Dès le premier instant de cette semaine, qui est une semaine sainte, nous allons vivre dans un raccourci saisissant, parfois lancinant, au cours des jours qui vont se succéder avec une logique implacable, notre propre destinée, chrétienne, monastique et humaine. Ce sera chaque fois une pointe incandescente qui va nous brûler à nouveau et nous marquer d’une cicatrice indélébile. Car la vie tragique et glorieuse du Christ doit se reproduire en nous jusque dans ses moindres détails.
Peut-être ne le remarquons-nous pas assez ? Le moine doit être un homme attentif et cotte semaine sera pour nous l'occasion de reprendre en mains notre vie, d'être de nouveau éveillé. Et pour marquer qu'il en est bien ainsi, nous allons imprimer à notre corps et à notre coeur un ensemble de gestes, qui vont dire notre acceptation et notre détermination ; qui vont proclamer aussi notre foi et notre amour.
Et nous conserverons toujours à l'arrière-plan de notre vision, le tableau des fils d’Israël montant du pays d'Egypte, à travers la mer et le désert, sous la conduite d'une colonne de nuée et de feu; montant vers la terre où Dieu habite, où il les attend.
Mes frères,
Nous venons d’entendre que nous marchons vers un triomphe. Nous ne sommes pas appelés à l'esclavage mais à la liberté ; non pas à la peur qui paralyse, mais à la joie qui plénifie et qui donne toutes les audaces.
Et d'où nous vient cette assurance ? Elle nous vient de ce que nous escortons celui qui porte inscrit sur son manteau et sur sa cuisse « Roi des rois et Seigneur des seigneurs »
Et avec lui, nous montons hors de la condition misérable qui est nôtre et qu’il a voulu partager, nous sortons de la cage de notre suffisance, de notre égoïsme, de notre péché, pour entrer à sa suite chez lui, dans son royaume, et pour y occuper la place qu’il nous y a préparée.
N'a-t-il pas dit un jour « Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils voient la gloire qui était mienne avant que le monde fût »
Mes frères, c’est cela qui donne le branle à une vie consacrée à Dieu. La vie monastique est polarisée par ce désir de voir un jour le Christ dans son Royaume. Je veux voir Dieu, disait Thérèse d'Avila. Et en écho, elle répétait « Mais je suis aussi fille de l ’Eglise : je ne veux pas le voir pour moi seule, je veux que tous mes frères et toutes mes sœurs le voient un jour avec moi ».
Et pour marquer qu’il en est bien ainsi, nous portons en main ces rameaux qui sont déjà le signe et le gage de la victoire qui sera finalement nôtre. Nous allons donc imprimer à notre corps et à notre coeur un ensemble de gestes qui marqueront notre acceptation de notre vocation chrétienne et monastique, et même de notre simple destinée humaine ; et nous proclameront aussi notre foi et notre amour.
Alors, mes frères, levons-nous, mettons-nous en route et suivons le Christ pas à pas, sans le lâcher d'une semelle, dussions-nous, avec lui, traverser le fond des enfers. Et nous savons bien que tôt ou tard, un homme, un chrétien, un moine doit descendre avec le Christ au fond des enfers ; mais avec lui nous en resurgirons.
Levons-nous donc, partons et acclamons le Christ comme le firent un jour les foules de Jérusalem!
Mes frères,
Il vient de nous être dit clairement quel sera le prix que nous devrons acquitter pour la victoire que nous espérons ; mais nous sommes disposés à le payer. Le Christ d'ailleurs nous avait prévenu : « Celui qui veut être mon disciple, qu'il prenne sa croix chaque jour et qu'il me suive ».
Mais nous soupçonnions peut-être pas que nous devrions affronter la mort, une mort qui pour être d'ordre mystique n'en est pas moins réellement une mort, une mort qui nous dépouillerait totalement de nous-mêmes, une mort qui creuserait en nous un vide immense quasi infini, un vide qui deviendrait un appel et un cri, un vide que rien ne pourrait assouvir ni combler sinon la plénitude du Dieu à l'incompréhensible beauté. Ce vide, mes frères, est-il en nous ?
Au-dessus de la tête du messie crucifié, nous lisons : « Celui-ci est Jésus, le roi des juifs ». Cet écriteau forme avec les vibrantes et enthousiastes proclamations de tantôt, une dérisoire et sinistre inclusion, mais cela ne doit pas nous dérouter.
Le monastère nous initie à une sagesse qui n'est pas de ce monde. Il nous dévoile peu à peu, un à un, les secrets d'une certaine folie qui souvent nous fait sursauter et reculer. C'est que notre raison ne s’adapte pas d'un coup aux étrangetés de 1’agir divin. Et toujours, il restera en nous une place pour l'étonnement et pour l’admiration.
Oui, pour l’admiration, car notre coeur découvre que la source de cette divine démence, c'est un amour qui débordera toujours à l’infini tout ce que l'homme peut concevoir et imaginer.
A cet amour, mes frères, nous nous sommes donnés. Mais nous allons nous abandonner à lui avec plus d'intensité encore au cours de cette semaine. Il ne s’agit pas de réfléchir, il s'agit plutôt de se laisser saisir et conduire par des sentiers inconnus vers un accomplissement que nous pressentons, éclatant de beauté, de la beauté de notre roi, ce roi que nous escortons, que nous accompagnons à travers ses souffrances et sa mort. Et ceci, ce ne sont pas des mots !
Et nous l’accompagnerons ainsi jusqu’au terme, jusqu’au jour où il se manifestera à nous et où il nous prendra avec lui dans son royaume. Amen.
Mes frères,
Nous allons prier pour tous les hommes, tous sans exception, car tous sont d’une façon ou d'une autre impliqué dans la mort du Christ, tous et nous-mêmes comme accusateurs et comme bourreaux ; mais aussi tous, comme sauvés. Il a été constitué péché pour nous tous, et c’est dans son sang que nous avons la vie.
La péricope évangélique de ce jour va nous relater ce qu'on appelle l'onction de Béthanie. Vous savez, Marie, 1a sœur de Lazare qui vient verser du parfum sur les pieds de Jésus et qui les essuie avec ses cheveux.
Mes frères, nous n’avons, nous, à offrir au Christ que la sanie de nos péchés ; mais reconnaissons-le aussi tout de même, notre amour si minime soit-il. Si nous n'aimions pas le Christ, nous ne serions pas ici pour l'instant. Mais je ne le répéterai jamais assez, aimer le Christ, c'est nous aimer les uns les autres ; c'est aimer notre frère, c'est le prendre tel qu'il est, c'est le porter en nous.
Mes frères, le Christ nous porte en lui ; en lui, nous sommes morts, en lui nous ressuscitons. Au seuil de cette eucharistie, regrettons nos péchés, et ayons confiance en son amour, et aussi en l'amour que nos frères nous portent.
Mes frères, notre Pâque, celle de l'humanité entière est en voie d'accomplissement, mais à travers quels déchirements ! Prenons entre nos mains les espoirs, les désespoirs de tous les hommes et déposons-les entre les mains de celui qui a voulu mourir et ressusciter pour tous.
Les trois jours qui vont suivre maintenant avant 1e Jeudi-Saint, sont dominés par une figure à laquelle on pense très peu, c’est 1a figure de Judas. Et chaque fois, Judas est opposé à une autre personne. Aujourd’hui., il est opposé à la personne de Marie de Béthanie ; demain, il le sera à 1a figure du disciple que Jésus aimait et de Pierre ; après-demain, ce seront les autres apôtres.
On ne réfléchit pas - je pense que je n'ai jamais rencontré un réflexion approfondie au sujet de Judas - or il a tout de même rempli un rôle capital dans 1e drame de 1a Rédemption. On 1'a vite expédié dans les oubliettes ou en enfers, comme saint Léon aujourd'hui. « Il est mort un peu trop tôt » dit-il, « s’il était mort après la mort du Christ, i1 aurait pu être encore racheté ».
C'est une vue un peu trop rapide, un peu trop simple. Judas c’est un peu ce que nous sommes, nous, et vous comprendrez un peu mieux tantôt. Les autres figures sont ce que nous devrions être, ce que nous espérons devenir.
Mais pour comprendre le drame de Judas, il faut étudier son nom. Le nom de Judas est trop souvent cité. Ce n'est pas par hasard, que c'est Judas qui a vendu le Christ. Ce devait être un homme qui s’appelait Judas. Et pourquoi ?
Judas porte en lui une terrible contradiction. Son nom c’est ce qu'il est, c'est l’expression la plus vraie de ce qui constitue le fond de son être, et son être total aussi ; il est Judas comme Jésus est Jésus. Ces noms ne sont pas donnés par hasard : Jean le Baptiste est Jean, Simon doit changer son nom, il va devenir Kaipha, il va devenir Pierre.
Et attention ! Ce n'est pas une pierre plate, c'est une pierre concave. Et vous comprenez que là-dessus on peut construire un bâtiment. C'est un peu l’envers d'une voûte, et là-dessus on peut construire, il n'y a pas de danger que cela bouge d'un côté ni de l'autre.
Les fils de Zébédée changent de nom, 1e Christ leur impose un autre nom, et ainsi de suite. Nous recevrons nous, un jour, un nom nouveau que personne ne connaît, sauf celui qui le reçoit et celui qui le donne. Mais que signifie donc ce Judas ? Judas signifie celui dont l’être est consacré à la louange de Dieu. Judas, c’est le louangeur.
I1 y a une pieuse carmélite, de la fin du siècle dernier je pense, qui avait choisi comme nom mystique laudem gloriae, sœur Elisabeth de la Trinité, parce qu'elle voulait être une louange de la gloire de Dieu. Si elle avait connu l'hébreu, elle aurait dit : je veux m'appeler Judith, c’est le féminin de Judas. Son être profond, c'est d'être une louange perpétuelle par tout ce qu'il fait, par tout ce qu'il pense. C'est cela Judas ! Or, cet homme qui est destiné à cela, porte en lui autre chose. Il est attiré par lui-même.
Donc, Judas, c'est le louangeur, tandis que lui, il se sent être autolâtre, idolâtre. C'est sa propre personne qu'il veut mettre en évidence. Et pour cela, il est tout naturel qu'il soit attiré par ce qui procure tout ici-bas, qu’il soit attiré par la finance. Celui qui a l'argent, il a tout. C'est une forme d'idolâtrie, l'apôtre le dit. Que va-t-il cherché à être Judas, alors ?
Mais grâce au pouvoir qu'il pourra acquérir, il pourra devenir l'égal de Dieu. C’est cela l'idolâtrie ! Et finalement, en poussant la logique jusqu'au bout, pour être l'égal de Dieu, pour prendre la place de Dieu, il faut supprimer Dieu, il faut devenir meurtrier de Dieu, il faut tuer Dieu.
C'est donc le péché originel poussé à ses dernières conséquences. En face de cela, vous aurez l'autre partie de son être, qui sera Dieu loué, Dieu exalté, Dieu glorifié, seul Dieu. De l'autre côté, plus de Dieu. Vous avez donc ce Judas qui est écartelé entre sa vocation et ce qu'il est.
Et cet écartèlement, cette contradiction va être tellement forte, qu’elle va aboutir à une autodestruction en lui, un peu comme des choses contraires finissent par s'annuler (+l) + (-l) = 0. Il est donc tout à fait logique que pour finir, Judas se suicide et, dans ce suicide, il résout la clé de son destin. Il se supprime, lui, mais Dieu vivra. Donc voilà un peu Judas !
Et cela, c'est tout à fait ce que nous sommes. Il est le prototype du chrétien, Judas. Nous portons un nom, qui est le nom du Christ. C'est très beau, nous sommes des chrétiens, mais en réalité nous sommes autres que chrétiens. Il y a toujours cette dualité en nous, ce conflit en nous, ce tiraillement entre ce que nous sommes par notre baptême et ce que nous sommes par notre être paganisé qui n'est pas encore né.
Nous ne devons donc pas jeter la pierre à Judas. Nous devons le regarder avec une certaine crainte, parce que c'est notre propre destin qui alors a été poussé jusqu’au bout, tandis que nous, nous le vivons plus ou moins. Il y en a qui seront ainsi jusqu'au bout, des Judas. Il y en a encore aujourd'hui, cela pourrait très bien être nous.
Il y a dans le monde pour l'instant une sorte de maladie, de fièvre de destruction : détruire les hommes, détruire les choses. Et cela aboutit à la guerre. Ce n’est pas la guerre ouverte, mais des guérillas, le terrorisme, toute sorte de choses de ce genre.
C'est cela le Judas, l'homme destiné à être louange de Dieu qui détruit. Donc ayons beaucoup de respect pour la personne de Judas, car c’est un peu notre portrait. Et si nous ne le poussons pas jusqu'au bout aujourd'hui, peut-être le ferons-nous demain ? Donc, il faut être prudent.
Mais en face de lui, il y a une autre figure et c'est la figure de Marie. Il est encore très intéressant ici de scruter un peu son nom parce que elle porte le même nom que la mère de Jésus, Marie.
Or, Marie veut dire une goutte d’eau de mer. Ce doit être quelque chose de très beau ,c'est stilla maris. Alors les copistes ou bien les poètes ont modifié un petit peu et ils ont noté stella maris, l’étoile de la mer. Marie, la mère de Jésus, est devenue ainsi sous le nom stella maris, elle est devenue ave maris stella.
Vous connaissez cette hymne des vêpres de la Vierge. Saint Bernard a construit là-dessus une magnifique homélie respire stellam, voca mariam. Elle est devenue l'étoile de la mer, mais en réalité, c'est 1a goutte d'eau de mer.
Allons un peu plus loin, et nous voyons que cette Marie de Béthanie, c'est tout à fait cela. Elle va laisser goutter sur les pieds de Jésus, non pas de l’eau de mer, mais un parfum d’un fameux prix de 300 pièces d’argent - ce qui à l’époque devait représenter une fortune - et dans un vase d’albâtre en plus. Ce n’était pas du plastique, c’était de l’albâtre, ce qui est très rare aujourd’hui. Et voici donc Marie qui commence à oindre les pieds de Jésus et à les essuyer avec ses cheveux.
Mais pourquoi pas la tête de Jésus ? C’est tout différent. Si elle avait verser son huile sur la tête de Jésus, cela aurait eu une toute autre signification. Verser de l’huile sur la tête de quelqu’un, c’est le geste suprême de l’honneur. On veut l’honorer, on veut l’installer vraiment sur un pavois. David est oint parmi ses frères pour devenir leur roi. C’est reconnaître au Christ son titre de Messie, son titre de Roi.
Mais non, elle ne veut pas l’honorer, ce sont ses pieds. Et là, il faut comprendre aussi la façon d’agir de ces sémites et de ces hébreux. On retrouve déjà très loin dans l’Ancien Testament ce symbolisme de oindre les pieds de quelqu’un avec de l’huile surtout.. Cela peut être aussi avec de l’eau. C’est plus simple si on ne dispose pas d’huile.
Mais ici nous avons du parfum et on veut exprimer envers cette personne le sommet de l’amour passionné mais charnel. Ce n’est donc pas un amour spirituel. Ici, Marie aime Jésus comme une jeune fille sait aimer le jeune homme de trente ans qu’était Jésus. C’est donc cela que la scène signifie : elle se donne à lui totalement. Donc, c’est un amour total, c’est sa personne qu’elle lui consacre, ce n’est pas de la spéculation.
Naturellement, c’est extrêmement spirituel, elle sait très bien à qui elle a à faire. Lorsque je dis charnel, c’est dans le sens pur du terme, le sens beau du terme. Ce n’est pas dans le sens dévalué qu’on connaît aujourd’hui. Ce n’est pas dans ce sens-là, loin de là. Cela veut dire que c’est dans tout son être, elle ne se réserve rien, c’est le don de soi total.
Et nous trouvons alors, à ce moment-là, dans son geste, un peu le geste que nous allons découvrir chez le moine. On pourrait presque dire que Marie de Béthanie est ainsi la première moniale. D’ailleurs c’est ainsi que la Tradition l’a compris.
La Tradition a fait de Marie, des trois Marie, elle en a fait une. Elle a identifié cette Marie de Béthanie avec Marie-Madeleine. Et soi-disant, les juifs l’ont embarqué sur un radeau. Et ce radeau les a conduits quelque part dans le sud de la France, où Marie a débarqué et où elle a vécu la vie érémitique à la Sainte-Baume, un endroit dont on a parlé dans un livre de ce Père Polonais qui a été aumônier là-bas à la Sainte-Baume.
La Tradition monastique donc l’a vue comme la première moniale, et ce n’est pas sans raison. Ce geste est le signe de la donation, de l’amour total. Donc, elle ne veut plus être que pour le Christ, comme un vrai moine doit l’être. L’amour, dans le chef d’un moine, ce n’est pas quelque chose de cérébral, c’est l’être entier qui doit être donné au Christ. On ne peut rien se réserver.
Vous voyez là, alors, ce qu’est le vœu de chasteté pour un moine. Ce n’est pas un voeu de continence, mais c’est la luminosité de l’amour total pour quelqu’un. C’est tout mon être qui est donné, ce sont toutes mes puissances affectives, intellectuelles. Tout est donné à la personne du Christ. Voilà ce que nous allons retrouver dans ce geste de laver les pieds.
Maintenant, il serait possible de pousser les choses plus loin car nous trouvons déjà cela dans l’Ancien Testament à propos de ce geste de laver les pieds. Mais nous n’avons guère le temps aujourd’hui. Cela devrait faire le contenu de toute une conférence d’exégèse biblique.
Mais je peux tout de même dire ceci : cet amour que Marie témoigne pour Jésus va retrouver un peu ce qui est dit dans le Cantique des cantiques. N’oublions pas que le Cantique des cantiques, dans la liturgie juive, est le chant de la Pâque. Et il est y dit entre autre : Ton nom est une huile répandue, et l’amour est plus fort que la mort. Les puissances infernales ne peuvent rien contre lui, les eaux des enfers ne peuvent pas le submerger.
Une petite goutte d’amour (Marie) est plus forte que tout l’univers. Alors, par le geste que pose Marie qui prouve vraiment son amour devant toute la salle - Et le Christ dit : cela sera répété jusqu’à la fin du monde, donc à la face du monde - alors, ce geste de Marie arme Jésus pour la lutte et la victoire contre la mort.
Car le geste de laver les pieds a aussi cette signification-là, celle d’armer quelqu’un pour le combat qu’il devra entreprendre. Et ici, c’est le Christ qui, par cet amour qui est en lui et qui de lui déborde sur une simple créature permet à cette créature alors de manifester cet amour par le geste de laver les pieds avec un parfum et de les essuyer avec ses cheveux.
Et alors, à partir de ce moment-là, le Christ signifie déjà qu’il va engager une lutte contre la mort et qu’il en sera vainqueur. Elle conserve ce parfum pour ma sépulture. Il y a déjà là une allusion à sa mort, mais sa mort est déjà dépassée parce que cette mort, en réalité, est le sommet de sa victoire contre toutes les formes de mort. Cela est déjà signifié dans le geste du parfum répandu sur les pieds. Jésus est ainsi armé pour un combat et, il est armé pour un combat qui sera une passion, et qui sera victorieuse.
Et maintenant, cela nous permet de comprendre encore un autre geste, cette fois-ci posé par le Christ. Le jour du Jeudi-Saint, le Christ va laver les pieds de ses disciples avec de l’eau. Eh bien, il va poser pour ses disciples exactement le même geste que Marie vis-à-vis de lui.
Nous l’interprétons le plus souvent comme un geste d’humilité. Et c’est vrai, c’est cela aussi. Mais c’est une humilité qui est expression de l’amour. Le Christ alors se donne totalement à ses disciples.
Donc, par amour pour eux, il va se laisser répandre comme de l’eau ; il va totalement disparaître. Mais en même temps, il va les investir pour le même combat que lui, qui sera aussi un combat contre les puissances de mort qui peuvent être seulement vaincue par un amour total.
Voilà donc un peu le sens de cette scène. Je pense que nous devons le conserver à l’esprit pendant les jours qui vont venir, car il est un peu comme une clef qui permet de comprendre certains épisodes qui, tirés de leur contexte, peuvent paraître un peu folkloriques.
Et lorsque l’Abbé, le jour du Jeudi-Saint, va aussi laver les pieds de ses frères, il va aussi poser le même geste. Donc cela veut dire que toute sa personne doit être expression d’amour pour ses frères. Si ce n’est pas cela, il ne refait pas le geste du Christ.
Mais en même temps, les frères sont armés de façon à pouvoir eux aussi s’aimer les uns les autres ; et ainsi, grâce à cette force de l’amour, vaincre toutes les puissance de mort qui peuvent être en eux et chez les autres.
Voilà ce que je pouvais dire aujourd’hui. Et ainsi, nous verrons demain peut-être encore un autre aspect de ce rôle de Judas. Nous comprenons un peu mieux maintenant quel a été le drame de cet homme quand nous voyons à côté la tragédie de cette Marie dans le contexte maintenant de toute l’Histoire du Salut. Judas avait son rôle, Marie avait le sien.
Maintenant, lequel sera la nôtre ? lequel sera le mien ? Il y a en moi du Judas et il y a aussi de la Marie. Et nous devons espérer que finalement, ce qui l’emportera en nous, ce sera les forces de l’Amour.
Aujourd’hui, l’Evangile nous parle encore de la trahison de Judas. Judas avait d’abord trahi dans son coeur. Le Christ le savait et il ne s’est pas dérobé ; il a voulu aimer jusqu’au bout, au-delà même de toute extrémité. C’est de notre coeur que sortent toutes sortes de mal, mais c’est de notre coeur aussi que sortent toutes espèces de biens.
En ce moment, mes frères, où nous allons revivre la passion et la résurrection du Seigneur, descendons en notre coeur et laissons-y subsister uniquement des pensées et des sentiments inspirés par l’amour.
Mes frères, la gloire du Christ, nous l’avons entendue, c’est d’avoir aimé au-delà de toutes les limites, là où il nous est impossible de le suivre, du moins maintenant. Au moment où nous présentons nos intentions de ce jour, pensons un peu à tous les hommes dans le coeur desquels le Christ, pour l’instant, revit sa passion et aussi déjà sa résurrection.
Nous avons entendu la lecture évangélique d’aujourd’hui où Jésus bouleversé dit : « Il y a quelqu’un ici qui va me trahir. » Et Pierre demande au disciple que Jésus aimait : « Demande un peu de qui il s’agit. » Et Jésus dit : « Voilà, c’est celui auquel je vais donner la bouchée. »
J’ai déjà un peu parlé, il y a quelques temps, de ce geste du Christ. Ce serait peut-être l’occasion de l’approfondir un peu aujourd’hui et de voir alors, quelle est la réaction de l’Apôtre Pierre.
La bouchée, trempée dans la sauce, était présentée par le chef, le président du repas, à celui des convives qu’il voulait particulièrement honorer. Il voulait manifester devant tous que c’était pour celui-là qu’il avait le plus d’estime, le plus d’amour. Alors, cette bouchée-là, il l’a présentée à Judas. Il ne faut pas oublier que quelques instants auparavant, Jésus avait lavé les pieds de ses Apôtres, et en particulier de Judas.
Nous avons vu hier ce que signifiait ce lavement des pieds. Jésus s’est totalement donné, dans tout son être, à ses hommes qui étaient là, qui constituaient le noyau de son Eglise, et à Judas aussi. Or Jésus savait, non pas nécessairement de prescience divine.
Nous ne devons pas imaginer qu’il y avait un plan bien tracé et que, comme dans tout roman qui se tient, il faut quelque part un traître. Eh bien, c’est Judas qui devait remplir le rôle du traître avec toutes les conséquences.
Non, ce n’était pas cela ! Jésus, qui était un homme extrêmement fin puisque il n’avait aucun défaut au plan moral, il voyait et il sentait ce qu’il se passait dans l’âme de cet homme qu’il avait aimé puisqu’il en avait fait une des colonnes de son Eglise, un des Douze qu’il avait le plus aimé, un de ceux en qui il avait le plus de confiance.
Jésus voyait ce qui se passait, mais ce n’est pas pour cela qu’il rompait les ponts comme il aurait pu le faire. Jésus laisse aller les choses en essayant toujours de reprendre Judas. Il lui a lavé les pieds, et maintenant, il lui donne la bouchée. Que se passe-t-il à ce moment-là ?
A ce moment-là, Jésus va encore plus loin que ce geste de lui laver les pieds. Vraiment, à ce moment, il se donne à Judas, il s’incorpore à lui. Ce n’est pas un geste comme celui qui deviendra le sacrifice eucharistique, la communion. Il ne donne pas ici une bouchée transsubstanciée en son être propre, mais c’est tout de même par ce geste symbolique, le signe que Jésus se donne à lui.
Jésus entre en lui vraiment pour s’unir à lui par l’intérieur. Il a dû se produire alors en lui un choc terrible, car Judas devait être aussi un homme très sensible. Son nom symbolique est là : il est louangeur. Ce choc terrible de Judas doit être un peu à l’image du bouleversement qui se trouvait chez Jésus.
Voyez un peu ces deux hommes face à face ! Il y aurait là moyen, si on était un artiste, de nouer un drame psychologique extraordinaire : le bouleversement de Jésus et le choc produit en Judas. Ce bouleversement doit être semblable au court-circuit formidable de deux électricité contraires qui se rencontrent.
Voyez ce Jésus et Judas devant lui ! Judas prend la bouchée, il ne se passe rien. Si satan entre en Judas après la bouchée, Jésus est donc entré en lui. Et puis voici satan qui le suit, et le coeur de Judas devient le champ de bataille où s’affronte, et le Christ, et satan. Et qui l’emporte ?
C’est satan qui l’emporte, le Christ le voit de suite. Il dit alors à Judas : « Ecoute, ce que tu as à faire, fais-le vite ! » Et Judas part. Satan l’emporte déjà dans le coeur de Judas comme il l’emportera quelques heures plus tard sur la scène du monde. A ce moment-là, le drame de la passion est déjà joué, il est déjà joué dans son entier.
Le drame de la passion n’a plus maintenant qu’à se déployer. Le Christ est déjà écrasé par satan chez Judas. Maintenant cela va se traduire au niveau public, à notre niveau à nous. Mais cela s’est déjà passé dans le secret et il n’y en a que deux qui le savent : le Christ et Judas. Mais que va-t-il se passer entre ces deux hommes ?
Ce n’est pas fini. C’est ici que Judas va récupérer son nom primitif. Judas refuse toute solidarité avec le Christ, il refuse. Maintenant, c’est fait, c’est définitif : il part. Il y a encore cette toute petite note de l’évangéliste qui montre vraiment que l’évangéliste a vécu aussi un peu ce drame. Il dit : « Il faisait nuit. »
Nous autres, nous dirons que c’est normal, c’était la nuit de la Pâque. Non, n’oublions pas que la nuit de la Pâque pour les juifs, c’était la nuit de la pleine lune. Il ne fait pas tellement nuit dans ces pays-là à la pleine lune, il devait faire clair. Et quand ils arrivent dans le jardin pour arrêter Jésus, ils ne sont pas là dans une obscurité telle qu’ils ne se voient pas.
L’évangéliste note qu’il faisait nuit, pour signifier que la rupture est totale maintenant entre Judas et Jésus. Mais Jésus, lui, ne se désolidarise pas de Judas. Il va se solidariser avec Judas par l’intérieur de Judas lui-même. Cela veut dire ceci : à partir de l’instant où le Christ a lavé les pieds de Judas et où il lui a donné la bouchée et est entré en lui, Jésus, lui, demeure fidèle.
Le nom de Dieu, un des noms de Dieu, peut-être celui qui devrait nous toucher le plus, c’est qu’il est le fidèle. Nous, nous pouvons le trahir autant que nous voulons, lui, il reste le fidèle, il ne se désolidarise pas. Et il va alors aller encore beaucoup plus loin. C’est que il va réaliser ce qu’il est. Il est l’Amour.
Dieu est amour. Jésus est le fils de Dieu, il est lui-même amour. Et cet amour, alors, va le porter à vivre le destin de Judas qui pourtant lui est totalement étranger. Judas, c’est l’inverse de l’amour. Jésus va vivre cela, il va le vivre comme s’il était sien, au point de s’identifier à lui.
Lorsque saint Paul dit : « Il a été constitué péché pour nous. », c’est cela que cette expression signifie. Il s’est identifié à notre sort par l’intérieur de nous-mêmes jusqu’à le faire sien totalement. Lui qui n’a pas commis de péché, il a été fait péché. C’est quelque chose qui dépasse absolument tout ce qu’on peut imaginer?
Ce n’est pas encore comme le cas de ce franciscain, dans le camps de concentration de Auschwitz, qui avait donné sa vie pour un autre prisonnier. Il se substitue à l’autre, il meurt à sa place. C’est un geste héroïque extraordinaire. Mais ici, cela va beaucoup plus loin.
Par lui-même, par l’intérieur de lui-même, Jésus se solidarise à ce péché. Il partage le destin de la damnation de Judas. C’est cela que ça veut dire clairement parlant. Il va donc l’accompagner jusqu’au plus extrême de la situation dans laquelle Judas s’est placé par le fait même qu’il s’est placé contre le Christ, par le fait qu’il a choisi contre sa vocation, contre son être, contre ce qu’il devait être, contre l’Amour. Le Christ va le suivre jusque là.
Si bien qu’il s’est trouvé ceci que Judas a certainement expérimenté, peut-être pas au moment même, mais à un moment donné de sa vie, certainement alors après sa mort. Et c’est que dans sa solitude de damné, de condamné, Judas a retrouvé le Christ ; il l’a suivi jusque là. Donc il fallait que le Christ mourut.
Il faut bien comprendre ce qu’est la mort pour le Fils de Dieu. Ce n’est pas encore exactement comme pour nous. Il est mort comme Dieu, il est né comme Dieu. Jésus, tel qu’il est là, c’est Dieu qui est venu au monde dans le sein de la Vierge Marie, c’est Dieu qui est mort sur une croix, c’est Dieu qui est ressuscité, c’est la personne du Verbe incarné dans la personne de celui qui nous apparaît comme l’homme Jésus.
Nous avons donc Dieu qui meurt et qui du fait de sa mort, et du fait qu’il s’est identifié au sort de Judas, descend encore plus profondément que lui, là où Judas lui-même en tant qu’homme ne sait pas accéder. C’est ce que Saint Grégoire exprime dans son expression inferno profundior. Il est plus profond que l’enfer lui-même. Le Verbe de Dieu va plus profond que l’enfer et il le soulève. Donc cela va jusque là.
Et ainsi finalement, dans cette mort qui est absolument l’impuissance absolue de la mort, l’impuissance absolue de l’amour car, à ce moment-là celui qui est mort ne sait plus rien faire ; aussi longtemps qu’on est vivant, on peut encore tenter quelque chose, mais dès qu’on est mort, on ne sait plus rien faire.
Mais quand cette mort est subie par amour, vous avez l’impuissance absolue de l’amour qui descend plus bas que la haine et l’aversion, qui la prend, et la transforme, et la sauve, et la récupère. Voilà ce qu’il a fait pour le péché !
C’est donc là le plus profond du mystère de la Rédemption, et c’est à cela que nous devons réfléchir pendant cette période qui sépare la mort de Jésus et sa résurrection. Il est dit dans le Credo : « il est descendu aux enfers ». C’est cela que cela signifie.
Nous devrions réfléchir à ce fait : l’impuissance absolue dans laquelle se trouve alors le Verbe de Dieu incarné, donc Dieu lui-même, c’est le moment où il sauve tout parce que l’Amour est plus fort que la mort ; il descend plus bas qu’elle et il peut alors la transfigurer. Ce n’est pas facile à comprendre !
Je pense que pour bien le comprendre, nous devrions le vivre nous-mêmes. C’est Nietzsche qui a dit : « Dieu a aussi son enfer, et l’enfer de Dieu, c’est l’amour ». Je pense qu’il a raison. Aimer, c’est infernal ! Nous, lorsque nous aimons, nous attendons la réciprocité et cette réciprocité encourage notre amour et le fait croître encore.
Mais il se trouve de situations où il n’y a pas de réciprocité, où il y a trahison de l’amour, où il y a refus absolu de l’amour, où il y a tentative de destruction de la personne qui aime et où il y a finalement destruction de la personne. Et malgré tout cela, il faut aimer. C’est cela que le Christ a subi, c’est cela l’enfer de l’amour plus profond que l’enfer de la haine parce que à ce moment-là, il l’évacue. C’est cela le drame de la Rédemption !
Et le cachet qui montre qu’il en est bien ainsi, alors ce sera la Résurrection. Mais la résurrection vient d’ailleurs, c’est le Père qui ressuscite. Ce n’est pas Jésus qui se ressuscite lui-même, c’est le Père dont il a été séparé par le fait qu’il se solidarisait avec les condamnés, les pécheurs.
C’est ce Père qui était séparé de lui qui, à un moment donné, le ressuscite et le ramène à la vie, mais à une vie qui maintenant est autre, à une vie dans l’univers de l’amour total. Et à ce moment-là, tous les hommes en lui remontent avec lui.
Vous aurez cela dans les icônes, dans les littératures, vous aurez cela partout. On voit Jésus qui prend Adam, qui prend tous les hommes et qui les fait remonter hors de l’enfer avec lui. Mais c’est le Père qui fait tout et, le seul lien qui existait à ce moment-là entre le Père et le Fils mort, c’était cet amour qui liait le Père au Fils.
Lorsque le Christ dit sur la croix : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », sachons bien que c’est réel. A ce moment-là, Dieu l’a réellement abandonné, puisque le Christ s’est réellement solidarisé au péché et aux pécheurs. Il s’est solidarisé avec eux et il s’est coupé de son Père. C’est un véritable drame qui est ici à l’origine de tout. Le Christ lui-même le dit.
Le drame de la Rédemption, au moment où Judas prend la bouchée et où il sort, ce drame est déjà joué et terminé en noyau, en germe, in nucleo. Il est déjà termine et c’est pourquoi le Christ peut enchaîné de suite : « Maintenant le Fils de l’Homme a été glorifié ». C’est déjà fait, il a déjà rempli sa mission, mais dans une seule personne, avec Judas. Il lui suffira maintenant de la conduire jusqu’au bout pour toute l’humanité.
Mais il ne dit pas : « Le Christ a été glorifié », il dit : « le Fils de l’Homme » Donc cet homme, unique en son genre, qui est Dieu lui-même incarné est glorifié parce que en lui tout l’univers est déjà récupéré, est déjà sauvé. Mais dès cet instant, il s’est passé en quelques minutes quelque chose que il nous faut toute une vie pour le réaliser en nous.
Maintenant, vous avez la réaction de Pierre. Jésus dit : « Maintenant je m’en vais, et où je vais vous ne pouvez pas me suivre maintenant ». Et Pierre dit : « Pourquoi pas ? ». Et Jésus de répondre : « Oui, plus tard, mais pas maintenant ». Et devant son insistance, Jésus lui dit : « Tais-toi, tu parles comme un gamin. »
Pierre ne saurait pas encore le suivre maintenant parce que ce n’est pas encore tout à fait accompli. C’est fait, mais en noyau. Il faut maintenant que ce noyau se déploie. Et lorsque ce sera accompli, les autres le suivront. Ces autres dont il a lavé les pieds, il devra maintenant les faire entrer dans sa mission.
Car il s’est donné à eux, mais il les a aussi investi de sa mission par le même geste. Cette mission va devoir commencer, et alors, ils le suivront. Ils le suivront réellement lorsque, plus tard, ils auront reçu le don de l’Esprit qui va soudainement leur ouvrir les yeux.
Ils vont découvrir qui était Jésus et ce que réellement il attend d’eux. Alors Pierre comprendra que ce que Jésus lui demandait, c’était que lui aussi, et puis les autres Apôtres, et puis tous ceux qui se grouperont autour d’eux, tous ceux qui constitueront l’Eglise de Dieu, que tous devront, comme le Christ l’avait fait, aimer jusqu’à donner leur vie pour tous. Pas pour tous dans l’abstrait, mais ce sera parfois comme pour Judas, donner leur vie pour une seule personne, et dans cette personne alors les atteindre toutes.
C’est ce que Dieu attend de quelqu’un lorsqu’il l’appelle à la vie monastique. Cette vie monastique, c’est donc le passage d’un état d’inconscience chez l’homme - état animal, diront les Pères, état psychique, dira Saint Paul - un état d’inconscience qui fait qu’on ne vit que pour soi, qu’on ne pense qu’à soi.
Cet état d’inconscience, on doit en sortir pour pouvoir entrer dans l’autre, vivre le destin de l’autre, c’est à dire l’aimer, devenir semblable à l’autre et pousser l’amour alors jusqu’à ne plus vivre pour soi mais pour celui qui est aimé.
Et celui qui le premier est aimé, c’est cette personne du Christ dans lequel on entre. Mais c’est plutôt l’inverse, lui entre en nous de façon à pouvoir revivre par notre intermédiaire tout ce mystère - que j’ai essayé d’élucider un tout petit peu, mais extrêmement mal - le mystère de cette Rédemption.
Oui, le mystère de cette Rédemption qui s’est déjà nouée au moment où Jésus, dans ce repas, donne la bouchée à Judas en lui disant : « Ecoute maintenant, ce que tu as à faire, fais-le, mais je te reste solidaire. Et à cause de cela, maintenant, le Fils de l’Homme que je suis, va être glorifié ».
Mes frères,
Nous voici arrivés à la moitié de la semaine sainte. Nous allons entendre que c’est aujourd’hui que se noue définitivement le drame de la Passion. Judas va vendre le Christ et, en Judas, c’est nous qui le vendons. Ne perdons jamais cela de vue. Chaque fois que nous commettons une faute contre l’amour, nous vendons notre frère, et dans notre frère, c’est le Christ que nous vendons, et toujours pour quelque chose qui peut se monnayer;
Mais, comme je me suis efforcé de l’expliquer hier soir, le Christ, qui est Dieu incarné, descend avec nous jusqu’au coeur de notre faute. Il descend même plus bas qu’elle de façon à pouvoir nous prendre, nous saisir et nous faire sortir du trou dans lequel nous sommes tombés.
C’est cela tout le mystère de notre Pâque, de ce passage en lui ! Et grâce à lui, ce passage d’un état de mort dans lequel nous nous sommes plongés vers une vie dont nous ne soupçonnons pas maintenant toute la beauté.
Mes frères,
L’humanité, qui est le corps du Christ en voie de croissance, passe sans arrêt d’un état qui la fait tomber dans la mort à un autre état qui la fait grandir vers la vie.
Prions, si vous le voulez bien, pour tous les hommes, pour ceux qui en ces jours-ci vont fêter la Pâque, et aussi pour ceux qui ne la fêteront pas, soit par ignorance, soit par négligence.
Mes frères,
S’il fallait épuiser tout le destin de l’Apôtre Judas, il nous faudrait y consacrer beaucoup plus que trois soirées. On est donc obligé d’opérer un tri, c’est à dire de se limiter. Aujourd’hui, si vous le voulez bien, nous allons essayer de découvrir quel était le défaut de Judas.
A première vue, on dirait que c’est l’avarice. C’est un peu simple, me semble-t-il. L’avarice, c’est une passion que les premiers moines ont très bien étudié. C’est donc un dérèglement d’une tendance qui en soi est bonne.
La tendance bonne, c’est que je dois me procurer ce qui me permet de subsister : la nourriture, le vêtement, le logement, etc. Si j’exagère par un besoin de sécurité, alors je glisserai vers l’avarice. Par contre, si je ne prends pas les choses trop au sérieux, si je me néglige, je tomberai dans le vice de la prodigalité. Je vais mettre ma propre existence et celle des autres en danger. Il y avait quelque chose de plus profond chez Judas, me semble-t-il, et nous allons y arriver.
D’abord, nous voyons Judas qui vend Jésus, tout bonnement. Voici Jésus qui devient l’objet d’un trafic, d’un marchandage. Il est pesé, il est évalué, il est jaugé, il est jugé. Finalement on tombe d’accord, ce sera pour trente pièces. Aujourd’hui, on comprendrait mieux si on disait que ce sera pour trente billets.
Remarquez en passant ce chiffre trente ! C’est exactement le dixième, les dix pour cent, la dîme des trois cent billets auxquels le parfum de Marie de Béthanie avait été estimé par Judas. Voici qu’il reçoit la dîme de ces trois cent pièces, il en reçoit trente. Marie avait donné toute sa vie en répandant ce parfum sur les pieds de Jésus. Eh bien Judas, lui, il va vendre Jésus pour la dîme.
On pourrait à partir de là peut-être établir une hypothèse - mais je ne suis pas un Père de l’Eglise - en partant de cette dîme de supposer que Judas était peut-être un lévite ou un prêtre de la tribu de Lévi. Il avait le droit de prélever la dîme sur les offrandes, il avait donc le droit de prélever la dîme sur l’offrande de Marie. Il récupérait donc tout de même quelque chose en vendant Jésus.
Voici donc Jésus vendu par Judas. Oui, mais comment cela a-t-il été possible? Cela a été possible dès le jour où Judas a vu dans Jésus un objet dont on pouvait tirer quelque chose, dès l’instant où le regard qu’il a posé sur lui n’était plus un regard d’admiration, ni de respect, ni d’amour.
C’était un regard inquisiteur et critique qui a commencé à fouiller Jésus, qui a essayé de percer les motivations de Jésus, qui a commencé à juger les paroles de Jésus, à trancher dans le vif de l’être de Jésus. A ce moment-là, l’amour commençait à fondre chez Judas et finalement, il disparaissait. Judas traitait Jésus comme un objet, il ne le regardait plus comme auparavant.
Ici, nous pouvons nous demander si, de ce côté-là, nous ne sommes pas un peu les cousins de Judas. Dès l’instant où je porte un regard inquisiteur et critique, je juge la personne de mon frère sur cet endroit de mon frère qui lui est strictement original. A ce moment-là, je l’objective, je le traite comme un objet, et je le vends. Je le vends à qui ? Je le vends à moi-même d’abord, j’en fais une proie. Et puis, cela peut très bien aller plus loin, je le vends aux autres disant quel est le prix que moi je lui accorde.
Vous allez penser que je caricature un peu ? C’est vrai, je caricature pour mieux faire ressortir l’odieux de nos attitudes. Nous ne devons pas avoir peur de regarder la réalité en face. Lorsque nous succombons à ce piège, parce que c’est vraiment un piège, à ce moment-là, nous sommes en dehors de la vérité, nous sommes en dehors de la charité et, nous nous retrouvons les cousins, pour ne pas dire les frères de Judas. C’est exactement le contraire de l’amour.
l’Amour, lui ne regarde jamais, au grand jamais, l’autre comme un objet. Au contraire, il le regarde toujours comme Dieu lui-même le regarde. Dieu, lui, ne s’arrête pas aux apparences. Il y a à notre épiderme une quantité de choses qui sont répréhensibles. On ne peut pas dire que c’est bien lorsque c’est mal. Mais Dieu, lui, va infiniment plus loin.
Dieu va à cet endroit où nous sommes promus et promis à la vie éternelle. Il nous voit déjà dans notre être d’éternité, il nous voit déjà tel qu’il nous veut. Et ce regard d’amour qu’il porte au plus profond de notre être, là où nous sommes entrain de naître à sa propre vie, c’est ce regard d’amour qui fait que sa vie se développe en nous. Si, ne fut-ce qu’un instant, Dieu cessait de porter sur notre être ce regard d’amour, nous serions perdu.
Et ce qu’il attend de nous, c’est que nous aussi nous portions sur notre frère ce regard d’amour, un regard qui le voit à cet endroit où Dieu est entrain de le faire naître à la vie divine. Le reste, c’est vrai aussi ; on ne peut pas applaudir quand c’est mal. Mais c’est la mousse, c’est l’écume qui est destinée à être écumée, à être enlevée et à disparaître.
L’Amour est donc intersubjectivité pure. Il transcende tout ce qui se perçoit et il ne juge pas. Au contraire, son jugement est toujours favorable parce que, dans les profondeurs, il atteint l’homme là où Dieu est entrain de le faire devenir fils de Dieu. Le reste, il juge l’action, mais il ne juge pas l’homme.
C’est ce que Judas n’a pas fait, sinon il aurait certainement perçu dans les profondeurs qui était cet homme qu’il avait devant lui. Il ne devait pas nécessairement dire « c’est le Fils de Dieu ! », mais dire « C’est quelqu’un à qui je puis donner ma foi et mon amour ». Judas n’a pas pu le faire, ou à un moment donné, il ne l’a plus fait.
Alors, l’amour est aussi le contraire de l’attitude de Judas. L’Amour est gratuité totale. L’Amour ne se paie pas, l’amour ne se paie que par l’amour. Il ne veut absolument rien d’autre que lui, il se nourrit de lui-même.
Je n’aime pas quelqu’un pour le profit que je vais en retirer. Mais dès l’instant où je l’aime pour un profit, à ce moment-là, je l’ai évalué et objectivé. Il devient pour moi comme une outre dont je vais retirer de l’eau ou une barrique dont je vais tirer du vin. J’aime parce qu’il me rapporte.
Non, l’amour est gratuit, il ne me rapporte rien ; si il me rapporte, au lieu de l’amour, il me rapporte du mépris. Mais j’aime quand même, je vais au-delà de l’homme qui me méprise pour entrer à l’intérieur de l’homme qui est appelé à aimer. N’oublions pas que le regard que nous posons sur notre frère le métamorphose, même si cela n’apparaît pas tout de suite. Un jour cela apparaîtra quand nous serons tous ensemble dans la lumière.
Mais cette gratuité totale de l’amour, ce n’est pas quelque chose de naturel, il faut bien le dire. Ici, nous ne pouvons aimer de cette façon que si l’amour de Dieu nous travaille. L’Amour vient de Dieu, il est ex Do, ce n’est pas de l’ordre de la nature. D’ailleurs, il y a un saint qui a dit - je pense que c’est Saint Jean de la Croix - « Le plus petit mouvement d’amour a infiniment plus de valeur que tout l’univers entier ». Pourquoi ? Parce que c’est d’un autre ordre, c’est de l’ordre divin ; et le reste est d’ordre naturel. Il faut sacrifier tout pour ce plus petit mouvement d’amour et la plus petite étincelle d’amour qui se trouve chez quelqu’un. Cela est suffisant !
C’est ce que Judas n’a pas fait. Judas, lui, a trafiqué de Jésus et il s’est placé alors en dehors de l’ordre de l’amour. Mais pourquoi ? Comment en est-il arrivé là ? Ici, je pense que nous pouvons trouver la réponse dans ce que le prophète Isaïe nous a dit ce matin, la réponse par le contraire.
Judas était certainement au départ un homme exceptionnel, un homme brillant. Il était un disciple de la toute première heure ; un disciple fidèle, il n’avait pas lâché Jésus ; un disciple exceptionnel puisque il avait été choisi comme apôtre. Donc, c’était un homme de confiance, un sur lequel devait être construite toute l’Eglise pour l’éternité.
Jésus l’a dit : « Je vous ai choisis et je sais qui j’ai choisi, et parmi vous il y a un démon ». Donc quelqu’un qui était en train de devenir démoniaque. Ce démon, c’était Judas ! Mais pourquoi ?
Cela ne peut être que pour une raison, me semble-t-il. Il devait être exactement le contraire du prophète : il n’avait pas une oreille de disciple. Cela veut dire que à un moment donné Judas n’a plus écouté ce que lui disait Jésus. Il y en a d’autres qui l’ont fait, mais ils ont eu l’honnêteté de le dire et de partir. « C’est trop difficile à entendre ce qu’il dit là » déclarent-ils quand Jésus parle du pain de vie. « Nous ne pouvons plus suivre cet homme ».
Jésus demande alors au groupe des Apôtres : « Et vous, est-ce que vous allez partir aussi ? ». « Non » dit Pierre, « Toi, tu as les paroles de la vie éternelle ». C’est cela l’oreille du disciple ! Quoi que tu dises, nous n’y comprenons rien. Mais voilà, nous te faisons confiance et nous croyons. Et c’est ça qui, à un moment donné, s’est lâché chez Judas, insensiblement ou brutalement.
Alors, Judas a commencé à choisir parmi les paroles de Jésus. Celles qui lui conviennent, il les prend ; celles qui ne lui conviennent pas, il les rejette. Alors s’édifie en lui un petit univers dans lequel il se complaît, mais univers qui se construit à côté de l’univers de Jésus et de ses disciples. Le voici en marge. Alors, étant en marge, il se produit ce phénomène que nous prenons probablement à la légère mais qui, chez Saint Benoît, est extrêmement grave : c’est l’excommunication.
Pour Saint Benoît, excommunier quelqu’un, c’est le mettre en marge de la communauté. C’est le châtiment suprême avant l’expulsion. Mais nous, on dirait : « Tant mieux, je serai au moins tranquille maintenant, quand je suis dehors, je n’écoute plus ». Judas s’était excommunié parce que il n’avait plus son oreille de disciple.
Les autres Apôtres ne valaient certainement pas mieux que lui ; ils valaient peut-être moins que lui ? Ils ne sont pas toujours d’accord avec Jésus. Jésus doit parfois dire à Pierre : « Fiche-moi la paix, tu es un démon, tu es un satan pour moi ». Il a dit cela à Pierre, mais cela ne fait rien. Pierre a eu son franc parlé, il a dit ce qu’il pensait, mais il écoute quand même. Pierre ne comprend pas, mais il écoute, il fait confiance.
Ce monde des Apôtres était un monde exactement comme le monde des hommes. Mais ils avaient cette qualité, excepté Judas, qu’ils savaient faire confiance. Ils gardaient cette confiance et ils l’entretenaient.
A l’extrême maintenant, pour ne plus écouter, on ne veut plus entendre. Et ne voulant plus entendre, on veut se débarrasser de celui qui parle. Et le moyen de se débarrasser, c’est de détruire et de tuer. Le fait de ne plus écouter finalement aboutit au meurtre.
Vous aurez cela aussi dans la vie de Saint Benoît. Le disciple, à un moment donné, met du poison dans sa boisson. Saint Benoît prononce la bénédiction sur la boisson. Et Saint Grégoire dit : « Le vase qui contenait la mort n’a pas pu supporter la parole de vie et il s’est brisé ».
Saint Benoît comprend qu’on a voulu l’empoisonner et il dit : « Maintenant, je m’en vais. Je vais vous laisser entre vous. Vous êtes débarrassés de moi sans m’avoir tué ». Ne plus écouter normalement aboutit au meurtre. C’est ce qui est arrivé, me semble-t-il, pour Judas. Il a été jusque là !
Les autres Apôtres, c’est exactement l’inverse. Eux, ils écoutent et, écoutant, ils se laissent faire. Ils croient, ils espèrent, ils suivent. Et en suivant, ils réalisent la Pâque. Ils passent à travers toutes les obscurités et, malgré leurs lâchetés parce que à un moment donné ils vont laisser tomber Jésus, malgré cela, malgré leurs lâchetés, ils croient encore. Ils se retrouvent entre eux, et ils aboutissent dans l’univers de la résurrection, ils le voient ressuscité et, plus tard, ils recevront son Esprit.
C’est ce que Judas n’a pas pu faire et je pense que c’est un avertissement pour nous. Pour moi d’abord, pour moi le tout premier parce que la position que j’occupe exige que je sois le premier écoutant. Si je ne suis pas à l’écoute de ce que dit l’Esprit, soit directement dans la prière, soit par l’intermédiaire de la communauté, soit par l’intermédiaire de l’un ou l’autre frère qui peut me faire une remarque, si je ne suis pas humblement à l’écoute, alors je me coupe insensiblement. Je ne sais pas où je vais, mais je sais très bien où est arrivé Judas et je ne veux pas aller là-bas. Et ce qui est vrai pour moi est aussi vrai pour chacun d’entre nous.
Mes frères, il est temps d’arrêter. Gardons toujours très fort notre foi, notre espérance et notre amour en celui qui nous a appelés, celui qui veut nous combler et celui dont nous allons revivre avec force tout le drame, à partir de demain surtout. Nous l’avons déjà perçu depuis dimanche.
Demain, nous allons entrer à vif dedans. Essayons de saisir par l’intérieur tout ce que le Christ a vécu pour que nous ne l’oublions jamais ; il le revit encore maintenant en chacun d’entre nous. Et s’il veut nous faire passer par une mort semblable à la sienne - mort mystique naturellement - il veut aussi nous faire participer à une résurrection semblable à la sienne ; d’abord une résurrection d’ordre mystique en nous faisant prendre conscience en nous de sa propre vie divine, puis alors à une véritable résurrection de la chair qui, elle, sera pour l’heure que lui voudra.
Mes frères,
Nous voici arrivés au seuil du drame pascal proprement dit. Nous en avons suivi les prodromes jour après jour depuis dimanche, nous en avons même reconnu les traces dans le contexte de notre existence personnelle.
La vie du chrétien, celle du moine surtout, est un exode continuel à travers une succession de morts à soi-même, un exode vers ce Royaume dont l’unique loi est l’amour.
Préparons-nous à vivre l’événement d’aujourd’hui avec la foi et l’espérance d’hommes pécheurs certes, mais des pécheurs qui se savent engagés à la suite du Christ sur une route qui conduit à la résurrection.
Mes frères,
Nous ne sommes pas les premiers à nous engager à la suite du Christ dans cette traversée qui va nous conduire d’une région à une autre. Cette traversée doit nous conduire de l’étroitesse et de l’angoisse d’une condition déprimante - celle des pécheurs -, des milles entraves des passions et des vices vers la souplesse merveilleuse de l’amour.
Non, nous ne sommes pas les premiers ; nous nous joignons à une caravane qui a pris le départ - nous venons de l’entendre - un certain soir, il y a bien longtemps, au pays d’Egypte. Et déjà le Christ était là, Rocher mystérieux, qui tirait de sa substance un breuvage de vie dont les flots nous baignent encore aujourd’hui.
Non seulement ils nous baignent, mais ils nous portent. En eux, nous touchons le terme de notre voyage et, déjà, nos yeux peuvent contempler ce qui n’est pas monté au coeur de l’homme.
Non, il n’est jamais monté au coeur de l’homme que un Dieu, que le corps et le sang d’un Dieu s’assimilerait tellement à notre être qu’il deviendrait le sang de notre sang et la chair de notre chair. Oui, c’est jusque là que Dieu devient homme ! Et ce n’est pas une façon allégorique de parler, c’est la réalité.
L’issue heureuse de notre marche, c’est la claire conscience de cette assimilation du Christ à notre être, la claire conscience de notre totale métamorphose en lui. La mort que nous portons en nous, qui un jour paraîtra triompher de notre organisme de chair, cette mort, en réalité, est engloutie déjà dans la vie qu’il est, Lui, et cela pour jamais. Un jour, cela transparaîtra. Certains ont déjà ce privilège de la sentir bouillonner en eux et, déjà d’une certaine façon, de l’expérimenter et de la voir. C’est cela qui doit normalement être l’issue heureuse de cette longue marche.
Mais en attendant, il faut continuer à marcher, il faut continuer à placer ses pas sur les traces du Christ. Cela signifie que nous devons en arriver à aimer comme lui a aimé, au-delà de toute extrémité. Il nous en a prévenu, et il nous prévient toujours d’ailleurs.
C’est un sentier resserré, c’est une porte étroite, tellement étroite que pour la franchir, il faut littéralement se vider de soi-même et laisser l’autre, laisser le frère s’incarner en nous avec sa misère, avec sa déchéance, tel qu’il est avec son péché. Et encore après cela, mourir à sa place. C’est ce qu’a fait Jésus ! Ainsi doit faire l’Abbé, ainsi dois-je faire, moi, pour chacun d’entre vous si je suis réellement parmi vous celui qu’il m’appartient d’être, le Christ.
Pour vous montrer qu’il en est bien ainsi, et pour vous montrer que ma route personnelle passe par un anéantissement de cette sorte, je vais refaire pour vous le geste du Christ, je vais vous laver les pieds. Et dans ce geste que je vais poser à la suite du Christ, je vais me donner à vous corps et âme.
Mais en même temps, je vais vous armer dans ce combat contre les puissances du mal, ce combat que nous sommes tenus de mener depuis le jour où nous nous sommes engagés à la suite du Christ, et depuis le jour surtout où nous nous sommes donnés à lui dans la vie monastique.
Mais à travers ce geste que je vais poser, vous saurez que votre route est parallèle à la mienne et que, vous devez vous aussi, vous laver les pieds les uns des autres. Vous ne devez plus vivre pour vous, vous devez vivre pour votre frère, lui laissant si possible toute la place en vous.
C’est à cette condition, et c’est une condition indispensable, que vous aurez part au Royaume, au Royaume du Christ et de son Père, vers lequel s’acheminent ceux qui partout dans le monde mènent avec nous l’âpre mais exaltant combat de l’amour.
Mes frères,
Aujourd’hui, pour la première fois, le Christ a donné aux hommes sa chair à manger et son sang à boire ; et quelques instants auparavant, il s’était donné entièrement déjà en lavant les pieds de ses disciples. Maintenant, il vit réellement en eux. Prenons entre nos mains les peines, les pleurs, les espoirs de l’humanité entière et, présentons-les à ce Seigneur qui nous a aimés au-delà de toute mesure.
Mes frères,
Que faut-il dire après avoir entendu le récit d’une telle tragédie ? Le mieux serait de se taire, mais il faut tout de même bien parler. Alors, si vous le voulez bien, secouons-nous et prenons conscience de ceci :
Celui dont nous venons d’entendre le récit de la transpassion est ici et nos yeux peuvent le voir s’ils sont suffisamment purs. Il est ici parmi nous, débordant d’une vitalité qu’il brûle de nous faire partager. Mais voilà, accepterons-nous le cadeau qu’il nous destine ?
Pourquoi une telle question ? N’est-il pas naturel, instinctif, d’accepter un cadeau de cette sorte : le cadeau de la vie, de la vie perdurable, de la vie éternelle, de la vie divine. Pourquoi donc une telle question ?
Mais parce que ce cadeau qu’il nous offre, il faut bien le dire, est enrobé de ce que nous appelons, de ce que nous devons appeler la mort. N’ayons pas peur de regarder la réalité en face ; c’est le moment aujourd’hui.
Et le prophète va nous y aider, ce prophète qui est sur notre route comme un phare qui projette une lumière. Il va nous donner la force, et va nous remplir de paix, quoique ce qu’il va nous dire ne soit pas facile à entendre.
Et que nous dit-il ? Il nous dit, il nous déclare clairement ce que le Christ attend de nous. Et ce que le Christ attend de nous, c’est que nous nous dépouillons de nous-mêmes jusqu’à la mort et, que nous nous chargions des péchés des autres.
Quand il s’agit de moines, mes frères, il n’y a pas d’autre accès vers la vie véritable, ni pour nous-mêmes, ni pour ceux qui nous sont mystérieusement reliés. Naturellement, c’est tout autre chose que de courir une carrière qui nous rapporterait avantage et honneur.
Le mirage est pourtant toujours là, insidieusement agissant, le Christ lui-même l’a ressenti. Il en a ressenti la mystérieuse attirance, mais il a préféré la mort de la croix. Et il n’y a rien à faire, nous-mêmes, nous sommes acculés à choisir. Et encore une fois, ce n’est pas de toute facilité.
Non, chair et esprit se hérissent dans la perspective de renoncements qui semblent bien dépasser la mesure de nos faibles forces. Si je puis me permettre ce paradoxe, disons plutôt de notre trop évidente lâcheté.
Au fond, comme je l’ai dit hier, nous devons laisser les autres s’incarner en nous avec la bestiale virulence de leurs péchés. Et une fois devenu eux, nous devons mourir à leur place et peut-être même sous leurs coups. C’est là aimer d’une manière divine, mais c’est là aussi le triomphe absolu, définitif. C’est jusque là que le Christ nous a aimés.
En vénérant la croix dans quelques instants, nous allons marquer par un geste bien précis en baisant les pieds du Crucifié, nous allons marquer notre désir et notre volonté de suivre le Christ jusque dans une telle mort.
C’est un devoir pour chacun de nous et en tout premier lieu pour l’Abbé, ce qui veut dire en tout premier lieu pour moi. Mais notre espérance, celle qui est au fond de nous, celle qui nous permet de continuer à marcher car nous savons où nous allons, notre espérance, c’est que cette offrande de tout nous-mêmes, elle soit prise au sérieux, elle soit prise à la lettre et que, du même coup, nous basculions de façon irréversible du côté de la vie.
Amen.
Mes frères,
Le Verbe de Dieu, dans la personne du Fils, a voulu connaître dans une chair d’homme les brûlantes blessures de la souffrance, de toutes les souffrances physiques, morales et spirituelles. Il les a expérimentées à la manière de Dieu, à un degré infini.
Il y a là un mystère devant lequel notre raison défaille, le mystère de l’amour : Dieu a tant aimé le monde Jamais nous ne parviendrons à arriver au terme de cette simple expression : Il a tant aimé le monde. Et aujourd’hui, au stade de notre liturgie, cet amour est réduit à l’absolue impuissance de la mort.
C’est cela la Christ au tombeau ! Dans ce tombeau, il n’y a plus rien qu’un cadavre et de l’amour. Mais cet amour porte un nom, cet amour a un visage. Et Dieu qui est l’amour va réaliser l’incroyable mystère de la résurrection : d’abord le Christ, et demain, nous !
Mes frères, croyons à l’amour. En ces moments où nous vivons la Pâque, et aussi tous les jours de notre vie, croyons à l’amour. Lui seul ouvre les tombeaux et lui seul est capable de vaincre la mort. Il est seul plus fort que la mort.
Mes frères, croyons donc à l’amour ! Croyons-y pour nous-mêmes et croyons-y aussi pour les autres. Et nous-mêmes, dès maintenant, nous aussi, aimons !
Nous allons d’abord nous rappeler nos plus lointaines origines. L’homme est l’univers devenu conscient de lui-même, la fleur patiemment cultivée dans laquelle Dieu aime le cosmos entier. Nous sommes voulus, façonnés, portés par la Parole de Dieu qui a poussé si loin l’amour qu’elle est devenue semblable à nous en tout, sauf le péché, afin que nous puissions de notre côté partager sa condition divine.
Nous sentons, chez tous les hommes de Dieu, une force qui leur permet de tenir tête sans faiblir - ce qui ne veut pas dire sans angoisses - aux rudes épreuves que la vie, ou bien Dieu lui-même, leur imposent. Ces hommes voyaient l’invisible.
Dieu a choisi Abraham : il va l’acculer à la dernière extrémité, mais il ne réussira pas à entamer la foi de son ami. La puissance de cette foi l’emportera sur la mort. Déjà, avec et en Abraham triomphait son lointain descendant, le Christ Jésus. Et aujourd’hui, notre tour est venu !
Et voici le sommet de l’Ancienne Alliance, sommet et rampe de lancement : le passage de la Mer Rouge, cime de la Pâque. Cette nuit-là, tout ce qui pourra jamais se dresser contre Dieu ou s’opposer à lui a été vaincu à l’avance. Et le dernier ennemi à être anéanti, ce sera la mort.
Regardons toute l’Histoire humaine se condenser en cette nuit fameuse, puis se redéployer à partir de cette autre nuit qui a vu le Christ ressusciter dans la gloire de son Royaume.
Dieu est amour. Il demeure inconsolable s’il nous voit souffrir. Son amour aura le dernier mot contre les obstinations et les méchancetés des hommes, ses enfants. S ’il a partagé nos peines et nos morts, c’est pour nous introduire comme par la main dans sa propre résidence et nous combler de son propre bonheur.
Ecoutons-le s’engager vis-à-vis de nous et faisons-lui confiance !
Et la volonté de Dieu est de conduire à sa perfection l’alliance d’amour qu’il a conclue avec chacun d’entre nous dans les jours de son Incarnation, de sa Passion et de sa triomphale résurrection.
Notre gloire, c’est d’être marqué du sceau de l’Esprit et de porter dans notre chair les germes de notre Résurrection.
Si nous sommes fidèles aux conseils que nous prodigue la Sagesse divine, nous participons à la puissance de Dieu, nous brisons l’empire de la mort et nous entrons en possession de la paix promise par le Christ à ses amis.
Nous sommes créés pour le bonheur. Ce bonheur, nous le cherchons partout, au plus facile. Et nous passons d’une désillusion à l’autre, prisonniers de nos mirages.
Dieu ne peut supporter de nous voir vagabondant loin de lui ; il y va de son honneur. Il a pris sur lui nos misères afin de nous rendre à notre véritable vocation : vivre de son Esprit, vibrer au rythme de son coeur, marcher à son pas, et entrer dans son univers dès cette vie et pour toujours.
Voici l’éclair, voici le feu, mes frères, qui a lancé les fous de Dieu vers toutes les Galilée du monde. Certains l’ont vu et certains le voient aujourd’hui, Lui, le ressuscité, Lui, avec lequel on devient UN au sein d’une lumière qui se laisse toucher, respirer, manger.
Oui, il faut être fou pour le croire, pour oser traverser toutes souffrances, toutes les agonies, toutes les morts, pour oser miser toute sa vie sur cette seule parole: « Ils me verront ».
Chercher Dieu, mes frères, ce n’est pas de la littérature, c’est un éveil lent, long, douloureux à un univers qui n’est pas le nôtre. Mourir au péché, c’est bel et bien mourir, pourquoi se le dissimuler ?
Mais bienheureuse mort qui nous arrache à la gangue, à la geôle de notre égoïsme, et qui fait de nous d’autres Christ livrés à leur tour pour le salut de leurs frères. Oui, bienheureuse mort !
Le moine qui a part de son vivant à la Résurrection, à la Résurrection du Christ qui travaille en lui, celui-là, il devient dans l’invisible une inépuisable matrice de vie. Il tient entre les mains le réel, il lui façonne son vrai visage d’éternité, son vrai visage.
Cette nuit, mes frères, plus qu’en tout autre moment, nous sommes plantés au coeur de l’éprouvante dialectique du déjà-possédé et de l’encore-à-recevoir. Nous sommes morts et ressuscités dans le Christ déjà, mais cette réalité doit encore se matérialiser dans le concret de notre quotidien.
L’eau dans laquelle nous allons être mystiquement replongés, la chair et le sang que nous allons manger et boire, sont le signe qui nous montre à suffisance que nous possédons déjà tout ce qui nous sera donné et que nous devons encore patiemment attendre.
Aussi longtemps que le Christ ne sera pas parfaitement ressuscité en nous, notre nuit de Pâques, la nuit de notre Pâque ne sera pas encore achevée. Nous vivons en état de Pâque permanente. Et je me demande si, analogiquement parlant, il n’en sera pas ainsi durant toute l’éternité.
O, il ne s’agira pas d’entrer dans des concepts de plus en plus profonds au sujet de la divinité. Il ne s’agira pas de cela, il s’agit de bien autre chose. Il s’agit de devenir un cristal de plus en plus transparent, de plus en plus limpide, un cristal reflétant, réfléchissant de clarté en clarté la douce, captivante, apaisante lumière d’un visage sur lequel s’allument deux flammes de feu.
Ce sont les yeux inexprimablement beaux de l’Agneau égorgé dès avant l’origine du monde, cet Agneau que contemple le regard émerveillé de celui qui a cru à la sainte et lourde Parole : « là-bas, au-delà de tous les affrontements mortels, là-bas, tu me verras ! ».
Mes frères, voici le mystère de cette nuit ! Ce mystère, revêtons-le, drapons-nous en lui ! Mieux encore, qu’il devienne notre peau et notre sang. C’est à lui que nous sommes appelés, nous, et tous nos frères, et toutes nos sœurs, de toutes les contrées, de tous les temps.
Puissions-nous, en ce là-bas, être un jour réunis, ressuscités en notre chair, fondus en un même amour ; et le voir, Lui, avec nos yeux, nos yeux transfigurés, nos yeux nouveaux, le voir Lui le ressuscité, Jésus-Christ, avec son Père, dans la béatifiante lumière de l’Esprit, et cela pour les siècles des siècles.
Amen.
Mes frères,
Vous venez de vous prosterner le front contre terre. Vous avez demandé à Dieu de vous faire miséricorde, et aux frères qui sont ici présents, de vous accueillir dans leur communion. Vous vous êtes prosternés et, vous ne vous jugez digne ni de l’une, ni de l’autre ; et en cela, vous êtes dans la vérité.
Je vous invite instamment à construire votre vie, à l’enraciner sur cette vérité, à entretenir en vous cette conviction de votre indignité. Et si vous voulez devenir des moines accomplis, laissez s’ouvrir, s’élargir en vous une blessure qui ne vous donnera plus de répit, ni de jour, ni de nuit.
Et j’ai en vue la blessure douce et terrible à la fois du pentos, de ce deuil qui rend agréable à Dieu et aux hommes, ce deuil qui force les portes de la miséricorde et qui parvient à renouer et à resserrer les liens de la communion.
Et si vous voulez entrer dans ce deuil, n’oubliez pas votre état, votre état de pécheur. Vous devez faire, et vous faites déjà, et vous ferez encore l’expérience de votre péché, de la tendance innée en vous de vous imposer aux autres et, de vous emparer d’une place qui ne vous revient pas. C’est cela le péché dans son exercice !
Mais n’ayez crainte, lorsque votre conscience d’être pécheur sera ancrée en vous, lorsque elle sera devenue partie constitutive de votre personne, à ce moment-là, vous verrez se réaliser pour vous la promesse à laquelle Saint Benoît vient encore de faire allusion :
Vous entrerez dans son Royaume, là où il vous attend. Et il vous sera permis de parcourir en tous sens les immensités de l’amour ; et votre joie alors, personne, ni rien ne pourra vous la ravir, ni même l’entamer.
Vous avez compris que j’ai en vue l’escalier de l’humilité, le rude escalier de l’humilité. Gravissez-le avec ténacité, avec courage ; il est la mise en œuvre du mystère que nous fêtons aujourd’hui : entrer dans une mort mystique pour resurgir en nouveauté de vie.
Et cette surrection dans l’univers de Dieu deviendra votre part, soyez-en sûrs, si vous demeurez fidèles à votre intention d’aujourd’hui et, si vous entretenez sans cesse dans votre coeur, ce sentiment d’humilité que vous venez d’exprimer ici devant toute la communauté.
Le Christ, notre Seigneur, ne vous ménagera pas son aide, soyez-en sûrs ! Ce que vous désirez, il le désire infiniment plus, et infiniment mieux que vous. Et quant à mes frères et à moi-même, nous vous promettons tout le soutien dont nous sommes capables.
Dans ces conditions, êtes vous disposés à chercher Dieu selon la Règle de Saint Benoît, en ce monastère de Saint-Remy, dans la reconnaissance pour tout ce que vous y recevrez ?
Mes frères,
Je ne puis pas laisser s’achever cette réunion sans vous souhaiter à tous une bonne et sainte fête de Pâques. Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont spécialement collaboré à ce que notre liturgie soit, je ne dirais pas parfaite, mais profonde, expressive et vécue.
Et aussi ceux, c’est-à-dire tout le monde, tous nous avons collaboré par notre présence, par notre prière, par notre bonne volonté, par le don de nous-mêmes. Et alors, je dois aussi vous remercier tous.
Et les vœux que je formule, je voudrais les ramasser en une formule que vient de m’inspirer la lecture de la Règle. Saint Benoît nous dit que le Christ nous montre le chemin de la vie. Et le Christ nous a dit le Jeudi-Saint au soir lorsqu’il a donné ses dernières instructions à ses disciples : « C’est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie »
Et je voudrais vous suggérer ceci : Nous sommes incorporés au Christ maintenant, nous sommes en train de ressusciter avec lui ; notre résurrection n’est pas achevée naturellement mais elle est en route. Alors, ne pourrions-nous pas être, chacun de notre côté, pour nos frères, nous aussi : chemin, vérité, et vie ? Que lorsque nos frères nous regardent, qu’ils voient en nous le chemin.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce n’est pas seulement un exemple à imiter, c’est beaucoup plus encore. Ils doivent sentir vraiment que ce n’est pas une question de sentiment, mais de feeling, de perception spirituelle et que, si je fais comme un tel et si lui fait comme moi, il est en contact avec le Christ. Sans risque de se tromper, il est sur le chemin qui va conduire au Royaume.
Il faudrait aussi, mes frères, que lorsque on nous regarde, on voit en nous ce qu’est la vérité. Saint Benoît vient encore de nous le dire : il ne fait pas qu’il y ait des ruses ou des fourberies, et des mensonges dans notre vie. Dans une communauté monastique, la chose peut-être la plus grave, c’est le mensonge : se mentir à soi-même d’abord, et puis mentir aux autres ; mais aussi dans son comportement, en étant à l’extérieur autrement qu’on est à l’intérieur.
Mes frères, cela ne veut pas dire que nous devons étaler au grand jour nos défauts, nos passions et nos vices. Non, ce n’est pas cela !
Mais c’est que la vérité du Christ transparaisse à travers nos actes, à travers nos paroles, de façon à ce que nos frères puissent vivre avec nous en sécurité, afin qu’ils puissent s’appuyer sur nous sans crainte de voir l’édifice s’ébranler, sans crainte de voir l’édifice s’étaler et tomber.
Et aussi, mes frères, que nous puissions être les uns pour les autres la vie. La vie, ce n’est rien d’autre que l’amour. Dieu est la vie et il est l’amour, et le Christ a donné sa vie pour nous tous par amour. C’est quelque chose que nous devons faire. J’y ai insisté tout au long de cette semaine pascale ; j’y insiste chaque fois que j’en ai l’occasion, et en public, et en privé.
Mes frères, nous devons être des sources de vie les uns pour les autres. Nous ne devons pas être des meurtriers, des gens qui attentent à la vie, à la vie de leurs frères par leurs paroles, par leurs actes, même par leurs pensées. C’est un programme exigeant, excessif, peut-être ? Non, il n’est pas excessif parce que le Christ vit en nous, il ressuscite en nous, c’est son Esprit qui nous anime, c’est son Esprit qui nous transforme.
Abandonnons-nous à cet Esprit, et ce qui nous paraît difficile maintenant nous deviendra tout naturel. Comme Saint Benoît nous le dit : « velut naturaliter », cela devient notre véritable nature, notre nature d’enfant de Dieu. Et alors, notre communauté deviendra ce que le Christ attend d’elle : une cellule vivante, une cellule pleine de santé de son Corps.
Et cette santé, alors, va se diffuser à travers le Corps entier. Et ce que Dieu attend de nous lorsque il nous appelle au monastère se réalisera et il en sera heureux. N’ayons pas crainte, n’ayons pas peur de rendre Dieu heureux, c’est ce qu’il attend de nous. Nous pensons trop souvent à sa gloire, à son honneur ; pensons aussi à son bonheur.
Ce sont mes souhaits de Pâques. Et si vous le voulez bien, souhaitez-les moi aussi. Car s’il en est un qui doit montrer la route, être le chemin, la vérité et la vie, c’est bien l’Abbé dans un monastère. Aussi, je me recommande à vos prières et je vous promets le soutien des miennes.
Je me recommande surtout aux trois néophytes et je les assure que, moi-même et tous nos frères ici, nous les soutiendrons de notre mieux. Par notre exemple et par notre prière, nous serons pour eux un chemin, la vérité et la vie.
DIMANCHE DES RAMEAUX. 19.03.78................................... 1
Introduction à la bénédiction des buis :............................................................................................ 1
Homélie après l’Evangile de l'entrée messianique à Jérusalem.................................................. 1
Homélie après l’Evangile de la Passion............................................................................................ 2
Introduction à la prière des fidèles..................................................................................................... 3
LUNDI-SAINT 20.03.78........................................... 3
Introduction à la célébration............................................................................................................... 3
Introduction à la prière des fidèles................................................................................................... 3
CHAPITRE : Commentaire de Jn 12, 1-11...................................................................................... 3
MARDI-SAINT. 21.03.78........................................... 7
Introduction à la célébration.............................................................................................................. 7
Introduction à la prière des fidèles................................................................................................... 8
CHAPITRE : Commentaire de Jn 13, 21...38.................................................................................. 8
MERCREDI-SAINT. 22.03.78...................................... 12
Introduction à la célébration............................................................................................................ 12
Introduction à la prière des fidèles................................................................................................. 12
CHAPITRE : Commentaire de Jn 26, 14-25................................................................................. 13
JEUDI-SAINT. 23.03.78......................................... 17
Introduction à la célébration............................................................................................................ 17
Homélie................................................................................................................................................. 17
Introduction à la prière des fidèles................................................................................................. 18
VENDREDI-SAINT. ................................................................. 24.03.78... 18
Homélie à la célébration.................................................................................................................... 18
Exhortation à Complies..................................................................................................................... 20
VIGILE PASCALE. 25.03.78...................................... 20
Introduction aux lectures.................................................................................................................. 20
Homélie de la Vigile Pascale............................................................................................................. 22
DIMANCHE DE PAQUES. 26.03.78................................... 23
Homélie : Profession des frères Christian, Paul-Michel et Bernard....................................... 23
CHAPITRE DE PAQUES. 26.03.78................................... 24
TABLE DE LA SEMAINE SAINTE DE 1978.............................................. 25
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