la tradition
monastique, rien n’est laissé au hasard. Et avant de toucher à un
des éléments de cette tradition, nous devons toujours être
extrêmement prudents car nous pouvons laisser se perdre des trésors. Et puis plus loin alors, nous avons le nombre 12 où alors Dieu entre
en nous, il prend possession de nous. Il nous transfigure, il nous métamorphose,
il fait de chacun de nous des enfants qui partagent sa vie. Le sang même
de Dieu circule en nous. Encore une fois, c’est un sang divin, c’est
un sang d’une autre nature que le sang matériel, mais c’est
tout de même le sang de Dieu qui bat dans notre coeur.
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Mes frères, ma soeur, Nous remarquons que Saint Benoît s’attarde longuement sur la
structure qu’il entend donner à l’office Divin. Il y consacre
une bonne dizaine de chapitres de sa Règle. Il entre dans tous les
détails, il entend que l’Opus Dei soit exécuté avec
soin. Il fixe des règles bien précises et il enchâsse
l’Office dans un groupe d’observances qui conviennent à la
vie monastique. Saint Benoît et ses contemporains vivaient dans un univers de symboles
qui nous est devenu bien étranger aujourd’hui. Je vous ai parlé dernièrement
de la symbolique du chiffre 7 et du nombre 12. Remarquons que s’il
demande 12 psaumes pour l’Office de nuit, il en place 7 à l’aube,
3 aux petites Heures et 4 aux Vêpres. Il ne veut pas sortir de ce schéma
symbolique de 3, de 7, et de 12. Eh bien, Saint Benoît et tous ses moines étaient très
sensibles à tous ces mouvements cosmiques. Ce qu’il a voulu
faire ici dans la structure de son Office, je vous l’ai déjà expliqué il
y a de cela déjà bien des années, ce qu’il a donc
voulu, c’est nous faire revivre, nous faire parcourir chaque semaine
et même chaque jour les étapes de la Vigiles Pascale. Les Observances ne sont pas une technique non plus, comme le pourrait être
le Yoga ou le Zen. Non, les Observances sont plutôt l’expression
concrète d’une attente, d’une attente amoureuse. On attend
que se révèle pleinement celui qui nous a appelés à partager
sa vie. Et puis, les Observances font que notre vie entière chaque jour
et à longueur d’années, que notre vie monastique est
une immense et magnifique liturgie. Elle est un service. Saint Benoît
le dit aussi, elle est un pensum servitutis, 50,10.
C’est donc l’obligation que nous avons librement assumée
d’un service. Et ce service, c’est le service de Dieu. Maintenant Saint Benoît, lui, qui est tout de même un excellent
pédagogue, dans sa Règle, il nous parle du contraire. C’est
tout au début où il nous dit qu’il existe un genre de
moine détestable entre tous, 1,15; ils n’ont jamais été éprouvés
par la pratique d’une Règle, à la grande école
de l’expérience, 1,17.
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Ma soeur, mes frères, Hier soir, nous avons durant quelques instants contemplé la structure
de notre vie monastique telle que l’a ordonnée notre Père
Saint Benoît après déjà toute une longue tradition.
Nous avons vu que par elle, nous étions entraînés dans
un processus de transformation car on ne peut pas vivre de manière
insensible en accord constant avec la volonté de Dieu. Et cette transformation
qui s’opère, c’est une authentique conversion. La vie monastique est donc une conquête sur les pulsions narcissiques
qui habitent les profondeurs de notre inconscient. Et ces pulsions sont paralysantes,
elles sont défaisantes, à la limite elles peuvent être
mortelles. Car à vivre selon ses désirs, selon ses instincts,
on finit par étouffer à l’intérieur de ceux-ci. Nous comprenons mieux à partir de là l’importance d’une
vie commune tissée d’observances. Ce n’est pas seulement
une sorte de règlement de police qui nous permet de maintenir l’accord
entre nous pour qu’il n’y ait pas d’accident, comme il
faut un règlement de police pour régler la circulation en ville.
Non, c’est autre chose! C’est une sollicitation permanente à ce
que j’appelais une conversion: être attentif aux autres et cesser
d’être toujours à se regarder. Elles constituent donc l’ossature et la musculature de la vie monastique. Elles font partie de notre être de moine et sans elles, nous n’existerions pas. Je rappelle ce que Saint Benoît nous disait hier: Ces hommes qui prétendent servir Dieu mais qui vivent selon leurs désirs, la satisfaction de leurs passions, ces hommes sont des menteurs. Ils mentent à Dieu. 1,20. Eh bien nous autres, en étant fidèles à ce que la
Tradition, à ce que Saint Benoît, à ce que nos Pères
nous proposent, en étant fidèles à tout cela nous entrons
et nous nous établissons à l’intérieur de la vérité,
et une vérité qui nous rend libres. Et voilà, frères et soeur, ce que nous pouvons retenir aujourd’hui
et, dans toute la mesure du possible, essayons de nous entraider dans cette
fidélité à nos Observances. Le père Immédiat
dans la Carte de Visite avait fait remarquer à propos de l’Office
Divin – laissons de côté naturellement des raisons sérieuses
qui autorisent et qui expliquent une absence à l’Office – que
lorsque un n’est pas là par négligence, à ce moment-là il
affaiblit le Corps entier.
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Ma soeur, mes frères, Vous allez peut-être me juger original ou rétrograde mais pour moi, je trouve regrettable qu’on néglige d’examiner avec attention le texte latin original de la Règle de Saint Benoît. Saint Benoît n’est pas un théoricien fumeux. Il sait
très bien ce qu’il dit, ce qu’il fait; il est porteur
d’une expérience personnelle et traditionnelle extrêmement
forte, et puissante, et vivante et il parvient à la couler à l’intérieur
de mots dont la signification est très précise pour lui. Saint Benoît utilise un mot qui, j’ai contrôlé,
ou bien il n’est pas traduit car on le laisse tomber parce que on ne
sait pas quoi en faire, ou bien on le traduit...? Il utilise ici le mot Agenda, 8,10.
Et ce mot Agenda, quand il l’utilise à propos de l’Office
Divin, il est toujours écrit avec un A majuscule. C’est donc
pour lui quelque chose d’extrêmement important! Qui aujourd’hui n’a pas son agenda? On vous demande: permettez
que je consulte mon agenda pour voir si je suis libre à cette heure-là!
Ou si je n’ai pas des engagements pour ce jour-là! J’inscris
dans mon agenda tout ce que je dois faire, tout ce qui m’est demandé,
tout ce à quoi je me suis engagé. Ce sont des choses que je
dois faire et que j’ai pris l’engagement de faire. C’est
un programme arrêté! Eh bien, Saint Benoît dit par exemple lorsqu’il parle que l’Abbé doit
chanter tout haut le Notre Père à Laudes et aux Vêpres:
ceteris vero Agendis ultima pars eius orationis dicatur, 13,30.
Et alors on traduit: aux autres heures! On va traduire Agenda par heure?
Non, c’est autre chose que ça, autre chose. Il y a là une
nuance et il faut connaître, bien connaître le latin pour la
sentir. L’Office, pour Saint Benoît, n’est donc pas un délassement.
Il est, il dépasse presque une prière. Il est plus que cela:
il est une obligation, il est un labeur, il est un travail, il est une obligation,
il est un Agenda! Il est une collection, un ensemble de chose que nous devons
faire, que nous devons nous acquitter et que nous nous sommes engagés à aller
jusqu’au bout. L’Office est donc une partie du protocole qui règle la façon
de vivre à l’intérieur de la Maison de Dieu. Il y a un
protocole, ce n’est pas laissé à l’imagination
de chacun, au bon plaisir de chacun. Cela, c’est bon pour les sarabaïtes,
mais on est chez Dieu et il y a donc un protocole. Maintenant, comme nous voyons un peu mieux ce que Saint Benoît met
sous le mot agenda, il y a des détails, une multitude de détails.
C’est un mot pluriel agenda: toutes les choses, tous les détails
auxquels je me suis engagé. Et ça ne peut être accompli
avec négligence, ça requiert une initiation, une éducation,
un apprentissage. On parlera aussi dans un autre domaine de l’Action iturgique. La
liturgie est une action et elle fait partie aussi d’un agenda. Et dans
l’ancien missel latin de la messe Pie V, comme on disait, quand on
arrivait au canon, au-dessus il était écrit: infra actionem.
Mais pourquoi? Mais voilà, il ne faut donc pas s’étonner si l’Office Divin exige de la peine. On doit se donner de la peine et on ne doit pas s’étonner s’il entraîne une certaine fatigue. Ce sont des choses que l’on doit faire et qui engagent tout le corps, tout le psychologique et tout le spirituel. Mais voilà, j’espère que je ne vous ai pas trop effrayé?
Mais à partir de là nous pouvons, mais d’un tout petit
mot, voyez, d’un détail de rien du tout, nous pouvons mieux
saisir ce qu’est l’Office Divin à l’intérieur
de notre vie.
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Mes frères, La solennité de la Toussaint nous révèle qui nous sommes. Nous sommes les éléments d’une construction qui s’édifie dans l’invisible. Les saints sont nos frères et nous-mêmes sommes des saints. Nous sommes des saints parce que nous avons été mis à part dès avant la création du monde, mis à part pour être purs et irréprochables en présence de Dieu. Et ce que nous sommes n’apparaît pas encore clairement; ce sera manifesté au grand jour lorsque le Seigneur apparaîtra dans la plénitude de sa lumière. Nous sommes encore en croissance, nous sommes en germes, nous sommes des
embryons, nous sommes de jeunes pousses; et patiemment, l’Esprit Saint
travaille notre coeur, ce qui en nous est le plus profond. Il atteint des
endroits situés en de ça de notre conscience et il imprime
là-bas sa propre image qui est amour, qui est lumière, qui
est beauté. N’allons pas nous imaginer que nous sommes des inconnus, que nous
sommes imperceptibles dans l’immensité du cosmos? Non, les saints
ont une activité visuelle qui est celle même de Dieu. Ils nous
aiment chacun en privé, chacun personnellement comme si nous étions
seuls dans l’univers. C’est là le mystère de cette cité bienheureuse
qui est le grand Corps mystique de notre Christ ressuscité. Et les
saints qui sont ici présents et au milieu desquels nous vivons, ils
nous appellent nous aussi, ils nous appellent saints parce que nous sommes
leurs amis. Je rappelle que l’Apôtre Paul, que les premiers chrétiens
se saluaient les uns les autres du nom de saint. Et les saints ne s’effraient pas de nos péchés, de
nos erreurs, de nos chutes. Ils sont passés par là eux aussi.
Ils savent d’expérience que la miséricorde de Dieu est
inépuisable, autant que sa patience, autant que son amour. Frère G. me faisait remarquer justement à l’entrée
de Laudes qu’aujourd’hui le frère G. assistait pour la
dernière fois à l’Eucharistie. Il était resté jusqu’au
bout assis dans le sanctuaire. Il n’avait plus eu la force de descendre
seul. Et le lendemain, il était conduit à Saint François
où il allait remettre à Dieu son dernier soupir. Les hymnes que nous chantons aujourd’hui déploient ces merveilles
sous notre regard. Laissons-nous porter par elles. Elles sont notre avenir
et elles sont notre présent. Rien n’est trop beau pour Dieu,
rin ne doit jamais être trop beau pour nous. Croyons-le, mes frères,
et soyons, et vivons dans la joie quoiqu’il arrive.
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Frères et soeurs, La péricope évangélique dont nous venons d’entendre
la proclamation est appelée communément la charte du Royaume
de Dieu. Frères et soeurs, cette appellation n’est pas usurpée.
Elle nous présente en effet huit portes magnifiques qui ouvrent l’accès à ce
Royaume de lumière et de paix où nous espérons tous
entrer un jour, le jour où le Seigneur nous appellera. Chacune de
ces portes est couronnée d’une bénédiction: Heureux!
Heureux! Heureux! Heureux les pauvres! Qui fut plus pauvre que lui? Les oiseaux du ciel avaient
leur nid, les renards dans la campagne avaient leur tanière et lui,
il n’avait même pas un endroit où reposer sa tête. Et lui, n’a-t-il pas longuement pleuré sur Jérusalem, la ville sainte, le joyaux de toute la terre, le marchepied du trône de Dieu? N’a-t-il pas pleuré sur son ami Lazare ravi à l’affection de tous, à son affection à lui par cette ennemie redoutable, implacable qu’est la mort? Mais il savait qu’une Jérusalem nouvelle était toute prête là-bas et que bientôt elle descendrait du ciel et qu’elle recueillerait tous les pleurs, et qu’elle essuierait les larmes de tous les yeux. Qui plus que lui a eu faim et soif de la justice? Non pas de n’importe quelle justice, non pas de la justice des hommes qui ne comprend rien, mais de la justice à lui, la justice de l’amour qui va infiniment plus loin que toute justice. Il en a eu tellement faim et soif qu’il en est mort car les hommes ne peuvent s’accoutumer de la justice de Dieu. Mais s’il est mort, c’est pour ressusciter et être intronisé juge du cosmos entier. Et il est par excellence le miséricordieux, lui qui comprend chacun des hommes par son intérieur et qui jamais ne condamne. Il s’est proclamé la lumière du monde, une lumière d’une pureté au-delà de toute pureté. Et en elle, nous pouvons enfin nous baigner, nous pacifier, nous régénérer, obtenir un coeur pur qui enfin pourra contempler les merveilles de Dieu. Et n’est-il pas le pacifiste par excellence, lui qui dans sa paix
a réconcilié l’univers du ciel et de la terre et qui
attend que nous soyons avec lui des artisans de réconciliation et
de paix. Non pas des pétroleurs qui allument des incendies, qui attisent
les discordes, qui jettent le discrédit; mais des artisans de paix
qui savent réconcilier parce qu’ils possèdent dans leur
coeur la propre paix de Dieu. Eh bien, frères et soeurs, quelle porte allons-nous choisir pour entrer dans le Royaume de Dieu? Eh bien, nous répondrons à la manière de la petite Thérèse de Lisieux que nous les choisissons toutes; toutes, même la dernière, même cette porte toute petite, toute étroite à l’intérieur de laquelle nous devrions nous glisser, la porte de l’incompréhension, la porte des soupçons, la porte des ragots, la porte des regards que l’on sent juger, et déjà condamner, et déjà rejeter. Mais pour être certains de ne pas nous tromper, nous aurons soin
de choisir l’unique porte. Nous serons comme notre Sauveur: tout amour;
nous aimerons de tout notre être, nous aimerons de toutes nos forces
sans mesure et sans fin, sans jamais nous laisser rebuter. La grande épreuve, la toute grande épreuve que nous devons
tous traverser, n’est-ce pas le déroulement de notre vie semées
de grands échecs parfois, de souffrances, de deuils, de peines, de
travaux, de labeurs? Amen.
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Mes frères, Le mois de novembre avec son cortège de saints nous projette au
coeur de notre vocation chrétienne et surtout monastique. Nous ne
sommes jamais, mais au grand jamais, seul. Notre univers, si nous avons des
yeux pour voir, notre univers s’élargit sans limite, sans mesure
au-delà de tout ce que nous pouvons essayer de soupeser, de mesurer. Le mois de novembre est une invitation pressante à ouvrir nos yeux et nos oreilles; mais aussi à les fermer, à fermer nos oreilles à tous les bruits qui ne peuvent que nous troubler, à toutes paroles qui ne peuvent que jeter sur nous le désarroi, le doute, le soupçon. Nous devons aussi fermer les yeux à tout ce qui n’est que vanité, à tout ce qui ne peut que nous détourner de notre but qui est la rencontre du Christ ressuscité. Il y a donc là tout un effort d’ascèse auquel les saints se sont soumis de bon gré et qui leur a permis d’arriver là où ils sont. Ils se sont ouverts à la grâce de Dieu. Ils n’ont été qu’une écoute, qu’une oreille, qu’un oeil, qu’un coeur; et ainsi, Dieu a pu accomplir en eux de belles et grandes choses. Nous sommes invités à marcher, non pas à la remorque de nos instincts animaux, mais la tête haute à la suite du Christ notre véritable Roi. L’année liturgique est clôturée sur la Solennité du
Christ, Roi de l’univers, Roi du cosmos. C’est une forme d’apothéose
triomphale, un cri de victoire, un cri d’espérance. Et du coup,
nous sommes resitués en face de la vérité toute entière
et de la beauté parfaite. Comme l’affirme Saint Benoît,
nous sommes appelés à militer aux côtés du Christ
et à régner avec lui dans son Royaume. Aujourd’hui, nous célébrons, nous commémorons tous les fidèles défunts. Eh bien, eux doivent être nos enseignants; ils savent, eux, aujourd’hui ce qu’il en est. Et parmi eux, il y a nombre de nos frères qui ont vécu ici parmi nous, qui se sont assis dans cette salle de Chapitre. S’ils pouvaient revenir, eh bien, ils nous diraient ce qu’il en est exactement. Et j’ai la conviction que ce sont eux qui s’expriment en cet instant par ma bouche. Ils nous disent: Ne nous arrêtons pas à des choses purement terrestres! Le but de notre vie est dans le coeur même de Dieu. Notre dignité et notre noblesse sont incomparables. Nous sommes
en possession de la perle la plus pure qui soit et ne la jetons pas aux pourceaux,
mes frères, Nous sommes enfants de Dieu, frères du Christ,
membres de son Corps. Nous sommes des dieux en devenir. Il est pénible, mes frères, de rencontrer un regard dur,
un regard noir, un regard qui juge et qui condamne. Non, mes frères,
il ne peut pas en être ainsi parmi nous. Notre regard doit toujours être
un regard qui rayonne une lumière intérieure, la lumière
du Christ ressuscité, la lumière de Dieu, la lumière
de l’Esprit Saint et la lumière de l’amour et de l’accueil. Beaucoup de personnes aujourd’hui dans le monde vont revivre des
deuils. Certains ont été extrêmement durs, à la
limite du supportable. Ils peuvent engendrer à juste titre, mes frères,
dans le coeur des sentiments de révolte. Eh bien, il faut que nous
prenions en nous ces détresses, toutes ces questions et que nous les
métamorphosions en actes de confiance. Nous devons êtres, nous,
la conscience éveillée de toutes ces personnes qui sont désemparées
par des pertes irréparables. Mes frères, si nous voulons bien y réfléchir, il n’y
a qu’un seul univers. C’est celui de Dieu, c’est celui
des anges, c’est celui des hommes fondus dans une seule et même
sainteté. N’ayons donc pas peur de porter nos regards au plus
loin, au plus haut, à l’infini. Et alors, nous serons à notre
place vraiment pour aujourd’hui et pour jamais.
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Frères et soeurs dans le Christ, Nous devons nous incliner avec respect devant l’Eglise qui nous propose aujourd’hui une réponse aux questions qui tourmentent notre coeur au sujet de la vie, au sujet plus gravement encore de la mort. Nous devons l’accueillir dans la foi et l’action de grâce. Elle nous affirme par la bouche du Christ lui-même et par celle de l’Apôtre Paul que la mort a une face dure qui nous brise, qui nous torture, qui nous révolte, qui nous ferait douter de tout; et une autre qui tente de nous arracher aux apparences, qui veut écarter quelque peu le voile, qui s’efforce de verser un baume sur notre douleur et qui entend ranimer en nos coeurs la flamme de l’espérance. Qui de nous n’a pas été déchiré, broyé par
un deuil? Qui de nous ne le sera pas encore un jour? Dieu lui-même
a pleuré sur la mort de son ami Lazare. Il a été submergé par
la souffrance qu’il voyait déferler de partout. Et puis, lui-même
a été poussé dans la mort après avoir subi d’épouvantables
tortures. Non, il nous dit simplement qu’il est dans son être de chair un (..?Archive abîmée?..) vivant. Il nous dit qu’il est la vie, non pas le prolongement indéfini d’une vie semée d’embûches mais la vie par excellence,, une vie dont rien de ce monde ne peut donner l’idée. Il est la vie éternelle, il est la vie même de Dieu, il est la vie qui est Dieu. Et cette vie, elle nous est donnée gratuitement même s’il nous faut au préalable traverser le tunnel angoissant de la mort. Frères et soeurs, nous devons faire le saut de la foi; nous devons accrocher notre foi à la personne du Seigneur Jésus ressuscité d’entre les morts; nous devons apprendre à vivre dans la perspective de la vie éternelle dont il est le porteur(...??...). Manger sa chair, boire son sang, nous engloutir avec lui dans les vouloirs de Dieu et peu à peu acquérir, ou recevoir, une vision nouvelle qui nous ouvre au monde de l’espérance. Nous pourrons alors goûter la présence mystérieuse mais combien réelle de nos défunts et notre solitude va s’éclairer. Frères et soeurs, nous allons communier au corps et au sang du Christ. Nous lui dirons silencieusement notre confiance pour nos morts, pour nous-mêmes. Non, la mort n’aura pas, n’aura jamais le dernier mot. La vie de Dieu est pour nous. Elle est acquise à nos défunts, elle est pour nous maintenant et pour jamais. Amen.
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Mes frères, Nous avons fait mémoire aujourd’hui du grand Saint Hubert
comme l’appellent ceux qui le connaissent et qui expérimentent
le bienfait de sa présence. Au réfectoire, nous entendons le
récit de sa vie, nous entendons une critique bienveillante et positive
de sa légende. Que retenir de Saint Hubert, de sa vie et de ses travaux? En premier lieu
d’abord la nécessité que nous avons de nous convertir,
de vivre en état permanent de conversion. Nous avons d’ailleurs émis,
le jour de notre profession, le voeu de conversion. Nous nous sommes engagés à toujours
aller de l’avant, à ne jamais regarder en arrière. Nous n’avons pas à nous arrêter à nos erreurs, à nos défaillances. Saint Hubert n’a pas été de suite le grand Evêque que nous honorons et que nous aimons. Il a dû se convertir d’une vie mondaine à une vie consacrée et, à l’intérieur de celle-ci, il a dû toujours, toujours avancer. Il a commis des erreurs, mais il connaissait celui auquel il s’était donné. Il savait que le Seigneur Jésus est venu non pas pour les biens portants mais pour les éclopés et les malades. Saint Benoît nous rappelle aujourd’hui que le monastère
est une grande infirmerie où on soigne des gens dont la santé n’est
pas des meilleures. Et l’Abbé doit être le sapiens medicus, 27,6 & 28,9,
le sage médecin qui avec une patience infinie, inlassable, essaye
de guérir les maux de ses disciples; c’est à dire bien
concrètement de les ouvrir à la présence du Christ ressuscité qui
est, lui, le seul véritable médecin. Nous devons aussi sans cesse, à l’exemple de Saint Hubert,
nous rappeler la racine qui nous porte. Nous avons reçu la foi et
nos ancêtres étaient des païens. Et reconnaissons-le, nous
le sommes encore toujours un peu ou même beaucoup. Nous ne savons pas
nous changer, c’est ainsi! Mais nous avons un héritage à transmettre. Nous devons le garder pur et même l’enrichir. Et pour cela, nous ne devons pas craindre les fatigues de l’ascèse, les fatigues du renoncement. Le Royaume de Dieu, nous a dit le Christ, est pour les hommes violents, qui font violence au Royaume de Dieu. Ils le prennent d’assaut. Eh bien, tel devrait être le chrétien, tels surtout doivent être les moines! Et enfin, avec Saint Hubert, nous serons large d’esprit et de coeur.
L’Eglise aujourd’hui n’a pas besoin de gens frileux, elle
a besoin d’hommes et de femmes remplis d’audace, des hommes qui
voient au loin, très loin, qui ne s’arrêtent pas à l’immédiat
mais qui vont au-delà, qui se laissent porter par l’Esprit Saint. Notre temps a besoin d’homme qui n’ont pas peur de la nouveauté et
nous serons assez perspicaces pour juger si cette nouveauté vient
de Dieu, de l’Esprit Saint ou bien si elle vient de nous. Nous saurons
choisir, nous saurons rejeter ce qui doit l’être et garder ce
qui nous est réellement inspiré. Il y a un petit temps de cela, mais je rappelle que c’est impossible de le contrôler mais que ça doit tout de même être proche de la vérité, en Hollande, ce sont les musulmans qui sont les plus nombreux! Ce ne sont pas seulement des musulmans venus d’Afrique ou d’Asie, non, ce sont des autochtones qui passent à l’Islam. Les gens ont besoin d’une spiritualité et ils se jetteraient dans les bras de n’importe qui pourvu qu’on leur en présente une. Eh bien, la nouvelle Evangélisation peut être ça: nous
montrer tels que nous sommes. Et puis alors à partir de là,
fixer les chrétiens dans leur vocation chrétienne, qu’ils
soient fiers et qu’ils sachent que pour eux il y a un avenir comme
il y a un présent.
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Mes frères, Nous venons d’entendre quelque
chose d’étrange! Voici un gérant malhonnête,
un vrai voleur qui reçoit des éloges parce qu’il s’est
montré filou, voleur jusqu’au bout. Il les reçoit,
et cela c’est le paradoxe, de son propre patron, de celui qui vient
de luis donner son préavis. Le gérant malhonnête se faisait des amis pour être reçu chez eux. Nous devons nous aussi nous faire des amis, surtout un grand ami. Etre bon avec les autres, leur faire du bien, être charitable, rendre service, payer une fois ou l’autre de sa personne, mais c’est se faire un ami, un ami extraordinaire. Le Christ ne l’a-t-il pas dit: Ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez. Nous connaissons maintenant le moyen infaillible d’approcher le coeur
de Dieu. Etre accueillant, patient, compatissant, avoir le coeur sur la main,
toujours penser du bien d’autrui, saluer poliment, sourire gentiment,
c’est lui, c’est le Christ Seigneur, c’est Dieu lui-même
qui le reçoit. Mes frères, soyons donc ainsi entre nous en toutes circonstances!
Nous sommes ici chez Dieu, nous habitons sa maison, nous y travaillons. Eh
bien, cultivons entre nous le respect, la confiance, l’amour. Ainsi,
notre présent sera beau et ensoleillé et notre avenir le plus
lointain sera garanti, assuré. Et nous aurons été habiles,
nous aurons été intelligents et sages comme le Christ l’attend
de chacun d’entre nous. Amen.
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Mes soeurs, mes frères, Nous sommes au mois de novembre et dans ce mois de novembre nous fêtons les saints, les grands saints de l’Eglise universelle et puis les petits saints de notre Ordre, les sans noms, les sans grades, la piétaille qui aura aimé jusqu’au bout avec fidélité sur les sentiers rocailleux du Royaume de Dieu et qui est tout de même arrivée au bout. On m’a demandé si je ne pourrais pas une fois ou l’autre consacrer un Chapitre à la sainteté de Dieu, non plus à la sainteté des hommes mais à la sainteté de Dieu. Je ne pouvais pas reculer quoique la tâche ne soit pas aisée. Je vais en parler aujourd’hui et puis encore à la fin de la semaine parce que je ne vais pas aborder ce sujet devant ces deux braves soeurs qui penseraient être arrivées ici au milieu de saints au-delà de tout qui parlent de tels sujets. Mais devant vous, en toute simplicité, je vais dire ce que j’ai
sur le coeur. D’abord, ce qui porte l’Ancienne Alliance, ce qui
lui donne sa consistance et sa vie, l’atmosphère dans laquelle
elle baigne et qu’elle respire, et qu’elle diffuse, c’est
la sainteté de Dieu. Elle est omniprésente, exerçant
sur les hommes une attraction irrésistible et suscitant la crainte,
le tremblement, la peur même. On peut dire que l’Ancien Testament est une hymne à la sainteté de
Dieu et cela dans toutes ses parties, mais surtout dans les Livres les plus
tardifs. La conscience de la sainteté de Dieu a grandi dans le peuple
avec l’expérience et avec le temps. Mais en quoi consiste la
sainteté de Dieu? L’effet principal qui se manifeste le plus fréquemment dans
l’Ancienne Alliance, c’est la gloire, la gloire de Dieu. Cela
revient presque sans arrêt. L’homme, le juif, l’israélite
vit pour la gloire de Dieu. Il la contemple, il l’admire, il se prosterne
devant elle; il se plie, il se courbe devant elle et en même temps
il aspire à la recevoir ans son coeur de manière à être
sur la terre le miroir de cette gloire. Et la gloire pour le juif sage et pieux – je me réfère ici au mot de la langue hébraïque – c’est ce qui exerce sur la personne un poids, un poids qui écrase et qui fait plier. Devant Dieu et sa gloire, on s’incline et on se prosterne. Il n’est pas possible de faire autrement parce que cette gloire, elle pèse. Mais elle ne pèse pas pour écraser, ce n’est pas un poids désagréable. Non, elle exerce une pression extrêmement douce mais irrésistible qui fait que l’homme se penche, voilà, il s’incline et il se prosterne. Vous verrez encore cela aujourd’hui dans le monde Islamique. Si vous
voyez des photos, des images de musulmans en prière, n’importe
où, mais vous les voyez sur un tapis par terre; et puis à un
moment donné, ils s’inclinent et ils mettent leur front contre
terre. Devant le Dieu de gloire, on ne peut que retourner à la terre
d’où on a été extrait. Maintenant, la gloire qui est la manifestation première et principale
dans l’Ancien Testament de la sainteté de Dieu, elle se dévoile
surtout dans une lumière où il est possible de percevoir l’être
de Dieu. Disons que la gloire est au-dessus de Dieu et elle appuie sur l’homme.
Mais cette gloire, elle rayonne une lumière. Rappelons-nous encore,
nous l’avons entendu dernièrement dans la vision du Prophète
Ezéchiel: c’est une lumière qui se répand partout. Mais cette lumière, elle n’est pas perçue par l’intellect mais par une sorte d’intuition qui procède de l’être entier. Donc, cette lumière peut être vue par les pieds, par les jambes, par les bras, par tout l’être. On pourra, nous, la localiser dans le coeur. Heureux les coeurs purs, dira le Christ, car ils verront Dieu! Ils voient cette lumière; c’est donc la pureté du coeur. Mais le coeur, nous le savons, c’est le centre de la personne, c’est la source de la personne et, c’est la personne entière. Cette lumière laisse l’homme sans parole et sans voix, mais
elle éveille une certitude absolue. Elle s’impose. Elle crée
un éblouissement qui saisit la personne et qui la transforme. C’est
la raison pour laquelle les prophètes étaient considérés
comme des possédés. Ils étaient vraiment pris, transformés, élevés à un
niveau supérieur par cette lumière. Mais voilà, mes frères, nous en resterons là pour
ce dimanche.
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Mes frères, Voici déjà vingt-quatre heures que soeur E. et soeur P. sont parmi nous. Leur présence est une bénédiction pour notre communauté et leur séjour sera de trop courte durée. Mais j’espère tout de même qu’elles laisseront derrière elles dans nos cloîtres quelques gouttes de leur sainteté. (Rires) Mais je n’exagère pas, loin de là! non, non, non, non! N’avons-nous pas parlé dimanche de la sainteté de Dieu?
Et nous savons que Saint Benoît lui-même ne craint pas d’attribuer à sa
propre Règle l’attribut de la sainteté: il parle de la
Sainte Règle. Mais pourquoi la Règle est-elle sainte? La volonté de Dieu, mais n’est-elle pas notre nourriture quotidienne?
Nous devons nous nourrir de la volonté de Dieu. L’autre nourriture,
Saint Benoît vient encore de nous en parler. Il en parlait hier au
Chap. 39 et
aujourd’hui au Chap. 40. Mais si je me nourris de la volonté de Dieu, à ce moment-là mon corps spirituel, lui, se fortifie de jour en jour et il devient ce que je mange. Il devient une apparition encore imparfaite, encore voilée de l’être même de Dieu. Se nourrir de la volonté de Dieu, c’est se nourrir de Dieu lui-même et c’est devenir ce qu’il est. Or, nous sommes dans le monastère pour réaliser notre vocation d’homme et devenir des fils de Dieu à part entière. Eh bien, la Règle est sainte en elle-même parce que elle met à notre
disposition heure par heure cette nourriture métamorphosante, transfigurante
qu’est la volonté de Dieu, qu’est Dieu lui-même.
Elle se situe tout à fait à part des autres codes de conduite.
Il n’en manquait pas dans l’antiquité, il n’en manquait
pas à l’époque de Saint Benoît! Et puis, la Règle de Saint Benoît n’est pas repliée
sur elle-même. Elle n’est pas totalitaire, elle n’est pas
un enseignement qui est à prendre ou à laisser sinon on est éjecté?
Non, la Règle de Saint Benoît est Sainte parce que elle n’est
pas jalouse, elle n’est pas figée, elle n’est pas paralysante,
elle n’est pas atrophiante. Certes, il y a dans notre Règle des détails, des prescriptions
qui sont démodées par rapport à notre Culture actuelle.
Mais derrière ce qui nous est demandé, nous devons voir l’intention,
le but. Il y a toujours une visée d’ordre spirituel dans tout
ce que Saint Benoît nous dit. Si bien que finalement, si nous voulons
bien regarder, rien n’est démodé dans notre Règle.
Son but n’est pas de former des hommes parfaits au prix d’une
discipline draconienne. Donc, Saint Benoît ne veut pas construire artificiellement des hommes
parfaits. Non, il nous laisse avec notre sac, notre fardeau de défauts;
mais ce qu’il veut faire, c’est de permettre à l’Esprit
Saint de façonner des saints au départ d’hommes pécheurs. Eh bien c’est cela! Par sa Règle, Saint Benoît essaye
de nous faire avancer. Il veut nous rendre légers pour que l’Esprit
Saint en soufflant puisse faire de nous des anges, des êtres encore
qu’ils ne soient pas parfaits, mais qui ne soient plus que des apparitions
de la beauté et de la sainteté de Dieu. Voilà la raison pour laquelle, mes frères, notre Règle peut être qualifiée de Sainte. Nous devons donc la respecter, nous devons donc la vénérer comme telle. Et toute autre attitude, comme l’indifférence et le mépris, serait proprement suicidaire. Car dans le monastère, il n’y a pas d’autre route pour réussir sa vie, pour aller à Dieu, pour s’épanouir et être heureux, il n’y a pas d’autre route que l’amour et le respect de la Règle. Hors d’elle, pour nous, ce ne serait qu’asphyxie, que mort. Vous savez, mes frères, que pendant vingt ans presque chaque jour
je vous ai parlé de la Règle. Je devrais encore être
Abbé pendant vingt ans, eh bien, je ne serais pas encore au bout.
Il me semble lorsque j’entends lire un Chapitre, que je l’entends
pour la première fois. Et aussitôt, il y a une foule d’impressions,
une foule de visions disons, et même une foule d’auditions qui
se présentent à moi. Et je n’aurais qu’un désir,
c’est de vous le partager.
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Mes frères, mes soeurs, Avez-vous remarqué l’insistance de Saint Benoît? Il
demande à deux reprises, une fois de façon positive et une
fois de façon négative, que les repas soient pris toujours
en tout temps à la lumière du jour. La lumière ne doit
jamais manquer à l’heure des repas, dit-il, 41,18. Ce n’est
pas la lumière artificielle mais la vraie lumière, la lumière
du jour, la lumière du soleil. Eh bien, pourquoi, pourquoi? Nous avons, nous, perdu la symbolique de la
nuit. Nous l’avons perdue parce que maintenant nous disposons à volonté d’une
lumière éclatante, plus brillante que le soleil à la
limite. Auparavant on ne disposait que de pauvres lumignons. J’ai encore
connu, moi, cette époque. J’ai vécu toute mon enfance
sans la lumière électrique. On ne savait pas ce que c’était! Eh bien, c’est parce que: pour ce qui regarde les repas depuis la
plus haute antiquité, la nuit est le lieu des excès et des
débauches. Ecoutez ce que dit l’Apôtre Paul aux Thessaloniciens.
C’étaient des gens civilisés. La Grèce à l’époque,
c’était la lumière du monde. Lorsqu’il dit que ceux qui dorment, dorment la nuit, ce n’est
pas le sommeil paisible des travailleurs qui ont dû peiner pendant
la journée; ce sont ceux qui dorment sous le poids de l’ivresse.
ils se cachent, ils sont entre eux, voyez, la nuit! C’est l’heure de vous arracher au sommeil, le Salut est maintenant plus près de nous qu’au temps où nous avons cru. La nuit est avancée, le jour est arrivé. Laissons-là les oeuvres de ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Comme il sied en plein jour, conduisons-nous avec dignité. Point de ripailles ni d’orgies, pas de luxures ni de débauches, pas de querelles ni de jalousies, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ et ne vous souciez pas de la chair pour en satisfaire les convoitises! Voyez toute cette symbolique de la nuit et de la lumière! Lorsque
nous entendrons proclamer cette Parole au cours de l’Office, maintenant
nous en comprendrons mieux le sens. Le moine est un fils de la lumière
et du jour, pas un enfant de la nuit et des ténèbres. Nous devons aussi marcher dans l’honnêteté comme nous
le disait l’Apôtre Paul. Il ne faut pas que notre coeur soit
enténébré. Si nous entretenons à l’intérieur
de nous des pensées contraires à la charité, nous sommes
des gens malhonnêtes. C’est une tentation, je le sais bien, mais
nous ne devons pas y céder. Saint Benoît nous en donne le remède. Mes frères, même si la lettre de notre Règle est perdue de ces repas pris à la lumière du jour, nous devons en conserver l’esprit. Plus tard, et ce plus tard peut être très proche car nous ne savons pas, ne connaissant ni le jour ni l’heure de notre mort – n’ayons pas peur d’utiliser le mot – nous entrerons alors dans un autre univers, un univers qui est celui du Christ ressuscité dans la Jérusalem nouvelle. Et là, il n’y a plus de nuit. Il est remarquable lorsque le voyant de l’Apocalypse décrit la Jérusalem nouvelle qu’il contemple, il n’y a plus de nuit. Il n’y a donc plus de possibilités de commettre le péché. Les fils de la lumière vivent alors sans cesse en toute sécurité au sein d’une lumière qui les nourrit et dont ils sont les enfants. Eh bien, mes frères, nous devons, nous, porter dans notre coeur
cette espérance, cette espérance qui est le ressort, le moteur
de notre vie, voir la beauté de Dieu, voir la lumière de Dieu,
voir le Christ ressuscité. Et pour cela: ouvrir notre coeur à l’action
de l’Esprit; épouser de tout notre être la volonté de
Dieu; nous plonger à l’intérieur de l’obéissance; être à l’écoute
des cadeaux que Dieu désire nous faire chaque jour.
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Mes frères, La sainteté de Dieu n’est pas un attribut comme la justice, la miséricorde, la bonté, la puissance. La sainteté est la nature la plus intime de Dieu, ce qu’il y a en lui de plus secret, de plus impénétrable, de plus inaccessible, de plus caché, de plus mystérieux. La sainteté de Dieu est absolument hors de notre portée. Notre intellect ne peut concevoir ne fut-ce qu’un rien de la sainteté de Dieu. La sainteté de Dieu demeure, et elle demeurera à jamais hors de notre portée. Et pourtant, tout ce que fait l’homme, même inconsciemment,
c’est pour la trouver parce qu’elle est la source et le sommet
de sa vie. Nous sommes donc plongés dans une situation inextricable,
torturante, affligeante. Dieu devrait faire quelque chose pour apporter un
remède, pour apporter une solution. Il le doit par fidélité envers
lui-même et par compassion envers sa créature. Mais alors, Dieu ne pouvait pas laisser les choses ainsi et ce fut l’Incarnation. Dieu s’est fait matière. En devenant homme, il est devenu matière. Si bien que en Jésus, Dieu est proche de nous au point de ne plus faire qu’un avec nous. Dans la personne du Seigneur Jésus, il n’y a pas une cloison entre la nature divine et la nature humaine, c’est un seul et même être. Les deux ne se confondent pas mais ils sont absolument inséparables. Il y a deux natures à l’intérieur d’une seule personne. Lorsque l’homme-Jésus dit «je», lorsqu’il dit «moi», ce «je», ce «moi», c’est la personne du Verbe. Mais alors, maintenant que Dieu dans le Seigneur Jésus s’est
fait si proche de nous, serons-nous en mesure de saisir quelque chose de
la sainteté de Dieu? Oui, mais à une condition absolument indispensable.
Il faut que ce ne soit plus nous qui vivions mais que ce soit lui qui vive
en nous. Maintenant, descendons un palier: des auteurs inspirés, c’est à dire
des prophètes, des hommes habités par Dieu et mandatés
par lui, ont reçu la grâce de projeter en notre monde quelques étincelles
de cette sainteté. Et ils l’ont fait pour nous. Je vais, aujourd’hui
et demain, vous donner quelques exemples et d’abord celui-ci. C’est
le verset 16
du Chapitre 3 de Saint Jean. Mai regardons un peu ceci! Il est dit: Dieu a tant aimé le monde
qu’il a donné son Fils unique. Il l’a donné! Je
pense que nous passons trop facilement sur ce geste de donation. Il a donné son
Fils unique. Cela veut dire que le Fils de Dieu est devenu la propriété,
le bien du monde, le bien des hommes. Et les dons de Dieu, vous le savez,
sont sans repentance, Dieu ne reprend pas ce qu’il a donné. Et voici encore une étincelle, une lueur de cet amour, donc de cette
sainteté: c’est que le Fils de Dieu, donc Dieu lui-même,
a été livré par les hommes dans une horreur, il a été précipité par
les hommes dans une horreur sans fond. Et d’une certaine manière,
les hommes avaient le droit de le faire puisque ce Fils était leur
propriété. Dieu le leur avait donné! Et alors le Fils de Dieu, donc Dieu lui-même, livré à cette
dernière extrémité, il n’a pas jugé les
hommes, il ne les a pas condamnés; mais au contraire il les a sauvés
et il les a introduits dans sa propre vie. Il aurait pu les détruire
et il n’en a rien fait; au contraire, il les a élevés
là où il est de toute éternité. Voyez un peu
ce que représente l’amour de Dieu! Et à partir de là,
nous pouvons un peu sentir ce qu’est la sainteté de Dieu. Mais voilà, mes frères, la sainteté de Dieu nous révèle
une justice qui est nouvelle, une justice qui est autre: c’est la justice
de l’amour. Et cette justice est paradoxale, elle est sublime, elle
est folle.
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Mes frères, L’expression la plus puissamment évocatrice, la plus saisissante,
la plus déroutante de la sainteté de Dieu ne peut être
que dans la personne du Christ Jésus devenu homme pour nous. Et il l’a chanté en des accents immortels, il l’a chanté aux
chrétiens de la ville de Philippe. C’étaient des néo-chrétiens,
c’étaient des païens récemment convertis à la
personne du Seigneur Jésus et Paul, devant eux, célébrait
la beauté indicible du mystère qu’il avait vu. La sainteté de Dieu est tout entière inscrite sur le visage
torturé du Seigneur Jésus. C’est là que nous,
pauvres mortels, nous qui ne sommes pas des aigles à la façon
de Paul ou de Jean, c’est là que nous pouvons contempler la
sainteté de Dieu aujourd’hui. Et nous sommes immédiatement
immergés dans l’inconnu et dans l’inconnaissable. La sainteté de Dieu sur le visage du Seigneur se laisse comme toucher
dans le comble inoui de l’amour et en même temps au plus bas
de l’anéantissement le plus vil. Il n’y a pas de frontière
entre les deux, c’est une seule et même réalité. Et aujourd’hui, pour atteindre Dieu et trouver refuge dans sa sainteté,
il y a une seule et unique route: le rien du Seigneur Jésus. Je suis
un ver, je ne suis pas un homme, je suis le déshonneur de l’humanité,
je suis le rebut des gens. Voilà un éclair de la sainteté qui
est Dieu! Voilà, mes frères, toutes petites notes qui nous permettent
d’évoquer quelque peu, bien maladroitement, la sainteté qui
est Dieu. L’Apôtre Paul qui est sans doute le chantre inspiré le
meilleur de cette sainteté de Dieu, il nous apprend – il dit
toujours la même chose vous savez, c’est le même thème
qui est repris sous des modes différents – il nous dit où se
cache et se révèle la sainteté de Dieu. Rappelez-vous aussi que les propres parents de Jésus avaient entraîné Marie, sa Mère, pour aller enlever Jésus car ils disaient: il est fou! Ils ne se trompaient pas, il était réellement fou. C’était la folie de Dieu qui transparaissait, qui brillait en lui, mais eux ne pouvaient pas comprendre. Et nous aujourd’hui, sommes-nous encore en état de comprendre? C’est tellement étrange! Et pourtant, c’est la réalité la plus belle! La parole de la croix, dit encore l’Apôtre Paul, elle est folie
pour ceux qui vont à leur perte. Mais pour nous, dit-il, qui sommes
sauvés, elle est puissance de Dieu. Donc, il y a une folie, la folie
de l’avilissement, de l’anéantissement, de la mort qui
est puissance même de Dieu. Mes frères, essayons de retenir ceci: la sainteté de Dieu, c’est la folie, une folie qui est amour, mais un amour qui dépasse tout le raisonnable, tout le décent même et qui détruit, qui anéantit toute sagesse humaine. Et cet amour, comme je le disais hier soir en conclusion, cet amour est la justice par excellence, une justice nouvelle, une justice qui n’est pas de ce monde-ci, une justice qui est aussi manifestation de la folie de Dieu. Voilà, mes frères, restons-en là! Et aujourd’hui,
en cette fête où nous célébrons le Seigneur Jésus
Roi de l’univers, rappelons-nous, nous nous rappellerons que si il
est Roi, c’est parce qu’il a voulu être fou jusqu’à aimer,
et aimer jusqu’à mourir sur une croix sans rien dire. C’est
cela l’amour, c’est cela la sainteté de Dieu!
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Frères et soeurs, Vous avez entendu proclamer le début de l’Evangile selon Saint Luc. Vous aurez remarqué qu’il est question de Jean le Baptiste, cet homme extraordinaire, le plus grand que la terre ait jamais porté, le prophète qui a montré du doigt Dieu présent parmi nous dans une chair semblable à la nôtre; cet homme sans pareil dont ses contemporains ont fait de lui ce qu’ils ont voulu et qui est mort misérablement par la cruauté d’une femme dépravée à demi folle. Jean-Baptiste, devant lequel nous devons aujourd’hui nous incliner
dans un geste de respect immense, son être lumineux et sa voix sont
toujours présents parmi nous. Accueillons avec attention et reconnaissance
son message de grâce! Eh bien, écoutons Jean le Prophète! Il nous exhorte à faire
le plongeon dans l’océan de la miséricorde de notre Dieu
et de nous convertir. Mais reconnaissons d’abord que nous avons besoin
de conversion. C’est le premier pas de notre conversion, une conversion
qui est un retournement de tout notre être. Nous allions dans une directions,
nous faisons volte-face. Se convertir, frères et soeurs, c’est apprendre à vivre
dans la vérité de notre condition. Or notre condition réelle,
la voici: nous sommes enfants de Dieu. La vie de Dieu palpite à l’intérieur
de nos vies. Nous sommes les temples de Dieu. Il est là présent
au plus caché de notre coeur. Frères et soeurs, si chaque chrétien, à commencer
par chacun de nous, pouvait ainsi oeuvrer avec diligence à sa conversion,
la vision du Prophète Baruch prendrait corps pour nous. Ce serait
la gloire de Dieu présente au milieu de nous, la gloire de Dieu nous
escortant et nous portant, ce serait une fraction de paradis ici sur notre
terre.
Fin de cette transcription.
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