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"Giron Robert Wery" (Archives)

Projet social privé

 

(Archives) Chronique du "Giron Robert Wery"

Nous ne donnerons ici que quelques informations révélatrices de l'esprit du projet Robert Wery lorsqu'il a été créé... Quelques victoires, quelques défaites... A cette époque les principaux bénéficiaires du projet étaient les vieillard auquels s'ajoutaient quelques enfant victimes de l'épidémie du Sida. Le projet s'est depuis lors réorienté vers l'aide aux quadriplégiques. Vous pouver accéder aux chroniques du projet actuel en cliquant ici

 

Mme Oor, notre maître d'œuvre.

Oor est une Thaïlandaise « de la rue » comme on dit. Passé relativement obscur, pas d'études, pas d'argent… Je ne cherche même pas à lever tous les voiles ; quelques énigmes et la pudeur ne me dérangent pas. Je sais qu'elle a une fille, une fille très belle d'ailleurs que Oor n'a pas beaucoup élevée elle-même et qui vient de refaire surface dans le Sud du Pays, en zone musulmane, après plusieurs années de disparition pure et dure. Oor a été mariée officiellement, elle a eu d'autres amants et son dernier compagnon est mort du SIDA il y a quelques années. Oor a vécu quelques années au Japon où elle semble avoir été passionnée par un Japonais qu'elle a ensuite abandonné à cause de son mal du pays. Oor a pas mal de relations plus ou moins interlopes qui l'ont conduite aussi à voyager en Australie, en Suède et Danmark … Sachez encore –c'est utile de le préciser pour ceux qui pensent trop vite, qu'elle n'a pas fréquenté la sphère de la prostitution ni celle du grand banditisme… Elles a – semble-t-il – fréquenté pas mal les marginaux mais pas vraiment des mafiosi ni des macros. Elle a certainement un penchant pour la bière, le tabac et la bonne chaire mais garde le contrôle de la machine si l'on veut bien ne pas trop prendre son poids en considération.

Je l'ai choisie pour le Giron Robert Wery parce qu'elle a une très bonne connaissance de la rue, qu'elle est très intelligente et qu'elle a un sens de la compassion qui atteint un niveau plutôt rare dans sa culture. Jusqu'à présent elle s'est montrée parfaitement honnête. Peut-être est-ce parce qu'elle est assez maligne pour savoir qu'elle payerait très très cher une erreur en la matière ? De toute façon, son utilisation de l'argent du projet, je l'ai très strictement balisé, elle le sait. Elle sait aussi qu'elle ne maîtrise pas les finasseries de la comptabilité à laquelle elle doit se soumettre et qu'il m'est très facile de vérifier ou faire vérifier à l'envi et à tout moment si elle a réellement donné tout ce qu'elle a comptabilisé.

J'ai connu Oor alors que je cherchais une actrice d'un certain âge ayant l'esprit vif pour bien et vite comprendre ce que je lui donnerais au cours du tournage. Elle y avait un rôle de médecin dans le film « Lie » tourné à Chiangmai en 2007. J'avais su remarquer à cette occasion sa singulière personnalité. Elle n'avait alors aucun job fixe, manquait de tout, et commençait à sombrer dans une solitude mélancolique.

Depuis qu'elle travaille pour le Giron Robert Wery, Oor a gagné une certaine notoriété dans son environnement. Elle n'y est pas insensible. Elle adore son nouveau métier et le fait avec un zèle qui déborde largement ce que je lui demande et une compétence qui dépasse toutes mes attentes.

Elle reçoit actuellement un salaire inférieur de 7000 baths, ce n'est pas énorme, c'est inférieur à celui d'un instituteur ou d'un maçon mais elle a beaucoup de temps libre, physiquement c'est plutôt léger et elle pourrait même faire un autre métier d'appoint si elle le voulait… Elle fait d'ailleurs un peu de couture.

 

Liste de nécessiteux.

La première chose que j'ai demandé à Oor pour lancer le projet Robert Wery, ce fut de me faire une liste de gens de la région qui, selon elle, étaient de vrai nécessiteux. Elle s'acquitta de la tâche avec éclat. La plupart des personnes qu'elle avait listées étaient manifestement dans une situation très difficile. Nous avons fixé ensemble les modalités d'assistance et établis de plus en plus précisément les critères qui nous semblaient à tous les deux déterminants pour justifier une assistance.

Au début, il s'agissait surtout d'amortir la misère dans la sphère du SIDA qu'elle connaissait relativement bien puisqu'un de ses anciens amants en était mort (elle-même est séronégatif mais elle avait choisi de vivre avec cet amant en sachant qu'il était infecté). Au départ j'avais pensé aider surtout les vieillards indirectement affectés par l'épidémie (enfants morts en laissant des petits enfants à charge, etc.).

Ce que Oor découvrira sur le terrain nous obligera vite à prendre en considération des nécessités aussi impérieuses voire plus impérieuses qui n'appartiennent pas du tout à la sphère du SIDA. Les victimes du SIDA sont, de fait, déjà extrêmement chéries par les organisations qui ont pignon sur rue à Chiangmai et ailleurs et certains pauvres les envient.

Les nouvelles listes utilisaient donc des critères de sélections plus larges. La malchance, les accidents vasculaires cérébraux et le grand âge peuvent être des ennemis bien plus redoutables encore que le SIDA. C'est sans dire que la solidarité familiale, lorsque famille il y a, n'est pas la vertu la plus manifeste ici comme en Europe. La sécurité sociale est encore balbutiante et tout à fait insuffisante en Thaïlande.

Oor a su nous créer progressivement un réseau d'informations sur les réalités du terrain que beaucoup d'ONGs pourraient nous envier aujourd'hui.

 

Alcool... maudit alcool!

Une de nos premières protégées est une petite vieille de 80 ans qui s'occupe de deux orphelins du sida : un garçon de dix ans et un autre de seize ans. Pour joindre les deux bouts, elle récolte sur les poubelles ce qui est revendable...

La grand-mère dont nous avions eu connaissance par des potins est bonne comme le pain blanc. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Il a fallu pourtant remonter le taux d'alerte car en plus de sa fille morte du SIDA, elle a encore chez elle un autre fils quadragénaire... Ce dernier fait plutôt dans le genre « bon à rien », n'a pas de boulot et n'en cherche pas et, surtout, est un sévère alcoolique. Il est continuellement susceptible d'utiliser l'argent que nous donnons à sa trop bonne mère pour satisfaire son vice…

C'est une figure qui n'est que trop classique dans la sphère de l'assistance sociale, en Thaïlande comme en Europe d'ailleurs.

À vrai dire, nous n'avons jamais pu trouver une solution-miracle. Même les dons en nature étaient susceptibles d'être détournés… Nous sentions malgré tout l'utilité voire la nécessité de notre action. Ce qui nous inquiétait le plus, c'était d'observer l'adolescent parti sur la voie de son oncle, cesser d'aller à l'école, ne pas chercher de travail, etc.

Deux ans plus tard, la grand-mère est morte sans crier gare. Ce fut comme un signal pour l'ado qui a depuis lors trouvé un travail. Le petit est lui dans un autre foyer et nous continuons à le suivre et l'assister de loin.

 

Pauvre et propriétaire foncier?

Nous avons dû cesser de soutenir une vieille 'nécessiteuse' et sa petit-fille orpheline parce qu'au cours de ses enquêtes de voisinage, Oor a fini par découvrir qu'elle était encore propriétaire de terres dans une province voisine. En deux ans nous avons été confrontés plusieurs fois à cette difficulté. La plus tragique était liée à une très vieille dame qui avait un enfant handicapé à charge (devenu adulte mais incapable de s'autonomiser). Cette dame méritait aussi une assistance mais elle aussi possède encore pas mal de biens immobiliers dont elle ne veut pas se séparer pour des raisons en somme toutes très justifiables. Le Giron Robert Wery ne peut pas commencer à soutenir des propriétaires pour d'autres raisons toutes aussi évidentes…

 

« Moukata » (« buffet »)

Nous avions pris l'habitude dès le début du projet en 2007 d'aller une fois par mois ou une fois tous les deux mois manger au restaurant avec quelques enfants et quelques vieux que nous soutenons. Nous choisissons toujours la formule « buffet » parce que ce n'est pas trop cher à Chiangmai et c'est un véritable plaisir que de voir les enfants surtout n'en pas revenir de pouvoir choisir et se servir à volonté de ce qu'ils n'ont parfois même jamais eut l'occasion de goûter! Un de nos gamins séropositif -dix ans et très pauvre- s'en était mis tant da la pense la première fois qu'il a dû interrompre le festin pour vomir!

Il arrive que le patron du resto nous fasse une ristourne…

Le médecin de Sarapie voulait organiser mensuellement une réunion d'information pour les enfants et adolescents séropositifs de sa ‘paroisse' médicale dont nous faisons partie. Nous avons décidé de l'aider en offrant chaque fois qu'il le désirait le buffet à tous ses ouailles une fois la réunion achevée. Il n'en profite pas énormément... Qu'à cela ne tienne nous continuons sans lui.

 

TongTeng...

Cette histoire est certainement celle qui nous a coûté le plus d'énergie, de craintes, d'argent et de passion… TongTeng fait partie de la première liste de nécessiteux établie par Oor. Son nom lui avait été communiqué par l'assistant social d'une école dont beaucoup d'élèves sont des pauvres de Sarapie.

Lorsque Oor et moi passions en revue dans cette liste nom après nom pour décider si oui ou non nous allions intervenir, Oor a commencé par me dire que, pour TongTeng, nous arrivions trop tard.Il allait probablement mourir bientôt du SIDA et ses professeurs ne cherchaient même plus à lui inculquer quelques connaissances parce que les symptômes du SIDA sont avancés et que son cerveau ne « capte déjà plus » (traduction littérale de « samong mai rap leo », la phrase prononcée par un prof à Oor). Il a 15 ans, il a le corps d'un gamin de sept-huit ans… bref, ce n'était plus vraiment de notre ressort selon elle puisque je lui avais bien fait comprendre que notre projet ne serait pas un projet médical, que nous ne prendrions jamais à charge des soins médicaux ni des responsabilités médicales…

Je demandais quand même si TongTeng recevait bien un traitement antiviral (devenu gratuit depuis quelques années pour les enfants). Elle ne put me répondre. Sortant de six ans de pratique médicale intensive dans un mouroir pour sidéen, j'ai tout de même décidé d'aller évaluer moi-même la gravité de son état de santé.

Lorsque j'ai rencontré TongTeng pour la première fois, dans le taudis de sa grand-mère, je pus instantanément réaliser que le diagnostic posé par l'école ne tenait pas la route. Ce garçon absolument fascinant, absolument rebelle, écorché jusqu'au trognon par la vie, non traité parce qu'il refusait de se faire examiner (il avait même sorti un couteau de cuisine pour dissuader un assistant médical qui essayait de l'entraîner à l'hôpital) ne manquait ni de chien ni d'énergie ni même de charme et je pensais pouvoir affirmer qu'il ne mourrait pas de sitôt pourvu qu'on arrive à l'entraîner à l'hôpital.

Sa peau n'était pas belle à voir, sa taille était vraiment trop petite pour son âge… mais son cerveau me semblait plus performant que la moyenne puisqu'il comprenait parfaitement mon mauvais thaï alors que bien des adultes bien diplômés n'y arrivaient qu'avec difficultés… Le médecin me confia que ses CD4 étaient encore relativement élevés malgré ce que semblait me démentir son corps : TongTeng était ce qu'on appelle dans le jargon médical du SIDA un « slow progressor » (c'est-à-dire, pour faire simple, un sidéen dont la maladie évolue beaucoup plus lentement que ce qui est commun d'observer).

C'est probablement avec TongTeng que Oor me fit voir le meilleur d'elle-même. Elle a réussi finalement à convaincre le gamin de dormir chez elle et d'aller avec elle tous les jours pendant quelques heures pour y subir un traitement pénible (antimycosique en intraveineux lent). Le traitement fut long, mais eut finalement raison de la maladie qui lui abîmait la peau depuis plus de six ans (pénicilliose). On put aussi débuter la thérapie antivirale, ce qu'il fit finalement de bon cœur lorsqu'il s'aperçut que son corps repoussait de moins en moins son entourage. Il devint même presque beau alors que jusque-là et depuis l'âge de six ans, il suscitait au mieux de la pitié (au milieu d'un supermarché où je l'avais entraîné, j'ai vu TongTeng recevoir d'un couple d'inconnu qui le connaissait de loin quelques pièces de monnaie qu'il ne mendiait pourtant pas … La maladie de sa peau n'était pas encore guérie à l'époque.)

J'ai oublié de mentionner que TongTeng est bien évidemment orphelin de ses deux parents, que sa courageuse et vieille grande mère qui habite un taudis est depuis le premier jour dépassée par cet enfant devenu par la force de la stigmatisation un sévère caractériel… mais un caractériel particulièrement intelligent (ce que son école pourtant très zélée dans ses efforts pour l'intégrer n'avait pu comprendre).

À cause de son âge officiel (il fait beaucoup plus jeune), on dut marchander avec ses profs un diplôme de fin d'étude secondaire inférieur malgré ses examens désastreux pour qu'il puisse encore avoir une chance d'étudier un métier… Les profs épuisés et désespérés acceptèrent finalement de lui lâcher un diplôme parfaitement immérité… La pitié des profs y fut pour une part et le zèle agressif de Oor pour l'autre.Hélas, Oor et moi dûmes vite admettre que la bataille scolaire était perdue d'avance. L'enfant était trop caractériel étudier. Quelques mois plus tard, tout était joué…

TongTeng a alors commencé une seconde vie.

Il y eut d'abord une période étrange pendant laquelle TongTeng qui redevenait maître de son corps et de son look mena une vie interlope dont nous n'arrivions ni nous ni la grand-mère à savoir quoique ce soit. Durant ces mois-là, ses cheveux prirent toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, y compris le rose et le vert métallique. Il voulait sans doute attirer le regard et intriguer ces mêmes personnes qui quelques mois plus tôt le saturaient d'une immonde pitié. TongTeng joua aussi le jeu du persing, aimait s'afficher avec de belles filles pêchées Dieu sait où, se maquillait les yeux et s'habillait d'accoutrement on ne peut plus extravagants. Il ne travaillait pas et nous ne donnions que le strict nécessaire à sa grand-mère pour survenir à ses besoins vitaux. Sa grand-mère affirmait qu'elle n'y ajoutait rien de sa poche. On se demandait toujours comment il arrivait à se débrouiller pour assurer ne serait-ce que ses dépenses chez les coiffeurs. On sut pourtant qu'il avait été impliqué au moins une fois dans un vol de métal… On craignait les pires issues. Il fut convoqué quelquefois par la police mais s'en sortait toujours parce que la Police qui le connaissait depuis toujours en avait malgré tout encore pitié.

Bref ce fut pour tout le monde une période difficile dont il semble maintenant sortir. Il a même accepté un travail honnête… cela n'a duré que quelque mois, mais il a fait un deuxième essai. Il a de nouveau arrêté… Ses cheveux sont redevenus noir, ses habits un peu plus sobres… Plus qu'un peu de noir autour des yeux et quelques boucles d'oreille. Nous le revoyons au moins une fois par mois, au moukata, et parfois une deuxième fois s'il a un besoin impérieux d'un petit peu d'argent, ce qui est rare…

Une chose est certaine : il rayonne de bonheur, c'est flagrant, c'est indiscutable… C'est une vraie jouissance que de le voir dominer tout le monde par sa personnalité enjoueuse aux « moukata », d'entendre son rire contagieux à tout moment pour tout prétexte… Il sait consommer le présent avec une joie qui dépasse l'imaginable.

Last but not least TongTeng soigne son SIDA avec beaucoup d'intelligence et de persévérance. C'est mainteant un tout nouveau type de tracas que nous occasionne son SIDA : l'anecdote suivante est révélatrice.

Un jour la grand-mère tout en émois a fait un scandale dans tout le quartier parce qu'elle avait surpris TongTeng dans son taudis avec une fille à moitié nue. Elle a engueulé son petit-fils et la fille et, comme pour argumenter sa colère, elle a crié au visage de la fille que TongTeng était séropositif et qu'elle était bien sotte de se mettre elle-même en danger en acceptant ces jeux qui ne sont pas de son âge. La fille, très jolie en l'occurrence, est partie aussitôt sans rien dire et TongTeng a soupiré sans plus… Quelques mois plus tard, la fille est revenue pour une relation probablement plus sobre.

 

Aveugle.

Un aveugle-né orphelin est pris en charge par deux vieillards dans une cabane perdue au fond d'un grand verger de campagne. Il a environ quarante ans. Il aime la musique, on veut lui offrir un instrument mais les vieux nous en empêchent parce qu'il les casse tous dès qu'il les reçoit. Mentalement, il est à la limite de la normalité...

 

Fai, minace de désespoir...

Jeune fille orpheline et séropositive asymptomatique lorsqu'on l'a connu. Elle avait treize ans. Au cours des mois on remarque qu'elle saigne de plus en plus facilement. Elle souffre aussi d'une otite chronique purulente... La puberté donne simultanément ses premiers signes... On demande à l'hôpital une investigation médicale. On remarque qu'elle n'y avait même pas de dossier. Jamais testé ses CD4 et elle n'a probablement jamais été enregistrée comme séropositive.

Les CD4 sont déjà dangereusement bas. Il est plus que temps de commencer le traitement antiviral. Fai qui a toujours été très docile jusque-là réagit bien au traitement ; plus de saignements anormaux... Avec ses premières règles, c'est le caractère qui change... Elle rompt avec nous sans se fâcher pourtant ; elle est gentille et polie lorsque nous la revoyons et accepte toujours notre invitation au moukata avec enthousiasme... Elle rompt avec l'hôpital de la même manière… L'hôpital essaye en vain de la remettre sur les rails...

Ses CD4 doivent être de nouveau très bas et elle commence à avoir des problèmes dermatologiques visibles par tous. Elle maigrit et tousse… On craint la tuberculose qui demanderait un traitement lui aussi très exigeant...

Elle refuse de se reprendre en main. En fait elle ne refuse pas, elle se fou de tout en souriant. Impossible de la convaincre de prendre ses maladies au sérieux. Elle est probablement déjà résistante au traitement antiviral qu'elle n'a jamais pris régulièrement.

Secrètement, j'avoue que j'en arrive à espérer que Fai (que nous aimons énormément Oor et moi) va se taper une maladie grave et réversible qui saura la dégoûter des risques qu'elle prend avec sa vie par manque de discipline.

J'oubliais de mentionner que son entourage est plutôt du genre répugnant et se désintéresse totalement de sa santé ; c'est une tante qui l'a prise en charge à la mort de ses parents, probablement contre son gré… Il n'essaye qu'une chose : tirer profit des solidarités offertes aux sidéens par les diverses associations de la région. Le reste de la famille est pire encore qui refuse de manger avec elle depuis toujours par peur d'une éventuelle contagiosité.

 

Moinillon.

Un petit séropositif que nous soutenions n'est pas brillant à l'école. Un peu dégoûté peut-être de n'être ni doué ni en bonne santé il décide de se faire moinillon (ce qui est possible bien avant la puberté en Thaïlande). Le dernier cadeau du Giron Robert Wery à cet enfant sera donc son trousseau de moine... Au fond, il sera peut-être heureux ainsi...

 

AVC.

Les accidents vasculaires cérébraux semblent très fréquents dans la province de Chiangmai... Un médecin me confirme que statistiquement le risque y est plus grand qu'ailleurs... En deux ans d'activité le projet a aidé cinq victimes de cette maladie dont trois incapables de manger, de se déplacer, de se laver... Une est déjà morte. La deuxième est stabilisée mais ne sait plus marcher ni se nourrir ni se laver. Le troisième ne savait plus marcher mais se glissait de place en place sur le cul... il vient de mourir. La quatrième ne sait plus travailler mais sait encore se déplacer se nourrir et se laver... lentement, mais ça l'occupe... La cinquième idem...

 

Solidarité familiale?

Il ne faut pas se leurrer, elle n'est pas beaucoup plus brillante à Chiangmai qu'en Europe... On doit aider certains vieux qui ont des enfants mais ne les connaissent plus depuis des années...

 

Des vieux pris en charge par d'autres vieux...

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Quelques mois après le commencement du projet, une rumeur nous parvient qui dit qu'une dame de 86 ans est clouée au sol par un accident vasculaire cérébral est qu'elle est prise en charge par une autre vieille dame de 78 ans pas riche du tout...

La réalité n'est pas belle à voir. L'odeur dans la pièce est insupportable. La vieille paralysée est déjà vaguement comateuse et pourrit dans ses excréments que l'autre n'arrive plus à nettoyer. Des eschares commencent à apparaître... La dame de 78 ans est totalement dépassée par les évènements.

Bon, il faut faire quelque chose... On ne se décidera pas le jour même parce qu'on ne sait pas par où attaquer le problème. On s'attend à ce qu'elle meure vite. L'hôpital fait savoir qu'il refuse de l'accueillir parce qu'un hôpital n'est pas un mouroir.

Le projet Robert Wery va finalement organiser le compromis suivant.

Nous viendrons sur place Oor et moi deux fois par semaine.

Nous payerons une jeune dame qui aime les vieux pour coordonner la popote et les pampers les autres jours avec quelques voisines qui l'avaient bien connu (en fait, il n'y aura que trois personnes qui mettront la main à la pâte).

Voyant que des inconnus s'intéressent à cette vieille paralysée, les villageois, peut-être un peu gênés d'avoir laissé les choses se dégrader à ce point, lui construisent une petite maisonnette pour remplacer la hutte sordide et incompatible avec l'hygiène où l'autre vieille l'hébergeait (démolie depuis lors). Le Giron intervient un peu dans l'achat des matériaux, etc.

Le problème avec cette dame, c'est qu'elle refusera obstinément de mourir pendant deux ans!

Elle est sortie de son demi-coma dès le début de nos soins. Ses eschares se sont refermées et il n'y a que de sa très mauvaise odeur dont nous ne fument jamais quitte malgré nos efforts... Elle n'a jamais récupéré sa mobilité. Incapable de manger seule, incontinente et, bien sûr, incapable de se lever, elle n'a jamais pu que se traîner sur le sol de quelques mètres...

Sa maladie a été un enfer. Elle continuait à se dégrader physiquement très lentement et devenait de plus en plus malheureuse… Ce fut au point qu'une villageoise finira un jour par payer un moine pour venir faire une cérémonie d'exorcisme... pour la libérer du mauvais sort ou du démon qui certainement était la cause de la cruauté et de la longueur de cette agonie.

La conversation avec la dame ne sera jamais que d'une dizaine de phrases par jour. Nous sûmes la faire rire quelques fois mais en général, elle ne nous accordait que quelques politesses, quelques plaintes et quelques réponses.

Il arrivait, alors que nous la nettoyions, qu'elle utilisait le très peu de mobilité qu'elle avait gardée à l'un de ses avant-bras pour nous caresser la peau en signe de tendresse ou de reconnaissance... Mais, de fait, nous nous en voulions plutôt de ne l'avoir pas laissé mourir dans son demi-coma et son caca au moment où nous l'avions connue.

Jamais personne n'est venu lui rendre visite plus que quelques minutes parce que son odeur était particulièrement désagréable et que personne ne savait quoi dire devant le spectacle affligeant de son corps dégradé...

Les derniers mois furent à ce point pénibles que je décidai de filmer quelques séquences pour pouvoir plus tard faire un film sur le thème de la vieillesse délaissée à l'heure où les ONGs ne semble intéressées que par les enfants qui eux au moins ne sentent pas mauvais...

 

Houm

Orphelin, 12 ans, habitant à coté de chez moi. La grand-mère veuve s'en occupe. La sœur de la grand-mère, vieille fille aide... Voilà que le grand frère qui rapportait un peu d'argent en vendant de la drogue a dû fuir dans les montagnes avec les flics au cul... Quinze jours après, pneumonie ; la grand-mère est sous oxygène... On suit attentivement... De toute façon, on assurera la scolarité de Houm jusqu'au bout... Le projet donne aussi un extra aux deux vieilles... De temps en temps je vais faire les courses avec le garçon...

 

Jeune fille spastique

La grand-mère qui s'en occupait meurt. Nous ne la connaissions pas mais on nous appelle au secours parce que les voisins ne savent que faire de la petite. Nous ne la prendrons pas en charge car cela dépasse amplement nos disponibilités et nos compétences mais nous mettons en marche une recherche d'assistance par les ONG existantes. Un institut spécialisé catholique la prend finalement en charge. Ici l'aide du Giron n'aura donc été que logistique.

 

Secu : 500 Baths.

C'est la somme que donne l'état thaïlandais aux vieux sans revenus et aux handicapés pour survivre... dérisoire... dans un pays où le riz en vrac atteint 1000bath pour 50 kg. Au bas mot, pour simplifier, 500 bath c'est juste ce qu'il faut pour ne pas manquer de riz, savoir le cuire et le saler. Le salaire d'un instituteur tourne autour de neuf mille baths. Le taux du bath varie entre 40 et 50 baths pour un Euro.

 

Toiture qui perce...

Pas très vieille mais très timide… très très timide… lâchée par son mari il y a belle lurette… Lâchée aussi par sa fille qui est repassée en coup de vent il y a dix ans pour déposer son bébé qui a maintenant 12 ans. La grand-mère rassemble péniblement quelques baths tous les jours en fouillant les poubelles. Elle n'est pas encore assez vieille pour recevoir les 500 baths que l'état octroie au vieux nécessiteux mais de toute façon que pourrait-elle faire avec 500 baths et un enfant ?

On voit le ciel à travers les trous du toit... Nous faisons rénover la toiture avant l'arrivée de la mousson dans deux mois parce que l'eau entrait de partout...

Pendant la mousson l'enfant est retrouvé mort avec la main droite carbonisée, à côté du Frigidaire. Nous n'avions pas vérifié le matériel électrique...

La grand-mère se retrouve seule. Mais quelqu'un a su retrouver la mère du défunt. Elle est revenue pour l'enterrement. Elle a repris sa mère avec elle à Bangkok pour au moins quelques mois. Nous avons décidé d'arrêter de lui donner de l'argent. À suivre.

 

Encourager les bonnes volontés.

Un vieux méchant a une attaque cérébrale... paralysie, incontinence, etc... Il n'a pas d'amis, n'a jamais été marié, et semble n'avoir pas ou plus d'amis... Quelques frères ou sœurs l'ignorent... Une voisine généreuse décide malgré tout de l'aider, de le nourrir, de le langer avec l'aide de son propre frère qui a été aide-infirmier. Lorsque Oor eut vent de l'affaire, on va sur les lieux. Les voisins généreux ne sont pas pauvres mais pas riche non plus... On décide de les soutenir financièrement pour les pampers et autres besoins de base.

Le vieux ne sait plus marcher mais se glisse de place en place sur le cul...

Il est hospitalisé pour mauvaise déglutition d'une banane... Il en revient vivant mais encore plus grabataire.

Il mourra d'insuffisance cardiaque quelques semaines plus tard, entouré par les soins de ses voisins.

En récompense de notre solidarité, je recevrai quatre ruches qui traînaient dans le petit jardin du défunt; il m'aura donc fait apiculteur!

 

Recherche scientifique .

Robert Wery était un chercheur. Or une étudiante anglaise se lançait dans une thèse de doctorat sur les exigences logistiques du traitement des enfants en Thaïlande... L'étudiante avait déjà fait ses preuves. Je la connaissais très bien puisqu'elle avait, elle aussi, été volontaire au mouroir pendant de nombreux mois et de là avait été choisie par un homme d'affaire allemand pour organiser la mise en route d'un orphelinat pour enfants séropositifs. Ginge est tout simplement brillante. J'ai donc décidé de la soutenir financièrement dans son étude jusqu'à concurrence de 50 000 bath par an. Robert Wery aurait certainement aimé voir son argent ainsi orienté.

 

Nouvelle paralysée pour la toilette bihebdomadaire.

Un vieux (84 ans) vit avec sa belle 86 ans, qui est paralysée par un accident vasculaire... totalement immobilisée au lit, côté gauche à dit zut à la vie, côté droit et cerveau s'acharnent à survivre... Le vieux pleure quand on va les voir car il ne sait plus la porter pour la laver...

Cela tombe plutôt bien puisque l'autre handicapée sévère vient de mourir. Nous pourrons y aller deux fois par semaine.

La petite vieille n'est certes pas tant à plaindre que notre défunte; elle est choyée, bichonnée par son vieux mari qui la nourrit bien, lave son linge, nettoie ses cacas... Elle ne pue pas lorsque nous arrivons et l'on se fait copieusement engueuler par l'époux lorsqu'on la laisse prendre froid parce qu'on ne se presse pas assez au cours de la douche bihebdomadaire... En fait, c'est un vrai plaisir que de les voir ensemble et c'est donc un plaisir que d'aller lui donner ses soins... Elle est toute petite, toute mignonne et son intelligence compense sa partielle aphasie.

 

Klouey

Une aide-infirmière de l'hospice de Lopburi souffre de convulsion depuis deux ans... Les médecins disent ne rien trouver... L'état médical s'aggrave... J'en ai pitié, elle n'en peut plus de travailler, convulse en salle de plus en plus souvent, souffre de trouble de la diction et semble un peu délirante... Puisque l'hospice semble ne prendre aucune initiative, le projet décide de la faire rentrer chez elle. L'infecte manager de l'hospice s'en fou... On fait promettre Klouey qu'elle n'ira plus jamais travailler chez cet esclavagiste. Klouey ira aussi se faire examiner à l'hôpital universitaire et se reposera... Nous l'aiderons le temps qu'il faudra...

 

Aide de nos étudiants .

Quelques étudiants viennent parfois nous aider pour laver grand-mère paralysée. Yves a dû partir puis ce fut Oor... Joie de constater que le travail a continué à se faire à deux. Nos étudiants sont venus aider.

Une petite voisine de huit ans, lorsque c'est congé à l'école aime venir avec nous donner des soins aux vieux... On l'a donc engégée comme "volontaire" au prix d'un cornetto de temps à autre... D'une manière générale, on essaye, lorsque c'est possible, d'impliquer écolier et étudiants dans nos affaires de vieux. Ca plaît aux vieux, c'est sympha pour nous et c'est pédagogiquement très important/utile pour les jeunes...

 

 

20000 Euros de la part de l'organisation "Lopburi".

Lenie Vanrijt, une impressionnante hollandaise quinquagénaire qui avait travaillé plusieurs années au mouroir de Lopburi avec moi, fait partie du conseil d'administration d'une petite organisation de Deurne (Hollande) qui soutient des actions contre les ravages du SIDA. Elle vient de nous contacter. Elle nous propose de financer quelques assistances gérées par nous jusqu'à concurrence de 20 000 euros. Comme la cheville ouvrière du Giron, mon amie Oor a encore assez de temps libre, nous acceptons tout en sachant qu'au-delà de 5 ans, l'organisation de Lenie n'est structurellement pas en mesure de garantir le follow up des assistances prises en charge.

On ne peut jamais dire quand une vieille personne mourra... mais par contre les scholarchips sont toujours mieux définis dans la durée. Nous allons donc orienter vers Lenie surtout des orphelins du SIDA aux études et éventuellement quelques orphelins séropositifs dont l'autonomie est plus difficile à programmer mais dont le Giron reprendra la charge si nécessaire (nous supportons peu d'orphelins séropositifs; pour le moment, six).

On est déjà en train d'investiguer. Bientôt une nouvelle liste de nécessiteux.

 

Sept morts.

Depuis le début du projet, soit deux ans et trois mois, nous comptons sept décès parmi nos protégés:

  1. Une grand-père responsable d'une orpheline séropositive est morte tout au début de notre projet. Pas de péril en la demeure cependant; la fillette est reprise en charge par deux vieilles amies de la défunte. Elle est bien choyée dans un environnement riche d'attentions et d'amour. La petite continue à suivre scrupuleusement son traitement... Nous continuons simplement à offrir un peu d'argent tous les mois pour qu'elle ne soit pas excessivement à la charge de ces vieux.
  2. Une grand-mère courageuse entre toutes, qui avait pris en charge deux petits-enfants, un écolier et un adolescent devenus des orphelins par les oeuvres du SIDA. (Cf. supra) On pouvait tout craindre mais là aussi tout s'organise pour le mieux. L'adolescent travaille maintenant au zoo de Chiangmai et l'enfant est pris en charge par une tante. Nous continuons cependant à donner un peu d'argent tous les mois pour la prise en charge de ce dernier.
  3. Une jeune femme que nous avions prise en charge alors qu'elle souffrait déjà de symptômes graves du SIDA. Encouragée par nous elle avait finalement décidé de commencer un traitement antiviral. Nous nous étions engagés à le supporter la durée de sa remise en condition. Elle est morte à l'hôpital... non pas à cause du SIDA, ni à cause du traitement contre le SIDA (qui présente quelques dangers lorsqu'on débute une thérapie trop tard) mais à cause d'une erreur médicale (transfusion de sang incompatible.) Elle n'avait pas d'enfant.
  4. Une vieille dame sans enfant paralysée qui nous avait donné beaucoup de soucis... Elle est finalement morte après un long supplice de deux ans! (cf. supra) Son décès fut un apaisement pour tous et surtout pour elle qui souffrait énormément (c'est pour elle que fut organisé un rite d'exorcisme bouddhiste censé l'aider à mourir plus facilement)
  5. Un enfant de douze ans, électrocuté en touchant son frigo. Nous venions d'en refaire la toiture avant la saison des pluies... Nous n'avions pas vérifié le matériel électrique... (cf. supra).
  6. Un de nos vieux est mort sans prévenir... Rien de spécial à dire... C'est la vie.
  7. Un vieux paralysé sans enfant est mort la semaine passée de fatigue cardiaque... Le décès était attendus. Il n'a pas été transféré à l'hôpital aux derniers signes de défaillance cardiaque parce que le combat devenait sordide...

Sept morts cela peut paraître énorme en si peu de temps... Mais le taux de décès risque de ne pas s'améliorer à l'avenir puisque le Giron Robert Wery s'oriente de plus en plus vers l"assistance des vieux et des très vieux indépendamment des effets directs et indirects de l'épidémie du SIDA.

 

Un politicard nous cherche des ennuis.

Un autre politicard plus haut dans la hiérarchie régionale apprenant l'affaire nous rédige sans qu'on le lui demande un laisse-passer qui nous permet d'agir à notre guise sans tracas. La réputation du projet Robert Wery va grandissante.

Malgré notre très petit budget, des officiels des services sociaux nous invitent à faire la tournée de leur secteur...

Des nécessiteux viennent solliciter Oor...

Sans avoir le moindre statut officiel, notre réseau d'information et notre degré d'infiltration de la sphère des nécessiteux devient enviable par les autres organisations.

 

Journée sida

Une école où nous payons quelques scholarchips organise une cérémonie le jour des pères et remet au projet un diplôme de donateur. Je refuse d'y aller ne voulant pas encourager le système, mais Oor y va. Je pense qu'elle aime ce genre de tralala comme la plupart des Thaïlandais.

Les médailles pour les donateurs, les cérémonies pour les remercier, c'est classique en Thaïlande; Jésus n'est pas passé par là pour suggérer à la main gauche d'oublier ce que fait la main droite.

 

 

Grave accident de moto

La nuit tombée, Oor a été victime d'un grave accident de moto. Pendant plus de deux mois elle fut clouée au lit… Neuf mois plus tard, elle marche sans béquilles mais péniblement… Un ivrogne au volant l'a fauché sur le bord de la route avant de prendre la fuite. Les activités du projet n'ont pas dû s'arrêter mais il fallut renoncer pendant quatre mois à organiser de nouvelles enquêtes afin d'avoir de nouveaux protégés. Baisse des dépenses du projet puisque simultanément quelques personnes qui nous assistions déjà sont décédées, quelques étudiants ont terminé leur cycle scolaire et entrent dans le monde du travail…

Mais la réputation du projet n'a pas pour autant cessé de croître. Maintenant que Oor retrouve sa mobilité, tout repart plus vite que jamais et les dépenses globales de la quatrième l'année comptable seront finalement proche de ce qu'elles étaient l'année précédente. L'accident de moto nous a obligé d'acheter une nouvelle moto, l'achat le plus conséquent jamais consenti par le projet… mais impossible de le contourner.

 

Nos « indics »…

Nous avons quelques nouveaux « indicateurs » de poids, c'est-à-dire quelques nouveaux sympathisants bénévoles qui nous indiquent quelques « cas sociaux » susceptible d'intéresser nos activités. Ici c'est une fonctionnaire de la commune, là une « dame patronnesse » comme on dit chez nous, ou encore un politicard en mal d'électeurs, un travailleur de l'hôpital…Tous ces gens comprennent de plus en plus précisément le genre de personnes pour lesquelles nous sommes susceptibles d'intervenir et le genre de personnes pour qui nous ne ferons rien…

 

Aat…

Une nouvelle bénévole qui sympathise à notre projet, plutôt dans le genre « dame patronnesse », environ cinquante ans, nous fait connaître une famille dont la marginalité dépasse tout ce que nous avions déjà rencontré. « L'affaire » est colorée…

Une vieille dame septuagénaire est mère de trois garçons (dont deux sont jumeaux). Elle fait un accident vasculaire cérébral et elle ne s'en remettra jamais tout a fait : elle en garde une hémiparésie qui l'empêchera a tout jamais d'être normalement active… Pas de maris… Ses trois garçons font à leur tour des enfants ici et là mais chacun des trois a une vie conjugale compliquée et aucun ne quitte vraiment le foyer maternel.

Le premier, appelons le « A », le papa de Aat, n'a jamais pris soin de Aat dont d'ailleurs la mère a disparu depuis la naissance. C'est la grand-mère encore valide à cette époque qui se chargera de l'éduquer car monsieur « A » ne s'y intéresse pas du tout et, de toute façon, il ne peut rien faire puisqu'il est depuis des années déjà (et pour pas mal de temps encore) en prison pour une sombre affaire de viol…

Le deuxième fils de la vieille hémiplégique, appelons le « B », est lui aussi en prison, comme sa compagne d'ailleurs, pour du trafic de drogue… La condamnation est de quelques années seulement et les deux enfants qu'ils ont fait avant d'être arrêtés sont pris en charge par le côté maternel avec lequel nous n'auront jamais le moindre contact. La fille semble en rupture avec sa famille depuis bien avant l'arrestation…

Le troisième fils, appelons-le « C », a lui aussi deux enfants mais on ne sait pas grand-chose de la mère qui est elle aussi vite sortie de cette sphère… C'est donc la vieille qui les prend la charge. Le problème principal avec « C » c'est qu'il est alcoolique et très peu enclin à travailler… Mais comme il est aussi gay, il s'est asservi un certain monsieur « D », cuisinier de son état, tragiquement amoureux de « C » alors qu'il a lui-même femme et enfants. « D » ne vit pas en permanence avec « C » mais pour appeler un chat un chat, c'est le seul qui apporte un peu d'argent pour l'alcool et tous les autres besoins de ce beau monde. Pour les extras, « C » commet de temps à autre quelques larcins pas bien graves, etc.

Lorsque « A » a été mis en prison, son fils Aat a été placé dans un orphelinat. C'était l'âge où il devait commencer sa scolarité. Aat n'y est resté que quelques mois car « C » est venu l'en arracher. « C » n'éprouvait pas la moindre affection pour l'enfant Aat, mais comme la grand-mère venait d'avoir son attaque cérébrale, il fallait bien lui assigner un assistant pour les charges ménagères et puis, plus tard, pour s'occuper de ses enfants dans la seule pièce où tout ce beau monde se débattait. Aat, qui est donc devenu le serviteur de cette smala, n'ira jamais à l'école. Il sera illettré jusqu'à l'âge de quatorze ans, c'est-à-dire lorsque le « Giron Robert Wery » entre dans la fête. Comme l'argent manque, Aat ne mange pas assez, il a un retard staturo-pondéral considérable, on ne lui donne pas dix ans… Il a la bouche pourrie a force de manger des expédients…

En bref, pour nous, il y avait du pain sur la planche : trouver une école, trouver un dentiste, une cantine au moins une fois par jour (pas moyen de lâcher de l'argent directement là où un alcoolique sévit)…

Par Dieu sait quel miracle, les deux enfants de « C » dont l'un est encore un bébé semblent heureusement être en bonne santé.

Et puis, coup de théâtre ! Nous ne connaissions pas Aat depuis un mois que « D », l'amant de « C » vient nous l'amener en moto : « Tenez, prenez-le, il n'y a plus personne pour s'en occuper ! ». La police venait d'arrêter « C » pour ses quelques menu larcins… Il était en prison. La grand-mère a été sine die placée dans un home, les deux enfants de « C » pris en charge par l'épouse officielle de « D »… Personne ne savait quoi faire de Aat puisqu'il n'était pas le fils de celui qu'on venait d'arrêter… Nous étions les seuls qui avions manifesté quelque intérêt pour cet enfant qui allait maintenant à l'école…

Pas vraiment le choix ! Il était exclu, évidemment, que ce soit personnellement qui m'occupe du gamin. Il est donc devenu pendant quelques mois l'enfant adoptif de Oor !

« C » a été libéré sous caution par les bons offices et quelques astuces de son amant « D »… Le procès est reporté au calendes grecques mais on laisse la vieille à l'hospice et Aat chez Oor… Après quelques semaines seulement c'est « B » et son épouse qui sont libérés. Ils ont cuvé leurs peines et peuvent rentrer chez eux, c'est-à-dire chez « C », son frère jumeau. « B » et son épouse sont beaucoup plus responsables et généreux que les autres. Ils vont donc commencer par faire revenir Aat au foyer mais sans remettre sa scolarité en question. Ils vont aussi reprendre sa mère qui peut-être n'est pas tellement enthousiaste de devoir reprendre en charge les enfants de « C » mais comme « B » et sa femme on vite retrouvé un boulot, ce sera tout de même jouable malgré son hémiparésie et l'absence de Aat aux heures de cours.

Je passe au-dessus de mille anecdotes mais on comprendra que le Giron peut se targuer ici d'avoir eu (et d'avoir encore !) une utilité spectaculaire. Un an après la première rencontre, Aat sait lire et écrire et il commence même à pouvoir taper sur un clavier sans regarder ses doigts ! Aat est toujours fort maigre mais il est en bonne voie pour retrouver une taille normale pour son âge. Sa bouche est normalisée… Le miracle dans cette affaire c'est que Aat est psychologiquement exceptionnel : solide, personnel, sensible, généreux, gentil…

 

Noho

Voilà une autre très belle histoire qui dore le blason du Giron ! Cela fait deux ans que nous connaissons et aidons Noho. Il a quarante cinq ans et n'a ni mains ni bras mais deux moignons tellement petits qu'ils ne peuvent même pas se toucher l'un l'autre à cause de la distance entre les épaules. Comme tous les handicapés de naissance, Noho a pu développer des aptitudes compensatoires exceptionnelles. Il a été scolarisé quasi normalement. Il connaît même quelques mots d'anglais… Non seulement Noho sait lire mais il sait aussi écrire avec ses pieds ! Il est très intelligent et s'occupe très bien de sa vieille maman. Depuis que le père est mort, le principal problème de ce couple étrange c'est l'argent car Noho n'a pas de job bien sûr ! La mère reçoit 500 baths par mois de l'état en tant que personne âgée et Noho reçoit lui aussi 500 baths de l'état en tant qu'handicapé majeur. Cela fait un tout petit peu plus que l'argent nécessaire pour acheter le riz… Noho essaye tant bien que mal d'y ajouter quelques monnaies en assumant parfois un petit travail offert par charité ici ou là… Le problème c'est que sans mains il n'y a virtuellement rien qu'il puisse faire. Pour appeler un chat un chat, Noho vit de la charité, et la charité n'est pas suffisante !

En plus, le couple est menacés d'expulsion de la belle maisonnette hypothéquée du temps où le mari vivait. Ce sera d'ailleurs la première tâche de Oor. Elle s'en sortira de main de maître en usant les relations du projet ! Noho et sa mère habitent maintenant ailleurs, c'est pas aussi beau et aussi confortable mais pas de loyer à payer !

Parce que j'avais d'emblée été fasciné par l'intelligence et le bon goût artistique de Noho, parce que je ne voyais que l'informatique qui puisse lui offrir quelques perspectives utiles, j'ai décidé d'aller lui enseigner l'informatique (et en particulier l'infographie) deux fois par semaine. Nous lui avons donc offert un ordinateur et j'ai pu trouver quelques accessoires qui pouvaient s'adapter à son handicap. Il tient un stylo électronique entre deux orteils et tape des ses moignons sur un grand clavier… Les leçons on duré environ cinq mois et il peut maintenant utiliser son outil informatique bien mieux que la grande majorité des surfeurs…

Le mieux, c'est que ses compétences en infographie (encore très rudimentaire pourtant) ont su intéresser un politicard de la commune qui l'a engagé à l'essai pour des petits travaux d'illustrations. Le politicard a vite remarqué que de l'avoir à ses côtés servait aussi son image de marque. Le projet a donc offert un appareil-photo à Noho qui pouvait lui aussi s'accommoder de ses handicaps, …et voilà donc que notre protégé devient le photographe officiel de la commune, illustre la feuille de choux locale, conçoit et crée des panneaux d'informations de 6 mètres de haut ! Nous ne devons même plus l'aider financièrement puisqu'il gardera son job le temps que le politicard restera à son poste. Il l'accompagne partout et se présente maintenant comme son assistant puisqu'il est partout où des évènement se produisent : meeting, incendie, visites officielles, etc.

Depuis que Noho sait utiliser un ordinateur, il se connecte régulièrement sur le net à la maison communale et il commence d'ailleurs à y avoir une nouvelle vie relationnelle via les réseaux (déjà plus de quarante mais sur facebook...). C'est lui aussi qui assume la vie informatique du politicard en l'introduisant lui aussi sur les réseaux sociaux…

A quarante cinq ans grâce au Giron Robert Wery, Noho commence une première carrière et une deuxième vie !

 

Fai…

Ca tourne plutôt mal du côté de Fai et nous sommes complètement désarmés. On ne la soutient plus financièrement depuis des années parce que l'argent était systématiquement détourné vers les besoins des cousins par la tante indélicate qui a officiellement charge et autorité sur elle. Mais nous gardons Fai dans la sphère du projet et l'invitons donc parfois à venir manger pour pouvoir garder des liens (malgré la haine de plus en plus explicite de la tante à notre endroit)… Comme par ailleurs elle fut l'une de nos premières protégées, on reste lié affectivement à elle.

Le problème avec cette adolescente séropositive, c'est qu'elle est totalement immature et qu'elle ne prend pas ses médicaments régulièrement. L'hôpital a cessé de se battre dans cette affaire : Fai n'est plus une enfant et si elle ne prends pas ses responsabilités en matière médicale, dans le cadre d'un traitement antiviral, c'est la catastrophe assurée.

La catastrophe, elle est là ! La dernière fois que nous l'avons invitée à manger, elle avait perdu six Kg en quelques semaines. Elle n'était plus qu'un squelette. Elle ne mangeait pas. Ce n'est pas qu'elle n'avait pas faim, mais elle n'avalait que difficilement. Je lui fais ouvrir la bouche et constate, évidemment, une candidose très sévère… C'est une urgence médicale puisque dans quelques jours elle sera incapable d'avaler des médicaments et même de boire. Ses CD4 doivent être au plancher !

Elle m'affirmait pourtant avoir été la veille à la consultation de routine. Mais le responsable médical, malgré sa maigreur et une éruption cutanée ne l'avait pas examinée physiquement… Je ne condamne pas l'attitude de hôpital ; il faut se rendre à l'évidence, Fai était la seule responsable de sa dégradation physique. Tout qui l'aurait vue sans la connaître aurait parlé de dépression et de tendance suicidaire mais en fait il n'y a ni dépression ni volonté d'en finir avec la vie, au contraire…

Elle promettait toujours qu'elle allait être plus assidues pour prendre ses médicaments mais… etc. Je craignais bien sûr la résistance aux médicaments mais l'avenir montrera que ce n'était même pas le cas ; le seul problème c'était son adhérence aux traitements.

Je conduis donc Fai aux urgence de l'hôpital central de Chiangmai qui réagit comme il le faut. Mais une fois revenue à son hôpital de base, le problème redevient vite ce qu'il était. Depuis lors, elle a déjà été hospitalisée deux nouvelles fois pour le même problème…

Fai aime être à hôpital, y manger bien, être dispensée de l'école, s'y reposer, recevoir des visites et des cadeaux… Nous avons dû décider d'arrêter visite et cadeaux parce qu'il était devenu très clair que nous encouragions un cercle vicieux. Au dernier épisode de candidose, elle est allée elle-même toute seule à hôpital… Elle en a été mortifiée. Mais se reprend-t-elle en main ? Non. On la revoit encore régulièrement au croisement des chemins et nous devons encore et toujours comprendre qu'elle « oublie » de prendre ses médicaments, espérant peut être retrouver les symptômes qui la conduiront à une nouvelle hospitalisation…

Et sa tante ? Elle semble aussi aimer qu'elle soit hospitalisée. Je m'attends toujours ace que ce soit une infection cérébrale ou une infection pulmonaire grave qui soit la cause de la prochaine et dernière hospitalisation…

 

Tong Teng en prison

Tout à fait à l'opposé de Fai, il y a notre très cher Tong Teng, lui aussi séropositif, lui aussi un de nos premiers protégés (devenu depuis lors totalement autonome). Tongteng qui avait vécu une enfance purement et simplement infernale a pris maintenant un tel goût de vivre et de jouir, qu'il sourit ou ri tout le temps… Tout est bon pour la joie à commencer pas les partenaires dont il use et abuse avec talents. Mais il aime aussi bien manger, s'habiller à la mode, chanter au karaoké, …La semaine passée, Oor a été appelée d'urgence en prison où il avait été arrêté. Tongteng s'était essayé au plaisir du jeu, s'était endetté et cela s'est mal terminé. Le Giron a du payer pour le sortir de là… Oh, pas bien cher… mais nous n'allions tout de même pas le laisser en prison car même là il semblait prendre plaisir d'être !

 

Uniforme?

En Thaïlande, les gens aiment bien porter un uniforme. C'est pour beaucoup une manière de s'identifier à un groupe, de se présenter comme socialement actif, d'appartenir à une caste sociale... Comme ni mon père ni moi-même ne sommes porté sur les uniforme, je n'ai évidement pas investit un sous sur les vêtement de Oor lorsqu'elle partirait en mission.... Qu'importe; elle s'est brodée elle même le nom de l'organisation pour laquelle elle travaille sur une blouse qu'elle porte chaque fois qu'elle sort de chez elle... Voila pourquoi on peut lire le nom de mon père qui se balade entrecabanes de tôle et homes entre Chiangmai et Sarapie dans le Nord de la Thaïlande...

 

Joy – Sclérose en plaque ?

Joy a cinquante ans. Joy était encore célibataire et sans enfant lorsqu'il est tombé malade. Il est totalement paralysé (quadriplégique : pas capable de se retourner sur son lit, de chasser un moustique, de se nourrir lui-même, d'allonger sa jambe fléchie…). Il a juste gardé la mobilité oculaire, il peut parler, et il est capable de tourner le cou si la tête n'est pas bloquée par un coussin. Il a aussi gardé ses fonctions intellectuelles.

Cela fait maintenant dix ans qu'il est cloué sur sont lit. C'est son grand frère qui l'a pris en charge… un saint… Joy a évidemment aussi perdu le contrôle de ses sphincters…

Il va de soi que dans ces conditions, Joy a commencé à prendre des escarres partout et son corps se déforme étrangement en fonction des caprices des rétractions ou atrophies musculaire… Bref, rien de beau à voir et le grand frère doit s'occuper tout seul de lui (sa femme et ses fils l'aident seulement pour le nourrir).

Lorsque le Giron est arrivé au chevet de cet homme-là, il a fallu d'abord investir : un matelas anti-escarre surtout et avant tout ! Puis un lit capable de faire remonter les jambe ou relever le torse… Ensuite, même si ces gens ne sont pas riches, la vraie question n'était plus l'argent mais le nursing. Nous y allons deux fois par semaine pour une toilette générale, soins d'escarres et massages. On essaye manipulations et suspensions pour inverser les rétractions musculaires qui donner à Joy une position détestable par laquelle une jambe crée des escarres sur l'autre…

Je vous épargne les détails et vous donne quelques photos ; vous comprendrez…

Notre mission est aussi de trouver d'autres volontaires pour aider le grand frère… Pas facile car Joy fait peur, il est physiquement pénible à voir (alors que mentalement il est absolument charmant, causant, souriant…). Jusqu'ici, selon le grand frère, aucun volontaire ne s'est proposé. Nous sommes les premiers. On a envoyé sur place quelques un des étudiants que nous supportons (sans les obliger bien sur !). Ce que j'espère, c'est que dès que les escarres seront refermés (cela va déjà beaucoup mieux mais certains ont la taille de la main !), Joy sera beaucoup moins repoussant. Oor essaye de remuer les politicards aussi qui ont de l'argent pour encourager des « volontaires » à passer… Je vais essayer de remuer les chrétiens qui vivent nombreux dans ces parages-là… On n'en est qu'au début. Fermer les escarres d'abord ! Cela pourra prendre encore deux trois mois.

Quelle est la maladie dont souffre Joy ? La sclérose en plaque je pense. Je n'ai pas vu le médecin.

 

 

 

Dépenses

notre budget actuel dépasse le million de baths par an.

Grâce aux Hollandais l'argent on pourrait biensûr encore élever nos dépenses... Mais le seul vrai problème, c'est de trouver les nécéssiteux. Nous reston fermement attachés à n'aider que ceux qui se trouvent dans notre territoire pour pouvoir suivre les dossiers (il n'y a que quelques très rares exceptions). D'autre part, nous restons fermement encré à quelques principes qui exclue pas mal de candidats: nous n'intervenons pas dans les dépense médicales chronique dans ce pays ou la sécurité sociale commence à être effective... Nous n'intervenons pas lorsque la famille peut le faire, nous n'intervenons pas lorsque les condidats sont simplement sans emplois et en âge de travailler (dans cette société, l'offre à l'emplois est encore importante sauf pour les vieux), etc.

Nos années comptables commence toujours en avril (rythme des écoles):

Dépenses comptabilisées du Giron Robert Wery pour l'année comptable 2007-2008 = 624 349 baths

Dépenses comptabilisées du Giron Robert Wery pour l'année comptable 2008-2009 = 940 679 baths

Dépenses comptabilisées du Giron Robert Wery pour l'année comptable 2009-2010 = 138803 baths (26/3/2010)

Dépenses comptabilisée du Giron Robert Wery pour l'année comptable 2010-2011 = 137690 baths (18/3/2011)

(budget en baisse à cause du blocage des enquêtes préliminaire pendant 5 mois suite à l'accident de Oor... Donc moins de nouveaux assistés. Cf. supra)

NB L'argent de Hollandais est géré exactement comme et avec le nôtre; son impact est de nous permettre d'augmenter notre budget à moyen terme.

- Le nombre total de personne soutenues ou qui le furent depuis le début du projet (2006) est 146. Aujourd'hui 53 vieillard dépendent directement et mensuellement du giron ainsi que 35 étudiants. Les autres restent sporadiquement assistés. Nous avons arrêté certaines assistances soit parce que les ex-assistés sont devenus autonomes (étudiants en fin d'étude), soit sont mort, soit n'étaient liés à nous que pour la durée d'une rehabilitation, soit n'ont pas répondu positivement au contraintes ou critères du projet (cf. supra)...

paul yves wery

Dernière mise à jour: juin 2011

 

 

 

 

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