Mes frères,
Dans ce petit et beau chapitre de notre Règle, nous trouvons le tableau de ce que nous sommes en réalité. Nous pouvons être avancé en âge, super-intelligent, grand réalisateur, ça ne préjuge en rien de notre état réel au regard de Dieu et de son Royaume.
Il existe une habileté humaine et une sagesse surnaturelle. Les deux ne coexistent pas nécessairement dans le même homme. En fait, pour ce qui a trait aux choses de Dieu, nous sommes et nous restons longtemps des innocents, des maladroits, des gosses impossibles qui ne savent pas et qui ne comprennent pas.
Je le répète, ce peut être notre situation quelque soit notre âge. Ce n'est pas parce que nous sommes des 3 x 20 que nous devons regarder de haut ceux qu'on appelle les jeunes. Saint Benoît dira au Chapitre 30 de sa Règle qu'il arrive parfois qu'un tout jeune soit habité par l'Esprit Saint tandis que des vieillards sont toujours des gosses impénitents pour ce qui regarde des choses de Dieu.
Dieu, qui nous aime, va donc nous traiter en conséquence. Et heureux sommes-nous si nous l'acceptons. A cette condition, il nous sera possible de grandir et de devenir des adultes spirituels. Et quand j'use du mot spirituel, c'est toujours dans son sens vrai, c'est à dire des hommes habités par l'Esprit, des adultes qui sont devenus des temples de l'Esprit de Dieu, qui sont mus, guidés, inspirés par Dieu lui-même.
Et ce Dieu va donc nous corriger par toutes sortes d'épreuves qui contrarient nos besoins instinctifs, nos ambitions humaines et surtout qui brouillent l'image idéalisante que nous avons de notre personne. Nous sommes tous des idolâtres. Et la première et la plus chère de nos idoles, c'est l'image que nous avons de nous. Et ce n'est pas seulement nous-mêmes qui devons rendre un culte à notre image, mais c'est aussi les autres.
Dieu va donc bouleverser cette approche fausse que nous avons de nous. Il va nous humilier à nos propres yeux et aux yeux des autres aussi. En un mot, il va nous mettre à notre place, ce qui est une très grande grâce. Et encore une fois, heureux si nous l'acceptons.
S'il y a des frères qui ne se sentent pas bien dans le monastère et qui le quittent, en grande partie c'est parce que les autres ne leur rendent pas le culte qu'ils estiment qui leur est dû. Ce n'est pas parce qu'ils ne s'adaptent pas, non, c'est parce que, voilà, tout au fond d'eux-mêmes, presque dans leur subconscient, ils sont humiliés.
Ils n'acceptent pas, ils ne peuvent pas accepter d'entrer dans la vérité. C'est trop dur, c'est trop fort pour eux. Ils préfèrent subsister, survivre dans l'illusion, que de mourir à cette image idéalisante pour entrer dans la vérité et dans la vie.
Alors, Dieu s'efforce de faire notre éducation. Il nous apprend à ne plus vivre selon les catégories de la raison humaines qui sont très faciles et qui, reconnaissons-le, dans le monde sont garantie de succès. Mais pas chez Dieu !
Dieu va donc nous apprendre à nous laisser guider par des vues de foi, à voir les choses et les gens comme lui les voit. Il nous donne aussi des yeux nouveaux. Mais pour ça, il va d'abord arracher les anciens. Et ça, c'est une opération qui ne se pratique pas sous anesthésie. Il nous les enlève pour nous donner les siens. Mais ça nous fait mal parce que nous sommes déroutés, nous sommes perdus.
La Foi, cette façon de connaître Dieu, et à travers Dieu de connaître le monde, et les autres, et les frères, c'est un cadeau empoisonné dans un premier temps parce que nous ne savons pas nous en servir. Cela bouleverse tellement nos habitudes que nous préférons presque revenir en arrière. C'est trop dur et c'est trop difficile ! Et c'est vrai ! Pour le vieil homme, oui, mais avec l'exercice, l'enfant que nous sommes et qui a peur, cet enfant devient adolescent, puis finalement il sera un adulte en Dieu.
Il nous apprend aussi à aimer autrement, à sa façon à lui. Sa façon à lui, c'est toujours douceur, humilité, charité. Il est beaucoup plus facile, encore une fois, d'être violent, d'être dur, d'être un fonceur comme on dit. Ce n'est pas ainsi qu'on aime.
On aime, en cédant la place aux autres, en s'oubliant, en leur donnant la priorité, en se mettant sous leurs pieds. Mais voilà, nous sommes des gosses impossibles et Dieu va nous apprendre cette science merveilleuse de la charité. Et voilà, si nous nous laissons faire, il nous permet de grandir à l'intérieur de sa vie vers notre pleine stature d'adulte en Christ, comme le dit l'Apôtre Paul.
Mes frères, sachons donc que nous sommes des petits enfants. N'ayons pas peur de le reconnaître, de nous l'avouer, et d'accepter aussi que les autres le pensent et le disent. De toute façon, c'est la vérité.
ET si nous acceptons cela, laissons-nous corriger par Dieu, laissons- nous éduquer aux mœurs de son univers et, à ce moment-là, le Royaume de Dieu sera pour nous.
Lorsque le Christ dit : Si vous ne devenez pas comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume, il veut simplement dire : Si vous n'acceptez pas d'être ce que vous êtes maintenant, de petits gosses au regard de mon Royaume, vous n'y entrerez pas.
Parce que l'enfant de Dieu que nous sommes doit grandir sous la direction de Dieu. Et à ce moment-là, il devient un partenaire de Dieu et il est entré dans le Royaume.
Voyez tout ce que nous pouvons extraire de ce beau petit chapitre qui, à première vue, parait assez déroutant. Mais voyons tout ce qu'il y a en dessous et faisons-en notre profit avec reconnaissance.
Mes frères,
Ce chapitre de Saint Benoît ne s'adresse-t-il pas à chacun d'entre nous ? Ne sommes-nous pas aux regards de Dieu d'éternels enfants qui dévient sans cesse du droit chemin et qu'il faut toujours ramener sur la bonne route ?
Mais Dieu est infiniment patient et reconnaissons qu'il ne nous applique pas les rudes flagellations dont nous parle Saint Benoît. Il est infiniment doux, compatissant, miséricordieux, aimant. Et c'est plutôt par des peines intérieures, par toutes sortes de petites ou grandes épreuves, qu'il permet, qu'il nous corrige et finalement réussit à nous faire passer à notre taille adulte.
Pourtant, il a bien dit que si on n'est pas semblable à de petits enfants, on n'entrera jamais dans le Royaume de Dieu. Il y a donc une enfance qui est sans malice, une enfance qui est pure simplicité et candeur. Celle-là, elle est vraiment la porte de la sainteté.
Mais il y a aussi une enfance qui est inconsciente du mal qu'elle fait. Il y en a une autre qu'on pourrait dire qui est malicieuse et même vicieuse dans la mesure où un enfant peut être vicieux.
Mais voilà, n'oublions pas que si Dieu nous traite comme des enfants, en fait nous sommes des adultes et bien souvent nous savons bien ce que nous faisons.
Table des matières
Chapitre 30 : Des enfants en bas age. 07.07.88
Chapitre 30 : Des enfants en bas age. 06.11.90