Noël 1989.
Mes frères,
Les Vêpres de ce dimanche nous introduirons déjà dans le Temps de Noël. Nous touchons. Nous avons le sentiment que quelque chose est en train de se passer. La grâce travaille notre coeur et nous prépare à répondre à notre vocation d'homme. Nous sommes invités à regarder au-delà du sensible, à vivre sur le mode de l'éternité, le mode du chrétien.
Soyons donc ouverts aux surprises que nous réserve notre Dieu qui est amour. N'imaginons rien, recevons simplement ce qui nous est offert ! Ouvre la bouche, Moi je l'emplirai, nous dit le Psaume. Notre Dieu est notre Dieu de toujours. Mais voilà, nous sommes peut-être des anorexiques et nous tenons notre bouche fermée, et cela pour notre malheur !
Mes frères, la volonté de notre Dieu doit être notre seule nourriture ! A côté d'elle, ce n'est que nourriture de néant qui nous conduit à la corruption. L'événement de Noël nous dit où se trouve notre vérité pour aujourd'hui et pour demain.
L'Apôtre Paul - auquel le Christ est apparu dans un éblouissement de lumière - définit en deux mots essentiels notre vie de chrétien, notre vie d'homme tout court. Il nous annonce la Bonne Nouvelle. Non pas une bonne nouvelle à côté d'autres, mais la Bonne Nouvelle, l'unique Bonne Nouvelle, celle qui jette tout le reste dans l'obscurité.
Et cette Bonne Nouvelle concerne le Fils de Dieu, car Dieu a eu un Fils de notre race. Ecoutez bien ce qu'il nous dit. Tout se trouve dans ces quelques mots : de l'origine à l'accomplissement. L'Apôtre Paul nous dit donc : Selon la chair, ce Fils est né de la race de David ; et selon l'Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d'entre les morts, lui Jésus le Christ notre Seigneur.
Comprenons bien, mes frères ! Le commencement, c'est la naissance de Dieu dans une chair reçue d'une femme, c'est l'entrée dans l'aventure humaine avec ses aléas de toutes les couleurs. Nous les connaissons. Dieu a voulu les expérimenter pour en dégager le sens à notre intention, pour que nous sachions que notre vie est orientée et que rien n'est jamais perdu.
Et l'aboutissement, c'est la résurrection d'entre les morts qui établit tout homme dans un mode nouveau d'être, de vivre qui fait de l'homme un être totalement divinisé.
Donc en un raccourci, mes frères, saisissant, l'Apôtre nous dit que nous naissons homme et que nous ressuscitons Dieu ! Après le dernier aléa, qui est la mort biologique, il y a donc une saisie de notre personne par Dieu qui nous établit dans un état nouveau - inimaginable, inconcevable dans l'état où nous sommes maintenant - un état définitif, éternel.
Donc, pour comprendre l'origine de notre vie, son déroulement, ses accidents éventuels, il faut tenir les yeux sur le terme qui est notre résurrection en Dieu. Le mystère de Noël, qui est le mystère de notre existence, est éclairé par la lumière de Pâques.
En fait, la vie de tout homme est une prophétie en acte dont le sens est donné par l'événement Pascal. Du premier homme au dernier, de l'Emmanuel d'Achaz à l'Emmanuel de Marie, c'est une seule et même Parole : Dieu est amour et nous sommes promis à devenir dans le Christ, nous-mêmes, lumière et amour pour l'éternité.
Mes frères, ouvrons donc la bouche pour que Dieu l'emplisse de sa vie !
Amen.
Mes frères,
Dieu n'a jamais été absent de l'Histoire des hommes. Sa présence affleure à tout moment. Le prophète est un homme qui voit cet affleurement et qui le dit à ses frères. Tantôt il est soulevé d'enthousiasme, tantôt il est écrasé de terreur. Toujours cependant il ouvre les coeurs à la confiance. Il est témoin d'un ailleurs vers lequel tout se dirige.
La nuit de Noël, il s'est passé autre chose et mieux qu'un affleurement. Ce fut de la part de Dieu une prise de possession définitive. L'enfant né de Marie n'est pas un bébé ordinaire. C'est Dieu lui-même.
Dorénavant et de manière irréversible, l'Histoire des hommes est polarisée par cet enfant. Elle monte vers lui, elle s'épanouit en lui, elle s'achève par lui. Il s'opère un passage à un niveau supérieur, un niveau inaccessible à l'homme abandonné à ses propres forces. En devenant fils d'homme, Dieu absorbe l'humanité en lui et il la divinise pour jamais.
Le mystère de Pâques est donc à l'oeuvre dès que Jésus ouvre les yeux à la sombre clarté de ce monde. L'apparition d'un ange aux bergers, la présence soudaine d'une lumière surnaturelle de laquelle monte une louange signifie déjà l'assomption de notre univers en Dieu.
D'une certaine manière, nous touchons la fin du monde, l'accomplissement de toute chose et nous possédons la grille qui nous permet de décrypter l'énigme de notre vie. Nous sommes promis à un ailleurs qui est Dieu lui-même. Nous pouvons tout traverser si nos yeux ne quittent pas la lumière de cet ailleurs.
Toute naissance d'un enfant nous rappelle ainsi la mystérieuse naissance de Dieu et notre destinée divine. Elle nous dit aussi que nous devons faire de notre univers terrestre le parvis du monde à venir.
La présence d'un enfant nous invite à rejeter les passions d'ici-bas et le péché, à répudier toutes formes d'égoïsme suicidaire et meurtrier. Elle nous engage à vivre dans la justice et la vérité et, elle fait de nous les témoins d'un ailleurs qui est Dieu, Dieu où se trouve le seul avenir valable.
Mes frères, voici tout ce que nous dit cette nuit de Noël. Cela devrait s'incruster dans notre coeur et jusque dans notre chair. Nous sommes des gens de passage, nous sommes des voyageurs. Déjà nous sommes saisis par la beauté qui est Dieu.
Lorsque nous organisons notre monde, que nous le rendons plus confortable, plus beau, sans le savoir peut-être, déjà nous aménageons le monde à venir. Car le jour approche, et il n'est pas loin, où Dieu se manifestera par l'intérieur même de la matière. Nous verrons alors qu'il en est le coeur, qu'il en est le Créateur et qu'il en est l'accomplissement.
Mes frères, le chrétien est donc un homme qui regarde plus loin que les contingences du moment. Par l'Eucharistie qu'il partage avec ses frères, il est déjà chez Dieu. Mais il importe que sa conduite mette en évidence cette réalité.
Chaque chrétien doit être pour ses frères, pour tous les hommes quels qu'ils soient, il doit être la présence du Christ dans le monde. Je sais que ce n'est pas facile car les passions, le désir de posséder, l'esprit de domination, toutes les jouissances charnelles qui sommeillent en nous sont là pour faire obstacle à cette vocation qui est si belle, et qui est indispensable pour que le monde garde l'espérance.
Mes frères, nous devons au cours de cette nuit essayer de nous reprendre, de nous resituer dans notre vocation véritable, et ainsi en tant que chrétien être vraiment ici-bas les hommes d'avenir. Et mon souhait en cette fête de Noël, il est celui-ci : Puissions-nous ainsi, chacun à notre place, être témoin de Dieu et de son univers et ainsi porter à tous les hommes l'immense espérance d'un accomplissement tout proche.
Amen.
Mes frères,
Hier je vous disais que tout chrétien - et à fortiori tout moine - devait être ou devenir le témoin de cet ailleurs mystérieux et merveilleux qu'est Dieu et son univers.
Là est notre vraie patrie, là nous devons vivre dès maintenant. C'est de là que nous pouvons recevoir tout ce qui peut nous rassasier au-delà de l'imaginable.
Le chrétien est un homme aux moeurs divines. Il aime, il ne peut faire qu'aimer. Il édifie ou il scandalise, qu'importe, de toute manière il fait question. Certains ne peuvent supporter l'approche de l'amour.
Ce fut le cas, hélas, dans la triste aventure du premier de nos martyrs. Il est un modèle irremplaçable pour nous. O, n'ambitionnons pas de mourir de sa mort, essayons plutôt de voir qui était Etienne.
Etienne regardait vers le ciel. Il voyait le ciel ouvert, et la gloire de Dieu, et Jésus le Seigneur debout à la droite de Dieu. En d'autres termes, Etienne était un contemplatif. Il ne pouvait taire ce qu'il voyait, pas plus que plus tard ne pourra le taire son persécuteur Paul, lorsque ses yeux se seront ouverts.
Etienne proclamait sa vision par sa conduite, par ce qu'il faisait. Il était empli de grâce. La puissance de Dieu l'habitait et il accomplissait de grandes choses. Tout simplement, il aimait.
Oui, mes frères, aimer est la plus grande de toutes les actions qu'un homme puisse accomplir ici-bas. Il s'agit du véritable amour, de cet agapè qui est la Personne de l' Esprit et qui s'empare du coeur de quelqu'un. Etienne est notre modèle parce qu'il a été jusqu'au bout de cet autre univers qui est notre vrai lieu de séjour. Et il s'est laissé mettre à mort plutôt que de renier ce qu'il voyait et ce qu'il vivait.
Et nous, mes frères, comment serons-nous témoins ? Nous le serons en nous laissant pénétrer par cet uni vers, par Dieu, par son Esprit. Nous le serons en aimant nos frères et en ne reculant jamais sur le chapitre de l'amour.
O, je le sais, on peut être énervé, excédé par son voisin qui, lui, ne se doute de rien. Alors, ne réagissons pas comme des hommes, mais comme des fils de Dieu, comme des citoyens de son univers. Notre patrie, notre amour sont le coeur de notre Dieu. Et alors, dans les circonstances qui seront les nôtres, notre patience et notre charité seront l'équivalent de la mort qu'Etienne a subie.
Mes frères, c'est cela qui nous est demandé, et c'est à cela que nous répondrons avec la grâce de notre Dieu.
Amen.
Mes frères,
Etre témoin de Dieu et de son univers est pour nous une possibilité et un devoir. Par le baptême, nous avons reçu des organes nouveaux adaptés au monde de la surnature. Il suffit de s'en servir avec persévérance pour que finalement ils prennent la direction de notre vie.
Alors nous pouvons, comme l'Apôtre Jean, entendre, voir, toucher ce qui naturellement nous dépasse à l'infini. En d'autres termes, l'évolution normale d'une vie chrétienne conduit à l'expérience contemplative qui est plénitude de vie divine.
Il ne s'agit donc pas d'un passe-temps de dilettante. C'est le chemin que tout homme doit emprunter tôt ou tard. Qu'est-ce que le purgatoire ? Sinon l'obligation de passer par là pour accomplir sa destinée d'homme.
En répondant à l'appel de Dieu et en venant au monastère, nous avons choisi de courir de suite sur cette route, de la courir jusqu'au bout pour nous et pour les hommes qui ne font qu'un avec nous. Tel est la manière humble, discrète de témoigner de Dieu et de son univers.
L'Apôtre détaille une progression qui est aussi une unité existentielle : entendre, contempler de ses yeux, toucher de ses mains. Cela signifie une préhension globale et totale dans laquelle les organes de l'homme nouveau, de l'homme divinisé jouent tous ensembles.
En termes plus théologiques, nous parlerons de la foi, de l'espérance et de la charité. La foi qui entend, l'espérance qui touche et la charité qui contemple. L'être entier est saisi, converti et transfiguré.
Mes frères, cette vie de communion avec Dieu, et entre nous, dans la lumière de l'amour, tel est le terme de notre recherche, de notre route. Alors, si nous allons jusqu'au bout, nous serons vraiment témoins de Dieu car il vivra en nous et nous vivrons en lui. Puisse-t-il nous conduire jusque là ?
Amen.
Mes frères,
Dès l'instant où l'on parle de l'univers de Dieu, il est question de lumière. C'est Dieu tout entier qui est lumière, Dieu dans la Trinité de ses Personnes. Et quand il revêt notre chair d'homme, sa lumière habite le Christ Jésus.
Jésus se proclamera lui-même lumière du monde, Lui que Siméon avait déjà reconnu comme lumière qui éclaire les nations païennes, Lui que les Apôtres annonceront comme Lumière à toutes les nations.
Et aujourd'hui, mes frères, dans l'économie du Salut telle que nous la vivons, cette Lumière se manifeste dans la Personne de l'Esprit Saint. C'est elle qui fait les saints, les contemplatifs et les martyrs.
Rendre témoignage à Dieu et à son univers, c'est être soi-même devenu lumière en faisant un seul esprit avec le Christ. Il s'agit, comme dit l'Apôtre, de marcher dans la voie où Jésus lui-même a marché.
Cette voie, nous la connaissons, c'est celle de l'amour et, bien précisément, l'amour des frères avec lesquels on vit. Celui qui aime son frère demeure dans la lumière. Celui qui n'aime pas son frère est dans les ténèbres.
Ce que nous dit l'Apôtre est à prendre au sérieux. Notre charité fraternelle manifeste ce que nous sommes. Si elle est vivante, nous sommes des êtres de lumière. Si elle est absente ou moribonde, nous sommes étrangers à la lumière, au Christ et à Dieu.
Etre témoin de Dieu et de son univers de lumière, c'est donc concrètement avoir pour nos frères une charité agissante. Cette charité est d'abord dans le coeur, puis elle paraît au-dehors dans les paroles et les gestes.
Ce que nous dit le Christ est sans réplique : A cela on reconnaîtra si vous êtes des miens, si vous avez de l'amour les uns pour les autres. Voilà, mes frères, notre fiche d'identité chrétienne !
Puisse notre Eucharistie renforcer entre nous les liens de la charité et faire de nous des lumières qui signaleront la présence sur cette terre du monde de Dieu.
Amen.
Mes frères,
Hier, je faisais allusion à la foi et à la patience de Siméon qui avait attendu de longues années durant la réalisation des promesses de Dieu. Aujourd'hui, nous rencontrons Anne, une veuve âgée de 84 ans. Elle veillait jour et nuit dans le jeûne et la prière.
A l'heure de l'électronique, de l'ordinateur, de l'instantané, nous aimerions que Dieu adopte notre rythme et nous donne tout de suite ce que nous attendons. Nous perdons le sens de la croissance, de la maturation, de la prudente sagesse, tout ce que Dieu devenu homme a voulu pour lui. Il était à Nazareth : il grandissait, se développait en taille, en sagesse comme tous les hommes bien éduqués.
Mes frères, Dieu ne s'amuse pas à nous faire languir. Il prépare en nous avec amour un lieu propre à l'accueillir. Il y va lentement, progressivement pour ne pas nous briser.
L'oeuvre de la purification, la purification de notre coeur ne se fait pas sans nous. Elle attend notre collaboration intelligente. Et cette collaboration est la face active de notre vigilance.
Si nous voulons hâter pour nous l'heure de la révélation de Dieu, épousons ses moindres vouloirs. Au fond, tout dépend de nous, de la pureté de notre désir.
Anne et Siméon sont pour nous une leçon de réalisme surnaturel. Vivre à l'heure de Dieu suppose que l'on renonce à vivre à l'heure des hommes. La non concordance, voir l' opposition du temps de Dieu et du temps du monde sera, nous le savons, l'origine de bien des heurts entre Jésus et ses disciples toujours pressés.
Le Royaume de Dieu n'obéit pas à nos lois. Il peut se le permettre car il est déjà ancré dans l'éternité. Le monde avec ses désirs, avec ses passions, avec ses folies, le monde est déjà maintenant en train de disparaître. Allons-nous disparaître avec lui ?
Là est un conflit et un choix, et c'est notre coeur qui décide !
Vaincre le mauvais, comme nous dit l'Apôtre, sera entre autre refuser les raccourcis proposés par notre chair paresseuse et jouisseuse. Elle voudrait s'épargner tout effort. Mais la chair est condamnée elle aussi à la corruption et à la disparition, sauf la part qui aura été divinisée et transfigurée. Mais alors, c'est une chair nouvelle qui est déjà maintenant - si nous y sommes attentifs - en train de ressusciter.
Mes frères, vaincre le mauvais, ce sera aussi et d'abord s'enraciner dans la volonté de Dieu et connaître ainsi les premières lueurs de l'éternité. Nous serons témoins de Dieu à l'exemple d'Anne et de Siméon si nous savons comme eux attendre dans la confiance et dans la paix.
Amen.
Mes frères,
La Sainte famille de Jésus, Marie et Joseph, dont nous faisons mémoire aujourd'hui, est la première cellule d'une famille aux dimensions immenses qui regroupe les hommes de tous les temps et de tous les lieux pour les unir à la famille primordiale qui est Dieu dans la trinité de ses Personnes et l'unité de son Etre.
Telles sont les perspectives que nous ouvre la célébration de ce jour. Nous sommes tous frères, tous égaux, tous promis au même destin surnaturel. Cela signifie que nous avons tous les mêmes devoirs, les mêmes droits. Nous devons nous respecter, nous aimer, nous entraider. Un courant divin circule entre nous tous.
Et ce courant, c'est la Personne de l'Esprit Saint donné au monde par le Christ. Cet Esprit Saint sera plus puissant que tous les ferments de discorde, que toutes les forces centrifuges. Dans le secret des coeurs, il maintient, il nourrit, il renforce l'unité de la grande famille. L'oeil de la foi le regarde agir et, nous sommes invités à collaborer à son action.
On peut dire que toute l'énergie salvatrice et unificatrice mise en oeuvre par l'Esprit de Dieu était déjà dans sa totalité concentrée au départ dans la cellule Jésus-Marie-Joseph. C'est à partir de cette unité première qu'elle se répand dans les coeurs.
Ne nous arrêtons pas aux échecs apparents. Contemplons plutôt l'assemblée des saints et des saintes dans la lumière et, nous verrons que le projet de Dieu se réalise envers et contre tout.
Et nous, à notre place, soyons des artisans d'unité, de concorde et de paix. L'Apôtre nous confie un programme. Ecoutons-le parler. Je rappelle ce qu'il vient de nous dire :
Faites-vous des coeurs pleins de tendresse et de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement. Pardonnez si vous avez des reproches à vous faire. Qu'il y ait entre vous l'amour, que règne entre vous la paix du Christ à laquelle vous êtes appelés pour former en lui un seul Corps.
Voilà, mes frères, le mot est dit : un seul Corps. L'Eucharistie est le lieu par excellence où s'accomplit la merveille de ce Corps unique de cette famille de Dieu. Nous la partageons aujourd'hui encore.
Entrons donc par la foi dans cette Eucharistie, dans ce Corps, dans cette famille. Occupons-y notre place. Soyons, comme nous l'a dit l'Apôtre, des ferments d'unité et de concorde.
Soyons des hommes solides sur lesquels les autres peuvent s'appuyer, des hommes qui structurent l'architecture de ce Corps et qui lui donnent une consistance déjà forte dès maintenant.
Mes frères, qu'il y ait aussi dans notre coeur une espérance sans borne en l'amour et en la puissance de notre Dieu.
Amen.
Mes frères,
Nous voici au dernier jour de l'année et de la décennie. A l'échelle du cosmos, cela ne représente rien, mais pour le cœur de notre Dieu, il y a là un trésor qui est mis en réserve pour le monde à venir.
Pour Dieu, en effet, rien n'est petit. Tout pour lui est d'une importance extrême car tout est l’œuvre de sa main, tout est l’œuvre de son amour. Ainsi tout le bien que nous avons fait est inscrit par lui au registre de la vie, tandis que tout le mal que nous avons fait au cours de cette année est jeté par lui aux oubliettes.
Tel est notre Dieu ! Il a, à la mesure de son être infini, une infinie faculté d'oubli. Lorsqu'il nous pardonne, pour lui, c'est fini, il a oublié. Chaque pardon est une recréation. C'est comme si nous sortions pour la première fois de son cœur et de son amour.
Il nous voit déjà dans la gloire auprès de lui. Et la vision qu'il a de nous, le rêve qu'il nourrit sans cesse à notre sujet, voilà ce qui nous crée, qui nous purifie et qui nous transforme. A nous de le croire et de nous laisser aimer.
Concrètement cela signifie : à nous d'entrer dans les linéaments de ses volontés de façon à ce que il puisse vraiment nous unir à lui et faire de nous le visage de ce qu'il est.
Concrètement cela signifie que nous devons obéir. L'obéissance à Dieu est l'action la plus noble qu'un homme puisse poser ici bas.
C'est ce que Saint Benoît nous dit en nous lançant aujourd'hui dans la compagnie des saints. Il parle des enseignements des saints Pères, de la parole d'autorité divine, des saints Pères catholiques, des Conférences des Pères, des institutions de leurs vies, de la Règle de notre Père saint Basile.
Saint Benoît nous met dans la compagnie de tous ces saints. Cela peut paraître naïf de sa part, mais cette naïveté est payante si nous la faisons nôtre, si nous devenons semblables à ce petit enfant naïf, candide, ouvert. Alors le Royaume des cieux est pour nous.
Le sommet de la perfection spirituelle dans la rencontre de notre Créateur - je reprends ses propres termes - sont à notre portée si au lieu de nous regarder nous-mêmes, nous ouvrons nos yeux à la lumière qui divinise. Et je rappelle que dans l'état actuel du plan de Dieu, cette lumière, c'est la Personne de l'Esprit Saint qui remplit l'univers de sa présence.
Il nous est donc demandé de choisir entre l'égocentrisme, le repliement sur soi, le narcissisme, et l'ouverture à Dieu, et aux frères, et à l'extase, c'est à dire vivre en dehors de nous, vivre dans la volonté de Dieu et dans son amour et non pas peureusement, frileusement dans nos petits vouloirs mesquins.
Saint Benoît aujourd'hui veut nous secouer, nous bousculer, nous arracher à l'illusion. Il veut nous accrocher à la vérité qui est Dieu, qui est son projet sur nous, qui est son rêve sur nous. Et Dieu, lui, ne recule jamais.
Nous sommes aujourd'hui au dernier jour de l'an. Demain va commencer une nouvelle année. Il en est comme ça pour Dieu. Il ne recule jamais, il croit en nous jusqu'au bout. C'est cela qui est merveilleux chez Dieu, c'est que malgré toutes les désillusions que nous lui infligeons, il nous garde sa confiance. En cette fin d'année, mes frères, pensons-y, réfléchissons-y !
Et puis, gardons courage. Nous sommes faibles, fragiles, inconstants, mais lui, il est Amour. Et il s'est fait homme pour épouser notre faiblesse, notre fragilité, pour sentir dans sa chair d'homme ce que c'est que d'être affligé de toutes sortes de maux, de toutes sortes d'épreuves et finalement de la mort.
Mais il a voulu vivre tout cela exactement comme nous afin de nous prendre avec lui, chez lui, et de faire de nous des dieux.
Mes frères, il y a là quelque chose d'extrêmement beau, d'extrêmement encourageant. Si nous voulons ne pas avoir peur, ne nous regardons pas, ne regardons pas tout ce qui nous arrive, ne regardons même pas nos péchés.
Regrettons-les, certes, mais ne nous appesantissons pas sur eux. Mais regardons plutôt Dieu, sa beauté, sa lumière, Dieu présent dans ce Christ qui est vraiment la révélation de ce qu'il est. Et puis voilà, laissons-nous rêver, laissons-nous penser par lui. Et, comme le dit Saint Benoît : nous arriverons aux sommets les plus hauts de la contemplation et de la vertu.