Noël 1988.

 

Temps de Noël : Homélie à la messe de minuit. 25.12.88

 

Mes frères,

 

Nous venons de l'entendre, au plus profond de la nuit qui étrangle le monde, nuit d'autant plus opaque qu'elle a toutes les apparences de la clarté, soudain il est question de lumière, d'amour, de paix. C'est presque scandaleux quand on connaît la masse épouvantable de malheurs, de souffrances, d'injustices qui accablent les hommes aujourd'hui. N'est-ce pas leur faire injure?

Non, mes frères, la réalité qui nous est offerte est d'une autre na­ture. Elle est plus vraie, elle est fondamentale. C'est elle qui est capa­ble de dénouer toutes els angoisses, de résoudre toutes les questions, de répondre à tous les appels.

Et cette réalité, là voici : La lumière, l'amour et la paix qui nous sont présentés ne sont pas des choses qui dépendraient du bon vouloir des hommes. Non, la Lumière, l'Amour et la Paix sont une Personne bien concrè­te, une Personne vivante, une Personne qui agit. C'est la Personne de no­tre Dieu.

 

Nous devons, ici, laisser s'ouvrir les yeux de notre coeur. Nous de­vons rentrer en nous, retrouver le point où jaillit la source de notre coeur. Et alors, nous voyons que nous habitons Dieu. Dieu est notre mai­son, il est notre demeure, il est notre lieu.

Nous remarquons que nous allons et que nous venons à l'intérieur d'une lumière qui est précisément amour, douceur et paix. Et à l'intérieur de cette lumière qui est notre Dieu, nous sommes des corps étrangers, mal­habiles, maladroits, mal adaptés. Eh bien, nous devons nous laisser amollir, comme digérer par cette lu­mière pour devenir nous-mêmes lumière avec elle, un avec elle.

Tel est, mes frères, le coeur du mystère de l'Incarnation. Nous de­vons en reprendre conscience en ces jours bénis. Nous l'oublions peut-être trop facilement. Mais, je le répète, nous habitons Dieu. Dieu est lumière. Nous nous mouvons à l'intérieur de la lumière. Et si nous nous laissons travailler par elle, nous devenons un avec elle.

 

Et à ce moment-là, nous goûtons la paix, cette paix qui - encore une fois - est Dieu lui-même et que le monde ne peut jamais nous donner car il ne la connaît pas ne connaissant pas Dieu. Dieu ne nous a pas créés pour que nous soyons malheureux, mais pour que nous devenions UN avec lui et que, en le voyant, en le contemplant, nous partagions son bonheur. Et pour cela, il s'est fait homme. Il a assumé toute notre condition de la naissance à la mort. Il a absorbé en lui toutes nos misères, tous nos malheurs.

Lorsqu'un homme accepte ainsi de devenir UN avec Dieu, UN avec la Lumière, lorsqu'il permet au Christ de reprendre chair en lui, à ce moment-­là, cet homme comprend ce que signifie la souffrance de notre Dieu. Car s'il a voulu devenir homme, c'est parce que il ne pouvait pas supporter que sa créature soit malheureuse. Il s'est fait pauvre, démuni, vulnéra­ble, dépendant, faible, souffrant afin de nous apprivoiser, de nous décris­per, de nous apprendre à être vraiment homme en devenant semblable à lui.

Le chrétien, mes frères, est un homme qui accepte de devenir lumière de Dieu, d'être parmi ses frères amour et paix. Mais qui, aujourd'hui, est capable d'entendre pareil langage ? Est-ce que nous ne sommes pas encore trop fermés sur nous-mêmes, em­prisonnés dans la peur ? Les hommes ont peur les uns des autres. Et pour­quoi ? Mais parce qu'ils sont encore toujours des hommes rongés par l'égoïsme.

 

Mes frères, il y a une créature que nous devrions toujours avoir de­vant les yeux. C'est la Vierge Marie. C'était une femme comme les autres, plus pauvre que les autres sans doute, sans défense, mais son coeur était un palais. Son coeur était un palais parce qu'il n'y avait pas en lui la moindre trace de malice, si bien que tous les hommes pouvaient y trouver abri.

Et la merveille s'est accomplie. Dieu lui-même a voulu descendre dans ce coeur pour y prendre chair. Et maintenant, nous-mêmes, nous sommes en­fantés à la vie divine par cette même femme toute simple, toute pure, toute humble, toute belle.

Mes frères, nous ne devons jamais perdre patience, ne jamais perdre courage quelques soient nos défaillances, quelques soient nos chutes. Au terme de notre aventure terrestre, croyons-le, ne l'oublions jamais, il y a notre métamorphose en Dieu. Mais ce que nous devons faire, nous qui sommes des consacrés, nous qui sommes des chrétiens, nous devons être dans l'humanité ceux qui s'of­frent à Dieu pour qu'il puisse prendre possession d'eux et faire d'eux les témoins de sa présence et de son amour sur la terre.

 

Voilà un des enseignements de cette célébration Eucharistique qui nous rappelle l’Incarnation de notre Dieu et notre propre divinisation qui est en chemin. Nous allons partager le corps et le sang de ce Dieu. Nous allons tous devenir un seul corps en lui. Et puis, nous rentrerons chacun là où nous sommes attendus. Mais nous ne serons plus après comme nous étions avant. Nous serons autres. Nous serons devenus meilleurs. Et il faudra, mes frères, que les autres le sachent, que les autres le remarquent et que, eux-mêmes en soient métamorphosés.

 

                                                                                                              Amen.

 

Temps de Noël : Homélie à la messe du jour.  25.12.88*

 

Mes frères,

 

Les célébrations de Noël ne sont pas le rappel d'un événement apparte­nant à un lointain passé. Elles nous plongent au coeur de cet événement ; elles nous disent qu'il est éternel, que nous en sommes contemporains à chaque instant de notre vie. Ces célébrations veulent nous secouer, nous éveiller, nous ramener à l'essentiel : Quel est le but de notre vie ? Pourquoi sommes-nous sur terre ?

Cette question, on se la pose beaucoup aujourd'hui, surtout parmi les jeunes. Ce n'est pas le lieu d'analyser le phénomène. Je voudrais simple­ment donner une réponse, la seule réponse valable. Et cette réponse, là voici : Nous sommes sur terre pour devenir Dieu. L'Apôtre vient de nous le redire. Nous avons le pouvoir de devenir enfant de Dieu. Nous pouvons naître de Dieu. Nous pouvons tout partager de son être, de sa vie.

La métamorphose de notre être, sa divinisation, s'opère dès mainte­nant. L'incarnation de Dieu se poursuit en chacun de nous. Et le vrai chré­tien est un homme dans lequel triomphe le mystère de l'incarnation.

 

La participation de plus en plus consciente à la vie de Dieu conduit l'homme à sa pleine stature humaine et divine. Un tel homme a déjà vaincu la mort. Il devient lumière, amour et paix, exactement comme le Christ Jé­sus auquel il a ouvert bien large la porte de son coeur. Il sait, cet hom­me, qu'il est entré dans la vie éternelle et ses yeux commencent à entre­voir l'inimaginable beauté de Dieu.

Cet homme peut être une énigme pour les autres. En tout cas, il est toujours un appel. Ce peut être dangereux pour lui. Nous connaissons tous le sort qui attendait ce petit enfant né si pauvrement dans ce village per­du aux alentours de Jérusalem, dans cette Bethléem, dans cette maison du pain.

Nous savons que cet enfant a été pourchassé à peine né et que finalement,                           il a été ­rejeté par les hommes parce que les hommes avaient peur de lui.

 

Mes frères, il faut toujours revenir à cette peur qui nous habite. Etre un homme de Dieu aujourd'hui n'est pas plus facile, n'est pas moins dangereux qu'à l'heure de Jésus. Nous savons qu'il existe encore aujourd'hui d'authentiques martyrs.

Mais Dieu qui est lumière et amour n'attend de nous qu'une seule chose : que nous lui fassions confiance, que nous le croyions, que nous acceptions le don qu'il nous fait de son être. Pourquoi aurions-nous peur de lui ?

Or, nous acceptons le cadeau qu'il nous fait lorsque nous accomplis­sons sa volonté. La volonté de Dieu n'est jamais que l'emballage, à l'inté­rieur se trouve le cadeau qui est Dieu lui-même.

 

Mes frères, permettez-moi pour finir un souhait et une prière : que nous puissions devenir des saints, que nous permettions au Christ de tri­ompher en nous, que nous puissions être aujourd'hui lumière de Dieu pour les hommes nos frères.

Et ainsi, nous aurons parfaitement accomplis notre vocation de chré­tien et même, tout simplement, notre vocation d'homme.

 

                                                                                  Amen.

 

 

 

Temps de Noël : Homélie : Fête de St Etienne. 26.12.88                

 

Mes frères,

 

Permettez-moi quelques mots pour souligner le paradoxe apparent dans lequel nous entraîne la liturgie. Hier, nous célébrions la naissance de Dieu dans une chair d'homme et nous disions que cette naissance se conti­nue mystiquement en chacun d'entre-nous.

Et voici qu'aujourd'hui nous sommes placés brutalement face au refus opposé par l'homme au projet de Dieu, refus total, rejet absolu qui va jusqu'au meurtre de celui qui ose se poser en témoin de Dieu.

          Il y a une excuse qui n'en est pas une, mais qui pourtant permet de

tout racheter : ces hommes ne savaient pas ce qu'ils faisaient ! Le Christ est venu pour être témoin de Dieu et de sa vérité. Il l'a hautement affirmé devant Pilate, son juge, et ça lui en a coûté la vie.

 

Il nous a prévenus. Nous risquons à notre tour d'être détestés de tous les hommes à cause de Lui. Cet avertissement peut paraître bien aca­démique, mais attention, la persécution peut s'abattre sur nous en un ins­tant. Des millions de chrétiens, autrefois bien tranquilles, sont mainte­nant affrontés à des persécutions sanglantes ou sournoises auxquelles ja­mais ils ne se seraient attendus.

Mais pourquoi cette haine ? Pourquoi ces poursuites ? Pourquoi cette mise à part ? C'est tout bonnement - osons le regarder en face - le mystère de l'iniquité qui est à l'oeuvre, réflexe irraisonné, irrationnel, qui brutalement se saisit des hommes. Car Dieu fait peur, la Lumière fait peur, l'Amour fait peur. L'infection ­de l'égoïsme est telle, elle possède en elle une telle puissance, qu'elle dresse les hommes contre leurs semblables et contre Dieu dont ils sont l'image.

Mes frères, nous sommes avertis. Ne laissons jamais les forces du mal et du refus dominer en nous, mais ouvrons-nous sans crainte à la puissance divinisatrice de notre Dieu. Et nous serons ainsi des témoins, des témoins de son amour, de sa lumière, de sa présence, de son action, des témoins qui n'auront pas peur.

 

Mes frères, ce contexte de persécution peut très bien se trouver éga­lement à l'intérieur du monde religieux le plus fervent. Pensons à Saint Jean de la Croix, à Saint Jean de la Salles, à Saint Alphonse de Liguori. Ils s'en trouvent encore aujourd'hui que nous ne connaissons pas mais qui peut-être un jour seront proposés à notre vénération.

Mes frères, soyons toujours du bon côté, c'est à dire du côté de Dieu. Accueillons tous nos frères, tous les hommes, dans notre coeur. Et là, quels qu'ils soient, baptisons-les dans la lumière et dans l'amour comme l'a fait le diacre Etienne qui a pris dans son coeur son persécuteur peut­-être le plus rabbique, Saul, et qui l'a transfiguré à l'heure voulue par Dieu.

Mes frères, confions-nous à cet amour, laissons-nous porter par lui et, à notre tour, nous serons des témoins et des baptiseurs.

 

                                                                                           Amen.

 

Temps de Noël : Homélie : Fête de St Jean.   27.12.88

 

Mes frères,

 

L'Apôtre Jean est le premier qui dans l'Eglise a mérité le titre de théologien. Il a parlé de Dieu avec une autorité sans égale. Et il le pou­vait, car il connaissait Dieu pour l'avoir vu, pour l'avoir entendu, pour l'avoir touché. C'est ainsi qu'il demeure pour jamais le prince des con­templatifs, le premier et le plus grand.

Il va donc nous renvoyer l'image de ce que nous devons être. Il va nous enseigner ce que nous avons à découvrir, ce que nous avons à faire.

 

Je vais m'arrêter à une seule de ses paroles, celle qu'il vient de nous adresser au début de la Lettre dont nous avons entendu lecture. Elle est fondamentale. Elle est le point de départ obligé de toute aventure spi­rituelle. Et la voici : C'est dans le Christ Jésus seul que nous pouvons ren­contrer Dieu. Tout autre chemin est illusoire et conduit à l'impasse. Cela implique que le Seigneur Jésus est vivant, qu'il est ressuscité d'entre les morts, et qu'il est Dieu.

Cela signifie pratiquement pour nous deux choses essentielles repri­ses par Saint Benoît et, avant lui déjà, par toute la Tradition monastique. La première, c'est que nous devons être mus par la foi, par une foi pure, une foi toujours à purifier, fut-ce au prix des épreuves les plus dures.

Et ensuite, cette foi doit se concrétiser dans une remise totale de soi au Christ, dans une obéissance parfaite à ses représentants sur terre.

Cette route est infaillible. Elle nous conduit à la communion avec Jésus lui-même et avec Dieu notre Père. Elle débouche sur le partage de la vie divine, sur une résurrection anticipée, sur une plénitude de joie, celle même de Dieu.

Mes frères, voilà esquissée la démarche de toute vie monastique con­templative. A nous d'être fidèles pour connaître à notre tour la vie éter­nelle et pour combler de joie celui-là même qui nous a appelés.

 

                                                                                Amen.

 

Temps de Noël : Homélie : Les Sts Innocents.  28.12.88

 

Mes frères,

 

N'essayons pas d'imaginer l'horreur du massacre de ces enfants. L'hom­me sait être cruel quand il est barricadé dans ses peurs. Le vieil Hérode, prisonnier de sa paranoïa, était redouté et détesté de tous. Il accumulait les intrigues et les crimes. Personne n'échappait à sa fureur démentielle, pas même les membres de sa famille.

Il avait fait emprisonner des dizaines de notables Juifs pour qu'on les égorgea à l'heure de sa mort afin qu'il y eût des pleurs en Is­raël à ce moment-là, et non pas des chants de réjouissance. Heureusement lorsque Hérode mourut, ils furent tous libérés sur le champ et ce fut la joie générale.

C'est dans ce climat que Jésus a vu le jour. Rien donc d'étonnant que on ait cherché à le tuer. Les ténèbres ne peuvent supporter la lumière, et la frénésie de la chair ne peut tolérer la présence de Dieu. C'est là une loi qui vaut pour tous les temps et, notre coeur lui-même en est écartelé, déchiré, jusqu'à ce que finalement la charité ait triomphé en lui.

 

De l'épisode de ce jour, retenons ceci, mes frères : Dieu va chercher ses témoins sous tous les cieux et pas seulement au sein de notre Eglise. Ces petits Juifs, à peine nés et mis à mort déjà, sont les prémices des martyrs qui ne connaissent pas le Christ, mais qui souffrent et qui meu­rent victimes de l'oppression, de l'injustice, de la haine aveugle.

Comme nous le rappelle l'Apôtre, le Christ est la victime offerte pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier. Le grand Corps du Christ se construit partout, personne n'en est exclu.

Et nous, à notre place, efforçons-nous de répondre à notre vocation dans la fidélité, dans l'ouverture, dans une charité sans frontières.

 

                                                                                              Amen.

 

Temps de Noël : Homélie.                         29.12.88

 

Mes frères,

Siméon, cet homme juste et pieux qui attendait la délivrance d'Israël, vient de nous adresser à travers Marie une parole qui a valeur de prophétie pour toutes les générations. Il vient de nous dire pour terminer que les pensées secrètes d'un grand nombre sont dévoilées à l'intérieur de la position adoptée par cha­cun face à Jésus.

Cela signifie que le plus caché de notre coeur, ce qui définit notre qualité réelle, est mis au jour à notre insu dans notre attitude, nos ré­flexes en présence du Seigneur Jésus.

Mais attention, ne l'oublions pas, Jésus vit en chacun de nos frères, en chacun des hommes qui croisent notre route. Il nous l'a dit lui-même : ce que vous avez fait ou refusé de faire aux plus petits d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez fait ou refusé de le faire !

 

Nous retrouvons ainsi ce que l'Apôtre vient de nous dire. Comment sa­vons-nous que nous connaissons le Christ Jésus ? Il nous donne la réponse : en gardant ses commandements. Cette affirmation nous heurte de front.

Or, le commandement de Jésus, le voici : C'est que nous nous aimions les uns les autres comme il nous a aimés, c'est à dire jusqu'au bout. Ce jusqu'au bout est le signe d'une démesure, d'une folie qui caractérise l'agir de notre Dieu quand nous le comparons à notre sagesse tellement étroite.

Nous devons donc marcher dans la voie où lui, Jésus, a marché, c'est à dire nous devons nous mettre aux pieds de tous les hommes pour les servir. Nous devons risquer notre vie pour eux.

 

Celui qui aime son frère de cette façon est dans la lumière. Il est lui-même lumière. Par contre, celui qui n'aime pas son frère à la manière de Jésus, il est dans les ténèbres. Et il est ténèbre pour les autres, scandale, objet de chute.

Revenons maintenant à Siméon et demandons-nous quelle est notre atti­tude vis-à-vis de nos frères ? Nous découvrirons alors ce qui est le plus caché dans notre coeur, ce que nous sommes vraiment en vérité aux regards de Dieu.

Quelles sont les pensées qui se lèvent à l'intérieur de notre cœur ? Et que valent nos paroles et nos gestes ? Est-ce amour, douceur, bienveillance, bonté, accueil, patience ? Ou bien est-ce autre chose ? Serait-ce parfois le contraire ?

 

Mes frères, demandons au Seigneur de purifier notre coeur. Abandon­nons-nous à son action. Il veut nous transformer, nous rendre semblable à son fils Jésus. Et alors, lorsque cette oeuvre merveilleuse sera accomplie en nous, nous serons vraiment ses témoins sur la terre.

Mais il n'est pas nécessaire d'attendre ce moment-là pour l'être. Nous le sommes déjà lorsque de toute notre bonne volonté nous nous efforçons d'aimer nos frères, de nous mettre à leur service et de donner chaque jour dans notre obéissance noter vie pour eux et pour le Christ.

 

                                                                                         Amen.

 

 

 

Temps de Noël : Homélie : La Sainte Famille.   30.12.88

 

Mes frères,

 

En septembre dernier, nos Evêques ont ouvert une Année consacrée à la Famille. Ils affirment, avec raison, que la famille est le milieu natu­rel à l'intérieur duquel l'enfant apprend les premiers éléments de la Foi chrétienne, le milieu dans lequel il doit découvrir les vertus de la vie à laquelle il sera voué tous les jours.

La Fête de ce matin nous rappelle cette évidence. Jésus lui-même a reçu son initiation religieuse au sein de sa famille, auprès de sa Mère Marie, auprès de Joseph son père. C'était la coutume dans les milieux Juifs. Le premier devoir du père - entre autres - était d'apprendre à lire à son fils afin que celui-ci fut plus tard à même de déchiffrer les rouleaux de la Loi.

Jésus a probablement fêté à Jérusalem sa profession de foi au Temple même. C'est l'épisode qui nous est relaté aujourd'hui. A partir de ce jour, il devenait adulte dans la Foi, soumis à tous les préceptes de la Loi, et il était de plein droit chez son Père. Ce détail avait échappé à ses parents.

 

C'est compréhensible. C'étaient de très braves gens, mais ils étaient en présence d'un mystère qui les dé­passait à l'infini. Ce n'est que petit à petit que leur conscience s'est éveillée à cette présence de Dieu avec eux, Dieu vivant dans leur enfant, leur enfant étant Dieu lui-même. Mes frères, voilà le modèle de toute famille !

La cellule familiale proprement dite, ou bien la famille plus large, la famille monastique par exemple, doit être et rester le lieu privilégié où s'accomplit le salut des personnes. La référence se trouve encore et toujours dans la famille de Nazareth, celle-ci étant construite pour et autour de Jésus. Or Jésus signifie : Dieu sauve, Dieu apporte le salut.

Toute famille chrétienne doit être comme le prolongement, le retour de cette première famille chrétienne que fut celle de Nazareth. Elle doit avoir pour premier objectif le salut de ses membres. Et par salut, il faut entendre le plein épanouissement surnaturel et humain de chacun.

 

Oui, mes frères, la famille, dans son sens le plus large du terme, doit conduire ses membres à la perfection de leur destinée, c'est à dire devenir des enfants de Dieu à part entière. Ce souci est visible chez notre Père Saint Benoît. Il s'inscrit d'ailleurs dans le projet de Dieu sur sa création. Mais soyons lucides, le péché veut se mettre en travers de cet idéal, ce péché qui ronge notre coeur et dont nous ne pouvons nous défaire.

Cependant, ne perdons pas courage car Jésus est venu pour nous sauver de ce péché. Il peut toujours nous accabler, le péché, mais il ne parvient pas à nous maîtriser et, finalement, c'est nous qui en sommes le maître. Mais alors, notre perfection est atteinte et le projet de Dieu est réalisé sur nous.

Mes frères, gardons cette espérance, disons-nous que si nous sommes en ce monde, c'est pour devenir des enfants de Dieu, c'est pour devenir Dieu nous-mêmes. Et veillons donc à ce que dans notre coeur il n'y ait ja­mais que des sentiments de paix, de concorde, d'amitié, de bienveillance, d'amour, afin que notre famille humaine, ou notre famille monastique soit vraiment le lieu où chacun peut pleinement s'épanouir en Dieu.

 

                                                                                   Amen.

 

Temps de Noël : Homélie : Dernier jour de l’an.31.12.88

 

Mes frères,

 

Nous sommes au dernier jour de l'année civile et l'Apôtre vient de nous dire que nous sommes à la dernière heure du monde. Il entend signi­fier par là que la fin de ce monde-ci a commencé et que nous sommes entrés dans des Temps nouveaux. L'accompli du Royaume de Dieu est déjà présent. Et si notre coeur est suffisamment pur, nous pouvons déjà le contempler et laisser notre coeur s'emplir de joie.

 

Mes frères, ne soyons pas des étourdis. Ne nous laissons pas séduire, distraire, par le jeu des apparences. Une réalité d'un autre ordre se ca­che sous leurs voiles. Et cette réalité attend avec ferveur notre désir pour qu'elle puisse se manifester à nous.

Nous devons permettre au Verbe de Dieu, au Christ Jésus, au Vivant de prendre possession de nous. Notre habitation véritable n'est pas cette maison ou bien une autre. Notre lieu, notre demeure, c'est le sein du Père. C'est là que le fils unique veut nous conduire.

Le texte original de la péricope Evangélique est teinté d'une nuance qui n'apparaît pas dans les traductions. Cette nuance marque un mouvement VERS. Le Logos, le Verbe est …. .?…. Il est tendu vers son Père. Et à la fin, on nous dit que le Fils se trouve dans une position …?... Cela signifie qu'il se plonge sans arrêt dans le sein de son Père. Or, ce mouvement, le Christ l'imprime en nous si nous consentons à répondre de tout notre être à l'amour qu'il nous offre.

 

Mes frères, je pense qu'il n'est rien de plus sublime en ce monde que de prendre conscience de ce mouvement, de se voir entraîné à l'intérieur de Dieu jusque dans ses entrailles, jusqu'à l'intérieur de son sein et, là, de s'éveiller et de savoir qu'on est entré dans la vie éternelle et qu'on est devenu Dieu par grâce.

Mes frères, notre obéissance, celle que nous avons voué à notre Dieu, elle est de nature extatique. Elle nous accroche à la personne du Christ et elle nous lance à l'intérieur de la Trinité. Si nous vivons habituellement dans cet état d'union au Christ, la courbe de notre existence se perd dans l'insondable mystère et l'accompli du projet divin s'inscrit en nous.

Voilà, mes frères, la destinée humaine idéale. C'est à cela que nous sommes appelés de par notre vocation chrétienne et davantage encore monas­tique. En cette dernière Eucharistie de l'année 1988, remercions Dieu pour le don magnifique qu'il nous fait de son être et promettons-lui une fidé­lité renouvelée.        

 

                                                                                             Amen.