Homélie de l’Eucharistie des rameaux.            12.04.92

Franchir une passerelle !

 

Mes frères,

 

            Dans un raccourci hallucinant la liturgie nous présente à quelques minutes d'intervalle: Jésus au faîte de son humble gloire, Jésus aux portes de Jérusalem acclamé par une foule en délire et Jésus dans une déchéance à peine imaginable, Jésus pendu à une croix hors des murs de Jérusalem.

            Mes frères, ces événements ont valeur d'éternité. Jésus, Dieu avec nous, est à toute heure et acclamé et conspué. Et nous, de quel côté sommes-nous ? Du côté des fidèles ou du côté des bourreaux ? Ne l'oublions jamais, c'est notre relation à notre frère qui nous jugera !

 

            Contemplons un autre contraste inquiétant et terrible. Jésus vient de donner son corps et son sang de lumière en nourriture à ses disciples. Et voici que ces mêmes disciples se mettent à se disputer pour savoir lequel d'entre eux était le plus grand. Où avaient-ils donc leur tête ?

            Et où avons-nous notre tête quand nous les imitons à propos de tout et de rien. La bêtise, l'inconscience humaine sont décidément sans limite. Mais cela s'explique, cela se comprend. Il y a une inadéquation foncière entre l'homme et Dieu, entre des êtres égocentriques fermés, barricadés dans leurs peurs et Dieu qui est pure extase d'amour.

 

            Mes frères, nous devons absolument franchir une passerelle si nous voulons être sauvés. Il nous faut mourir à notre égoïsme et naître à la charité. Nous devons entrer dans la sphère de la gratuité, du désintéressement, du don de soi, de l'amour. Ne risquons-nous pas trop souvent de l'oublier ?

            Mais arrêtons-nous maintenant au plus terrible. Le même Jésus quelques heures plus tard subit une mort atroce, une mort misérable, et il est seul, affreusement seul. Ils voulaient être les premiers, ses fameux disciples, mais ils se sont tous envolés.

 

            Mes frères, nous sommes confrontés à la solitude de Dieu et nous nous demandons comment faire pour la briser ? C'est possible, nous pouvons la briser, mais pour cela nous devons prendre nos responsabilités.

            Dieu n'est plus seul quand nous le laissons libre d'être Dieu. II n'est plus seul quand nous ne nous acharnons plus à régler toutes les choses à sa place. Il n'est plus seul quand nous le respectons dans son être de Dieu, quand nous l'aimons, que nous lui faisons confiance jusqu'au bout, sans limite, à perte de vue.

            Dieu n'est plus seul lorsque nous ne prenons pas sa place. Or, c'est cela la tentation la plus dangereuse qui soit : faire entrer Dieu dans nos catégories, le réduire à un veau, un veau d'or mais un veau quand même, le veau que nous sommes. Et alors Dieu se retrouve seul !

 

            Il nous a été parlé ces Jours-ci de la relation la plus intime qui puisse exister ici-bas entre Dieu et un homme, une relation d'ordre sponsal où l'homme pénètre en Dieu et où Dieu envahit tout de l'homme. Et dans cette union ineffable, l'homme connaît enfin la joie, il connaît la vérité de son être qui est fait pour un échange d'amour.

            A ce moment-là, Dieu n'est plus seul. Et c'est là qu'il nous attend. Il nous attend sur la route qui conduit à lui, mais c'est encore lui qui vient à notre rencontre. Et dès qu'il nous voit, dès qu'il voit notre bonne volonté, il ne peut se contenir. Il nous transforme, il nous transfigure, il nous revêt de ce qu'il est.

            Si bien que nous ne nous reconnaissons plus, mais lui se reconnaît en nous et, encore une fois, il n'est plus seul. Mais notre propre solitude à nous, elle est brisée et à travers Dieu et en lui, nous reconnaissons tous nos frères. Nous les reconnaissons comme ses enfants, nous les reconnaissons comme faisant partie de nous. Et au terme, nous ne formons plus qu'un seul corps avec lui pour le partage d'une même vie, la sienne.

 

            Mes frères, le drame du calvaire est de chaque jour parce que nous ne laissons pas Dieu libre d'être lui. Si dans le monastère nous prononçons un vœu d'obéissance, un vœu d'écoute et un vœu de remise de soi, c'est parce que nous voulons permettre à Dieu d'être lui pour nous, d'être lui dans notre vie.

            Il y a une grande passerelle à traverser, comme je le disais tout à l’heure, , celle de notre égoïsme qui doit disparaître. Mais cette passerelle, encore une fois, c'est lui qui la lance et c'est lui aussi qui est la passerelle. Si bien que ce qui est impossible à l'homme est possible à Dieu et la pierre que nous sommes, elle peut commencer à crier et à chanter.

 

            Mes frères, ne l'oublions jamais, tout ce joue pour nous à l'intérieur de notre coeur, tout ce joue dans notre pensée, dans notre jugement. C'est pourquoi au cours de cette semaine, reprenons conscience de ce que nous sommes, de la sublimité de notre vocation d'homme car nous avons été créés pour aimer. Nous avons été créés pour partager la joie de notre Dieu.     Alors, prenons garde à nous, convertissons-nous, repentons-nous et ainsi nous parviendrons à briser toute solitude, celle de Dieu, celle de nos frères et la nôtre.

 

                                                                                                                                       Amen.

 

 

Chapitre du Lundi-Saint.                           13.04.92

Les sommets de la vocation contemplative.

 

Mes frères,

 

            En compagnie de Guillaume de Saint Thierry nous avons exploré les sommets les plus élevés de la vocation contemplative. Nous nous sommes promenés sur les culmina scientiae et virtutum dont nous parle Saint Benoît, les sommets de la gnose et de la pratique si nous empruntons le langage d'Evagre. Il n'est pas possible d'aller plus haut dans cette vie.

            Ce sont de tels adorateurs en esprit et en vérité que recherche le Père. Il désire des hommes qui se nourrissent de lui, qui deviennent lumière en lui et dans le coeur desquels l'Esprit Saint peut fixer sa demeure. Si bien que ces hommes sont ici sur la terre d’authentiques temples de l'Esprit-Saint, plus encore, des temples de la Trinité. Il faut dire que là où est une des Personnes de la Trinité, les deux autres s'y trouvent.

 

            Comme Guillaume nous l'a expliqué à la suite de Saint Bernard, Dieu veut s'unir à l'homme dans une relation sponsale dont les épousailles humaines sont le reflet, sont le symbole. Ce qui est premier, mes frères, ce n'est pas le mariage humain, ce qui est premier, c'est le mariage entre Dieu et un homme ou une femme.

            Cette union sponsale, cette union nuptiale entre Dieu et le moine est première. Elle est présence du monde à venir et elle est l'accomplissement de la création. Le mariage humain est l'image charnelle de cette relation sponsale parfaitement spirituelle entre Dieu et une créature.          C'est ainsi depuis l'origine, c'était déjà ainsi pour les Apôtres surtout pour l'Apôtre Paul et aussi l'Apôtre Jean lorsqu'ils en ont pris conscience. Nous devons pouvoir déchiffrer leurs Epîtres à travers cette lunette qui permet de saisir la vérité toute entière.

 

            Et naturellement, les moines ont repris cette intuition et ils ont voulu refaire pour leur compte cette expérience. Et ils l'ont exprimé de différentes manières suivant les époques et les Cultures. Mais c'est toujours, toujours le même désir qui brûle leur coeur et qui est allumé par le désir qu'a Dieu lui-même de devenir un seul être avec sa créature.

            Et naturellement cet homme ou cette femme, à travers cette créature humaine, c'est le cosmos entier que Dieu s'unit et qu'il transfigure. Au terme de la création, Dieu sera tout en toute chose. Mais quand il est déjà tout dans un être humain, à cet endroit-là, il réalise son projet à la perfection. Le reste suivra.

 

            Eh bien, si nous sommes au monastère, c'est pour cela et pour rien d'autre. Et quand on l'a compris, on ne se laisse plus distraire par rien du tout. On est possédé par ce besoin, par ce désir, par ce feu. On se laisse dévorer par lui et tout ce qui est à l'extérieur dans le fond n'intéresse plus.

            Cela présente un intérêt dans la mesure où c'est la volonté de Dieu, si c'est un endroit, une chose, un événement, un acte, une pensée, un jugement à l'intérieur duquel Dieu est caché et à l'intérieur duquel il se révèle et il se donne.

            Il y a donc là une chose très belle parce que l'être de l'homme tout entier se restructure et s'unifie. Il n'est plus dispersé dans tous les sens, il n'est plus distrait dans le sens étymologique du mot, il n'est plus tiré dans tous les sens. Il s'unifie.

 

            Si bien que l'homme est alors sur les traces de la beauté suprême et d'un bonheur sans fissure, si bien que toutes ses énergies vitales sont consacrées à marcher et à courir sur cette route. Saint Benoît, remarquez-le, il a toujours des mots qui signifient qu'on ne perd pas son temps. C'est currere, festinare. On y va, on se débarrasse de tout et on court.

            C'est ça, toutes les énergies sont focalisées sur un seul objectif qui est de rencontrer Dieu, de devenir avec lui une seule respiration. Voilà, on n'a donc aucun repos aussi longtemps qu'on n'a pas trouvé Dieu et qu'on n'a pas été introduit dans le secret de son intimité. C'est donc une question d'amour prêt à toutes les audaces et à toutes les folies.

 

            C'est ce que nous admirons aujourd'hui dans Marie de Béthanie. Voilà une femme, une jeune fille, qui ose afficher en public, mais dans un geste fou, son amour non moins fou pour Dieu qu'elle a reconnu dans cet homme dont le nom est Jésus de Nazareth. Et alors, à l'intérieur de ce geste, elle affiche encore en public devant toute une assemblée, son union sponsale accomplie avec Dieu dans la personne du Christ.

            Il faut savoir ce que signifie dans cette culture, à cette époque, le fait pour une femme de laver les pieds de l 'homme, d'un homme ? Eh bien, c'est le geste symbolique par lequel on signifie qu'on l'épouse et que on devient avec lui une unité indissoluble.

 

            Alors elle a donc son parfum, un parfum qui est d'une valeur quasiment à ne pas mesurer, comme il est dit en grec. Il est dit à un autre endroit que ce parfum est dans un vase d'albâtre, l'albâtre qui est une pierre qu'on trouvait communément en Egypte à l'époque, une pierre précieuse quand même. Les plus belles statues de l'Egypte ancienne sont taillées dans l'albâtre. Et ce flacon n'a pas de bouchon.

            Il faut bien se rendre compte ce que c'est. C'est un flacon entièrement fermé. Donc c'est un vase, puis on y met ce parfum qui ne peut absolument pas s'altérer ni se corrompre. Il ne faut pas l'infecter, il est parfaitement pur. Et puis alors le sommet de ce vase est bouché, soudé par un système quelconque. Si bien que lorsque on veut utiliser le parfum, il faut briser le col du vase. Voilà ce geste de Marie !

 

            Et ce parfum alors, elle le répand sur les pieds de Jésus et elle essuie les pieds avec ses cheveux. A ce moment, Marie passe toute entière en Jésus et Jésus passe tout entier en elle. C'est donc par le moyen d'un parfum que cette union nuptiale s'opère. Nous l'avons entendu durant la retraite, les premiers cisterciens utilisaient aussi ce symbole du parfum.

            Maintenant, le parfum de cet échange nuptial se diffuse, dit-il, à travers toute la maison. Mais au-delà nous sommes maintenant dans le spirituel il se diffuse à travers le cosmos entier et il en chasse tous les miasmes délétères du non-amour.

 

            De même qu'une lumière au sein de la plus profonde obscurité est plus puissante que cette obscurité et la dissipe, de même le parfum d'un véritable amour dissipe dans le cosmos entier toutes les odeurs fétides de l'absence d'amour.

            Eh bien, mes frères, quand nous rencontrons à notre tour le Christ et que nous devenons avec lui un seul esprit, lorsque cette union sponsale s’accomplit avec lui, à ce moment-là le même parfum devient spirituellement perceptible et c'est lui qui achève de purifier et de transfigurer notre coeur.

 

            Marie de Béthanie est donc dans l'Histoire la première sponsa Verbi, la première épouse du Verbe. Et toutes les épouses subséquentes du Verbe jusqu'à la fin des Temps participent à la grâce de Marie, cette grâce qui est première et dont toutes les autres dérivent comme de leur source.

            Nous avons donc là, nous sommes donc là à l'origine même de cette nuptialité, de cette sponsalité avec la personne du Verbe qui est présente à nous dans le Seigneur Jésus. Eh bien, mes frères, telle est notre vocation après celle de Marie, après celle de Guillaume, après celle de Bernard et de tant et tant d'autres.

 

            Maintenant, le Prédicateur y a fait allusion, mais je voudrais un peu préciser ce qu'il a dit à propos justement de cette grâce de contemplation.

            Dans notre Culture, pour nous, spontanément l'organe de la contemplation, ce sont les yeux. Nous la réduisons à la vision. Pour Saint Benoît, l'organe de la contemplation, c'était plutôt l’ouïe. Et arrivé à l'époque de nos premiers Pères, la contemplation, c'était aussi le toucher, c'était le sentir, c'était le goûter.

            Eh bien, l'acte de contemplation, mais véritable alors, il saisit l'homme tout entier dans sa totalité, dans sa globalité. Si bien qu'on peut indifféremment le localiser dans la vision, dans l'audition, dans le fait de sentir un parfum, dans le fait de toucher, dans le fait de goûter.       C'est tout l'être qui est imprégné par Dieu, par la Sainte Trinité. Et suivant les circonstances, ce sera un organe plutôt qu'un autre qui sera mis en évidence. Mais en réalité, aucun n'est privilégié et c'est tous.

            Nous le voyons encore ici avec Marie. Voilà, Marie de Béthanie, il faut la voir aussi pas seulement maintenant, mais disons dans sa vie entière. Nous savons que peut-être bien, c'est peut-être bien à la même occasion parce qu'il est dit ici que Marthe servait ce repas. Et vous vous souvenez qu'elle se plaignait un jour auprès de Jésus : « Mais tu vois tout le travail que j'ai. Je suis seule à faire le service. Dis à ma sœur de m'aider ! »

            C'était peut-être à cette occasion-là que Marie était aux pieds de Jésus parmi ses disciples, qu'elle buvait du regard et puis qu'elle se nourrissait de sa parole. Et puis nous voyons la même Marie qui touche ce Jésus, ses pieds, qui les frotte de parfum, qui les essuie avec ses cheveux. Donc, c'est l'être entier de Marie qui s'unit au Christ et qui devient avec le Christ quasiment une seule chair, mais une seule chair spirituelle.

 

            Eh bien, mes frères, c'est vraiment là la vocation la plus sublime de toute, la plus nécessaire. Cette vocation unit le ciel et la terre. Elle unit Dieu et l'homme et elle accomplit la divinisation du cosmos. C'est ça la véritable vocation monastique !

            Eh bien voilà, il faut que nous demandions à Dieu au cours de cette Semaine Sainte en couronnement, disons, de notre retraite, de nous accorder la grâce de la foi qui nous permettra de comprendre ce mystère d'un Dieu qui veut devenir un seul être avec sa créature dans la gratuité la plus absolue et dans la liberté totale.

 

            Voilà, mes frères, nous allons demander cela les uns pour les autres et, dans une grande espérance, nous saurons que ça nous sera accordé tôt ou tard. Mais je dirais un peu comme sous-entend Saint Benoît, au plus tôt sera le mieux ! Mais il faut y mettre le prix !

 

 

Chapitre du Mardi-Saint.                          14.04.92

Un sommet de lâcheté et de bêtise.

 

Mes frères,

 

            Hier, avec Marie de Béthanie, nous nous sommes trouvés sur un sommet d'amour dans une nuptialité mystique parfaite. Aujourd’hui, nous l'avons entendu au cours de l'Eucharistie, nous nous sommes retrouvés sur un sommet de lâcheté et de bêtise, un comble d'aveuglement sinistre et criminel.

            Mais attention ! Ne portons pas de jugement sur les personnes. Nous devons condamner le comportement de Judas et de Pierre, mais prenons bien conscience que Judas et Pierre, c'est nous avec notre péché et avec notre misère.

            Or, nous qui sommes pécheurs, et qui sommes lâches, et qui sommes instables, toujours au bord du reniement et de la trahison, nous devons devenir des êtres purs, forts et saints comme l'était Marie.

 

            La vie chrétienne est une conversion, un retour en arrière. Nous avons quitté la région de la ressemblance, comme dit Saint Bernard. Nous nous sommes égarés dans les marais de la dissemblance et nous devons revenir à Dieu pour qu'il puisse reconstituer en nous son image.         La vie chrétienne est donc un bouleversement dans le sens étymologique du terme, un retournement. Elle est une métamorphose, une transformation. Le prédicateur nous avait dit que pour Guillaume de Saint-Thierry, nous devions revêtir la forme de Dieu, superindui dit l'Apôtre Paul. Et c'est vrai, mais je pense qu'il faut aller encore beaucoup plus loin.

            Il faut que notre for intérieur change. Ce n'est pas quelque chose qui nous est appliqué de l'extérieur, c'est une véritable transformation, c'est une transfiguration. Nous restons toujours homme mais nous devenons Dieu parce que nous sommes fils de Dieu. Et il faut que cette filiation divine apparaisse dans toute sa splendeur.

 

            La vie chrétienne et surtout la vie monastique qui est la vie chrétienne dans ce qu'elle a de plus beau - la vie avec le Christ et avec Dieu - est aussi un choix périlleux pour la chair. Et le centre autour duquel va se déterminer ce choix, c'est Dieu lui-même dans la personne du Seigneur Jésus. Je dis que ce choix que nous devons poser est un choix périlleux, dangereux et nous allons le voir.

 

            D'un côté, d'un côté il y a Judas avec ses convoitises, avec son astuce, avec son absence de pitié. Maintenant derrière Judas, il y a la puissance politico-religieuse de la théocratie Juive qui avait pouvoir jusque sur les consciences. Nous verrons encore demain cette accointances entre Judas et, disons, l'establishment Juif de l'époque.

            Maintenant plus loin encore derrière, il y a la superpuissance d'un empire cruel, Rome et ses satellites. Car ce qui dominait à Rome, nous ne devons pas l'oublier, c'était la cruauté. Dans le livre que nous avons entendu dernièrement au sujet de la formation du Talmud, il nous a été bien expliqué encore par certains récits certains légendaires mais avec une bonne part de vérité le caractère cruel de la domination romaine.

            Car c'est vraiment la chose la plus terrible qui se puisse imaginer. Nous l'avons connu un peu pendant la guerre de loin malgré tout avec le nazisme. On l'a connue dans l'empire soviétique, la cruauté.

 

            Maintenant plus loin encore à l'arrière, car ce n'est pas tout, mais dominant et dirigeant l'ensemble, il y a le satan et ses hordes sans nombre, tout le non-amour, le non-amour absolu et grimaçant. Nous l'avons entendu ce matin. Dès que Judas eut pris la bouchée, satan entra en lui. Nous avons tout : Judas, les dirigeants juifs, Rome qui va intervenir et qui va faire crucifier Jésus, et puis le maître du jeu, le satan.

            Voilà donc, voyez l'homme-Jésus au milieu et d'un côté vous avez tout ça. Maintenant de l'autre côté et en face, il n'y a rien qu'une Jeune fille avec son flacon de parfum. Et c'est tout. Et cette jeune fille, elle est seule, tout à fait seule.

 

            Quand elle a posé son geste de gratuité absolue, Judas a réagi tout de suite. Il ne pouvait pas supporter cela. Il se trouvait devant le contraire de ce qu'il était. Mais enfin, elle est là toute seule, un abîme de faiblesse, d'insignifiance, de dérision. On se moque d'elle. Mais Marie possédait en elle l'amour, et la lumière, et la douceur.

            Et contre elle viennent se briser toutes les puissances, et toutes les superpuissances cosmiques et infernales. Et c'est elle, elle seule qui est le sens de l'Histoire et qui est déjà la réussite finale de la création.

 

            Donc, voyez les deux pôles, le Seigneur Jésus au milieu, un homme, mais un homme qui est Dieu, et d'un côté Judas - Judas c'est presque tout l'univers - et de l'autre côté une jeune fille toute fragile, toute seule avec son flacon.

            Mais retenons bien  cela ! Nous devons bien nous en rendre compte : le sort du monde et le sort de Dieu lui-même dépendent d'un flacon de parfum. Je dis aussi le sort de Dieu, car si le projet de Dieu, son projet d'amour dans la création vient à échouer, le sort de Dieu est réglé en même temps.

            Eh bien, mes frères, notre présence dans le monastère dit que nous avons choisi le rien de Marie contre le tout de Judas. Nous l'avons choisi. Nous avons choisi d'être un parfum qui se perd et non pas un pouvoir qui conquiert, qui s'installe, qui domine, qui s'exalte et qui finalement écrase. Car un pouvoir s'installe toujours sur des cadavres, il y il toujours des victimes.

 

            Eh bien, mes frères, ce choix unique, il est à ranimer chaque jour et à chaque heure. Il est posé une fois. Ce une fois revient fréquemment dans l’Epître aux Hébreux. Le Christ s'est donné une fois. Et c'est même un superlatif dans le grec, une seule fois.

            Mais ce une seule fois à une valeur d'éternité et lorsque chaque jour nous confectionnons à nouveau l'Eucharistie, c'est ce choix, c'est ce une fois qui est actualisé là devant nos yeux et qui, d'une certaine façon, est répété.

            C'est dans ce sens-là que je veux dire que le choix doit être réanimé chaque jour et à chaque heure.             C'est ça un peu qui se joue à l'intérieur de l'obéissance, c'est toujours ce choix. Si bien que on peut dire que la vie monastique est la concrétisation et la réanimation permanente de ce choix.

 

            Donc, comprenons le bien et ne l'oublions pas : être parfum, être amour, être lumière, être douceur, telle est notre raison d'être dans le monastère. Mais attention ! Je disais que ce choix était périlleux et il l'est vraiment. Il est périlleux pour nous personnellement et il est périlleux au niveau de la communauté.

            Il est périlleux pour nous parce que nous devons vraiment, comme l'a fait Marie de Béthanie, tout perdre et nous perdre avec. Il faut renoncer à tout pour ne plus avoir en main rien d'autre qu'un parfum qui va partir. Il va s'évaporer. Mais en s'évaporant il va, comme je le disais hier, il va purifier l'univers.

 

            Et alors c'est dangereux, c'est prendre un risque au niveau de la communauté parce que ou court le danger d'être seul, c'est à dire d'être un petit nombre. Parce que comprendre la vocation monastique dans, je dirais, dans ce paroxysme de beauté n'est pas donné à tout le monde. Il y a, disons, des paliers inférieurs qui sont plus à portée de la chair.

            Mais voilà, je pense que ce que le Christ et ce que Dieu attend, c'est de prendre le risque total sinon, je dirais, la vie monastique ne vaut pas la peine d'être courue, d'être vécue.  Lorsque ce risque est pris et qu'il est tenu jusqu'au bout, alors mes frères, c'est vraiment une victoire de la foi en celui qui a dit : « Ayez confiance, moi, j'ai vaincu le monde. »

 

            Il y a le moi. Il n'a pas dit : « J'ai vaincu le monde » mais « MOI, j'ai vaincu le monde. » Cela veut dire : Personne d'autre ne peut le vaincre que moi. Il a dit aussi qu'il était venu non pas pour condamner le monde mais pour le sauver. Il s'agit ici naturellement de deux acceptions du mot monde. Le monde qu'il a vaincu, c'est celui de Judas, c'est celui de tous les pouvoirs établis, c'est celui de la cruauté des empires superpuissants et, finalement, c'est le satan qui est meurtrier depuis l'origine. Tout cela, il l'a vaincu !

 

            Eh bien, nous devons prendre le risque comme Marie l'a pris de nous donner entièrement à ce Christ. Et ainsi  par notre foi, soudés à sa Personne, nous pourrons aussi l'aider à vaincre le monde. Car, c'est cela qui est remarquable, il ne veut pas, et même il ne peut pas le vaincre sans nous parce que il faut que sa victoire acquise par sa mort sur la croix et sa résurrection soit réactualisée à tout moment de l'Histoire. C'est arrivé une fois, mais ça se revit dans ceux qui s'offrent à lui pour cette mission.

 

 

Chapitre du Mercredi-Saint.                      15.04.92

Nature et beauté de la chasteté.

 

Mes frères,

 

            Le contraste violent, abrupt entre la personne de Judas et la personne de Marie de Béthanie nous permet de saisir par le dedans la nature et la beauté de cette vertu extraordinaire qu'est la chasteté. La chasteté est radicalement, fondamentalement une qualité, et elle va transfigurer la chair.

 

            La chasteté est aussi insaisissable qu'un parfum. On ne peut la cerner dans des concepts bien rationnels. Ce n'est pas possible. En fait, elle imprègne et elle transforme tout. Un homme, et à fortiori un moine, vaut ce que vaut sa chasteté. Elle est en lui, en tout lui jusque en ses cellules charnelles naturellement et spirituelles les plus intimes. Elle est un parfum extrêmement précieux.

            Et le parfum que Marie de Béthanie avait généreusement versé sur les pieds de Jésus était l'expression matérielle, l'expression sensible de la chasteté qui imprégnait l'être entier de Marie.        C'est cette chasteté qui permettait à Marie de toucher les pieds de Jésus, de les frotter de parfum, de les essuyer de ses cheveux. Et par ce geste très pur de chasteté, elle s'unissait sponsalement à Jésus, donc à Dieu.

 

            Nous pouvons donc voir déjà que la chasteté est pureté, innocence, naïveté, audace, respect infini, gratuité. Tout cela est à l'intérieur du geste de Marie, et tout cela habite son coeur. Et c'est cela qui était le moteur de toute sa conduite et en particulier de ce geste qu'elle avait posé spontanément. Ce geste n'a pas été réfléchi, il n'a pas été raisonné. C'était la spontanéité de la chasteté.

            Elle est donc, cette chasteté, l'amour dans ce qu'il a de plus délicat, de plus lumineux, de plus humble, de plus dépouillé. Et nous comprenons alors pourquoi elle va définir notre véritable qualité d'homme, de chrétien, de moine.

 

            Maintenant en Judas, nous voyons surgir son hideux contraire. Il n'existe pas de nom pour cerner le contraire de la chasteté. Ce contraire est un monstre aux cent têtes et on le reconnaît aux ravages qu'il exerce.

            On peut commencer par dire que le contraire de la chasteté est la convoitise, donc l'appétit désordonné de la possession et de la jouissance. Et ce contraire se situe au niveau le plus bas de l'avoir tandis que la chasteté se situe au niveau le plus élevé de l'être. Il y a donc une distance infinie entre les deux et ils ne se rencontre pas. L'un exclut l'autre.

            Le contraire de la chasteté, nous pouvons aussi le voir comme une fuite en avant dans une recherche éperdue de puissance, de pouvoir, de richesses, d'honneurs, de plaisirs, la recherche de l'argent, cet argent qui procure tout. On achète tout avec de l'argent, même les consciences.

 Alors, un coeur possédé par ce besoin, ce désir, cet appétit de puissance ? Eh bien, un coeur pareil n'a aucune considération des autres, aucun respect. Les hommes, pour lui, ce sont des objets, ce sont des éléments d'un prix de revient, ce sont des machines à produire.

            Et lorsque leur rendement baisse, lorsque ils deviennent moins utiles, on les éjecte et on les remplace par d'autres. Ils sont interchangeables. Ce sont des objets, des objets de production.

 

            Mes frères, retenons bien ceci : la qualité de nos relations avec les autres est révélatrice de la qualité exacte de notre chasteté. C'est terrible, cela ! La façon dont je traite les autres, dont je les juge, dont je vis avec eux va révéler mon degré de chasteté. Chez Judas, il n'y en avait aucune ; chez Marie, elle était dans sa totalité. Mais il y a naturellement tous les niveaux intermédiaires.

 

            Le contraire de la chasteté est donc l'absence d'amour, la dureté du coeur, et j'ose dire la cruauté car il est possible d'être cruel. Ce n'est pas une cruauté sadique qui va avoir plaisir à faire souffrir les autres, mais un défaut de considération des besoins des autres qui fait que on est cruel avec eux.

            Que voulez-vous, il ne peut pas en être autrement car dans le contraire de la chasteté rien ne compte que l'affirmation de soi : moi, rien que moi. Alors là, on glisse très vite dans le satanisme.

 

            Donc nous avons ici vraiment un contraste absolu entre Judas et Marie et nous voyons mieux ce qu'est cette chasteté. Donc, ne la cantonnons pas au corps. Oui, elle est aussi une qualité du corps, de la chair, mais elle est infiniment plus. Et pour mieux le comprendre, sachons que la source de la chasteté, c'est Dieu lui-même parce que Dieu est parfaitement chaste. Peut-être que c'est la toute première qualité de Dieu ?

            Si bien que l'homme parfaitement chaste - s'il existe sur terre ? - il est devenu tout à fait semblable à Dieu. Ce sera notre qualité après la résurrection d'entre les morts. Lorsque notre corps spirituel sera parfaitement construit, à ce moment-là il sera parfaitement chaste.

 

            Pourquoi ? Parce que le coeur de ce corps nouveau, ce sera le temple de l'Esprit. Et notre respiration, ce sera cet Esprit Saint exactement comme il est la respiration de Dieu. Et le mystère de la Trinité sera totalement accompli et vécu en chacun d'entre nous. A ce moment-là, nous serons chastes comme Dieu est chaste.

            Mais aussi longtemps que nous sommes ici sur terre dans notre condition de pécheur, nous devons nous élever insensiblement vers cet état de perfection, c'est à dire nous laisser prendre par Dieu et nous laisser purifier jusqu'à ce qu'il nous élève jusqu'à lui. Et à ce moment-là, nous sommes, voilà, déjà dans la résurrection, dans l'univers de la résurrection.

 

            Et Dieu lui-même est parfaitement chaste parce qu'il est la gratuité absolue. Il est dépossession totale. Il est parfaite extase d'amour. Voilà Dieu !

            Dieu ne vit pas pour lui, Dieu vit pour autre que lui. Et c'est la raison pour laquelle il a été littéralement poussé à créer un être totalement différent de lui pour qu'il puisse se donner à cet être créé et en faire un autre lui-même.

            Donc, le mystère qu'il vit à l'intérieur de son être et qui fait qu'il est Trinité de Personnes, il a voulu le projeter à l'extérieur et y englober une créature, ou des créatures autant qu'il y en aura.

            Le démon par contre est le contraire de la chasteté parce qu'il est repliement sur soi. Il est fermeture aux autres et il est solitude hermétique. Donc absolument le contraire de nouveau.

 

            Alors mes frères, nous devenons chastes, nous, dans la mesure où nous nous unissons à Dieu dans un abandon confiant, dans la mesure où nous lui permettons d'être Dieu en nous. Je pense que c'est tout de même une aventure qui vaut la peine d'être courue : devenir vraiment chaste comme Dieu l'est, lui permettre de réaliser cette merveille en nous jour après jour en chacune des choses qu'il nous demande.

            Et dans le monastère, on n'est pas chez soi, on est chez Dieu. Et on vit toujours cette dépendance amoureuse vis-à-vis de Dieu, Dieu qui se donne à nous et puis qui veut nous rendre semblable à son être de chasteté.

 

            C'est donc, mes frères, une grande chose que la chasteté. Elle est vraiment Dieu triomphant en nous. Il avait triomphé en Marie de Béthanie, oserais-je dire qu'il avait échoué en Judas ? Oui, à ce moment-là, au moment qui nous a été rapporté. Ici, c'était l'être de Judas, le contraire parce qu'il était vraiment possédé par le satan.

            Mais nous ne savons pas ce qui s'est passé après. Cela ne nous regarde pas. Dieu n'a pas besoin d'une longue vie pour métamorphoser quelqu'un. Il peut le faire en un instant. C'est pourquoi, ne perdons jamais confiance.

            Et si nous rencontrons bien des déboires sur la route, ne pensons jamais que nous n'y arriverons jamais, ne pensons jamais que nous n'arriverons pas à être un jour vraiment comme Dieu est. Ce serait faire injure à Dieu. Mais disons-nous que le chemin de Dieu n'est pas le nôtre et que ce qu'il veut réaliser dans son amour, il y arrivera. Pourquoi ? Parce qu'il est Dieu et qu'il est amour précisément.

 

 

Homélie à l’Eucharistie du Jeudi-Saint.          16.04.92

Servir et donner sa vie.

 

Mes frères,

 

            Quand nous parlons de Jésus, nous ne devons jamais perdre de vue que nous avons à faire avec Dieu. Nous serions facilement tentés de nous arrêter à l'humain de sa personne. Certes, cet humain est primordial mais il n'est pas unique. Le Seigneur Jésus, c'est Dieu. Les Apôtres ont dû souvent tomber dans le même travers de ne voir en lui que l'homme. Ce n'est qu'après avoir reçu l'Esprit-Saint qu'ils ont enfin compris.

 

            C'est donc à partir de l'éternité de Dieu que nous entrons dans l'épisode d'aujourd'hui. Cela signifie que cette scène du lavement des pieds nous est présente et que nous lui sommes présents. Elle n'appartient pas au passé, elle est d'aujourd'hui, elle est de tous les aujourd'hui de notre vie.

            Nous avons vu le Seigneur, le Maître se mettre aux pieds de chacun de ses disciples. Eh bien, mes frères, nous devons comprendre que Dieu se tient toujours à nos pieds. Il n'est pas devenu homme pour se faire servir - il nous l'enseigne encore aujourd'hui - mais pour servir et donner sa vie.

            Et nous alors, nous répugnerions de nous mettre aux pieds de nos frères, de nous mettre à leur service ? Mais c'est à l'intérieur de ce service que nous recevons la vie et que cette vie petit à petit fait de nous des dieux.

 

            La scène extraordinaire que nous venons de contempler renferme un détail extrêmement révélateur du comportement instinctif de l'homme dans sa relation à Dieu. Il s'agit de ce réflexe de Pierre et, c'est un réflexe de refus : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! » Jésus, nous l'avons entendu, savait que son Père avait tout remis entre ses mains, c'est à dire que le projet de Dieu dans sa totalité reposait entre les mains de Jésus.

            Et voici que Pierre par son refus fait obstacle au plan de Dieu. Il ne laisse pas Dieu libre d'être lui-même dans la folle beauté de l'amour qu'il est. Il ne peut supporter que Dieu se mette à ses pieds. Et pourtant, l'unique route qui peut conduire l'homme au salut, c'est de se laisser servir par Dieu. C'est dans ce sens que le Seigneur Jésus a aimé jusqu'au bout.

            Mais du même coup, par son refus Pierre s'excommunie. « Dans ces conditions, dit le Seigneur, tu n'auras pas de part avec moi. » Voilà, mes frères, jusqu'où cela peut aller.

 

            Mais ce qui est relaté nous révèle aussi par contraste la nature du véritable comportement chrétien. Celui-ci a pour souci de laisser Dieu libre d'être lui-même dans nos vies. Ce comportement vrai est fait de confiance absolue, de respect, d'abandon, d'adoration.    Oui, mes frères, l'obéissance, la véritable obéissance qui est donc remise de soi à Dieu, l'obéissance qui permet à Dieu de faire en nous ce qu'il entend - or, ce qu'il entend, c'est de nous rendre semblable à lui jusqu'à la racine même de notre être - l'obéissance véritable est un sommet d'admiration. Elle est l'adoration par excellence.

 

            Dans ces conditions, manger le corps du Christ, boire son sang de lumière ne doit pas devenir pour nous un geste de routine. En communiant à l'être même de Dieu, nous lui disons implicitement que nous le laissons libre d'être Lui à l'intérieur de nos vies, comme je le disais tout à l'heure, à la racine même de notre être.

            Et ainsi nous le laissons libre de nous conduire jusqu'au terme de notre évolution humaine, à savoir la transfiguration, la divinisation et la résurrection. « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, ce n'est plus lui qui vit, c'est moi qui vit en lui » dit le Seigneur. Et si je vis en lui, je le transfigure et je fais de lui, ici sur terre déjà, un autre moi-même.

 

            Mes frères, le chemin de la vérité, le chemin de la réussite humaine, de la véritable et parfaite réussite d'une vie d'homme, elle passe par ce chemin. Ne le perdons pas de vue !

            A nous maintenant d'être sincères, d'être logiques jusqu'au bout. La mort du Seigneur et sa résurrection sont présentes dans chacune de nos respirations. Puissions-nous ne jamais, ne jamais l'oublier.

 

 

                                                                                              Amen.

 

 

 


Vendredi-Saint.                                    17.04.92

Homélie à la célébration.

 

Mes frères,

 

            Ce que nous venons d'entendre ne nous rappelle pas un événement d'un passé lointain. Non, la condamnation et la mise à mort de Jésus est un événement d'actualité. O, je ne pense pas à toutes les tortures infligées à des innocents aujourd'hui partout dans le monde. Non, je vais plus loin.

 

            L'événement qui s'est passé alors est inscrit à l'intérieur de l'éternité de Dieu, si bien qu'il est de tous les instants. Nous devons savoir cette évidence, nous devons sans cesse y penser. Non pas de manière à en être obsédés, mais elle doit être à l'intérieur de nous comme le moteur qui nous permet d'avancer vers le Royaume et comme une clef d'interprétation de ce qui nous arrive à nous-mêmes, et de ce qui arrive aux autres.

            Car nous sommes tous des dévoyés, nous sommes tous des infirmes, des malades et nous devons être redressés, et nous devons être guéris. Et ce n'est possible qu'en nous unissant, nous pécheurs, à celui qui a pris sur lui le péché de tous les hommes, lui qui était l'innocent parfait, lui qui était la pureté dans son expression la plus extraordinaire car divine.            Et en nous unissant ainsi au Seigneur Jésus qui est notre Père, et en le faisant de façon de plus en plus consciente, à ce moment nous faisons progresser l'univers vers sa santé, vers son salut, vers sa transfiguration.

 

            Dès l'instant où nous donnons à Dieu toute liberté d'être lui-même et d'achever en nous et dans le monde son œuvre de création ou de recréation, dès l'instant où nous lui permettons d'être Dieu, alors nous obtenons de lui tout ce que nous voulons.

            Notre liberté en effet épouse la sienne et nous entrons avec lui dans les espaces sans limites de ses vouloirs mystérieux qui convergent tous dans une visée unique : faire de nous ce qu'il est, faire de nous des saints, des êtres transfigurés, des êtres divinisés.

            Et cela, à partir d'hommes pécheurs et même d'hommes qui vivent sans savoir ce qu'ils font, sans savoir que lui est là et que notre être repose entre ses mains.

 

            C'est ce que vient de nous dire l'Apôtre. Le Christ, a-t-il dit, a présenter sa prière à Dieu qui pouvait le sauver de la mort. Et parce qu'il s'est soumis en tout, il a été exaucé. Conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. L'Apôtre ne pouvait pas être plus clair.

            La merveille que Dieu a réalisé dans le Christ comme dans la tête d'un corps immense, il entend la réaliser en chacun de nous. Mais la condition est toujours là : nous devons permettre à Dieu d'agir dans notre coeur par les moyens qui lui sont bons.

            Mais, comme je l'ai dit il y a un instant, lorsque nous épousons ainsi son vouloir qui est amour, nous devenons libre de sa liberté et, comme le Christ nous échappons à tout, même à ce qui en nous essaye toujours de nous attirer vers le mal.

 

            Le récit que Jean nous fait de la passion nous montre à l'évidence que Jésus était en possession d'une liberté intérieure qui lui permettait de maîtriser les événements. Il n'était pas être écrasé par eux comme cela pouvait apparaître à des témoins voyant les choses de l'extérieur. Non, l'homme-Jésus accepte en effet que Dieu son Père soit le maître de son destin. Il ne peut en être autrement.

            Jésus, ne l'oublions jamais, je l'ai encore rappelé hier, Jésus est Dieu. Il est le Verbe de Dieu, il est l'expression même de la volonté de Dieu. En lui le Père et sa volonté coïncident. Mais attention, tout cela à l'intérieur d'une chair d'homme.

            Attention encore ! Dans le chef de Jésus-homme, ce n'est pas une abdication servile de sa part, mais c'est l'entrée noble et souveraine dans le fait que Dieu a le droit d'être Dieu.

 

            Alors, Dieu aurait-il voulu positivement la passion de son fils ? Dieu organiserait-il les maux et les malheurs qui frappent aveuglément les hommes ?

            Non, nous ne pouvons pas succomber à cette pensée sacrilège. Dieu est amour et il veut nous faire participer à son propre bonheur. Mais alors, la réponse est toujours à la mesure de ce qu'est Dieu.

            Si Dieu attend que nous le laissions libre d'être Dieu dans tout son agir, lui de son côté nous laisse totalement libres d'être nous, dussions-nous sombrer dans les aberrations les plus folles et les plus désastreuses. Dieu est amour jusque là, il nous respecte jusque là.

 

            Mais n'allons pas nous imaginer qu'il nous laisse aller à notre perte, à notre malheur. Non, il a tout pris sur lui. Il est comme un immense récipient à l'intérieur duquel tous les maux, tous les malheurs viennent se ramasser pour être transfigurés.      

            Vous allez dire : « Mais ça n'apparaît guère, ça ne change rien à la situation du monde. » Peut-être, mais il y a tout de même quelque chose qui change. Nous ne le voyons pas parce que nous avons encore des yeux trop charnels, mais le saint, l'homme qui est en possession de son corps spirituel, celui-là, des yeux de son coeur il voit.

            Il voit la métamorphose qui s'opère et tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ces enfants, tous ces vieillards, tous ceux qui souffrent, il les voit en train de recevoir une forme nouvelle qui sera leur forme pour l'éternité.

 

            Jésus est venu, comme il l'a dit lui-même, il est ainsi venu pour rendre témoignage à la vérité totale, et sur Dieu et sur l'homme. Dieu est allé cherché l'homme au plus bas de ses refus, au plus profond de ses malheurs.

            Il a voulu expérimenter lui-même l'horreur de la souffrance, son caractère injuste, toutes nos répugnances qui sont en nous vis-à-vis de la souffrance. Vraiment, mes frères, là au moins l'homme a permis à Dieu d'être Dieu jusqu'au bout.

 

            Et maintenant, nous lui permettrons d'être lui à l'intérieur de notre vie. Ce sera un sommet d'adoration, ce sera un sommet de respect, ce sera le sommet de notre amour.

            Et à ce moment, l'expérience est là pour le prouver, tout s'éclairera à nos yeux et nous verrons notre vie se construire, nous verrons la création s'achever et nous la verrons déjà déboucher sur sa transfiguration.

            O, si nous pouvions seulement avoir le regard d'un saint, à cet instant même nous verrions notre Christ, et sa Mère, et la foule de tous les hommes, de tous les humains qui ont traversé les souffrances de cette vie. Nous verrions ceux qui sont en train de souffrir maintenant dans des situations sans issue, nous les verrions déjà vêtus de lumière.

 

            Mes frères, telle est la vision que nous devons retenir des célébrations de ces jours très saints. Nous ne devons jamais séparer le vendredi-saint du lendemain, de Pâques. Pour le Christ, cela a duré trois jours, pour l'Histoire du cosmos, cela s'étend sur les jours de Dieu que nous ne pouvons compter. Mais l'issue est la même, c'est la victoire totale de Dieu sur tout ce qui est mal, sur tout ce qui peut faire souffrir.

            Alors, en vénérant la croix de notre Christ, humblement nous chanterons notre repentance et notre désir de conversion, celui-ci se concrétisant par la remise de tout notre être entre les mains de notre Dieu qui est amour.

 

                                                                                                          Amen.

 

 

Exhortation à l’Office de Complies.

 

Mes frères,

 

            Je ne pensais pas du tout vous adresser quelques mots ce soir. Mais en entendant le Cardinal Ratzinger nous parler de la mort de Dieu, je me suis rappelé une chose, celle-ci : Si nous voulons atteindre les sommets dont nous parle Saint Benoît, sommets de contemplation et sommets de vertus, nous devons arriver à un point au-delà duquel Dieu est mort.

 

            Il ne s'agit pas là d'une façon de s'exprimer. Non, c'est une sorte de point de non-retour. Pour le moine, pour le saint, Dieu est réellement, véritablement, existentiellement mort. C'est à dire qu'il n'y a plus de Dieu, on n'a plus à s'en occuper, c'est fini !

            Et pourtant, il faut à l'intérieur d'un cadre monastique continuer à tout faire comme si Dieu était. C'est ce comme si qui est le vêtement d'une foi et d'une espérance qui sont absolument nouvelles.

            C'est à ce moment-là que l'Esprit de Dieu s'empare d'un homme et l'introduit dans une nuée - la nuée qui est lumineuse mais qui malgré tout est une nuée - à l'intérieur de laquelle il révèle son être véritable.

 

            Car ce qui doit mourir pour l'homme appelé à la sainteté, ce sont tous les idoles. Or nous sommes des idolâtres invétérés, nous ne sommes pas encore convertis. Le fond de paganisme est toujours extrêmement puissant à l'intérieur de notre coeur et de notre raison. Or il faut que ça disparaisse.

            Il est donc nécessaire d'arriver à un point qui, je le rappelle, est de non-retour, au-delà duquel absolument plus aucune représentation de Dieu ne devient possible. Dieu est parti des sens. Il est parti de l'imagination. Il est parti du coeur. Il est parti de la raison et il est même parti de l'esprit. On est vide.

            I1 faut donc vivre la réalité du samedi-saint, c'est à dire descendre dans le fond du fond. Car Dieu - le Dieu véritable pas l'idole derrière laquelle nous courons - mais le Dieu véritable ne se révèle jamais tel qu'il est que dans le vide et dans le rien.

 

            Ce sont là des réalités déroutantes et, pour les affronter il faut être extrêmement fort, non pas d'une force humaine mais de la force de l'Esprit. Il faut que on ait été vidé de toutes ses capacités humaines pour redevenir un petit rien, car le rien qu'on devient est seul capable de rencontrer le rien qu'est devenu Dieu.

 

            Mes frères, le mystère que nous vivons en ces jours, qui est le mystère de la mort de Dieu mais aussi de la résurrection d'un homme, du Seigneur Jésus qui est tout à la fois et Dieu et homme, ce mystère-là, c'est le nôtre. Il faut qu'il y ait quelque chose en nous qui meure.

            Il faut qu'il y ait quelque chose en nous qui reçoive une vie nouvelle, une vision nouvelle, une connaissance nouvelle, un vouloir nouveau, un coeur nouveau adapté à l'univers de Dieu, cet univers que nous ne pouvons pas saisir, que nous ne pouvons pas connaître naturellement.

 

            Vous vous souvenez, il nous a été dit au cours de la retraite que au Moyen-Age encore, les grands Spirituels étaient adversaires farouches de la théologie rationnelle. Soit, ils étaient en retard sur leur Temps et cette théologie a tout de même fini par triompher, par s'imposer. Et aujourd'hui, on n'imagine plus une théologie qui ne soit pas scientifique. Voilà ce qui nous a été dit, vous vous en rappelez certainement ?

            Eh bien, je pense que nous devons mettre un bémol à cette affirmation. Nous devons savoir que la véritable théologie, c'est à dire que la véritable science de Dieu, la véritable parole sur Dieu  est une parole qui n’est pas rationnelle.

            Elle est construite sur rien du tout. Elle est simplement une intuition qui part du coeur et qui traverse toutes les obscurités pour rencontrer une certitude qui est la vision d'une lumière.

 

            Car Dieu est lumière et c'est dans la lumière qu'il se révèle. Mais ce n'est pas une lumière qui éclaire la raison, c'est une lumière qui la plonge dans l'obscurité mais qui la pacifie, qui la rassure. Car la raison, grâce à son intuition, sait qu'elle a rencontré Dieu.

            Et peu à peu alors, le visage et puis tout le corps du Christ ressuscité apparaissent et on est entré dans ce monde et on n'en revient jamais. Car une fols que les morts sont morts, on ne les revoit plus et une fois qu'un saint a traversé, a atteint ce point de non-retour, il est mort et on ne le reconnaît plus.

 

            Voilà, mes frères ce qu'il m'est venu à l'idée en entendant parler le Cardinal Ratzinger. Il dit peut-être autre chose. Pour lui, la mort de Dieu, c'est le grand cri de Nietzsche : « Vraiment nous avons tué Dieu dans le Christ et Dieu est disparu. »

            Mais attention, ne l'oublions jamais, ne le perdons pas de vue, c'est que notre Dieu est un Dieu caché, c'est un Dieu qui se révèle uniquement lorsqu'on lui permet d'être Dieu, lorsqu'on se cache à l'intérieur de ses vouloirs bien concrets de tous les jours, à tel point qu'on le laisse envahir toute la personne, nous mettre vraiment à la porte de nous-mêmes, devenir un être extatique parce que on ne vit plus en soi mais on vit en lui.

            Et alors, entraîné dans sa mort et dans son rien, on peut finalement le découvrir tel qu'il est et commencer à être rassasié d'un rassasiement qui durera toute l'éternité.

 

Homélie à la Vigile Pascale.                        18.04.92

Oui, Dieu a besoin de nous !

 

Mes frères,

 

            Notre vision de l'Histoire ne peut être à court terme comme si elle était hypnotisée par le présent fugace tronqué de ses origines et de son avenir. Si nous sommes enfants de Dieu, nous sommes contemporains des origines du monde et de ses ultimes accomplissements. C'est là une évidence qui devrait nous pénétrer à toute heure de notre vie car la veillée de cette nuit nous ramène à cette vérité.

            Oui, nous sommes éternels. Et le contemplatif entré dans cet univers nouveau dont le Christ est la tête et le Prince - lui qui sait car il voit - il a conscience d'avoir toujours existé et d'exister pour toujours. Il est né dans le coeur de Dieu de toute éternité et il sait qu'à présent, la vie qu'il possède, il ne la quittera jamais.

 

            Oui, notre noblesse est dans notre nature divine qui nous permet de dominer le monde et d'en diriger secrètement la marche. Dieu n'est pas jaloux de ses pouvoirs, il les partage en totalité avec ses enfants.

            Oui, mes frères, nous n'avons pas suffisamment la perception de ce que nous pouvons. Mais rappelons nous ce que le Seigneur Jésus nous a dit un certain moment : « Si vous avez un grain de foi, mais pas plus volumineux qu'une graine de moutarde, à ce moment-là vous pouvez dire à cette montagne : Change de place et jette-toi dans la mer. Et elle vous obéira. »

 

            Mes frères, n'allons pas maintenant penser à des choses fantasmagoriques. Non, la montagne à soulever et à engloutir dans la mer, c'est la montagne de nos péchés, c'est la montagne de tout ce qui nous étreint et qui nous empêche d'être pleinement nous.

            Cette maîtrise radicale sur le monde dans son ensemble, elle dépend en fin de compte de nous, de notre réponse à Dieu et de notre foi. Nous laissons-nous travailler par les énergies de la résurrection ? Sommes nous des ressuscités dégagés des séductions du péché et de la peur de la mort ?

            Nous le sommes, si notre nourriture première est Dieu lui-même caché à l'intérieur de ses vouloirs. Nous le sommes, si Dieu a le champ libre dans notre coeur et dans tout notre être. Nous le sommes, si nous devenons un seul esprit avec le Christ ressuscité.

 

            L'homme en voie de résurrection est un homme doté d'organes spirituels nouveaux. Cet homme voit Dieu dans sa lumière et il entend le chant très mélodieux de sa voix. Cet homme est dévoré par l'amour, c'est un homme au coeur dilaté aux dimensions de .....

            Et cet homme, fut-il le plus insignifiant des êtres, le plus inconnu, le plus méprisé, cet homme est en réalité le moteur de l'Histoire et le gouvernail du monde. Il est le maître de l'univers car ce n'est plus lui qui vit, c'est le Christ créateur, et rédempteur, et divinisateur qui vit en lui.

            Il a comme le Christ et avec lui d'abord touché le fond du fond dans un dépouillement qui a été sa façon de mourir, de disparaître, de ne plus être. Il a permis à Dieu d'être Dieu en lui. Il s'est vidé de tout lui pour laisser toute la place à Dieu et il s'est retrouvé possédé par Dieu, animé par Dieu, passé tout entier dans la vie impérissable. Il sait que tout pouvoir lui a été donné. Mais attention, c'est un pouvoir de service pour conduire chaque être, chaque chose à son achèvement.

 

            Mes frères, telle est la sublimité de notre vocation chrétienne dans l'effacement, dans l'humilité, dans la douceur, dans la bienveillance, dans la compassion. Permettons à Dieu, permettons au Christ ressuscité de nous acheminer jusque là, c'est son plus grand désir et notre plus grand bonheur. Oui, notre Dieu a besoin de nous et il nous attend.

                                                                                                                                  Amen.

                                                                                                                                   

Homélie à l’Eucharistie de Pâques.                19.04.92

Le chrétien est un homme émerveillé !

 

Mes frères,

 

            Nous venons d'entendre l'Apôtre nous chanter notre gloire de ressuscité. C'est à nous qu'il s'adresse. Partageons-nous son enthousiasme ou bien sommes-nous distraits ? Notre coeur n'est-il pas en train de vagabonder ailleurs ? Cette joie de la résurrection est-elle vraiment l'acte de notre vie ?

            Sa parole est bien autre chose qu'un thème d'homélie. Ces paroles sont Esprit et elles sont Vie. Elles nous disent notre réalité d'aujourd'hui et de toujours car nous sommes déjà ressuscités avec le Christ, lui qui est notre tête.

            Ne voyons-nous pas, mes frères, que chacun d'entre nous est lumière en lui ? Ne voyons-nous pas que le ciel tout entier est en nous et parmi nous ? Si Saint Benoît se hâte de purifier notre coeur, c'est pour que nos yeux de ressuscité soient pleinement ouverts et contemplent les beautés qui sont nôtres comme elles sont celles de Dieu.

 

            Le but de notre vie n'est pas la corruption et le retour au néant. Le but de notre vie est une gloire sans nom, celle même du Christ. Et cette gloire est déjà présente mais nous la portons dans le vase d'argile de notre corps. Est-il possible de voir à travers les parois de ce vase ? Oui, c'est possible, car le regard de notre foi, les yeux de notre coeur spirituel percent tous les obstacles.

            Alors, mes frères, admirons sans réserve la gloire secrète de chacun d'entre nous. Telle est la source de l'estime, du respect, de l'amour que nous devons à chacun et à tous. Nous vivons ainsi en ressuscité témoignant par toute notre conduite que le ciel est en nous. Les hommes ont tellement besoin de cette espérance et de cette certitude. Alors, mes frères, n'hésitons pas à leur donner.

 

            Nous devons bien savoir que cette résurrection du Christ est non seulement un fait attesté historiquement, mais nous devons savoir qu'elle est un fait inscrit dans l'éternité même de Dieu, là où la temporalité est comme ramassée, condensée à un degré absolument inimaginable au point qu'elle est devenue le présent absolu.

            Eh bien, c'est à l'intérieur de ce présent que nous devons vivre car c'est là notre véritable lieu. Puisque nous sommes des ressuscités en Christ, là est le lieu d'où nous pouvons tout contempler, d'où nous pouvons tout comprendre.

 

            Car il n'est rien dans notre vie, il n'est rien dans la vie des autres, ni dans la grande histoire cosmique, il n'est rien qui ne soit orienté vers ce lieu qui est premier et qui est dernier, rien qui n'ait son sens en lui. Même ce qui nous paraît absurde, même ce qui nous paraît vraiment contraire à toutes les lois de la raison ou de l'équité, tout cela a un sens.

            Nous ne devons pas séparer la résurrection du Christ de sa passion, les deux forment un tout. Nous ne devons pas dans notre vie séparer ce qui peut nous atteindre au plus intime de nous et nous faire souffrir de ce qui est déjà pour nous le germe de la résurrection.

 

            Mes frères, l'étonnement et l'émerveillement de Marie-Madeleine, puis de Pierre et de Jean devrait être nôtre à toute heure car le chrétien est un homme émerveillé. La résurrection du Christ est la nôtre, je le répète, non pas pour demain mais pour tout de suite. Nous sommes en voie de résurrection.

            O, si nous pouvions être attentifs à cette réalité merveilleuse, je pense que notre vie serait métamorphosée dès cet instant même. Laissons donc Dieu libre d'être amour en nous jusque là ! C'est, mes frères, mon souhait de Pâques à l'adresse de chacun de vous, c'est ma prière pour chacun d'entre vous.

                                                                                              Amen.

                                                                                             

Table des matières de la Semaine Sainte de 1992.

Homélie de l’Eucharistie des rameaux.            12.04.92....................... 89

Franchir une passerelle !....................................................................................................................................... 89

Chapitre du Lundi-Saint.                           13.04.92................................... 90

Les sommets de la vocation contemplative........................................................................................................ 90

Chapitre du Mardi-Saint.                          14.04.92................................... 93

Un sommet de lâcheté et de bêtise........................................................................................................................ 93

Chapitre du Mercredi-Saint.                      15.04.92................................. 96

Nature et beauté de la chasteté............................................................................................................................. 96

Homélie à l’Eucharistie du Jeudi-Saint.          16.04.92......................... 98

Servir et donner sa vie............................................................................................................................................ 98

Vendredi-Saint.                                    17.04.92......................................... 100

Homélie à la célébration...................................................................................................................................... 100

Exhortation à l’Office de Complies................................................................................................................... 102

Homélie à la Vigile Pascale.                        18.04.92............................. 103

Oui, Dieu a besoin de nous !................................................................................................................................. 103

Homélie à l’Eucharistie de Pâques.                19.04.92........................ 105

Le chrétien est un homme émerveillé !............................................................................................................. 105

Table des matières de la Semaine Sainte de 1992............................. 106