Ma sœur, mes frères,
Ce que nous venons d'entendre nous montre à quel point la vie monastique doit être construite sur la foi. On doit avoir le regard assez éveillé pour reconnaître la Personne du Christ dans tous ceux que l'on rencontre. Certes aujourd'hui il n'est pas possible de pratiquer tout ce que Saint Benoît nous recommande dans ce chapitre.
Ce n'est possible, ce ne serait, ce n'était possible qu'à une époque où la société entière baignait dans une foi vivante. Aujourd'hui ce serait saugrenu, ce ne serait pas compris et au lieu d'édifier, comme le dit Saint Benoît, on s'étonnerait et à la limite on se scandaliserait. Les gens penseraient de suite à une comédie.
Cela nous montre aussi le fossé qu'il y a entre une société vraiment chrétienne et une société désacralisée comme la nôtre aujourd'hui. Et nous devons vivre dans l'aujourd'hui. Mais alors comment faire ? Laissons de côté les hôtes. Recevons-les vraiment comme on reçoit le Christ et honorons-les le mieux que nous le pouvons tout en sachant à l'intérieur de notre cœur que ce ne sont pas seulement des hommes et des femmes que nous accueillons mais que c'est la personne même du Christ.
Mais nous devons encore aller plus loin car ça nous éveille à une autre réalité. Si nous devons adorer - Saint Benoît parle que nous devons adorer le Christ - si nous devons adorer le Christ dans la personne de nos hôtes, nous devons à fortiori l'adorer dans la personne de nos frères. Mais vraiment lorsque nous rencontrons un frère, lorsque nous le croisons dans le cloître ou au travail, n'importe où, nous devons être saisi d'émotion et de respect car en chacun des frères c'est le Christ qui vit, c'est Lui que nous rencontrons.
Si à ce moment-là - montons un petit scénario - si une fois nous avions une apparition dans le cloître, le Christ, ce serait quelque chose ! Quelle serait notre réaction? Eh bien, je n'en sais rien du tout, mais ce ne serait certainement pas l'indifférence. Eh bien, lorsque nous rencontrons un frère, c'est vraiment l'apparition du Christ. Le regard de notre cœur doit être assez éveillé, assez pur, assez chaste, assez aimant que pour reconnaître la Personne du Christ dans le frère.
Vous allez dire : Mais le frère, on sait bien, on en a fait le tour. On vit avec lui depuis si longtemps qu'on le connaît à fond. On connaît tous ses défauts, toutes ses qualités, enfin tout ce qu'il est au plan humain ça ne nous échappe plus. Mais si, il y a encore quelque chose qui nous échappe, c'est les profondeurs de son cœur, là où vraiment il est le Christ en devenir.
C'est pourquoi, à partir de ces quelques lignes que nous rappelle notre Père Saint Benoît ici, je pense que nous pouvons faire un petit examen de conscience et recevoir, disons, comme un petit coup de fouet qui nous éveille et qui va nous faire mieux comprendre la grâce de notre vocation, sa beauté et aussi son exigence.
Car puisqu'on parle de plus en plus de la dimension contemplative de notre Ordre, c'est dans des détails pareils qu'elle se montre, ce n'est pas dans toutes sortes de choses, de beaux thèmes spirituels sur lesquels on peut parler. Non, c'est dans les détails du frère que l'on rencontre et dans lequel on reconnaît le Christ. Cela, c'est la dimension contemplative de notre Ordre dans le réel, dans la pratique.
Eh bien voilà, demandons cette faveur les uns pour les autres et lorsque la communauté, comme ça en tant que Corps, le demande à Dieu, c'est accordé de suite. Rien que le désir de cette grâce de contemplation, c'est déjà accordé, le désir étant déjà cette grâce reçue. N'ayons donc pas peur de la demander les uns pour les autres.
Ma sœur, mes frères,
Saint Benoît dit que la Maison de Dieu doit être administrée sagement par des gens sages, 53,48. C'est logique ! Mais comment est-ce possible ? Eh bien Saint Benoît nous donne lui-même la réponse. C'est possible si les officiers du monastères sont des moines dont l'âme est remplie de la crainte de Dieu, 53,45.
L'Esprit Saint nous a dit que le commencement et le sommet de la Sagesse c'est précisément la crainte de Dieu. Il ne s'agit pas d'une crainte qui engendre la peur mais d'une crainte qui est toute pénétrée de respect, d'affection, de confiance. Or ce n'est possible que si la vie de ces moines est construite toute entière sur le roc solide de la foi. Mais il ne s'agit pas d'une foi quelconque, il ne s'agit pas de la foi qui est une collection de dogmes que l'on possède parfaitement, non, il s'agit de la foi théologale qui est participation à l'être même de Dieu.
Dans la pratique - encore une fois - par un détail comme ceci nous pouvons comprendre que pour Saint Benoît, le moine après une certaine période d'évolution, de croissance, au moment où il peut lui confier des emplois sérieux, des emplois qui sont essentiels dans une communauté, que ce moine doit être un contemplatif parce que seul le contemplatif a une âme possédée par la crainte de Dieu. Les autres ne l'auront pas encore.
Il y a donc une croissance. Et au moment où le cœur, le nus est suffisamment purifié pour regarder, pour contempler, pour voir la lumière de Dieu et pour s'en nourrir, mais à ce moment-là on est véritablement établi dans la foi qui devient le moteur de toute l'existence.
Et étant établi dans la foi, on est aussi installé dans la crainte de Dieu et on est rempli de Sagesse. Il y a donc là une logique que Saint Benoît nous détaille bien ici et à laquelle nous devons être attentifs.
Chapitre 53, 1-31 : La réception des hôtes. 04.12.91
Contempler le Christ dans les autres.
Chapitre 53,32-fin : La réception des hôtes. 05.12.91