Noël 1994.
Frères et sœurs,
Nous l’avons entendu : il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Ce constat est terrible. On voudrait pouvoir le gommer, on voudrait pouvoir l’effacer, mais c’est impossible. Et ici, il hurle et il retentira partout dans le monde jusqu’à la fin des temps.
Mais la grande salle commune d’aujourd’hui, n’est-elle pas ce monde où s’entassent les hommes ? Dans cette immense salle commune, aucune place pour la naissance de Dieu. Pourtant, tous ceux qui l’habitent sont appelés à vivre en frères, à partager biens et services. Mais où se trouve la place de Dieu ? Et lorsque Dieu est absent, cette salle commune devient un réduit où l’on se dispute, où l’on se déchire, où l’on se bat, un réduit où règne la peur.
Vous allez dire que c’est manifestement exagéré car on voit des crèches partout dans les foyers, jusque dans les rues. Mais voilà, ces crèches simples ou riches, miniatures ou grandeurs natures sont l’imploration d’une prière, un appel au secours. Elles sont surtout les témoins d’une espérance. Dieu est présent quelque part, Dieu naît quelque part. On les.................................................................
panne d’enregistrement un moment ?
.......................................................cette parole enrobée de silence nous dit la naissance de Dieu dans une chair humaine. Elle nous dit qu’elle est d’aujourd’hui comme de hier. Le mystère de la temporalité embrasse tous les temps et tous les lieux. Dieu est toujours en état de naissance.
Il naît à cette heure même à l’intérieur de nos cœurs d’hommes et de femmes, ces coeurs qui sont chacun une salle commune encombrée de choses, de personnes, de cris, de pleurs, de joies, de laideurs, de beautés. Et dans cette salle commune de notre coeur qui est un univers, y a-t-il dans cette salle une place pour Dieu ?
Je pense que oui, car lui, Dieu, n’est pas difficile. Il se contente du plus petit coin et il n’est pas encombrant. Il ne se fait pas remarquer mais il est là. Il s’installe, il naît, il prend corps, il souffre, il grandit ; puis il nettoie, il orne, il embellit, il transforme. Et il ne met personne dehors, lui qui accueille et jamais ne rejette, lui qui est l’adversaire acharné de toute forme d’exclusion.
Et ainsi la salle commune de notre coeur devient un temple où il est admiré, où il est aimé, où il est servi, d’où il fait rayonner la paix et la joie. Et alors la grande salle commune qu’est le monde, elle se peuple de lumières multicolores qui chantent l’espérance.
Frères et sœurs, tel est le message de cette nuit : Dieu est venu pour nous métamorphoser en ce qu’il est. Il faut que chacun, que chacun d’entre nous devienne un lieu où il révèle sa présence et son action. Et cela doit s’exprimer, se traduire au-dehors, non seulement dans nos regards et nos paroles, mais aussi dans nos gestes et notre conduite. Il a pris naissance en Jésus, il prend naissance en nous. C’est à ce titre que nous sommes chrétiens et notre responsabilité est grande.
Il faut que, grâce à nous, ce réduit obscur qu’est devenu notre monde redevienne ce qu’il était à l’origine, un palais de lumière où Dieu est visible à travers ce qu’il fait, où Dieu est visible à nos regards, où Dieu se donne à nous en chacun d’entre nous. Pouvoir nous accueillir les uns les autres, pouvoir partager, pouvoir nous unir, pouvoir construire alors ce Corps dont le Christ Jésus est la tête et dont nous sommes les membres.
Frères et sœurs, voici ce que nous dit le message de cette nuit. C’est vrai, il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune et ils ont trouvé refuge dans une étable. Et lui, notre Dieu, a été couché dans une mangeoire.
Il y a dans ça aussi un signe, une parole. Il est venu pour se laisser manger par nous. Un jour il dira : « Ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson ». Et tout était déjà dit lorsque à peine venu, apparu dans notre monde, il était étendu dans une mangeoire.
Il faut, frères et sœurs, que notre monde cesse d’être un réduit. Et pour cela, permettons à notre Sauveur de nettoyer notre coeur, d’être le Prince de notre maison, de notre cité afin que dans le secret il puisse tout sauver. Et ainsi, notre monde sera déjà sauvé et, demain, Dieu sera tout en toutes choses.
Tel est le message que nous devons rayonner autour de nous aujourd’hui et toujours !
Amen.
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Frères et sœurs dans le Christ,
Cette nuit, nous respirions la chaleur humide d’une étable. A cette heure-ci, pourvu que nos yeux soient ouverts, nous contemplons une lumière qui est une personne, une lumière qui est la Vie.
Cette nuit, nous attendions un homme, un petit bout d’homme. Et nous savions, nous savons encore que dans cet homme, tous les hommes étaient inscrits. Nous-mêmes étions inscrits en Lui. Nous étions présents au moment de cette naissance. C’est nous qui, mystiquement à cette heure-là, prenions corps à l’intérieur du monde à venir.
Tous autant qu’ils seront, du premier jusqu’au dernier, les hommes sont inscrits dans la personne du Seigneur Jésus.
Et cette nuit, si nous avons pris garde, nous entendions dans le lointain un voix, la voix d’un juge, d’un juge apeuré, d’un juge qui était un lâche. Et nous entendions les hurlements de la foule en délire. « Voilà l’homme ! » disait ce juge. Et la foule de crier : « Crucifie-le, nous ne voulons pas de lui ! » Frères et soeurs, Pilate aura beau se laver les mains, le sang de cet homme, le sang de Dieu aura laissé des traces indélébiles sur ses mains et aussi sur nos mains.
Maintenant à ce moment-ci, je le répète, nous reconnaissons celui par qui Dieu a créé les mondes : le Fils qui porte toutes choses par sa Parole puissante. Par Lui tout a été fait et, sans Lui rien ne s’est fait. C’est par Lui que nous sommes. C’est grâce à Lui que nous respirons. C’est en lui que nous nous endormirons. C’est en Lui que nous atteignons la plénitude de notre destinée.
Hélas ! nous n’y pensons guère, nous n’y pensons peut-être pas du tout ? C’est le moment maintenant de réfléchir, d’accueillir et de nous dire : « Oui, il y a quelque chose qui doit changer ! ».
Nous voyons cet Homme-Jésus, nous le voyons au terme de l’Histoire anéantir toute espèce de mal et remettre à son Père un univers devenu reflet de sa beauté. Il fallait qu’il descendit dans le néant, il fallait qu’il endura l’impossible avant de remettre à son Père un cosmos achevé.
Depuis l’origine, une des missions du moine est de contempler dans le silence la réalisation de ce projet. C’est de lire dans les choses, c’est de lire sur le visage des hommes la beauté de notre Dieu. Car tout l’univers, tous les hommes sont beaux.
Derrière les laideurs bien réelles, mais qui sont en surface, en superficie, il y a autre chose. Et si notre coeur est pur, nous voyons en transparence dans une translucidité qui nous éblouit, qui nous émerveille, la beauté, la beauté d’un nom qui est inscrit à l’intérieur du Fils de Dieu. Tel est Jésus le Christ, vrai Dieu et vrai homme.
Et pour le connaître vraiment, nous devons laisser sa vie triompher en nous. C’est à l’intérieur d’une union sponsale avec son être le plus intime, le plus mystérieux, que nous le connaissons et que nous pouvons l’aimer comme il le mérite.
Car la vie éternelle, c’est de le connaître lui et celui qui l’a envoyé. Il s’agit donc de naître en lui, de mourir en lui, de ressusciter en lui. Il suffit pour cela - c’est d’une simplicité désarmante - il suffit pour cela de laisser venir en nous la double grâce de Noël et de Pâques et de la laisser nous transformer et ainsi nous conférer notre pleine stature de personne adulte.
Naître à nouveau, redevenir enfant, risquer l’aventure merveilleuse devant laquelle les sages d’Israël ont reculé, telle est la vocation du chrétien. Puissions-nous avoir assez de foi et d’audace pour croire en notre vocation.
Tel est, si vous le voulez bien, mon souhait en ce jour de fête !
Amen.
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Mes frères,
L’Eglise a placé la fête d’Etienne, le premier des martyrs, au lendemain de la nativité du Seigneur Jésus. Et ce n’est pas sans raison. Elle entend signifier par là le dur réalisme de cette Parole du Seigneur : «Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre mais le glaive ». Les hommes avaient pourtant chanté la paix promise aux hommes bonae voluntatis comme on a traduit, aux hommes qui soupiraient à l’amour corporellement présent sur terre.
Et les hommes prétendent que ce n’est pas possible car ils ont peur. Peur de quoi, peur de qui ? Mais peur de Dieu, ce Dieu qui est amour. Depuis le paradis terrestre, c’est devenu chez eux un réflexe : Dieu est un danger à fuir, un danger à écarter, un danger à supprimer.
Mes frères, ne l’oublions jamais : aimer, s’exposer à l’amour, c’est prendre un risque, celui de la mort ni plus ni moins. C’est céder la place à un autre, c’est l’abandonner aux autres qui peuvent alors nous piller, nous manger, nous dévorer. Mais disparaître à ce point, c’est devenir un autre Christ. C’est donner notre vie dont aucune imagination ne peut évoquer l’idée.
Je vous donne ma paix, dit le Christ, je vous donne ma joie. Alors, pourquoi donc ne pas le croire ? Etienne l’a cru, il a pu traverser tout même la mort alors que ses bourreaux étaient là. Un d’entre eux allait pourtant le suivre bientôt, un certain Saul dont l’esprit et le coeur s’ouvriraient, commençaient déjà à s’ouvrir.
Car Etienne rempli de l’Esprit Saint était un visionnaire. Il était encore sur terre mais déjà il habitait le ciel. Si bien que il est pour jamais le Prince des contemplatifs. C’est lui qui le premier a pu dire : « Je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ».
Mes frères, nous aurons réussi notre vie monastique lorsque nous pourrons dire la même chose. En attendant, nous marchons vers cette heure où les cieux seront pour nous ouverts, non pas un instant mais toujours.
Saül, qu’Etienne engendrait au Christ par sa mort, allait marcher sur le même chemin. Lui aussi verrait le Seigneur, lui aussi serait élevé jusqu’au troisième ciel. N’oublions pas qu’il y en a 7. Il n’était pas encore arrivé au-dessus, mais tout de même, déjà il était arrivé là à ces hauteurs.
Et n’allons pas penser que c’est étranger à notre vie. Non, nous sommes chrétiens et le désir le plus tenace dans le coeur du Christ, c’est de nous élever jusqu’à l’endroit où il est par palier, par échelon, par étage. Rappelons-nous que Saint Benoît a vu la vie monastique sous l’image d’une échelle qu’il faut gravir.
Eh bien, laissons-nous prendre par la main, Etienne d’un côté et Paul de l’autre. Et puis, abandonnons-nous à cet amour qui nous attire plus fort qu’un aimant. Mais je le répète, c’est un risque à courir.
Mes frères, à la suite d’Etienne, à la suite de Paul, livrons-nous donc au Christ et à son Esprit. N’ayons peur de rien, pas même de la mort. Et alors avec eux, nous verrons les cieux s’ouvrir et nous y entrerons.
Mes frères,
L’Apôtre Jean a vu la mort comme tout homme mais à un âge extrêmement avancé. Il est rapporté qu’arrivé presque au terme de sa vie terrestre, il répétait sans cesse : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres ! ».
Et comme ses disciples trouvaient que ça devenait fastidieux, qu’ils lui faisaient remarquer qu’ils préféreraient un peu de variété dans son enseignement, il leur a répondu : « C’est le commandement du Seigneur et cela suffit ! ».
Quelle vérité, mes frères, et quelle leçon pour nous qui ne sommes jamais rassasiés de discours !
En cette fête de l’Apôtre Saint Jean, permettez-moi de le dire à mon tour : Mes frères, aimez-vous les uns les autres ! Aimez-vous purement, simplement, gratuitement, totalement ! Que votre amour soit votre nature, votre respiration, votre vie ! Oubliez tout, absolument tout et n’ayez qu’une seule occupation : aimer !
Le sens de notre vie contemplative est de thésauriser dans le silence de l’amour. Les seuls agissants ici bas, les seules personnes efficaces, ce sont les hommes, les femmes qui portent en eux la présence de l’amour. Le reste, tout le reste va s’évanouir comme un brouillard. Seul reste l’amour et ce qui est construit sur lui. Il n’est pas besoin de discourir, il suffit d’être.
Efforçons-nous, mes frères, en aimant de susciter à l’intérieur de notre monde un jardin, un jardin clos qui sera un jardin de Dieu, un jardin pour Dieu. Et nous y parviendrons dans la mesure où nous aimons. Il n’y a pas de vocation plus haute, plus urgente, déjà à l’époque de l’Apôtre Jean, davantage encore aujourd’hui.
Il nous a été annoncé que la charité d’un grand nombre allait se refroidir. Il faut que là où nous sommes, nous soyons des foyers qui permettent alors à la charité de reprendre vie d’une vigueur nouvelle et de remplir son rôle. N’oublions pas que Dieu est Amour. Il n’est que ça, rien que ça. Et dans la mesure où nous nous aimons, nous devenons nous-mêmes Dieu.
Il faut que chacun de nos gestes, chacun de nos regards soient un signe sensible de l’Amour qu’est Dieu comme un sacrement qui le rend visible. Le monde se meurt de narcissisme, de replis sur soi, de peurs accumulées. Soyons donc en lui le lieu de la vie parce que nous serons le lieu de l’Amour.
Je le répète encore, mes frères, aimez-vous les uns les autres ! L’Amour est notre vocation de chrétien. Puissions-nous le croire maintenant et à chaque heure de notre vie !
Mes frères,
Le massacre commémoré aujourd’hui était une question brûlante, une question qui est le cri d’indignation et de souffrance, une question qui est un défi, un défi lancé à la face de Dieu. Si Dieu existe, s’il est Amour, pourquoi permet-il de telles atrocités ?
Nous avons encore à l’esprit le drame du Ruanda où des milliers et des milliers de petits enfants ont été massacrés sans pitié pour le seul crime d’appartenir à une autre race.
Ici, dans le cas de Jésus, il y a encore une circonstance aggravante. Dieu a tiré d’affaire son propre fils et il a abandonné les autres à leur triste sort. Ne pouvait-il les sauver tous ? Ne pouvait-il empêcher ce jeu sinistre ? Qu’est-il finalement ? Est-il l’Amour ou bien est-il un monstre froid ?
Mes frères, voilà ce qui se passe dans la tête de beaucoup de chrétien aujourd’hui. Les apparences leur donnent raison, mais ce ne sont que des apparences. La réalité est tout autre. Elle barre la route à tout soupçon, à toute malveillance. Ecoutons et apprenons jusqu’où Dieu est amour !
L’Apôtre Paul nous ouvre une porte lorsqu’il nous dit que Jésus, le juste, est la victime offerte pour nos péchés ; et non seulement pour les nôtres mais aussi pour ceux du monde entier. Dieu n’a pas épargné son propre Fils, nous est-il dit ailleurs.
Jésus a été réellement assassiné comme les autres enfants mais avec un certain retard, non pas à Bethléem mais à Jérusalem, car c’est là que son meurtre était accompli. Jésus a obtenu un sursis, un bref sursis, mais pour périr de façon infiniment plus atroce.
C’est la raison pour laquelle les enfants de Bethléem sont pour l’éternité unis à lui dans un unique martyre
Et dans ces enfants, mes frères, c’est l’immense cohorte des victimes innocentes que nous vénérons, victimes de toutes races, de toutes couleurs, de toutes conditions, de toutes croyances, toutes unies dans le Christ.
Il n’y a rien à reprocher à Dieu, absolument rien. Il est le premier exposé, le premier massacré, le premier innocent. En lui et en toutes les victimes liées à lui, les péchés, les crimes du monde entier sont effacés, mêmes les crimes des bourreaux.
Mes frères, c’est jusqu’à cette extrémité que Dieu est Amour. O, si nous pouvions seulement nous laisser entraîner à sa suite !
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Mes frères,
L’Esprit avait révélé à Siméon qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Messie du Seigneur. Le Messie, cet homme unique, l’Homme par excellence, devait être oint par l’Esprit Saint. Il devait être comme frotté, comme lavé par l’Esprit au point que l’huile de l’Esprit Saint pénètre à travers sa peau jusqu’au plus intime de son être.
Pour Jésus, ce fut accompli dans le réalisme le plus beau et le plus pur. Il est engendré par l’Esprit, il est totalement imprégné par l’Esprit. Il pourra dire plus tard « Je suis le chemin, je suis la vérité, je suis la vie, je suis la lumière, je suis celui qui donne la vie à profusion, sans mesure, sans compter ».
Mes frères, toute notre vie, tout notre avenir sont exprimés en ces quelques mots : voici le Messie du Seigneur ! Nous sommes nés de la chair et nous sommes renés de l’Esprit Saint. Et nous avons à choisir : vivre de cette chair ou vivre de l’Esprit Saint ?
Nous n’avons pas à hésiter si nous avons un maximum de bon sens. C’est ce qui a permis aux martyrs de tout sacrifier, c’est ce qui permet de faire des saints. Le choix, le bon choix, choisir la vie selon l’Esprit et non pas la vie selon la chair.
Naître de l’Esprit Saint, c’est être christifié. Mais le sommes-nous en une fois? Le sommes-nous instantanément d’un seul coup ? Mais non, une semence est déposée en nous et elle doit se développer lentement, très lentement. Si bien que nous serons longtemps des êtres ambivalents.
Nous observerons en nous-mêmes et chez les autres des réactions charnelles et des réactions spirituelles inextricablement entremêlées. Et cela va durer longtemps, très longtemps. Et finalement, si nous sommes sincères, si nous sommes fidèles, nous serons métamorphosés.
Il n’y aura plus en nous qu’un seul agir, un agir sous la motion de l’Esprit Saint. Nous serons devenus des autres Siméon et nous saurons, de façon très intime mais avec une certitude absolue, que nous ne verrons pas la mort sans avoir vu des yeux de notre coeur le Messie du Seigneur, le Christ ressuscité d’entre les morts.
Et nous saurons que cela nous arrive, si nous commençons à aimer nos frères quasi naturaliter, comme dit Saint Benoît, comme naturellement. l’Amour de charité sera devenu comme notre première nature. Nous ne pourrons plus rien faire d’autre qu’aimer, ce qui va nous attirer bien des ennuis.
Oui, nous serons exposés tout nu au pouvoir des autres. Et toujours, à l’arrière plan de notre conscience, se profilera la croix du Christ. Nous saurons que peut-être notre avenir se dessine à partir de cette croix. Mais ça ne doit pas nous faire peur parce que l’Esprit Saint est notre guide, notre vie, notre respiration et qu’il porte tout.
Mes frères, vivre ainsi dans la lumière, c’est savoir où on va. L’Apôtre nous a dit que celui qui a de l’aversion pour son frère, celui-là est encore les sens dans les ténèbres. Par contre, celui qui aime son frère est établi dans la lumière et il n’y a plus pour lui aucune autre forme de Dieu.
Voilà ce que nous devons choisir : ou bien la chair, ou bien l’Esprit ? ; ou bien les ténèbres, ou bien la lumière ? Mais encore une fois, nous sommes des êtres ambivalents pendant très longtemps. Mais nous devons porter au coeur cette espérance, cette flamme qui nous dit qu’un jour, nous-mêmes, nous serons devenus lumière.
La fête de Noël nous rappelle cette beauté qui est le coeur de notre vie chrétienne et de notre vie monastique. Puissions-nous nous en nourrir, de cette beauté, jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement accomplie en nous.
Amen.
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Frères et sœurs,
Etre par l’amour des artisans de la reconstruction et du Salut de l’univers disloqué par le péché de l’homme, telle est la mission du disciple du Christ. C’est une tâche suprêmement noble et belle que nous voyons s’accomplir à travers les siècles de bien des manières. Le moteur en est l’amour ; hors de lui, tout se bloque ou glisse à la dérive.
L’ouvrier du Salut, nous le savons, c’est le Christ Jésus, lui dont le nom signifie le Seigneur sauve, le Christ qui agit dans les coeur, on ne doit jamais l’oublier. Ce ne sont pas des grands moyens techniques qui vont faire avancer le Salut du monde. Non, c’est l’amour qui brûle dans le coeur de certains, un amour que rien ne décourage, un amour que rien ne peut faire reculer.
Le prototype de cet agir mystérieux et suprêmement efficace est l’humble famille de Nazareth : Marie, Joseph, Jésus, inséparables pour jamais. Tout s’opère dans le silence d’une vie uniformément simple, une vie de labeur, de démarches, de soucis également. Aucune singularité, aucun régime d’exception, c’est une famille parmi les autres et personne ne peut la distinguer. Peut-être est-elle méconnue parce que elle ne se fait pas remarquer.
Marie, surtout, est une personne extrêmement effacée. Elle n’est pas discoureuse, elle ne court pas de maison en maison pour y semer des cancans. Non, il vient de nous l’être dit encore, elle garde dans son coeur tous les événement dont elle est à la fois l’auteur et le support.
Dans cette vie, il y a aussi des interrogations, un aveu de souffrances. Marie surtout le sait. Mais où, quand et comment ? Il y a parfois des événements qui traversent leur vie.
Une nuit, il faut se lever et s’enfuir précipitamment dans un pays inconnu. Une autre fois, c’est l’angoisse qui peut saisir le coeur d’une mère, le coeur d’un père lorsque leur enfant est disparu. Et voilà, ils le retrouvent. Tout au fond de leur coeur, ils savaient qu’ils le retrouveraient, mais quand même !
Et ainsi, les mois et les années s’écoulent et puis rien d’autre ne se passe. Une vie vécue dans les vouloirs de Dieu, c’est le quotidien accueilli avec une confiance sans bornes.
Frères et soeurs, dans ces moments apparemment ternes, l’univers était repris en main et remis sur le bon chemin. Jésus qui est Dieu, Jésus qui est la lumière de l’amour opérait dans l’invisible, comme il le fait toujours, et Marie et Joseph collaboraient chacun à leur place. C’était, et c’est pour jamais merveilleuse simplicité de justesse, de beauté.
Et à partir de là, nous découvrons la valeur secrète de nos vies. L’important, ce n’est pas ce que nous faisons mais la manière dont nous le faisons. L’important, c’est la charge d’amour, le poids d’amour qu’il y a en chacun de nos actes, en chacun de nos gestes, en chacune de nos paroles.
Frères et sœurs, gardons nos cœurs ouverts à la beauté du devoir accompli quotidiennement, un devoir accompli avec amour, en dépit de la lassitude, du découragement, des obstacles, en dépit d’une route dont on ne voit pas l’extrémité.
Restons fidèle dans l’amour à travers tout ce qui nous est offert, à travers tout ce que nous devons subir. Et ainsi, nous serons avec la Sainte Famille les auteurs du Salut éternel de l’univers.
Frères et sœurs,
La vérité ne produit aucun mensonge et la lumière ne produit aucune ténèbres. Sommes-nous de la vérité ? Sommes-nous de la lumière ? La réalité est plus complexe. Nous passons du mensonge à la vérité, nous passons des ténèbres à la lumière.
Le chrétien est un être à deux ....?.... Il est un voyageur, un migrant. Il a été déporté contre son gré dans des contrées étrangères, celles de l’ambiguïté, de la méfiance, de la compétition, celles des conflits de pouvoir, celles de la dislocation.
Mais quelqu’un est venu le chercher, quelqu’un qui ne pouvait se résoudre à le voir errer dans le vide et tâtonner dans le noir. Et ce quelqu’un, c’est la vérité en personne, c’est la lumière en personne !
Car la vérité et la lumière sont une personne, une seule et même personne. Et cette personne porte un nom, le nom par excellence, le nom au-dessus de tout nom. Seule cette personne a le droit et le pouvoir de le porter.
Dans ce nom est enclos le Salut. Le nom même signifie salut : Jésus. Dieu est Sauveur, Dieu apporte le Salut. Et ce Jésus qui est Dieu, qui est la vérité, qui est la lumière, il sauve du mensonge, il extrait hors de la ténèbres, il anéantit tout. Il est la vie.
Certains hommes, certaines femmes le savent. Ils sont la conscience éveillée de l’univers. Ils se laissent prendre par la main et se mettent en route. Jésus, Dieu avec eux, Dieu le Sauveur les fait passer sur l’autre rive, il les fait passer dans un autre pays. Ils traversent des fleuves, des mers, des montagnes, des déserts ; ils traversent la mort et piétinent l’enfer.
Ils leur arrivent de fermer les yeux car la peur se saisit de leurs entrailles. Ils ferment les yeux et ils se laissent porter. Ils vont et ils vont en fatigues. Et une nuit, ils voient surgir une lueur, ils voient se lever le soleil du monde nouveau et ils savent qu’ils touchent au but.
Frères et soeurs, ce dernier jour de l’année nous rappelle que là est notre vocation de chrétien, notre vocation de moines. Nous devons nous laisser envahir par cette beauté, par cette espérance. Et sans aucunes hésitations - laissons de côté les hésitations de la chair, elles sont inévitables - mais sans hésitation du coeur, ouvrons-nous à cette beauté.
Et que notre existence de tous les jours soit tout à la fois, et une action de grâce, et une remise de tout nous-mêmes à la vérité et à la lumière qui sont avec nous.
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