Mes frères, Église
Voici une pratique de notre Règle qui est bien dépassée et pratiquement oubliée. Cependant, si nous nous arrachons aux considérations humaines qui sont souvent étroites et bornées, nous pouvons, me semble-t-il, retirer un très bel enseignement.
L'enfant, le petit enfant, ne serait-il pas de plein droit chez Dieu ? N'oublions pas que le monastère est la maison de Dieu. Elle est l'implantation en un lieu de ce Royaume de Dieu dans lequel nous devons tous entrer. Or le Christ est formel : « Si vous ne devenez pas » dit-il « comme ces petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume de Dieu. » Cela, il n'y a rien à faire ! C'est la condition sine qua non, si elle n'est pas remplie, nous restons dehors !
Or, voici que ces petits enfants sont là ! Ne seraient- ils pas, eux, déjà arrivés là où nous devons parvenir à la suite d'un long et pénible cheminement ? Or, ces enfants sont innocents, sans malices, transparents. Nous devons donc, nous, recouvrer notre pureté, notre confiance, notre candeur. Car nous avons, nous aussi, été de petits enfants. Nous sommes devenus des adultes, mais à quel prix ?
Saint Benoît, lorsqu'il nous décrit l'échelle de l'humilité, il nous dit que le moine parvenu à son sommet, arrive vite à la charité parfaite. Mais cette charité parfaite, elle est cette fraîcheur spontanée qu'on ne trouve qu'en Dieu et qui devient l'apanage de l'enfant de Dieu, de celui qui est né spirituellement de Dieu. Et cette charité parfaite, comme nous dit l'Apôtre, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout.
Elle croit tout, mais elle n'est pas crédule. Elle n'est pas une crédulité infantile. Elle est le propre de l'enfant, de l'enfant spirituel, mais de l'enfant qui a une audace qui force l'apparition du miracle. Croire en Dieu, certes, mais aussi croire en l'homme et savoir que la confiance que l'on fait à quelqu'un parce que on l'aime, parce que on est possédé par l'amour, qu'on n'est plus qu'amour, cette confiance, elle permet à l'autre de devenir ce que dans l'intention de Dieu il doit être.
La charité parfaite, elle espère tout. Elle n'est pas prétentieuse, mais elle sait très bien qu'il y a en Dieu un besoin infini de se donner. Dieu n'est vraiment Dieu que lorsqu'il est sorti de lui et qu'il se donne. C'est cela le mystère de la Trinité. Et ce besoin de se donner est aussi inscrit dans le cœur de l'homme. Il faut savoir espérer pour l'autre qui peut-être n'espère plus pour lui.
Et la charité parfaite, elle supporte tout. Cela ne veut pas dire qu'elle est résignation passive ou passivité résignée. Non, mais elle est force qui sait que à travers l'épreuve se construit la vie éternelle. Elle sait donc supporter. Et aussi, la charité, elle est en plein dans le temps qu'elle assume tel qu'il se présente avec son contenu, mais aussi déjà au-delà du temps dans cette lumière divinisante qui dénoue toutes les énigmes.
Mais voilà, mes frères, un petit message que Saint Benoît. Et Dieu à travers Saint Benoît, nous délivre aujourd'hui. Dans le monastère, il n'y a de la place que pour des enfants, des enfants en devenir certes, des enfants spirituels, pas des infantiles, mais des adultes en Christ qui sont des enfants en Dieu.
Table des matières
Chapitre 59 : Des fils qui sont offerts. 13.12.84