Chapitre 10 : De l’office de nuit en été.        13.06.85

      Sagesse et prudence !

 

Mes frères,

 

             Il y aurait de très belles choses à dire à propos de ce petit chapitre. Mais comme nous devons chanter ce soir, je vais m'efforcer d'être bref.

            Lorsque nous sommes réunis pour entendre la lecture de notre Règle et pour réfléchir ensemble sur les paroles de Saint Benoît, ce n'est pas pour nous lancer dans de savantes élucubrations intellectuelles, mais c'est pour mieux connaître, et notre législateur, et ce qu'il nous propose. Mieux connaître pour mieux aimer et pour mieux vivre.

 

            La vie monastique, comme je le rappelais dernièrement encore, est un art spirituel tout en nuances. Nous devons sans cesse nous y exercer. Et le plus sage, c'est de toujours nous considérer comme des débutants. Ainsi, nous ne risquons pas de nous tromper.

            Nous avons toujours à apprendre de nos frères. Le grand instructeur certes, c'est l'Esprit Saint, mais il s'adresse aussi pour nous à travers ce que nous pouvons admirer chez les autres, à travers aussi ce que nous pouvons réprouver chez les autres.

 

            Eh bien pour aujourd'hui, admirons la prudence et la discrétion de notre Père Saint Benoît. Il n'impose jamais de fardeaux au-dessus de nos forces. Il est un vrai disciple du Christ, la Christ qui est très exigeant puisqu'il s’agit d'entrer dans son Royaume ; mais aussi le Christ qui nous dit pour nous encourager que son joug est doux et que son fardeau est léger. Ainsi fait notre Père Saint Benoît.

 

            Au cours de l'été, les nuits sont très courtes surtout dans ces régions plus méridionales. Que faire alors ? On a une certaine quantitas, comme dit Saint Benoît, 10,11, une certaine quantité. Va-t-on accélérer pour tout faire ? Va-t-on entasser les choses les unes sur les autres pour tout de même épuiser tout le programme ?

            Eh bien, Saint Benoît n'est pas d'accord. Il faut certes toujours conserver aux Vigiles leur caractère d'office nocturne. Eh bien Saint Benoît tout simplement nous dit : On supprime les lectures. Il suffisait d'y penser, ça raccourcit l'office.

            Il dit : minime legantur, 10,7. Il en dit de trop, ici. Il aurait pu dire non legantur, on ne les lit pas. Mais il dit minime legantur. Et ce n'est pas facile à traduire. Ils l'ont traduit : on ne lira pas de leçons. Mais quand Saint Benoît dit minime, il exagère: mais on n'en lira aucune, rien, rien des leçons. On va simplement réciter un petit quelque chose par cœur, qu'on connaît par cœur, et puis un petit répons bref. Puis on passe et on continue la psalmodie.

 

            Mes frères, nous pouvons retenir de ce petit détail une règle, un principe en or qui vaut dans tous les domaines de la vie monastique. C'est que la vie monastique, elle est austère certes, elle demande un effort courageux, mais jamais elle ne doit nous écraser, nous essouffler, nous déprimer.

            Il faut donc que la vie monastique soit adaptée aux circonstances, qu'elle soit adaptée aux lieux, qu'elle soit même adaptée aux personnes. Il faut que dans le monastère chacun ait l'occasion se dilater et de s'épanouir. Cela ne veut pas dire qu'il faut vivre en idiorythmie, c'est à dire que chacun fait un peu ce qu'il lui plaît. Ah non. Mais il faut à l'intérieur de la Règle, même pour les personnes, se montrer suffisamment souple pour que tout le monde dans le monastère soit heureux.

 

            Ce principe qui vaut son pesant d'or, trouve plus facilement son application, me semble-t-il. dans les monastères de femmes, chez les moniales parce que elles sont de nature plus fragiles, moins résistantes, question de sommeil par exemple, question de travail.

            Je vois cela aussi à Clairefontaine. C'est là que je l'ai appris en premier lieu. Et voilà, l'Abbesse prend des dispositions pour chacune, question de nourriture aussi. Et aucune dans le monastère ne trouve cela étrange parce que chacune a besoin d'un petit quelque chose, d'une petite douceur dans la rigueur du régime commun.

 

            Eh bien voilà, mes frères, retenons cette règle qui peut se résumer dans ce petit adage de Saint Benoît : Toujours placer la miséricorde au dessus du jugement. Et, que personne ne soit contristé dans la maison de Dieu.

 

 

Chapitre 10 : De l’office de nuit en été.        13.06.87

      Pédagogie de Saint Benoît.

 

Mes frères,

 

            Il serait passionnant de répertorier et d'analyser les procédés pédagogiques dont use notre Père Saint Benoît. Je suis émerveillé chaque fois que j'en découvre un nouveau. Je vais vous faire part ce soir de ma dernière découverte.

 

            Saint Benoît nous a conduits au sommet d'une mystérieuse échelle qui compte douze échelons. Douze, vous le savez, est le nombre sacré qui englobe la totalité du réel existant. Le ciel et la terre sont fondus en un.

            Parvenus au sommet de cette échelle, nous entrons dans l'univers de Dieu, univers de pure lumière. Mais en même temps nous descendons dans les cavernes les plus sombres de notre cœur. Nous sommes vraiment au plus haut chez Dieu et au plus bas chez nous, et nous sommes mis en présence d'une double vérité : Dieu est amour et nous sommes refus et péché.

            Mais Dieu qui est amour, justement parce qu'il est amour, est plus puissant que tous nos refus. Notre refus, il le prend, il le prend sur lui. Il le saisit par l'intérieur, il le retourne, il le convertit. Il le transforme en consentement, en obéissance et en accord parfait.

 

            Voilà donc ce que l'Esprit de Dieu opère dans le moine qui gravit l'échelle de l'humilité. Mais ne l'oublions pas, cette échelle de douze degrés fond en un l'univers de Dieu et notre univers à nous. Si bien que lorsque nous admirons la beauté de notre Dieu, lorsque nous louons son amour, en même temps nous prenons une conscience suraiguë des ténèbres qui nous habitent.

             Donc au plus haut, ou si vous préférez au plus bas de l'humilité, nous savons qui nous sommes. Par nature, nous sommes des enfants destinés à la colère ; par grâce, nous sommes des fils destinés à la gloire.

 

            Maintenant, voyons la façon de procéder de Saint Benoît. Au chapitre 7°, il nous a donc présenté l'échelle de l'humilité. Puis, sans transition aucune, au chapitre suivant, le 8°, il commence à nous parler de l'office de nuit, de l'office vraiment que nous célébrons pendant la nuit, sans transition aucune.

            Eh bien, s'il n'y a pas de transition, c'est parce que cette transition n'est pas nécessaire. Saint Benoît en effet ne change pas réellement de sujet. Il nous a laissés dans nos ténèbres et il nous prend là où nous sommes dans nos ténèbres et il nous apprend à prier. Car c'est à partir de notre obscurité, de notre nuit que nous appelons, que nous crions et que nous prions. A ce moment-là, nous sommes dans notre vérité.

            Saint Benoît en parlant immédiatement de l'office divin pendant la nuit, immédiatement donc après son chapitre de l'humilité, il entend nous maintenir fermement dans notre vérité. Et justement il veut nous apprendre une humilité pratique, et c'est l'humilité de la prière.

 

            Au plus haut degré de l'humilité, le moine se tient sans arrêt devant le tribunal de Dieu. Et c'est à ce moment-là que vraiment, mais vraiment, il crie du fond du cœur, car c'est quitte ou double pour lui. Il est donc là dans sa nuit, il est dans son état réel. Et alors sa prière est vraie. Il est donc nécessaire, en bonne pédagogie, que Saint Benoît enclenche immédiatement sur une prière pendant la nuit.

            Il parle d'abord des offices d'hiver durant lesquels l'obscurité est la plus dense. Puis il nous parle des nuits de l'été où l'obscurité devient plus claire. Demain, il va nous parler des nuits du dimanche où se lève la lueur de l'espérance. Et après-demain, il va nous parler de la prière du matin au moment où la lumière jaillit. Voyez la ligne qu'il suit. C'est vraiment l'ascension de l'humilité.

            Mes frères, je vous le dis, ce serait passionnant, je le répète, d'analyser ainsi toutes les méthodes pédagogiques de Saint Benoît. Mais il ne faut pas que ce soit une analyse cérébrale, cela ne peut jamais être qu'une analyse à partir d'une expérience de vie, sinon on peut trouver n'importe quoi.

 

            Eh bien, maintenant nous nous rendrons à l'église et nous entrerons dans notre nuit. Et demain lorsque nous nous lèverons, lorsque nous irons à l'office, nous commencerons par crier trois fois : Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange.

            Rappelez-vous ce que je vous ai dit et rapprochez-le de ceci : notre premier cri au matin, c'est de demander à Dieu de nous ouvrir les lèvres pour que notre voix, pour que les profondeurs de notre coeur, et pour que tout notre être soient pour sa louange à lui et non pas pour notre profit à nous ; pour que notre nourriture pendant la journée soit le silence, soit la prière, et que nous n'ouvrions la bouche jamais que pour le louer, lui, ou bien lorsqu'il nous demande de parler. Nous ne pouvons jamais adresser la parole soit à Dieu, soit à nos frères que si Lui-même Dieu nous le demande et nous le permet.

 

            C'est la raison pour laquelle, mes frères, que autrefois avant de parler, il fallait toujours dire : Benedicite. Et on répondait : Dominus. Donc, c'était une formule abrégée. Benedicite : Bénissez-moi mon père. Et alors la réponse: Que Dieu nous bénisse. Donc, Dieu nous accorde à ce moment-là le droit de parler. Nous allons prononcer des paroles qui sont dans la ligne de sa volonté, de sa pureté, et il est en tiers dans notre conversation. Il est là, présent.

            Voilà, mes frères, un usage qui était extraordinairement beau et, on l'a laissé tomber partout dans l'Ordre. On a trouvé que c'était désuet. Et regardez les trésors et les richesses qu'on perd. C'est un peu de l'esprit de foi qui s'en va.

            Cela ne veut pas dire que nous allons recommencer demain. Ce n'est pas ça que je veux dire. Mais au moins, si nous ne prononçons plus la formule, qu'elle soit toujours dans notre cœur.

 

 

Chapitre 10 : La Trinité.                          13.06.92

      1. Révérence envers elle.

 

Mes frères,

 

            Demain, nous entendrons Saint Benoît nous dire : mox omnes cum reverentia surgant, 11,10, et cela dit, tous se lèveront avec révérence. Et pourquoi ?

            Il nous dit un peu plus haut que : au moment où le chantre commence le gloria, tous se lèveront de leur siège par honneur et révérence envers la Sainte Trinité. 9,17. C'est le seul endroit où Saint Benoît fait allusion explicitement à la Sainte Trinité.

            Nous pouvons en déduire deux choses importantes. D'abord, nous devons avoir conscience de ce que nous entendons. Il ne s'agit pas de se lever comme un automate, de répondre à une sorte de commandement comme un moteur ou comme un animal qui réagit à une impulsion. Non, nous devons savoir pourquoi nous nous levons.

 

            Donc, nous entendons le chantre ou bien nous-mêmes à la fin de chaque psaume. Nous entendons un cri, un chant, un cantique lancé en l'honneur de la Sainte Trinité et, à ce moment-là, nous nous levons.

            Et ensuite, nous devons bien savoir que Dieu dans la Trinité de ses personnes a droit à un respect inconditionnel. Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans une familiarité déplacée à l'endroit de Dieu.

            Dieu n'est pas une entité abstraite, il n'est pas un principe notionnel. Dieu, c'est trois personnes dans l'intimité desquelles nous sommes invités à entrer. Et ces trois personnes, elles ont droit au respect à cause de l'honneur et de la révérence qui leur sont dues.

 

            Mes frères, il me semble que si nous vivons toujours, dans la mesure de nos capacités, en présence de ces trois personnes en leur rendant l'honneur et la révérence qui leur sont dues, il me semble qu'alors nous aurions un immense respect aussi pour chacun de nos frères. Les deux vont de pair.

            Lorsque on honore Dieu, mais vraiment alors, et pas seulement au moment du gloria mais toujours, à ce moment on rendra de soi le même respect à chaque homme qui se présentera, à chaque frère. Rappelez-vous ce que Saint Benoît nous dit : lorsqu'un homme se présente au monastère, on doit accourir, on doit se prosterner devant lui car c'est le Christ qu'on adore en lui. 53, 1-15.

 

            Nous devons nous mettre en garde contre la routine. Il y a des choses que nous faisons et dont nous perdons la signification. Et c'est pourquoi il importe de nous exercer toujours dans l'art de l'écoute. J'ai expliqué un jour que la psalmodie est essentiellement, fondamentalement, radicalement une écoute. Nous devons nous exercer à écouter, c'est tout un art. Et c'est un art spirituel très élevé et très beau.

            A l'intérieur de la Trinité, les trois personnes s'écoutent mutuellement. Et c'est parce qu'elles s'écoutent qu’elles se reçoivent les unes des autres et qu'elles se donnent les unes aux autres. La Trinité est un chant à trois voix et chacune écoute les deux autres.

            Et nous devons, nous, entrer dans cette écoute. Nous sommes des enfants de Dieu. Notre écoute sera donc toujours de nature spirituelle, physique aussi car nous devons écouter, mais le spirituel englobe, disons, le corporel et le divinise. Notre écoute doit à la limite devenir une écoute divine.

 

            Donc, nous devons toujours être à tout moment vigilants et attentifs et cela sans tension nerveuse. Il est fatal que nous ayons des moments de fatigue, des moments disons, appelons cela de dépressions, ou d'un défaut de pression. Mais à ce moment-là, il y aura un relâchement d'ordre physique qui sera en nous et le spirituel y sera entraîné.

            Donc, nous pouvons très bien - ça arrivera - réciter tout un office sans même savoir ce que nous avons dit, ce que nous avons fait. Mais ça, ce sont des cas exceptionnels, ça ne doit pas devenir une habitude. Non, nous devons être vigilants et attentifs.

 

            Et alors, remarquez ici le tout petit mot qu'affectionne Saint Benoît, ce mox, 11,10. Il n'est pas traduit ici dans le français parce que voilà, ce ne serait peut-être pas tout à fait correct. On devrait traduire : dès le début du gloria, tous immédiatement aussitôt se lèveront avec révérence.

            Moi, je pense que le mox de Saint Benoît est capital. Nous ne devons donc pas nous lever avec nonchalance, avec langueur, parce qu'il faut bien. On est beaucoup mieux assis que debout à certains moments surtout.

            Mais non, il faut se lever avec ferveur et empressement parce que voilà, à ce moment-là, plus que jamais on a conscience de se tenir devant cette Trinité qui nous investit; et puis voilà, on se dresse avec empressement, on va à la rencontre du Christ.

 

            Est-ce que nous aurions peur de mourir ? C'est une drôle de question, mais nous ne devons pas avoir peur parce que la mort, eh bien, c'est pour la dernière fois qu'on se lève ainsi avec empressement, avec ardeur parce que le moment est arrivé. Pour la dernière fois on se lève, et puis voilà, on court, on se précipite et on est dans la Trinité.

            C'est çà, mes frères, la mort du moine. Et nous devons nous y exercer comme ça chaque fois que nous entendons le gloria. Mais nous en resterons là pour ce soir.

 

 

Chapitre 10 : La Trinité.                          15.06.92

      2. Une relation sponsale.

 

Mes frères,

 

            Nous avons vu que Saint Benoît nous prescrit de nous lever avec révérence dès que nous entendons le gloria. Il est normal que cet honneur soit rendu à Dieu.

            Mais attention ! Nous ne lui rendons pas cet honneur parce que Dieu serait un être tyrannique, despotique qui exercerait sur nous un pouvoir absolu et devant lequel nous devrions nous aplatir, même en nous levant, pour nous le concilier, pour ne pas nous faire châtier.

            Non, nous nous levons lorsque nous rendons gloire aux trois personnes de la Sainte Trinité parce que tout simplement Dieu est amour. Et s'il est amour, il se place - mais vraiment - en dessous de nous. Et c'est ça qui force notre respect.

 

            Nous respectons une personne qui nous est supérieure par le rang, par l'âge, par la science, par la vertu. Nous la respectons si elle ne nous écrase pas. Si au contraire nous sentons qu'elle se met à notre service et que, à la limite, nous pouvons » l'exploiter «  je dis ça entre guillemets, c'est à dire que nous pouvons tout lui demander, alors une telle personne, on la respecte. Et tel est notre Dieu.

 

            La vie monastique, Saint Benoît le dit, est une scola dominici servitii, Pr.106, une école où on apprend à servir le Seigneur. Saint Bernard dit que le monastère est une scola caritatis, une école où on apprend à aimer.

            Je pense, pour ma part, qu'on peut dire aussi que le monastère est une école où on apprend à vivre avec les trois personnes de la Trinité. Je dis bien vivre avec, entrer en communion avec chacune d'elles de façon consciente, de manière confiante et aimante.

 

            Attention maintenant ! Il ne s'agit donc pas de se servir de Dieu comme d'un talisman pour réussir dans la vie. Il y a une approche magique de Dieu. Je sers Dieu, je m'acquitte de tous mes devoirs pour me le concilier, pour l'avoir de mon côté et ainsi pour être certain d'arriver à mes fins qui peuvent être très nobles.

            Ce sont là, mes frères, des pratiques magiques. Je traite Dieu, les trois personnes de la Trinité, je les traite comme une idole que je puis mettre à mon service. A 1'époque de l'ITIM, le frère Pierre a reçu tout un cours sur ce sujet, sur la démystification de Dieu. Donc démystifier toute approche magique de Dieu.

 

            Et attention, c'est inviscéré en nous, inviscéré en nous ! La purification du cœur passe par cette élimination de toute image idolâtrique de Dieu. Si nous devons passer par une très pénible nuit de la foi par exemple, c'est justement pour anéantir en nous jusqu'aux germes de la magie, jusqu'aux germes de l'idolâtrie.

            Prenons bien garde à l'animal religieux en nous; cet animal doit mourir avec le reste. Ce qui doit rester, ce qui doit naître, ce qui doit se fortifier, c'est le fils de Dieu en nous. Nous sommes de la race de Dieu, nous sommes de sa famille. Et c'est la raison pour laquelle nous avons un droit de cité à l'intérieur de la création nouvelle.

 

            Mes frères, si nous n'avons pas le droit d'utiliser Dieu comme un talisman, nous avons le  devoir en tant que chrétien, en tant qu’homme et surtout en tant que moine d'entrer amoureusement dans son intimité. Car ce que Dieu veut établir avec nous, c'est une relation de nature sponsale. Voilà quelque chose qui est étrangement lointain de la mentalité contemporaine.

            Mais remarquons que dès le début de la réflexion chrétienne, les pères de l'Eglise ont commenté avec passion le Cantique des cantiques. Cela commençait avec Origène et puis ça a duré jusqu’encore plus près de nous Saint François de Sales.

            Mais on ne s'imagine pas aujourd'hui un théologien qui spontanément, spontanément tirant de son cœur, du plus profond de son cœur, de sa propre relation sponsale avec Dieu dans la personne du Christ d'abord, se lancerait dans un commentaire du Cantique des cantiques. C'est en dehors de notre mentalité d'aujourd'hui.

 

            Et pourtant, c'est là que nous devons arriver : non pas à commenter le Cantique des cantiques, mais à établir avec la Sainte Trinité, avec les trois personnes de la Sainte Trinité, en passant par la personne du Christ, une relation d'ordre sponsale ; c'est à dire, comme le disait Saint Bernard, l'anima devient sponsa Verbi.

            Et, étant devenue l'épouse du Verbe, Verbe incarné en la personne du Christ, à ce moment-là elle est capable de s'acquitter de la mission qui lui est confiée, c'est à dire d'engendrer pour le Verbe ce qu'elle conçoit du Verbe, c'est à dire devenir féconde non pas en production littéraire mais en personnes qu'elle engendre à Dieu dans l'invisible de la création nouvelle.

 

            C'est ainsi que un homme, une femme toute ordinaire, un moine ou une moniale dans un monastère, le plus méconnu, mais qui a établi cette relation de sponsaléité avec Dieu, est capable alors d'avoir une descendance spirituelle dans l'invisible; descendance qui fera notre surprise, et notre étonnement, et notre stupéfaction quand nous arriverons nous-mêmes dans cette création nouvelle.

            Car si nous sommes dans un monastère, ce n'est pas seulement pour nous personnellement, pour sauver notre âme. Non, nous sommes venus dans le monastère, nous avons été appelés dans le monastère afin d'engendrer.

 

            Eh bien, mes frères, voilà ce que je voulais vous dire ce soir. Et j'ai dit beaucoup de choses auxquelles je ne pensais pas en entrant. Mais ça ne fait rien, je pense qu'elles sont justes, et qu'elles sont belles, et qu'elles peuvent nous encourager. Parce que il y a dans l'homme, dans son cœur, dans sa chair un besoin absolu, violent, élémentaire d'aimer.

            Et nous devons aimer Dieu de cette façon-là, c’est à dire comme un homme dans le monde aimerait une femme. C'est cela la relation sponsale et c'est ainsi que nous devons aimer Dieu, que tout notre être soit pris par lui et que le tout de lui soit pris par nous ; et que, à l’intérieur de cette relation, nous puissions dans sa vigueur à lui engendrer d'autres personnes.    Puisse-t-il nous accorder cette grâce à chacun d'entre nous !

 

 

Chapitre 10 : La Trinité.                          16.06.92

      3. Demeurer chez Dieu en lui !

 

Mes frères,

 

            Nous habitons la maison de Dieu, nous sommes les hôtes de son palais. Nous faisons notre possible pour que cette habitation qui ne nous appartient pas soit propre, avenante, qu'elle soit belle.

            Et nous devons toujours garder au cœur cette certitude : la maison que nous habitons est le symbole éloquent d'une autre demeure, d'un autre habitat dans lequel nous sommes invités à entrer et qui est la Trinité elle-même. Car là se trouve notre demeure d'éternité.

 

            Lorsque nous nous levons et que nous nous inclinons pour chanter le gloria, nous devons à ce moment-là remercier Dieu d'être non seulement chez lui ici dans cette demeure de pierres et de bois, mais aussi d'être invités et d'être admis dans sa demeure à lui qui est son être propre. La Trinité, ses trois personnes sont ce qu'on appelle en terme vulgaire le ciel. C'est là que nous pouvons entrer dès maintenant.

            Il nous faut donc opérer un passage ; nous devons nous prêter à une pâque ; nous devons entreprendre un exode. Nous devons renoncer à tout ce qui est charnel, à tout ce qui est terrestre, à tout ce qui est matériel. Nous devons nous en détacher afin que notre cœur puisse pénétrer là où nous sommes invités à nous rendre.

 

            Nous ne devons pas rester frileusement accrochés à tout ce qui nous entoure ici. C'est pourquoi quand Saint Benoît nous dit que nous devons chaque jour avoir la mort suspendue devant les yeux, 4,55, c'est uniquement pour ça. C'est pour nous dire que nous ne devons pas nous accrocher à ce que nous voyons, à ce que nous sentons. Non, il faut nous en séparer maintenant.

            Mais comment faire ? Eh bien, dans 1a pratique, si j'entretiens correctement tout le matériel qui m'est remis, si comme le recommande Saint Benoît, 31,21, je traite tous les objets du monastère comme les vases sacrés de l'autel, à ce moment-là, je sacralise absolument tout. Et le sacralisant dans un esprit de foi, j'opère le passage et j'entre jusqu'au cœur de la Trinité. Je me laisse comme saisir et emporter là-bas.

 

            Il s'agit donc de bien autre chose que de gérer un domaine pour le faire rapporter. Si nous entretenons 1a maison, ce n'est pas pour nous, ce n’est même pas pour nos successeurs,  c’est pour la gloire de Dieu. Saint Benoît nous dit aussi qu’il faut que en toute chose Dieu soit glorifié, 57,18, c'est dire que la Sainte  Trinité soit honorée, respectée, révérée.

            Mais si tout mon agir dans le monastère est inspiré par cette vision de foi, c'est la preuve que je suis déjà passé ailleurs, que je ne suis déjà plus ici tout en étant toujours dans mon corps de chair et dans cet environnement matériel.

 

            Pour maintenant avoir plus facile, i1 y a un chemin, il y a une porte d'entrée. Et ce chemin, et cette porte, c'est la personne du Verbe de Dieu devenu chair. Donc, c'est le Christ Jésus qui est un homme comme nous. Il a dit : « Je suis je chemin, donc, je suis la porte. » Il n'est pas possible d'entrer dans la Trinité par ailleurs, il faut passer par cette porte qui est Lui.

            Maintenant, si - encore une fois - mon esprit de foi est éveillé,  si dans l'Abbé je vois le Christ, si dans le frère je vois le Christ, si dans l'hôte qui se présente je vois le Christ, à ce moment-là mon comportement pratique reçoit une teinte toute autre. Je n'agis plus selon des réflexes humains, selon des instincts ni des pulsions charnelles. Non, j'agis vraiment comme l'Esprit Saint me pousse à le faire en présence de Dieu qui m’apparaît dans le frère, qui m'apparaît dans le Christ que je reconnais.

 

            Mes frères, en nous attachant ainsi à la personne du Christ par la foi, nous opérons réellement ce passage, cette Pâque, ce transfert dans l’univers de Dieu. Nous pénétrons avec lui au cœur de la Trinité. C’est ça la vie contemplative, ce n’est rien d’autre que ça ! Un contemplatif est un homme qui vit de façon consciente au cœur de la Trinité. Il faudra peut-être que j’explique un peu ça de façon plus précise.

            Et l’obéissance, cette fameuse obéissance qui est parfois pénible à notre nature égoïste, cette obéissance, c’est l’acte pratique par lequel je me fixe à la personne du Christ. Et ainsi par elle, je me trouve dans la Trinité.

            Car, ne l’oublions pas, le Christ ressuscité est toujours resté l’homme qu’il était. Il est un homme. C’est notre chair à nous qui est dans la Trinité. Même si nous ne sommes pas encore ressuscités comme lui, nous pouvons déjà ressusciter par la foi, nous pouvons ressusciter par l’amour. A ce moment-là, notre chair actuelle, elle est dans la Trinité. Notre chair se purifie.

 

            Mais voilà, mes frères, lorsque nous chantons cette doxologie, essayons d’avoir ces merveilles sous les yeux de notre cœur. Ne récitons pas cela de façon machinale. Non, essayons d’être éveillés, d’être attentifs. Et ainsi, nous comprendrons mieux la valeur et la beauté de notre vie.

 

 

Chapitre 10 : La Trinité. [1]                        20.06.92

      4. Devenir nous-mêmes Trinité !

 

Mes frères,

 

            Nous avons vu, nous avons compris que la vie monastique contemplative était une école où on apprenait à vivre de façon de plus en plus consciente dans l'intimité des trois personnes divines. Ces personnes divines prennent possession de notre être, de notre chair, de notre intellect, de notre volonté. Elles en prennent possession par le canal de l'obéissance, donc dans la mesure où nous nous abandonnons à elles.

 

            Mais ce serait encore trop peu qu'elles prennent possession de nous car nous pourrions toujours rester malgré tout étrangers à elles. Je veux dire que ce qu'elles nous promettent, ce qu'elles nous proposent, c'est que nous soyons absorbés en elles, que nous devenions, que nous devenions par grâce, par cadeau, par participation, que nous devenions nous-mêmes Trinité, que nous devenions et le Père, et le Fils, et l'Esprit Saint, mais cela par pur cadeau et en restant toujours â notre place.

            Lorsque l'Apôtre nous dit que nous devenons participants de la nature divine, c'est cela qu'il veut dire. La nature divine n'est pas distincte des personnes. Et lorsque ce n'est plus moi qui vit, que c'est le Christ qui vit en moi, à ce moment-là comme la personne du Christ, je me reçois totalement du Père et, avec Lui je respire l'amour, je respire l'Esprit Saint. Je deviens tout cela tout en restant à ma place de créature. C'est cela la béatitude !

            Naturellement, dans la Trinité, le Christ n'est pas le Père et le Père n'est pas l'Esprit. Ils sont toujours bien formellement distincts et moi, je serai toujours bien distinct des personnes divines.

 

            Auparavant le dimanche, on chantait le Symbole très élaboré de la foi : le Verbe est tout entier dans le Père ; le Père est tout entier dans le Verbe ; et l'Esprit tout entier - voyez - dans l'un et dans l'autre. Il y a là une interpénétration qui est vraiment le mystère de l'unité à l'intérieur de cette prière. Eh bien, c’est ce qui nous est proposé.

            O, tout ce que je dis ici, ça peut paraître de la théorie. Mais c'est un mystère qui est quasiment inexprimable correctement au niveau conceptuel. Et on comprend que les tout premiers théologiens de l'Eglise ont été comme ça vraiment sur des lignes de crête et, il n'était pas extraordinaire que l'un ou l'autre ait un peu glissé du côté de l'erreur ou de l'hérésie.

            Mais pour en revenir à des choses un peu plus à notre niveau, n'oublions pas que la Trinité, elle est le substrat du monde. Elle est le substrat du monde matériel parce que c'est la Trinité qui le porte. C'est sans arrêt, sans arrêt, à chaque seconde, à chaque instant que le cosmos est créé par cette Trinité qui le veut, qui le désire, qui l'aime, qui veut le transfigurer, qui veut le transformer. Et la clef de notre avenir, eh bien, c'est encore une fois cette Trinité, c'est cette société.

 

            Il me semble - naturellement ici c'est toujours une impression très personnelle qui vient quand même un peu de mon expérience - lorsqu'on est pénétré de cette évidence - qui pour moi est une évidence - et lorsque on se laisse porter par elle, on peut passer à travers tout, à travers absolument tout ce qui peut arriver, parce que on est déjà au-delà de toutes les contingences que nous pouvons rencontrer au cours de notre vie. Nous sommes passés au-delà. Donc, ça peut paraître étrange !

            Mais notre vie actuelle, c'est comme si elle appartenait déjà à notre passé. C'est très, très étrange, mais d'un autre côté, c'est très logique. Car si on est entré dans cet univers, dans cet univers de la Trinité, on a déjà comme traversé la mort et, tout ce qui arrive jour après jour, c'est comme si c'était déjà fini depuis longtemps.

            Voilà, c'est peut-être une grâce un peu déjà élevée qu'on peut recevoir mais qui introduit dans un univers de paix dont, voilà, nous ne pouvons même pas soupçonner.

 

            Lorsque le Christ a dit : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix, c'est la mienne que je vous donne, pas celle que le monde donne. » eh bien, il disait cela et quelques instants après, quelques heures après il allait être arrêté, il allait être torturé, il allait être crucifié. Eh bien pour lui, ça appartenait déjà à son passé parce que il était dans la paix. Eh bien nous, nous sommes entraînés dans ce mystère.

            N'oublions pas que l'Esprit Saint, que l'Esprit Saint emplit l'univers. Je ne sais plus quel jour on le dit à l'office de nuit, mais on le dit : l'Esprit Saint emplit l'univers et lui donne son sens et sa beauté. Mais l'Esprit Saint, c'est l'amour.

            Donc l'univers, tel qu'il se présente maintenant avec cet orage, eh bien, il est un rappel, un rappel de cet amour qui nous attend, qui nous porte, qui veut nous transfigurer, qui veut nous faire devenir, nous, tout entier amour et lumière.

 

            Et le Verbe, le Verbe de Dieu, le Créateur qui est devenu chair, mais c'est lui qui confère au cosmos, à l'univers, sa noblesse, sa beauté et qui confère à l’homme sa mission. L’homme doit être le chantre de la beauté. De cet univers qui est beau, il doit en être le chantre. Mais ce Christ, ce Verbe s'exprime à travers des artistes, à travers des poètes, à travers des chorégraphes, à travers tout ce qui est beau, et quelques soit la personne.

            Eh bien, ça arrive et c'est possible parce qu'il y a dans le monde des hommes, des femmes, disons des moines, des moniales qui ne s'appartiennent plus et qui sont, étant devenus un seul esprit avec le Christ, qui deviennent inspirateur des autres. C'est pour dire que s'il n'y avait pas de saints sur la terre, il n'y aurait pas d'artistes. C'est ça que je veux dire.

 

            Voilà, ce Verbe qui est devenu homme nous dit aussi que c'est par le canal de l'homme que tout sera divinisé. Et lorsqu'une œuvre de beauté est produite, eh bien, il y a un degré de divinisation supérieur qui s'est installé dans le monde.

            Il faut donc ici que notre monastère soit quelque chose de beau et, la beauté n'a pas de prix. Cela ne veut pas dire qu'il faut gaspiller l'argent. Ce n'est pas ça que je veux dire. La beauté n'a pas de prix, elle ne s'évalue pas. Il n'est pas possible d'évaluer la beauté parce qu’elle est au-delà de toute valeur. Elle est la valeur suprême.

            Donc, nous devons toujours faire du beau autour de nous et, nous devons faire du beau de notre personne aussi parce que - encore une fois - c'est par l'homme que le monde est divinisé, que le monde sera finalement beauté suprême, celle de la Trinité.

 

            Et alors, la source de ce mouvement général, et bien c'est le Père. Et le Père, nous ne parviendrons jamais à le voir. Nous ne le connaîtrons jamais qu'à travers, disons, ses œuvres. Et la première de toutes ses œuvres, c'est son fils, c'est le Christ, c'est sa Mère et puis tous les saints. Et il resplendira comme ça sur la face de chacun. Et par tous ces canaux multiples, eh bien, nous remonterons à la source mais sans pouvoir jamais l'atteindre.

 

            Eh bien voilà, mes frères, la vie contemplative. Nous pouvons dire qu'elle consiste à se laisser emporter dans cet océan de beauté de manière à ce que la Trinité triomphe en nous. Et je le rappelle encore, chaque fois que nous chantons la doxologie gloire au Père.... eh bien, essayons de nous rappeler ce mystère qui est le nôtre et qui donne un sens à tout ce que nous vivons, à tout ce que nous sommes appelés à vivre.

 

 

Chapitre 10 : De l’office de nuit en été.        13.10.97

      La symbolique des nombres.

 

Mes frères,

 

            Remarquons une fois encore l’insistance de Saint Benoît sur le nombre de douze psaumes qui doivent être dits au cours des Vigiles nocturnes. Pourquoi ce nombre douze ?

 

            Les Anciens avaient beaucoup plus que nous le sens de la symbolique des nombres, les Anciens dans toutes les Cultures. Et ce besoin de vivre dans un univers de symboles était pour le monde Judéo-chrétien basé sur une constatation du Livre de la Sagesse : que Dieu avait tout créé avec mesure et avec nombre.

            Jusqu’au Moyen-Age, on a été très attentif à la richesse du fameux nombre d’or. Et c’est sur lui, d’après les règles de ce nombre, d’après les jeux multiples de ce nombre qu’étaient construits les édifices voués au culte.

            Aujourd’hui, on s’efforce de retrouver cette symbolique, du moins les poètes, les artistes, les vrais artistes. Mais pour Saint Benoît, les choses allaient de soi, pour lui, pour ses disciples et pour toute l’Eglise.

 

            Mais que signifie justement ce nombre 12 ? Eh bien, remarquons, je l’ai déjà expliqué mais il est toujours utile de le rappeler, et puis il y a des nouveaux qui ne sont pas encore initiés. Donc, 3 + 4, une addition, nous donne le chiffre 7 ; et 3 x 4, une multiplication, nous donne le chiffre 12.

            Le chiffre 3 exprime Dieu et son univers. Dans l’Ancien Testament et cela pendant des siècles, Dieu se révélait par sa Parole, par sa Sagesse et par son Esprit. Je ne vais pas reprendre les textes hébreux, ils sont connus pourtant. Ces termes ont été repris, traduits en grec textuellement. Et dans le Nouveau Testament, nous trouvons à nouveau le chiffre 3 qui nous donne la plénitude de la révélation sur Dieu. Dieu est Père, et Fils, et Saint Esprit.

 

            Le chiffre 4, de son côté, représente le monde des hommes. Les quatre éléments primordiaux constituent l’univers : la terre, l’eau, l’air et le feu. Vous allez penser que c’est assez rudimentaire ? Pour nous, les physiciens d’aujourd’hui, c’est infiniment plus complexe. Mais enfin, pour les Ancêtres, c’était ainsi ! Et pour nous, gens très simples, nous adoptons leurs manières de voir et de sentir.

            Il y a aussi les 4 vents, il y a les 4 tonnerres, il y a les 4 fleuves du paradis. Il y a les 4 animaux qui portent le char de Dieu. Ils ont une face d’homme, une face de lion, une face d’aigle et une face de taureau, 4 faces.

 

            Maintenant le chiffre 7, 3+4, signifie l’union des deux univers, de l’univers de Dieu et de l’univers de l’homme. Ils sont dans la continuité. Le monde le l’homme est porté par le monde de Dieu. L’homme vit par Dieu et il vit pour Dieu. C’est tout le mystère de la création, de l’évolution, de la destinée finale de chaque homme et de l’humanité dans son ensemble. Il y a donc une société entre l’homme et Dieu.

            Nous aurons ainsi près de nous les 7 sacrements qui nous permettent de vivre cette alliance avec Dieu. Il y a les 7 Esprits de Dieu ou les 7 dons de l’Esprit Saint répandus sur toute la terre. Et tout ça pour marquer qu’il y a une continuité entre l’univers de Dieu et l’univers des hommes.

 

            Maintenant, si nous pouvons user d’une image, nous pouvons nous représenter l’univers de Dieu comme un trépied – toujours ce chiffre 3 – et ce trépied porte un quadrilatère. C’est ce que nous verrons dans l’Apocalypse où nous voyons Dieu, la Jérusalem Nouvelle qui descend d’auprès de Dieu. Et cette Jérusalem est en forme de cube. C’est extraordinaire ! Vous voyez toute cette symbolique !

            Pour nous, nous nous demandons : mais pourquoi la Jérusalem doit-elle avoir la forme d’un cube ? Mais ça va de soi ! Pour les Anciens, ça allait de soi, elle ne pouvait pas avoir une autre forme que la forme d’un cube. Elle descendait d’auprès de Dieu et elle apparaissait au regard étonné et ébloui du voyant de l’Apocalypse.

 

            Maintenant le nombre 12, c’est 3x4. Ce n’est pas ici une juxtaposition ; c’est une compénétration, une interpénétration qui va jusqu’aux frontières de la fusion. Il n’y a plus d’un côté Dieu et de l’autre côté le monde matériel, mais il y a un dans l’autre. Et tout cela se réalise par l’Incarnation du Verbe de Dieu. Dieu a crée l’univers par sa Parole et il l’anime par son Esprit. Et voilà que la Parole, le logos est entré dans la matière. Il l’a épousé, il est devenu chair, il est devenu homme. Cela ce marque, cela ce signifie par le nombre 12.

            Lorsque le Verbe de Dieu voudra étendre à l’humanité entière le don de sa personne, il enverra 12 apôtres. En souvenir d’une autre alliance, une alliance bien réelle, déjà des épousailles entre Dieu et un Peuple cette fois-ci qui s’étaient concrétisées quelque par dans un désert au Sinaï : Dieu d’un côté et les 12 tribus de l’autre qui maintenant étaient comme mariés et ne pouvaient plus se séparer.

 

            Mais avec l’avènement de Jésus, du Christ, là ça se réalise mais poussé à son extrême limite. Nous avons devant nous un homme qui est Dieu. Les épousailles sont vraiment ici poussées, conduites à leur perfection. Alors, grâce à ça, l’homme participe à la nature de Dieu.

Nous comprenons maintenant que la destinée ultime de l’homme, c’est la divinisation. Dieu connaît l’homme parce que l’homme devient Dieu. Il connaît Dieu par l’intérieur de lui-même. Il n’est pas à distance de Dieu pour le contempler, pour l’adorer, pour l’aimer ? Non, il est devenu avec Dieu un seul esprit. Et finalement au terme de l’Histoire, l’univers entier sera assumé en Dieu. Dieu sera tout en toute chose. Et tout cela est signifié par le nombre 12.

 

            Voilà, mes frères, nous pouvons nous en souvenir ! Dans la tradition chrétienne, judéo-chrétienne et dans la tradition monastique, rien n’est laissé au hasard. Et avant de toucher à un des éléments de cette tradition, nous devons toujours être extrêmement prudents car nous pouvons laisser se perdre des trésors.

            Ici, grâce à Dieu, nous avons conservé ce trésor des 12 psaumes à l’Office de nuit. Cela peut parfois nous paraître un peu lourd, un peu long ? Je ne sais pas ? Mais non pourtant, une heure est tellement vite passée.

            Mais gardons à la mémoire cette beauté du chiffre 7 d’abord où on est avec Dieu. Il est notre compagnon de route, il est celui qui nous appelle, celui qui nous guide. Jésus l’a dit : Je suis la porte, je suis le berger, je suis le Rabbi, je suis le Maître. C’est moi que vous devez écouter, personne d’autre !

 

            Et puis plus loin alors, nous avons le nombre 12 où alors Dieu entre en nous, il prend possession de nous. Il nous transfigure, il nous métamorphose, il fait de chacun de nous des enfants qui partagent sa vie. Le sang même de Dieu circule en nous. Encore une fois, c’est un sang divin, c’est un sang d’une autre nature que le sang matériel, mais c’est tout de même le sang de Dieu qui bat dans notre cœur. Et tout cela, mes frères, nous devons nous le rappeler. Cela ne veut pas dire que cela doit devenir une obsession, mais enfin savoir que tout cela est inclus dans cette symbolique du nombre 12.

 

Table des matières

Chapitre 10 : De l’office de nuit en été.        13.06.85. 1

Sagesse et prudence !. 1

Chapitre 10 : De l’office de nuit en été.        13.06.87. 2

Pédagogie de Saint Benoît. 2

Chapitre 10 : La Trinité.                          13.06.92. 4

1. Révérence envers elle. 4

Chapitre 10 : La Trinité.                          15.06.92. 5

2. Une relation sponsale. 5

Chapitre 10 : La Trinité.                          16.06.92. 7

3. Demeurer chez Dieu en lui !. 7

Chapitre 10 : La Trinité.                         20.06.92. 9

4. Devenir nous-mêmes Trinité !. 9

Chapitre 10 : De l’office de nuit en été.        13.10.97. 11

La symbolique des nombres. 11

 

 

 

 

 

 

 



[1] Voir aussi le Chapitre 11 du 14.06.87