Noël 1996.

 

Homélie : Noël – Messe du jour.           25.12.96*

      Etre enfant de Dieu !

 

 

Frères et sœurs,

 

            Nous venons d’entendre une des paroles les plus belles qui soit jamais tombée des lèvres d’un homme. Cette parole vient de plus loin que l’homme. Elle est montée du cœur de Dieu et elle nous est offerte. Elle nous dit qui nous sommes. Elle est le chiffre de notre destinée. Nous l’avons entendue, mais écoutons là encore et frémissons d’espérance et de joie.

 

            Cette parole, la voici : nous avons le choix de devenir enfants de Dieu. Nous sommes nés de Dieu. Le Verbe s’est fait chair, il a établi sa demeure parmi nous. Il a voulu que nous devenions ses frères, les membres de son corps, les cellules de son organisme charnel et spirituel. Nous sommes, en étant frères du Christ, en étant de Dieu, nous sommes pleinement hommes et plus que des hommes.

            Le Verbe de Dieu s’est abaissé au plus bas jusque dans une mangeoire d’animal. Il s’est soumis à cet abaissement pour nous assumer en lui avec toutes nos misères, nos faiblesses, nos péchés et pour nous élever au plus haut de sa propre vie après avoir extirpé de notre cœur jusqu’aux racines de l’égoïsme.

 

            Voilà ce qu’il nous offre. Il ne nous contraint pas. Il attend notre réponse. Oui, nous sommes enfants de Dieu nous qui célébrons l’éternelle et toujours actuelle naissance du Seigneur Jésus. Voici qu’est ouvert devant nous un extraordinaire programme de vie. Etre enfant de Dieu, c’est ne plus vivre sous les contraintes de la chair, c’est vivre sous la mouvance de l’Esprit Saint, c’est devenir soi-même un souffle de cet Esprit.

            Et être ainsi un élan de l’Esprit de Dieu vers le monde, vers les hommes, c’est ne plus se subir soi-même, c’est être souverainement libre à l’égard de soi, c’est ne plus adhérer à soi, c’est ne plus se complaire en soi, c’est être entièrement donné, c’est ne plus vivre en parasite, en vampire aux crochets des autres, c’est devenir pour les autres une source à laquelle chacun peut librement s’abreuver et se sentir heureux.

 

            La naissance de Jésus a ainsi créé une relation spéciale entre Dieu et nous. Le oui de Dieu – car Dieu n’est que oui – le oui de Dieu appelle notre oui à nous. C’est à ce consentement que nous sommes à nouveau invités en cette nuit de Noël. Ce oui, nous voulons le renouveler des profondeurs les plus sincères de notre être       .          

            Oui, frères et sœurs, c’est dans la mesure où nous devenons de plus en plus enfants de Dieu que transparaît à travers nous les mœurs de notre Dieu, que nous devenons rayonnement de ce qu’il est. Si nous devenons pur élan d’amour vers les autres, si dans notre cœur il n’y a plus la moindre pensée défavorable à l’endroit des autres, à ce moment-là nous naissons véritablement de Dieu et quelque chose a changé dans l’univers. Le monde en est transfiguré et notre cœur le sait très bien.

 

            C’est le mystère de Noël dans son infinie grandeur. Il signe notre propre grandeur, notre incomparable noblesse. Nous sommes enfants de Dieu, nous sommes fils de la lumière, témoins de l’amour, espérance d’un avenir de gloire. Et je rappelle que la gloire dont on parle si facilement, cette gloire de Dieu qui nous est offerte, cette gloire est la lumière.

            C’est une lumière qui est la vie, l’évangéliste vient encore de nous le dire. Eh bien, cette lumière est notre partage. Ouvrons nos mains, ouvrons notre cœur et elle est pour nous. Et alors en nous, c’est l’humanité entière, c’est l’univers entier qi est transfiguré.

 

            En ce jour de Noël, rendons grâce et ne reculons jamais sur la route qui nous est ouverte. C’est la route du partage de la vie divine pour nous-mêmes, pour chacun, pour l’univers entier.

                                                                                                          Amen.

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Homélie : Fête de Saint Etienne.           26.12.96

 

 

Frères et sœurs,

 

            Le diacre Etienne s’est fait brutalement happé par le soupçon, la dénégation, la bêtise, le refus. Il a été pris dans un filet terrible aux mailles dures et terribles. Il a succombé en vainqueur. Il a ouvert une brèche dans le mur de la haine. Saul, le jeune Saul l’apprendra bientôt à ses dépens.

 

            C’est là un épisode de la lutte, la lutte éternelle entre l’idole et la vérité. L’idole, c’est le dogme absolu, le dogme absolutisé. La vérité, c’est une personne qui a un nom, qui a un visage. L’idole sécurise en asservissant ; la vérité déstabilise en libérant. « Je suis venu apporter le glaive » disait Jésus. Les fanatiques sont de tous les temps, de tous les milieux. Prenons garde à nous, frères et sœurs, et restons les mains nues.

            La vérité qu’est le Seigneur Jésus ne s’impose jamais. Elle est force, amour. Elle est force parce qu’elle est l’amour et que l’amour ne contraint jamais. François d’Assise pleurait devant l’amour méconnu, humilié, rejeté. Il savait ce qu’aimer veut dire, il comprenait la souffrance de Dieu.

 

            Nous sommes plus que jamais dans la lumière de la nativité quand nous voyons Etienne mourir. Les Pères de l’Eglise l’ont abondamment souligné. Je n’aurais pas la prétention d’ajouter quelque chose. Etienne s’est conformé au Christ jusque dans sa passion. Il a vécu son dies natalis, il a vécu sa véritable naissance dans la paix.

           

            Il nous est dit également que l’Eglise de Jérusalem avait fait une grande lamentation sur Etienne qui faisait …?… tout jeune, comme Jésus était jeune, comme Saul était jeune. Mais il est une personne dont on ne parle pas, une personne dont les entrailles ont dû être labourées, déchirées par la mort d’Etienne. C’est sa maman. Dieu seul sait ce que doit souffrir une maman qui perd son enfant surtout dans des conditions aussi tragiques. Le silence était sans doute préférable devant l’immensité d’une telle souffrance.

            Marie a dû compatir et consoler. Il est dit que Marie vivait dans la compagnie des disciples de Jésus. Elle devait connaître Etienne et la maman d’Etienne. Elle seule pouvait vraiment consoler.

 

            Nous nous inclinons devant ce mystère et nous faisons confiance. L’Histoire du monde est en réalité celle de la Rédemption dans sa face de ténèbres et sa face de lumière. Nous en sommes les témoins et les acteurs. Puisse le Seigneur nous garder toujours dans la vérité qu’il est.

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Homélie : Fête de Saint Jean.              27.12.96

      Passer de la mort à la vie !

 

 

Frères et sœurs,

 

            Si nous en croyons l’Evangile, Jean était l’Apôtre qui ne devait pas mourir. Il s’était répandu parmi les frères l’idée que ce disciple ne mourrait pas. Et c’est vrai ! Pouvait-il seulement mourir ? Posons-nous la question ! Il avait cru, et celui qui croit, tout comme celui qui aime, est passé de la mort à la vie. Ses yeux avaient vu, ses mains avaient touché le Verbe de la vie, le Verbe qui est la Vie, et qui est aussi le chemin qui conduit à la vie.

            La vie éternelle est une personne, elle est un homme, elle est le Seigneur Jésus. Cette vie était passée toute entière en Jean qui ne pouvait plus mourir. Cette merveille, il nous l’annonce pour nous entraîner avec lui dans la plénitude de la joie. Le Christ lui-même avait dit « Je vous donne ma paix et je vous prends avec moi à l’intérieur de ma propre joie ».

 

            Ce n’est pas n’importe quelle joie, mes frères, c’est la joie même de Dieu. Et l’espérance de Jean, elle est à notre portée. Elle est la récompense de toute vie chrétienne vécue jusque dans ses ultimes conséquences. Comment pourrait-il voir la mort celui qui est devenu un seul esprit, un seul cœur, un seul être avec la vie ?

            Qu’est la foi ? Celle d’un Jean, celle d’un Paul, celle du saint sinon l’irrépressible élan de l’amour. Cette foi, elle le presse à l’intérieur, elle le pousse à l’extérieur. Et c’est la course en avant jusqu’à ce qu’on ait atteint celui par qui on a été saisi.

 

            C’est le torrent de la vie, de la vie éternelle. C’est la vie qui est Dieu, c’est la vie qui est le Seigneur Jésus ressuscité. C’est un torrent qui emporte tout, il ne laisse rien derrière lui, rien d’autre que lui. Aux yeux insensés, aux yeux qui ne voient pas, qui ne comprennent pas, comment ne pas mourir ? Comment comprendre qu’il soit possible de ne pas mourir ?

            Il nous est dit dans le Livre de la Sagesse, des martyrs qui avaient dû passer par le feu des tourments, par le feu de l’amour et par la mort, il est dit qu’ils étaient dans la paix hors d’atteinte de …?… . Ils avaient cru, ils s’étaient laissé dépouiller de tout jusqu’à se laisser dépouiller de la vie. Mais il n’y avait plus en eux qu’une immense aspiration vers la lumière, vers l’amour, vers la vie. Et ils sont passés à travers tout et la vie est devenue leur bien.

 

            Mes frères, tel était Jean, tel était Paul, tels étaient les saints, tels nous devons être à notre tour. Dieu s’est fait homme pour nous absorber en lui, pour nous absorber dans la vie qu’il est. Alors, frères, fermons les yeux et laissons-nous faire !

 

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Homélie : Fête des Saints Innocents.      28.12.96

      Entre Hérode et Caïphe ?

 

Frères et sœurs,

 

            Les chemins empruntés par Dieu pour entrer dans l’Histoire des hommes sont mystérieux, redoutables, indéchiffrables et combien beaux. Nous, chrétiens, sommes un peuple de prophètes et nous devons pouvoir explorer ces chemins. On ne peut les contempler qu’avec un respect infini.

            La foi est une certaine intelligence des chemins de Dieu. Elle promène sur eux une lumière venue de Dieu lui-même. Tout est à recevoir dans la reconnaissance et la crainte. Accueillons donc ce que Dieu nous offre ce matin !

 

            Au seuil de l’Histoire de Dieu devenu homme, de Dieu partageant en tout notre destinée mortelle, nous apercevons Hérode, Hérode l’…?…, Hérode l’intrus, l’usurpateur, l’homme le plus honni de tout Israël. Et au terme de cette même Histoire, nous reconnaissons Caïphe le grand prêtre, l’homme le plus craint et le plus vénéré en Israël. Hérode et Caïphe ! Ils finiront par broyer Jésus, ils finiront par avoir raison de Dieu. Le drame de Jésus est scellé par ces deux hommes, tous deux prophètes à leur manière.

            Jésus, ne l’oublions pas, a été un enfant, un tout petit enfant, et il a été un adulte. Entre les deux s’est étalée son histoire, l’histoire d’un homme qui grandit, d’un homme qui cherche, d’un homme qui travaille, mais un homme pour Jésus qui pressent beaucoup de choses.

 

            Mais revenons à Hérode. Hérode aura tout fait pour obtenir droit de cité au sein du Peuple de Dieu. L’Eternel lui a donné de siéger sur le trône de David à Jérusalem, la ville de toute sainteté. Eh bien, Hérode va construire à Dieu un temple magnifique, resplendissant, merveille unique au monde. Et le voici ainsi dans son idée, devenu plus juif que les juifs, et son pouvoir lui semble établi pour jamais. N’a-t-il pas mis Dieu de son côté ?

 

            Mais quand Dieu se présente et se tient à la porte de son palais et de son cœur, il se ferme, il refuse. Il veut se débarrasser de ce Dieu. Et voilà que sans aucun scrupules il attaque et il massacre à l’aveugle. Hérode est prophète sans le savoir. Il dit que Dieu n’a pas de place parmi les hommes, qu’il est un être dangereux. Il dit, il annonce que Dieu sera finalement tué et que l’homme pourra alors régner seul, libre. L’homme devenu le maître de l’univers, seul maître. Il n’y a plus de Dieu, Dieu a été tué par les hommes.

            Et à l’autre extrémité se dressera un autre prophète, un autre Hérode, Caïphe le prêtre. Le roi et le prêtre ! Tous deux se haïssent férocement, mais tous deux se sont ligués contre Dieu et contre son mystère. Au temps d’Hérode, un seul a échappé à la tuerie générale ; au temps de Caïphe, un seul mourra pour que tous soient sauvés. Et ainsi la vie entière de Jésus est tracée de l’origine à la fin sous le signe du sang. Il le sentait, il le savait et il n’a pas voulu se dérober.

 

            Et, frères et sœurs, prenons en conscience, il en sera ainsi jusqu’à la fin du monde. Nous le savons, Dieu est amour et voilà ce que les hommes font de l’amour. Et nous-mêmes, reconnaissons-le, nous sommes complices, mais nous ne le serons pas pour jamais. Jésus nous prend avec lui tels que nous sommes. Et le jour viendra où le péché sera écrasé, où il sera extirpé de notre cœur et de l’univers.

 

            Nous le croyons et cette foi nous porte en avant. Dieu est amour et Dieu sera finalement vainqueur. Il sera vainqueur sur la croix et sa victoire s’étend insensiblement mais irrésistiblement à l’univers entier. Et le jour viendra, un jour tout proche pour nous, pour chacun de nous, le jour viendra où la beauté de Dieu et son amour éclateront partout. Et tout le monde sera sauvé, les petits enfants innocents, et Hérode, et Caïphe, et nous avec eux.

 

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Chapitre : Fête de la Sainte Famille.            29.12.96

      La cellule primitive !

 

Mes frères,

 

            Chaque fois que Dieu se lance dans une œuvre de création ou de recréation, il part d’un germe infiniment petit, tellement petit qu’il passe inaperçu au regard non averti. Ainsi la genèse du monde : il n’y avait rien, rien qu’un noyau d’énergie, d’une énergie fantastique, incommensurable. Et personne n’était là pour contempler ce noyau. Seul Dieu pouvait le voir. Et voilà que soudain ce noyau a explosé et ce fut la naissance de l’univers. Et son explosion n’est pas terminée. L’univers se dilate sans mesure et sans fin.

            Et nous, mes frères, nous étions déjà présents bien réellement au cœur de ce noyau d’énergie. Et cette énergie nous habite aujourd’hui. C’est elle qui nous donne de respirer, c’est elle qui anime notre cœur, c’est elle qui nous fait penser, c’est elle qui nous permet de prier.

 

            Et puis, Dieu a entrepris une œuvre nouvelle, une recréation, une nouvelle étape, celle de la divinisation de ce cosmos. Et il est parti d’une cellule toute petite, mais une cellule à l’image de ce qu’il est, à l’image de la Trinité qu’il est. Et cette cellule familiale, c’est Jésus, Marie et Joseph.

            Et déjà, nous étions au cœur de cette cellule, mystiquement mais bien réellement présent. Et si maintenant nous participons à la vie divine, c’est à partir de cette cellule primitive. Et elle nous dit que nous sommes tous liés les uns aux autres, que nous formons tous une immense famille et que personne ne peut en être exclu.

 

            N’oublions jamais, mes frères, que nous avons été choisis dans le Christ dès avant la création du monde car Dieu savait ce qu’il faisait. Il avait un projet et déjà il nous connaissait, et déjà il nous aimait ; déjà il nous aimait chacun personnellement, chacun infiniment avant de poser ce noyau d’énergie fantastique qui allait devenir notre monde.

            Et puis tout a collaboré à l’œuvre de Dieu, absolument tout : le monde matériel pour nous amener à la confiance et le monde de Dieu pour éveiller à la surconfiance. Et cette surconfiance, c’est la foi, c’est notre intelligence devenue divine et c’est l’amour, l’amour qui nous fait agir divinement.

            Il y a en nous cette conjonction entre le mouvement matériel qui anime le cosmos entier et un mouvement divin qui vient du cœur de Dieu et qui petit à petit à partir de nous rayonne dans l’univers entier et insensiblement le transfigure ; à partir des saints que nous sommes et que nous devenons, c’est le monde entier qui devient révélation de ce qu’est Dieu.

 

            L’Apôtre nous dit, il nous le dira tantôt, nous l’entendrons, il nous dit ce que nous devons être et ce que nous sommes. Il définit notre vocation. Il nous dit que nous devons avoir un cœur plein de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. C’est là le portrait du véritable chrétien, c’est le portrait de l’homme accompli : la tendresse et la bonté, l’humilité, la douceur et la patience. Ainsi était le Seigneur Jésus. C’est ainsi qu’il s’est présenté :  « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur »

            Et nous-mêmes qui sommes les membres de son corps, nous devons permettre à cette douceur, à cette humilité, à cette patience, à cette tendresse, à cette bonté de s’emparer de tout notre être.

 

            Il nous dit aussi, l’Apôtre, que par-dessus tout, nous devons nous laisser mouvoir par l’amour qui fait le lien de la perfection. Et l’amour, c’est un mouvement extatique qui nous fait sortir de nous. Il nous fait nous abandonner, il nous fait nous oublier ; il nous ouvre et il nous permet d’accueillir en nous nos frères, ceux avec lesquels nous vivons et même au-delà, infiniment au-delà ceux de l’univers entier. L’amour est à la mesure de Dieu, pas moins !

            Et alors, conclu l’Apôtre, c’est le règne de la paix : la paix en nous, la paix entre nous, cette paix dans laquelle nous formons un seul corps dans le Christ. Et voilà cette cellule primitive qui est devenue un corps immense : nous sommes tous UN dans le Christ.

 

            Mes frères, une communauté monastique est la concrétisation de cette beauté. Elle est un corps animé par l’Esprit Saint, l’Esprit qui ne cesse de purifier les cœurs, de les embellir, de les unir. Le doigt de la main droite de Dieu, comme nous chantons au moment de la Pentecôte, c’est l’Esprit Saint. Et l’Esprit Saint est le doigt d’un artiste. Dieu ne fait que de la beauté, lui qui est la beauté par excellence.

            Mes frères, exposons-nous à ce doigt et n’ayons pas peur de devenir beau, beau de la beauté même de notre Créateur. C’est alors que nous serons doux et humbles, et tendres, et bons. Nous sommes tous ainsi membres les uns des autres, au service les uns des autres, tous tournés les uns vers les autres. Celui qui veut se mettre en dehors de cette beauté, c’est çà la damnation, ce n’est rien que cela ! C’est pourquoi soyons très prudents, très très prudents !

 

            La communauté monastique est ainsi l’image du cosmos achevé, et c’est là sa vocation eschatologique comme on dit. Elle est la présence de l’univers arrivé à son achèvement. Vous allez dire que c’est un peu utopique tout cela ! C’est vrai ! Et pourtant, c’est la vérité !

            Si nous ne sommes pas encore cette beauté consommée, nous sommes en train de le devenir parce que nous nous exposons à la lumière et à la beauté, parce que les énergies divines travaillent en nous à notre insu. Et l’obéissance, ce n’est rien d’autre que s’abandonner à ses énergies et devenir vraiment ce que nous sommes, ce que nous devons être et, tous ensemble, d’être une cellule active de l’univers.

            Mes frères, nous sommes ainsi une famille sainte, la famille de Jésus, Marie et Joseph, et ses saints. Eh bien, nous aussi en vraie communauté monastique, en vrai corps, nous devons être une famille sainte, une famille qui tend vers la sainteté. Mais y tendre vers cette sainteté, c’est déjà être saint. Ne l’oublions jamais, mes frères, et efforçons-nous de vivre en conséquence !

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Homélie : 6° jour dans l’Octave de Noël.  30.12.96

      Faire le bon choix !

Mes frères,

 

            L’Apôtre vient de nous dessiner en quelques mots le cœur de la philosophie chrétienne et monastique. Il nous met en présence de deux univers et il nous exhorte à bien choisir : d’un côté il y a le monde, de l’autre côté il y a le Père.

 

            Le monde, c’est la création sous le pouvoir d’un usurpateur, d’un séducteur, d’un illusionniste. Au départ, certes, la création était bonne, elle était belle, elle était pure. Dieu s’en félicitait et voulait partager son contentement et sa joie avec l’homme.

            Mais le tentateur est survenu. Il a tout faussé, tout gauchi, tout dénaturé. Et aujourd’hui ce qu’il y a dans le monde, c’est l’égoïsme, la convoitise, l’appétit du pouvoir. Tout cela ne vient pas du Père, du Père des hommes, du Père de la création, du Père de Jésus.

 

            Et en face de ce monde perverti se dresse le Père, un Père qui attend. Il est la source de tout parce qu’il est l’amour. Il ne veut pas condamner le monde, il ne veut pas l ‘anéantir, l’effacer pour recommencer. Non, il veut le …?… , il veut le sauver, il veut le guérir. Et pour cela, il a envoyé dans une chair d’homme celui par qui tout avait été fait. Le Verbe de Dieu s’est fait chair.

Le Verbe s’est fait chair, il s’est fait matière, il s’est fait fragment de ce monde malade. Et demain, grâce à lui, grâce à nous aussi, mes frères, Dieu sera tout en toutes choses. Et ce demain, ce peut être un bientôt, ce peut être un tout de suite pour chacun d’entre nous.

 

            Oui, pour que Dieu soit en toutes choses, il faut qu’il le soit d’abord dans nos cœurs qui s’ouvrent à lui, des cœurs comme celui d’Anne la prophétesse, celui de Siméon qui attendait, de Joseph, de Marie. Le monde et sa misère ne mène à rien, qu’au désespoir. Lui et ses désirs sont déjà en train de disparaître, ils s’éteignent les uns après les autres à peine apparus, à peine assouvis. Et jour après jour, cela s’engouffre dans le néant

 

            Mes frères, nous avons à choisir entre le monde et le Père. Eh bien, notre choix est fait. Nous avons envie de vivre chez Dieu, dans sa maison, à son ombre, dans sa lumière et cela jusqu’à notre mort physique.

            Nous sommes les frères d’Anne la vieille prophétesse et nous participons à son mystère. C’est notre vœux de stabilité. Nous avons choisi l’âpre chemin du renoncement, loin des convoitises, loin de la soif du pouvoir, loin de l’orgueil de la vie. C’est notre vœux de conversion.

            Il n’est pas facile tous les jours, mais tous nous tenons. Nous avons choisi de nous cacher dans les vouloirs de Dieu. Nous avons choisi d’en faire jour après jour notre nourriture. C’est notre vœu d’obéissance. Et au plus intime de nous, il y a quelqu’un qui nous dit, qui nous murmure, qui nous chante que déjà nous entrons dans la vie éternelle.

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Homélie : 7° jour dans l’Octave de Noël.  31.12.96

      Citoyens de la dernière heure !

 

Frères et sœurs,

            Nous sommes au dernier jour de l’année civile. Encore un peu et il s’évanouira et l’année 96 avec lui. Nous nous sentirons un peu plus âgé ou bien, peut-être prendrons-nous espoir pour un nouveau printemps.

 

            L’Apôtre, lui, ne raisonne pas ainsi. Il se situe à un autre niveau. Il nous avertit : Nous sommes à la dernière heure, une heure inscrite sur l’horloge des cieux, une heure qui n’en finit pas, une heure qui s’éternise. Elle participe de ce temps mystérieux, hors du temps, qu’on nomme l’éternité.

 

            Voilà les heures sur lesquelles l’Apôtre nous emmène avec lui. Il nous arrache …?… …?… à nos contingences et nous sommes projetés dans la vérité. Il nous est demandé de nous y établir.

            Celui qui répugne et refuse, celui qui s’accroche à d’autres bonheurs, celui qui calcule, qui mesure selon les normes du monde, celui-là montre qu’il n’appartient pas au Christ qui est la vérité et la vie.

            La dernière heure …?… …?… …?… car personne ne peut y échapper. Mais il aura perdu le plus clair de son existence, il aura glissé dans les ténèbres, il n’aura pas connu la liberté, la paix, le bonheur des enfants de Dieu.

 

            Frères et sœurs, la dernière heure est celle où s’ébattent les enfants de Dieu. Ces hommes sont nés de Dieu, ils sont de sa race, ils sont de son sang. On les reconnaît à leur détachement, à leur pauvreté ; on les reconnaît à leur ouverture, à leur amour ; on les reconnaît à leur compassion, à leur douceur.

            Ils sont fils de la lumière, enracinés dans la vérité, construits sur elle. Le Christ se trouve en eux. Il est leur vie, leur respiration. Il ne leur est pas possible de respirer l’air empoisonné du monde, les plaisirs, les convoitises charnelles.

            Ils ont ouvert les portes de leur cœur, ils les ont ouvertes à Dieu, au Christ, à leurs frères. Ce n’est plus eux qui vivent, c’est le Christ qui vit en eux. La vie éternelle est leur bien, leur assurance, leur fierté.

 

            Ils savent très bien qu’ils sont dans la dernière heure ; ils savent très bien que la vie éternelle est leur partage. Ils savent très bien que le cœur du Christ bat dans leur propre cœur. Tout cela, ils le savent et c’est leur bonheur. La mort physique ne les effraie pas. Elle est le portail qui s’ouvre soudain et qui leur donne la vision parfaite, la vision totale de la lumière.

            Frères et sœurs, notre espérance, c’est d’être comptés parmi ces hommes, d’être comme eux citoyens de la dernière heure. Et nous savons que l’espérance ne trompe pas car l’Esprit Saint, l’Esprit du Christ qui est la vérité et la vie est répandu dans notre cœur.

 

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