Mes frères,
Pour Saint Benoît, manger au dehors signifie se restaurer en compagnie d'un séculier, partager la table d'un homme du monde et, par le fait même, on établit une communion avec ce qu'on a quitté. Il y a donc danger qu'un courant ne passe du monde au moine et ne corrompe la pureté et la vérité de la vie monastique. C'est pourquoi Saint Benoît est si sévère et si prudent.
Par contre, s'il a donné la permission, à ce moment-là, le moine est protégé par la communauté et par l'Abbé. Sinon, en nouant une communion nouvelle avec le monde, il rompt la communion avec la communauté. Si bien que la sentence d'excommunication qui le frappe ne fait que constater un état de fait.
Ma sœur, mes frères,
Voici une prescription qui nous paraît bien étrangère aujourd'hui. Nous avons de petits estomacs que nous devons remplir régulièrement sinon nos énergies fondent et nous ne pouvons plus rien faire. Mais alors?
Eh bien, pour comprendre ce que Saint Benoît demande ici, il faut comme toujours se référer à une Parole de Dieu. Vous vous rappelez l'histoire de ce prophète envoyé pour maudire l'autel qu'avait construit Jéroboam le serviteur de Salomon. Il s'était emparé de dix des tribus et il avait construit un autel à Béthel pour concurrencer l'autel du Seigneur qui était dressé dans son Temple de Jérusalem. Or, ce prophète avait reçu l'ordre de ne rien manger au cours de son voyage.
Sa mission accomplie, il rentre chez lui et il se laisse inviter par un autre prophète qui le force littéralement à manger et à boire. Et à la fin du repas, cet autre prophète lui dit : « voilà, tu as désobéi, tu vas reprendre ta route mais le lion te mangera. » Et effectivement, il se fait tuer par un lion.
Eh bien, c'est ce que nous avons ici. Le lion auquel nous risquons de succomber - du moins à l'époque de Saint Benoît - c'est le démon qui circule autour de nous comme un lion rugissant cherchant qui dévorer.
Naturellement une telle prescription n'est plus de mise aujourd'hui dans sa littéralité. Mais ce que Saint Benoît nous dit nous permet de mieux saisir l'atmosphère dans laquelle doit vivre un moine.
Les références de sa vie, il ne les cherche pas dans une sagesse humaine mais dans l'exemple que lui donnent les Anciens qui eux-mêmes se sont alimentés aux exemples donnés pour notre instruction par la Parole de Dieu.
Je sais que ce n'est pas facile aujourd'hui. Nous sommes dans une société sécularisée où ce qui compte maintenant ce sont les normes de production et de rentabilité. Nous sommes soumis à toutes sortes de contraintes obligatoires si nous voulons subsister : les instances civiles, nationales, fiscales. Tout est là et nous devons entrer dans le système. Ce n'était pas ainsi à l'époque de Saint Benoît et encore moins à l'époque de Salomon.
Mais enfin, retenons tout de même ceci, que nous devons toujours être attentifs à voir dans les événements non pas des circonstances tout à fait anodines ou bien liées à des contingences purement naturelles, mais avoir suffisamment d'ouverture pour y découvrir un agir de Dieu, une Parole de Dieu, un défi que Dieu nous pose et auquel il attend que nous répondions.
Table des matières
Chapitre 51 : Ne partir qu’à faible distance ! 02.04.84.
Chapitre 51 : Ne partir qu’à faible distance ! 02.12.91.
Le défit de Dieu dans les événements.