Mes frères,
Nous sommes ici en présence du chapitre le plus rude de la Règle de Saint Benoît. Et on découvre ici dans notre législateur, un tout autre homme. Il a oublié son sens de l'équilibre, de la modération, de la discrétion.
Mais pourquoi sent-on flamber soudainement en lui cette poussée de passion ? Car Saint Benoît est vraiment intransigeant. Il a presque perdu la mesure. Il accumule les affirmations. Il les entasse. Et toutes vont dans le même sens.
C'est que Saint Benoît rencontre - il l'a certainement rencontré dans son monastère et il s'y est certainement heurté aussi - ce qu'il appelle le nequissimo vitium, 33,14. Donc un vice qui est, il est traduit ici, je vois, par détestable. Oui, il est détestable. Mais pourquoi est-il détestable? Mais parce qu'il corrompt à la racine et qu’il finit par détruire toute relation vraie du moine avec Dieu et avec les autres. Il est le contraire de l'amour.
Donc, si quelqu'un est possédé par ce vice d'avoir quelque chose, quoi que ce soit, comme sa propriété personnelle, il vaut mieux qu'il quitte le monastère - voilà ce que dit Saint Benoît - parce qu'il a raté sa vie. On va dire: mais c'est exagérer ! Oui, Saint Benoît, ici, il exagère. Il exagère, parce que pour faire entrer cette vérité dans notre tête, notre tête dure, il doit pousser jusqu'à ce que j'appelle maintenant l'exagération. Il faut voir, pour comprendre, quel est l'enjeu de notre vie monastique. C'est que Dieu ne veut pas faire de nous des hommes parfaits. C'est beaucoup trop commun, c'est beaucoup trop vulgaire, pour Dieu, des hommes parfaits.
Hitler voulait faire des hommes parfaits. Il sélectionnait les hommes pour en faire des phénomènes qu'on pouvait montrer partout. Et c'est vrai ! Disons qu’il en a certainement produits. Mais on a vu le résultat ! Il y a des hommes parfaits aussi, même sans aller jusqu' à cette débauche dont rêvaient les nazis. Dans l'Antiquité, le grand idéal, c'était l'homme parfait aussi. On le trouve partout, dans toute civilisation, ce désir.
Hier soir, j'ai reçu la visite d'une jeune Indienne de 28 ans. Elle habite Utrecht avec ses parents. Elle circule un peu partout dans les monastères pour recueillir de l'argent en faveur des pauvres de Calcutta. Elle est Docteur en Droit, Avocat, et elle exerce surtout comme Conseil d'Entreprises. Elle parle très bien l'Anglais, le Français, le Flamand.
En échange d'une aumône, c'est certain, elle m'a donné une sorte de tapisserie bouddhique qui a été peinte par des moines, des Lamas réfugiés du Tibet en Inde. Cela prend de un an à un an et demi pour en tisser une. C'est très, très beau par la minutie du détail, par la patience pour tisser cela sur une toile très fine qui ressemble à de la soie.
Eh bien l'idéal, elle m'expliquait un petit peu l'idéal, c'est justement d'arriver à une perfection, à une perfection humaine cette fois, qu'elle appelle dans son langage le Royaume de Dieu. Elle se met naturellement à notre portée à nous. Elle utilise notre vocabulaire, car elle n'est pas chrétienne.
Eh bien, ce que Dieu veut faire avec nous, eh bien, ce n'est pas cela. Ce n'est pas un sommet de perfection humaine. Pour lui, c'est trop bas. Ce que Dieu veut faire de nous, ce sont des pareils à lui, c'est à dire des Dieux. Il veut nous Christifier jusqu'à dans les cellules les plus intimes de notre chair. Mais alors, pour réaliser cela, il désire occuper en nous toute la place pour que le résultat soit atteint. Mais absolument toute la place, dans notre cœur, dans notre esprit, dans nos sens.
Cela veut dire que nos pensées, nos regards, nos paroles, nos gestes, ne sont plus de nous mais ils sont du Christ. On ne vit plus pour soi, mais on vit pour Dieu et on vit pour les autres. On est totalement dépossédé de soi. On est mis à la porte de soi. C'est à dire que on s'est laissé mettre à la porte pour que lui occupe absolument toute la place. Et on ne se possède plus, on ne possède plus rien. On appartient à Dieu, on appartient aux autres.
Voyez un peu à quel degré de dépossession il faut arriver ! C'est là que Dieu désire nous conduire. On est alors dans le monde exactement comme Dieu est. On est amour, on est lumière, on est vie. Et on communique tout cela sans s'en rendre compte et sans le savoir. Cela se fait tout seul. On n'a plus besoin d'y penser. On n'a plus besoin de le vouloir, cela s'opère de soi. Chez un tel homme, il n'y a plus la moindre trace, la moindre ombre d'un quelconque proprium. C'est fini ! Eh bien, voilà où Dieu veut nous conduire. Nous ne devons pas situer notre idéal en-dessous.
Alors pour Saint Benoît, dès le début de la vie monastique - car sa Règle s'adresse aux débutants - il dit : Lorsque le novice se présente, il faut lui lire et relire la Règle. Donc, c'est dès le début. Donc, ce chapitre 33 également. Il doit donc y avoir chez le moine dès son entrée, une intention de désappropriation totale. L'intention, je dis bien, parce que ce n'est pas réalisable comme ça du jour au lendemain. Pour arriver à cette dépossession, il faut l'ascèse de toute une vie.
Car avec Dieu, ce n'est jamais fini. Quand on a donné quelque chose, il en réclame dix, derrière. Quand on a donné ces dix-là, il en veut encore cent. Et il parvient à toujours trouver en nous des coins où nous nous réfugions. Mais de là aussi il veut nous expulser. Et cela va se traduire dans le concret maintenant, en ce que Saint Benoît nous dit ici. Il le résume bien en trois mots. Il dit : nullam omnino rem, 33,6. C'est absolument rien ! Et il insiste après : nihil omnino, 33,7, mais absolument rien ! Voilà, ça, c'est là qu'il faut arriver !
Et rien, ça veut dire : aucune chose, même les choses les plus ordinaires. On n'a plus en sa possession non plus son corps, pas même son corps ! Et naturellement, on n'a plus en son pouvoir sa volonté. Que reste-t-il alors? Rien, absolument rien !
On va dire : oui, mais tout ça, c'est inhumain ! Oui, à vue de nez, c'est inhumain. Mais nous nous heurtons alors à la logique divine qui est, non pas inhumaine, mais qui est supra humaine, qui est transhumaine, qui est surhumaine ; mais pas surhumain encore dans le sens d'héroïsme, mais parce qu'elle est surnaturelle, parce qu'elle est divine. Dieu est le créateur de la nature humaine. Il sait très bien ce qu'il peut lui demander. Il sait très bien où il veut la conduire. Il ne lui demande rien d'impossible.
Et ici, il lui propose de vraiment se vider d'elle-même. Mais lui, alors, entre dedans. Il entre et il en prend possession. Et il réalise son projet qui est cette christification totale d'un homme. Il fera cela à la fin du monde, comme on dit, pour tout l'univers. Mais il doit essayer, non pas dans une nature matérielle inanimée, mais chez un homme qui est doté de liberté et qui peut lui dire non, qui peut lui résister.
Et c'est cela le jeu sublime de Dieu, de pouvoir convaincre cet homme sans violenter sa liberté. C'est le jeu de l'amour. Et ce jeu, parfois il est très dur. Il est très dur pour Dieu et il est très dur pour l'homme.
Et qu'arrive-t-il maintenant si je garde quelque chose pour moi ? Je ne parle même pas de garder mon corps ou de garder ma volonté. Mais je vais garder une chose que je n'ai pas reçue de l'Abbé, ou que l'Abbé ne m'a pas permis de posséder. Donc, j'ai une chose que je mets de côté. Personne ne le sait. Il n'y a que moi qui le sais. C'est ma propriété.
Et à ce moment, j'ai choisi. Je pose un acte d'idolâtrie. Je place une partie de ma sécurité, je prends une garantie dans ou à travers un objet. Et j'attribue à cet objet un pouvoir qui est en réalité celui de Dieu qui, seul, peut me donner la vraie sécurité et la vraie garantie. Je pose un acte d'idolâtrie.
Et on comprend, alors, la véhémence et l'intransigeance de Saint Benoît. On retrouve chez lui cette, cette violence qu'on avait chez les Prophètes qui, eux, s'attaquaient d'une façon terrible aux idoles. C'étaient des grandes idoles, c'étaient des petites idoles, des idoles domestiques, des idoles publiques.
Non, il fallait détruire toutes les idoles pour laisser la place seule à ce Dieu qui est le Créateur, le Rédempteur de tous, ce Dieu qui peut combler la nature de l'homme.
Mes frères, si Saint Benoît est si dur pour ce vice corrupteur et détestable de la propriété, c'est parce que tout acte de propriété est un acte d'idolâtrie. C'est une prise de position contre Dieu. Donc, c'est le contraire de l'amour. Et à ce moment-là, je me rabaisse au niveau de mon idole. Je me dégrade, je me corromps moi-même. Et je me précipite, si je pousse l'acte jusqu'au bout, je me précipite dans la mort. C'est une sorte de suicide.
Et Saint Benoît est si dur, parce qu’il veut nous sauver, il veut nous mettre en garde contre ce péril qui est inscrit en nous. Parce que Dieu, mais c'est très bien, c'est très beau, mais il est insaisissable. Et j'ai beaucoup plus de sécurité dans quelque chose que je touche, quelque chose qui est en moi. Je le tiens. Et ça, au moins, je sais ce que j'ai. Et je ne sais pas ce que j'aurai demain si je lâche ça. Il demande donc un acte de foi, de confiance.
Mes frères, ici quelque chose qui est assez...je veux bien le dire quand même : il faut, dans le monastère, que l’Abbé soit un homme dépossédé de tout, mais au plan matériel. Il doit être ainsi un encouragement pour les autres frères. Comme je le disais, Dieu, mais on ne sait pas saisir Dieu. Mais on doit pouvoir placer sa sécurité dans un homme qui, lui, a fait le pari, qui s'est lui vraiment jeté en Dieu, et qui s'est perdu en Dieu corps et biens, et qui est là. Et ça, ce doit être l'Abbé !
Dans ce sens-là, vraiment en toute vérité, il tient la place du Christ qui, lui, ne se possédait pas du tout. Le Christ avait deux natures, mais il n'avait qu'une personne. Celui qui vivait dans le Christ, c'était Dieu. Ce n'était pas Monsieur Jésus qui était animé par Dieu. Non, c'était Dieu !
Ce n'est pas possible que cela se reproduise exactement ainsi pour un moine quelconque, pour un homme. Mais tout de même, il faut arriver à ce que Saint Paul disait : Ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ qui vit en moi. A la façon dont c'est possible, ce doit être comme ça pour l'Abbé dans l'idéal de Saint Benoît. Et c'est la raison pourquoi Saint Benoît à le droit d'être tellement sévère. C'est parce que lui, c'était un homme ainsi.
Alors voilà, mes frères, retenons ceci! Et si je puis vous demander d'avoir une pensée pour l'Abbé, c'est à dire moi, pour qu'il soit vraiment, ou qu'il essaye d'être, ou qu'il approche de cet idéal présenté par Saint Benoît, afin que tous dans le monastère nous puissions alors nous regarder les uns les autres et nous dire :
Mais voilà, tous nous nous dépouillons de tout. Et finalement, nous ne nous appartenons plus. Nous ne sommes plus qu’un avec Dieu, nous sommes animés par l'Esprit du Christ. Et le projet de Dieu peut ainsi se réaliser, grâce à nous, dans notre petit coin ici, et rayonner dans l'invisible alors par toute la terre et encore au-delà.
Mes frères,
Avec ce chapitre 33°, nous sommes sur un des hauts lieux de la Règle Bénédictine. Et de ce sommet où elle nous a conduits, notre regard découvre une vue panoramique de la vie monastique. Et nous voyons que celle-ci s'efforce d'entrer dans la réalité de tout l'existant, qu'elle essaye de s'y couler pour faire du moine un être vrai, c'est à dire parfaitement adapté à Dieu, à l'ensemble du monde, un être en équilibre avec lui-même dans l'immensité du cosmos en face de Dieu, c'est à dire un être saint et beau. Vérité, sainteté, beauté sont trois côtés d'une même réalité qui est cet homme devenu ce que Dieu veut faire de lui.
La pauvreté ne doit pas être perçue comme quelque chose que nous pourrions assimiler à une privation ou à une gêne, à du négatif qui fait peur. Je rappelle que pour Saint Benoît, la pauvreté c'est exactement l'absence de tout proprium, donc ne rien avoir en propre.
J'irais même plus loin : ne rien être en propre ! C'est à dire ne pas vouloir être par soi-même, accepter d’être par un autre. Ce qui est le plus difficile. Cette pauvreté telle que Saint Benoît la voit, elle n'est donc pas une frustration, mais elle est une joie immense et un bonheur infini à l'intérieur d'une découverte, la découverte de Dieu. Ce n'est pas une découverte intellectuelle, c'est une découverte au sein d'une communion, et d'une communion amoureuse.
Ce n'est donc pas le Dieu des philosophes, ni des théologiens. C'est le Dieu s'offrant à nous dans la personne de cet homme unique qui est Jésus le Christ, mais Dieu s'étant d'abord révélé par touches discrètes à notre cœur dans les prophètes, dans les saints, donc par des hommes à l'intérieur desquels il habite. Et puis il se présente à nous en personne, c'est lui dans cet être Jésus.
Mais attention ! Il ne s’agit pas ici, encore une fois, du Jésus de la théologie. Je dirais même encore une chose assez scandaleuse : ce n'est pas le Jésus de l'Evangile. Mais attention, il faut bien me comprendre ! C'est à dire, ce n'est pas un être folklorique, un homme qui accompli des miracles, un homme qui finalement meurt dans des conditions atroces pour ressusciter.
Non, ce n'est pas l'intérieur d'un récit qui nous saisirait, voilà, qui nous enchanterait un moment, mais qui après nous avoir quelque peu distraits ne nous retiendrait pas. Non, à l'intérieur de ces récits Evangé1iques qui sont, disons, presque la façon la plus directe de connaître l'homme-Dieu Jésus, nous devons nous ouvrir à la réalité de sa Personne, c'est à dire entrer dans une relation qui est réponse à une avance qu'il nous fait.
Donc, l'Evangile ne peut jamais être qu'un pont. Nous ne devons pas nous y arrêter. C'est la personne même de Jésus que nous devons embrasser et à laquelle nous devons nous unir. Or, cela ne se fera qu'à travers le dépouillement d'une pauvreté de plus en plus grande jusqu'à ce que ce ne soit plus nous qui vivions, mais que ce soit lui qui vive en nous. A ce moment-là, l'union est achevée.
Et ce Dieu qui se révèle dans le Christ Jésus et aussi, comme je le rappelais, dans d'autres hommes qui sont devenus les temples de sa présence, les saints et les prophètes, c’est Dieu lui-même. C'est à dire ce Dieu qui est l'origine et la plénitude de mon être personnel et de tout ce qui m'entoure. C'est Dieu qui est tout amour, qui est toute bonté, qui est toute beauté, lui qui comble, qui rassasie l'affectivité la plus violente de mon être, celui qui comble le cœur.
Ce Dieu qui est la lumière, une lumière qui est l'aliment de mon être, mais de mon être physique autant que de mon être spirituel. Et à l'intérieur de cette lumière qui est vraiment vie éternelle, c'est la richesse, c'est la puissance sans borne de Dieu qui s'offre à un homme.
Mais voyons alors ce qui se passe. Il y a à l'intérieur de cet homme un vide qui se fait. Tout ce qui n'est pas Dieu est expulsé, est chassé dehors. C'est un phénomène assez déroutant ! Je vais l'exprimer sous une image. C'est que la pauvreté est le lieu de la nuptialité entre Dieu et l'homme. Cela veut dire ceci : Dieu se donne au moine et, le moine accepte le don que Dieu lui fait de sa personne, de son être. A ce moment-là, le cœur du moine est tellement ébloui, il est tellement étonné, enchanté que tout disparaît. Le monde entier disparaît pour lui. Et en même temps, à l'intérieur de cette disparition, le monde renaît et tout devient vivant.
Le moine se découvre en symbiose, en sympathie, en communion de vie avec les autres hommes naturellement, mais aussi davantage peut-être encore, avec la nature, avec les animaux quels qu'ils soient, les petits et les grands, ceux qui volent et ceux qui nagent, avec les plantes, avec les arbres, avec les fleurs, avec l'herbe, avec la nature qui est dite inanimée, la nature qui est construite, des montagnes, des collines, des vallées, des courants d'eau, des rochers, de la terre, enfin tout ce qui fait l'entourage dans lequel un homme peut vivre.
Maintenant, au moment de cette nuptialité entre Dieu et l'homme, spontanément, naturellement, sans même que ça fasse l'objet d'une réflexion ni d'un acte volontaire, tout devient, tous ces êtres commencent à vivre. Mais réellement ils vivent. Ils bougent, ils ont une voix, et ils commencent à dire qu’ils existent par Dieu et pour lui.
C'est ce que les prophètes ont si bien expliqué dans ces Cantiques que nous chantons, le Cantique des Créatures, les Cantiques de l'Office de Laudes, à la fin, où vous avez tout qui commence à parler, tout est invité, et tout répond. Pour nous, ça va peut-être nous paraître parfois artificiel, mais pour le moine parvenu ainsi à la rencontre et à la vision de Dieu, c'est tout naturel. Car vraiment, mais réellement, il n'y a rien dans le monde qui soit inanimé, c'est à dire qui ne soit pas habité par la puissance créatrice, et réformatrice, et transfiguratrice de Dieu.
Il voit déjà l'instant, mais un instant d'éternité, où Dieu est tout en toute chose. C'est déjà arrivé pour lui. Et ça arrive comme ça arrive à l'intérieur de lui, il le sait, ça arrive à l'intérieur du monde. Si bien que la création entière devient le temple de Dieu et devient acclamation d’adoration de Dieu.
Voilà, mes frères, ce que j'entendais par cette nuptialité dont le lieu est la pauvreté. Car, à ce moment-là, le moine ne possède absolument plus rien en propre : ni rien d'extérieur, ni son être personnel, ni comme dit ici Saint Benoît, ni son corps, ni sa volonté. Il est entièrement devenu lui-même le temple de Dieu, un seul esprit, une seule lumière avec le Christ ressuscité. Voilà la beauté et la splendeur de la pauvreté !
Mais elle est elle-même à la fois l'objet d'une recherche, d'une progression et d'un cadeau, un cadeau qu'on reçoit de Dieu. Il y a toute une éducation à faire de la pauvreté. Et dans la vie monastique, cela se traduit par une éducation à la foi, à la contemplation et à l'amour. Une éducation à la foi ? Il faut apprendre à percevoir derrière la brutalité, le caractère brut et brutal des choses, et des événements, et des personnes, apprendre à percevoir une autre réalité qui est Dieu dans son amour et dans sa beauté.
C'est cela la foi ! C'est une nouvelle façon de voir les choses, de les entendre, de les accepter, de les assimiler et d'entrer en rapport, en relation, en dialogue, en communion avec elles. C'est tout un apprentissage.
Mais pour cela, il faut renoncer à sa façon trop humaine et trop naturelle encore de sentir et de juger. Ce sera donc par là-même une éducation à la contemplation. Donc ce regard nouveau qui voit l'invisible, et une éducation à l'amour ! Car à ce moment-là, on respecte tout. On respecte les hommes, on respecte les choses. On se découvre parent. On se découvre frère. On se découvre familier, de la même famille. Mais ça va plus loin que la famille de frère-homme, c'est aussi une fraternité avec tout environnement.
Voyez l'importance de soigner, d'entretenir l'environnement dans un monastère. Il ne faut pas à la légère abattre, couper un arbre, arracher une plante. Non, tout doit se faire avec respect, tout doit se faire en se disant que l'univers doit être un paradis et que notre devoir dans le monastère, c'est d'aménager notre petit royaume qui est le Royaume de Dieu en un paradis, mais aussi un paradis matériel. Tout doit être beau.
Mes frères, l'obéissance elle-même est une éducation à la pauvreté. Il faut renoncer, comme le dit Saint Beno1t, à ses vouloirs propres. Nous ne faisons pas vœu de pauvreté, nous. Cela fait partie de nous cette pauvreté. Donc cette absence de proprium, c'est la fleur de l'obéissance. Un moine obéissant entre dans ce dépouillement et il recueille alors en lui toute la plénitude, toute la richesse de Dieu.
Voilà, mes frères, je pense que ça suffit pour ce soir. Avec cela, nous serons encouragés pour marcher ensemble - il ne faut pas qu'il y en ait qui traîne - à marcher ensemble vers ces beautés qui nous attendent et qui sont déjà dès maintenant notre partage.
Mes frères,
Nous venons d'entendre et nous entendrons encore battre le cœur le plus profond de la vie monastique. Et il bat au rythme des espérances les plus insensées. Le moine a opéré un choix. Il a laissé le tout pour choisir le rien. Il a renoncé à la vie pour choisir la mort.
Il se trouvait en face d'un carrefour à partir duquel partaient trois chemins : un sur la gauche, un sur la droite, et un au milieu. Les chemins sur la gauche et sur la droite, c'étaient des chaussées faciles, agréables, des chaussées qui lentement en serpentant cheminent sur le flanc des collines, mais des collines appétissantes.
Sur le chemin de gauche, on trouvait tout ce qui pouvait satisfaire l'homme : le succès, la richesse, l'art, les études, la puissance, l'amour ; enfin, tout ce qui, sans qu'il y ait la moindre intention peccamineuse, peut rendre un homme humainement heureux. Et le moine a regardé et il a dit : Non.
Puis son regard s'est porté sur le chemin de droite. Et là, il a vu des choses plus belles encore. Il y a vu l'attrait, la séduction quasi irrésistible de la vertu. Etre un homme qui sera considéré, un homme qui fera du bien, un homme qui fera connaître ce que les autres doivent choisir pour s'épanouir spirituellement, beaucoup de richesses spirituelles toutes aux plus belles les unes que les autres. Il a regardé cela et son regard s'est détourné. Il a dit : Non. Pourquoi ?
Mais parce que ces routes très larges, ces routes faciles bordées de fleurs et de fruits délectables, eh bien, elles finissent par tomber dans des marécages, des marécages dont on ne sort plus, des marécages qui finalement ont un goût, un goût et une odeur de déjà vu, de déjà rencontré, un goût et une odeur qui finalement provoquent le rejet. Il n'a pas choisi cela !
Il a regardé alors la route qui se trouvait au milieu. Et cette route qui se trouvait au milieu n'était pas carrossable. C'est une route piétonnière. Elle est très étroite. Elle a plutôt l'aspect d'un escalier ou d'une échelle car elle grimpe. Elle grimpe en ligne toute droite. Il n'est pas possible de s'attarder sur cette route parce qu'il n'y a rien sur cette route. Et chaque échelon, chaque marche porte un petit écriteau, une sorte de poteau indicateur signalant : rien ! Rien, rien, rien !
Et lorsqu'on arrive au dessus de cette route mais vraiment toute raide, qui donne le vertige car il n'y a même pas de rampe pour se garer, pour s'aider. Non, il faut monter à la force de ses jarrets. Et quand on arrive au dessus, car on finit, on finit tout de même par déboucher, on s'aperçoit que sur le sommet, et bien il n'y a rien encore. On est enfoncé dans le rien.
Mais sur le sommet, dans ce rien, on rencontre tout. Car au dessus, on rencontre celui au regard duquel le monde entier n'est rien, celui que le cœur, que le cœur n'avait même pas imaginé, n'avait même pas conçu. Et c'est pour cela que ça paraît encore être rien.
C'est rien au regard de l'intelligence, rien au regard de la chair. C'est même rien au regard du cœur. Mais à ce moment-là, on est comblé parce qu’on est immergé à l'intérieur de la Trinité et on ne fait plus que battre, alors, au rythme de l'amour.
Mes frères, voilà ce que Saint 8enoît nous dit aujourd'hui. Saint Benoît, c'est un homme qui ne nous jette pas de la poudre aux yeux. Il ne nous dit pas : faites ceci, faites cela, et je vous donnerai ça en récompense, en salaire. Non, vous ne recevrez rien et vous n'aurez jamais rien. Omnino nihil, dit Saint Benoît, absolument rien. Mais voilà, entrant dans cette mort, vous recevrez la vie.
Et c'est la vie éternelle, c'est la vie de la Trinité, c'est la vie de Dieu. Vous serez divinisés, vous deviendrez Dieu vous-mêmes. Et vous n'aurez plus besoin de rien parce que vous serez partout chez vous en étant chez Dieu.
Voilà, mes frères, le cœur de la vie monastique. Et nous l'entendons battre dans ce chapitre qui est un des plus beaux de notre Règle. Il est fondamental. C'est lui qui permet de comprendre cette fameuse échelle de l'humilité. C'est lui qui permet de la gravir.
Voilà, mes frères, ce n'est pas facile parce que l'homme est lourd. Et pour monter cette pente, cet escalier, cette échelle si raide, il faut maigrir, il faut devenir tellement maigre qu'on n'existe plus, qu'on est comme mort. On n'a plus rien à porter. On est devenu aérien, on est devenu angélique.
Voilà le sens de la vie angélique dont parlent les anciens. C'est une des raisons aussi de quantité de choses chez Saint Benoît et dans la vie monastique en général, le jeûne par exemple, les veilles, le labeur de l'ascèse. Tout cela pour que l'homme devienne de plus en plus léger, de plus en plus dépouillé, de plus en plus dénudé jusqu'à pouvoir courir comme dit Saint 8enoît, courir sur cette échelle.
Voilà mes frères, pour ce soir. Et maintenant nous allons nous dépouiller encore. Mais comment ? Mais en écoutant notre frère qui va nous apprendre à chanter de nouvelles choses encore. Voilà, nous dépouiller ici de notre vouloir propre. Cela ne veut pas dire que nous ne serons pas intéressés par chanter ces belles choses, mais nous entrons dans le vouloir de l'Eglise, dans le vouloir de notre Liturgie et finalement dans le vouloir de notre Dieu, où devenu un avec lui, nous pourrons enfin posséder tout et jouir de la vie éternelle.
Mes frères,
Pour notre Père Saint 8enoît et pour la Tradition monastique la plus pure, la pauvreté est la vertu d'un moine dont le regard porte au loin, si loin qu'il se perd dans l'infini de la ténèbres divine, si loin qu'il touche à la source de la lumière et de la beauté, de toute lumière et de toute beauté.
Le cœur d'un tel moine vit où atteint son regard. Cela nous permet de comprendre qu’un moine est pauvre parce qu'il est absent. Il n'est plus de ce monde. Il est étranger à tout ce qui habituellement captive, ensorcelle les hommes. Il est parti ailleurs.
La pauvreté est donc toujours le fruit d'une extase. On se quitte, on ne vit plus en soi. On vit chez l'autre, on vit chez Dieu. Elle est donc une grâce que l'on reçoit. Mais à cette grâce, on doit se préparer. J'entends ici la grâce de la vraie pauvreté, celle qui dépouille un homme de tout ce qui en lui est égoïsme, de tout ce qui en lui est une charge.
Cette pauvreté le rend aérien et le fait participer déjà de quelque façon à la nature des incorporels, donc des anges ou des bienheureux, ou des hommes ressuscités. La pauvreté parfaite est donc de nature eschatologique. Le moine qui l'a reçue a franchi le seuil de la mort. Il est déjà en possession du Royaume de Dieu.
C'est un idéal qui nous est proposé, qui n'est pas inaccessible puisque c'est un cadeau qu'on reçoit. Mais il faut y préparer son cœur. Et pour cela, la vie cénobitique est un milieu idéal. En effet, tout étant commun à tous - comme nous le dit Saint 8enoît - on apprend à vivre hors de soi.
En effet, le Corpus monasterii dont on est une cellule, donne au moine toute sécurité au plan matériel, au plan psychologique et au plan spirituel. Le moine qui veut être attentif reconnaîtra qu'il en est bien ainsi. Pour certains dans le monastère, pour l'Abbé, pour le cellérier, pour l'un ou l'autre officier du monastère, il y aura toujours des soucis, mais ce sont des soucis assumés dans la paix. Le père Prieur de Chevetogne nous en a parlé hier de cette paix qui est caractéristique de l'Ordre Bénédictin, cette paix donc qui réconcilie tout et qui parvient même à concilier les contraires.
Le moine qui jouit donc d'une telle sécurité peut donc librement s'ouvrir comme une fleur. Il cherche sa nourriture par les racines dans le terreau communautaire et il la puise par sa corolle en buvant la lumière, déjà la lumière de Dieu, la lumière divinisante dont nous parle Saint Benoît. Il n'a pas besoin de chercher sa nourriture en lui et de s'autodétruire.
J'ai eu l'occasion de lire un petit livre écrit en 1945- 1946 par un médecin Juif Viennois, un psychiatre, qui avait été emprisonné trois ans à Auschwitz. Il a survécu et en tant que psychiatre, psychologue et médecin avait suffisamment de présence d'esprit pour voir ce qui se passait autour de lui, pour en tirer les conséquences et chercher un moyen, une thérapie pour la vie courante, pour pouvoir s'assumer soi-même dans la vie de tous les jours et ainsi parvenir à mettre au point une méthode qui permettrait à des malades psychiques d'être récupérés, d'être guéris.
Et je me souviens entre autre qu'il disait que les tortionnaires nazis, là-bas, qui les faisaient travailler à mort sans les nourrir presque, ces tortionnaires les menaient à un état tel que le corps après avoir épuisé toutes ses réserves de graisses, qui sont donc les réserves d'énergies, commençait à se manger lui-même - donc la chair elle-même - à se manger lui-même par l'intérieur.
C'est quelque chose d'effrayant car c'est quelque chose qu'on ne peut pas imaginer je pense si on ne l'a pas vécu. Donc ces hommes et ces femmes, c'était vraiment une autodestruction à laquelle l'organisme était acculé.
Eh bien, l'égoïsme, lorsque on y cède, lorsque on ne s' en libère pas, c'est une autodestruction spirituelle. L'organisme spirituel se mange lui-même et il se détruit. Et cela va plus loin alors : l'organisme psychique est attaqué et détruit. Ne l'oublions pas !
Et la véritable pauvreté en ouvrant le moine à un autre univers, en lui permettant de s'ouvrir à cet autre univers, à l'univers de la charité fraternelle, car les racines du moine plongent dans la communauté et c'est la communauté qui lui donne vie et sécurité ; et en même temps, le cœur qui s'ouvre vers l'univers de Dieu qui lui envoie toute lumière et tout ce dont le moine peut spirituellement avoir besoin.
Alors, mes frères, vous comprenez que nous devons tous veiller à ce que notre communauté soit moralement et spirituellement saine. On ne doit pas trouver en elle quelque chose de délétère ou de vénéneux, des comportements, des attitudes, des paroles qui blessent la communauté, ou qui l'empoisonnent et qui peuvent rendre son terreau malsain.
Il ne faut pas que nous puisions la maladie lorsque nous vivons dans la communauté, ça doit toujours être la santé. Mais comme nous formons un Corps, nous sommes tous responsables de cette santé. Nous le sommes tous personnellement et solidairement. Ne perdons pas ça de vue !
Alors, mes frères, afin de pouvoir exercer cette responsabilité de façon consciente et de façon efficace, veillons à tenir notre regard toujours attaché aux réalités divines. Comme je le disais au début, un homme vit où porte son regard. Si notre regard porte sur le Christ, s'il porte sur la Sainte Trinité, s'il porte sur l'univers des saints, eh bien notre regard sera pur et nous-mêmes, nous connaîtrons une bonne santé spirituelle.
Nous aurons toujours des défauts, nous aurons toujours des péchés, mais ce n'est pas grave. Nous avons toujours des grippes et des rhumes, et des choses parfois un peu plus sérieuses, mais ça ne nous empêche pas de vivre, et ça n'empêche pas que notre santé soit solide.
Alors, mes frères, vous comprenez que si nous sommes fidèles à notre vocation contemplative, donc à ce regard pur dirigé vers Dieu, vers la lumière, à ce moment-là nous serons vrais. Nous serons des vrais moines. Et alors, nous serons des pauvres authentiques. Et étant des pauvres authentiques, notre communauté sera saine et nous progresserons tous jusqu'au moment où, voilà, devenus étrangers aux préoccupations mondaines, notre cœur sera entièrement parti là où nous sommes attendus, c'est à dire chez Dieu..
Mes frères,
Père Roland vient de nous donner lecture d'un des chapitres les plus importants de notre Règle. Ce que Saint Benoît nous prescrit se trouve au cœur de notre vie monastique. Tout ce qu'il nous conseille aujourd'hui rythme notre progression vers le Royaume de Dieu où nous sommes attendus.
Le moine n'a de consistance, de réalité que dans la mesure de sa désappropriation. Lorsqu'il ne possède plus rien, lorsqu'il ne se possède plus lui-même, il commence à respirer. Sa tête a percé un plafond. Elle est entrée dans un univers nouveau, l'univers de la liberté, de la propre liberté de Dieu.
Un tel homme commence à respirer la lumière. Il se divinise. Il ne réagit plus comme un animal, c'est à dire comme un homme psychique pour reprendre une expression de l'Apôtre Paul. Il commence à vivre en fils de Dieu, en Dieu qu'il est devenu.
Mes frères, nous déposséder de tout, nous déposséder de nous-mêmes, c'est accéder à une existence véritable, une existence qui est la vie éternelle. Nous devrions réfléchir à cela fréquemment. Je sais bien, ce n'est pas facile de mourir à soi, ce n'est pas facile de ne plus se posséder. Mais sur cette route, il n'y a, me semble-t-il, que les premiers pas qui coûtent.
Parce que dès qu'on commence à découvrir en soi cette énergie divine qui grandit et qui nous fait grandir avec elle, la démarche de désappropriation devient de plus en plus facile. C'est dans la logique de l'..?.. chrétien, car nous sommes morts et notre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Il suffit donc de prendre conscience de cette vérité et de la laisser agir en nous.
On pourrait dire : Oui, mais tout cela c'est de l'ordre mystique, c'est à dire que ça nous fait vivre à côté du réel concret ! Mais non, au contraire, c'est la réalité même, c'est le support de toute réalité. Si je suis mort à moi-même, si je suis mort à tout ce qui peut m'encombrer, si j'ai laissé agir en moi librement la sève qui vient de la Personne même du Christ sur lequel je suis greffé, mais à ce moment-là, je vois les choses comme Dieu les voit, donc je commence à en devenir le régent, à côté du Christ, comme Lui.
Mes frères, on a tout perdu si on veut s'accrocher à quelque chose et on a tout à gagner si on abandonne tout. Il y a une logique dans cette dépossession. Elle s'exprime par l'obéissance : on ne possède plus sa volonté. Elle s’exprime par la chasteté : on ne possède plus son corps. Elle s'exprime par la pauvreté : on ne possède plus aucun objet matériel. Et cela va très loin !
Le moine n'est plus un sujet de droit, c'est à dire qu'il n'a plus de droits à faire valoir. Il n'a plus aucune exigence à avancer, à poser. C'est la raison pour laquelle Saint Benoît condamne le murmure. Si je murmure, c'est parce que je me juge lésé dans des droits que je suppose être les miens. Je n'ai plus aucun droits, je n'ai donc pas à murmurer. Je ne m'appartiens plus. Je suis mort.
Notre vie nous conduit à une conformité parfaite avec le Christ qui, comme nous le rappelle l'Apôtre, a voulu devenir esclave. Or un esclave était moins qu'une chose. Un esclave n'avait aucun droit. Tel est devenu Dieu lui-même en la personne du Christ. Et nous-mêmes alors aurions encore des revendications à poser ?
Mais le premier qui doit être dépossédé de tout dans le monastère, c'est l'Abbé. S'il ne l'est pas, il ferait beaucoup mieux de se taire. Il ne peut parler au nom du Christ que s’il a accepté de mourir pour que le Christ prenne possession de lui. S'il n'en est pas ainsi, l'Abbé peut devenir un être dangereux. Il va mettre en danger ses frères parce qu’instinctivement l'instinct de possession qui est toujours vivace en lui fera qu'il abusera de ses frères. Et en même temps, il mettra son propre avenir en péril parce que il devra rendre compte de sa conduite, de ses actions, de ses paroles et même de ses pensées devant le tribunal du Christ.
Mes frères, retenons ceci : la vie monastique n'est pas un jeu puéril. C'est une affaire très sérieuse. C'est une passion et une mort en vue d'une résurrection et d'une vie éternelle. Cette passion-mort-résurrection s'exprime pour Saint Benoît dans le nihil omnino, dans cet absolument rien qui doit devenir la réalité du moine. Et c'est à ce moment qu'il accède à l'être, c'est à dire qu'il entre en rapport, en relation existentielle consciente avec Dieu son Créateur, avec la Sainte Trinité et que il passe à la vie incorruptible.
C'est donc une courbe très belle, une courbe très ..?.. sur laquelle nous sommes lancés. Mes frères, essayons de devenir les plus légers possible de manière à arriver le plus rapidement possible dans cet espace où , comme je le disais tout au début, où nous sommes appelés, où nous sommes attendus.
Mes sœurs, mes frères,
Saint Benoît vient de nous dire quelque chose qui est vraiment dur, et qui est impitoyable. Il n'est même plus licite aux moines de disposer eux-mêmes ni de leur corps ni de leur volonté, 33,7. Et à fortiori, ils ne peuvent posséder absolument rien en propre, omnino nihil, dit Saint Benoît, 33,7. Tout doit passer par l'Abbé, pourquoi ? Parce que l'Abbé tient dans le monastère la place du Christ. L'Abbé dans le monastère est le ministre de Dieu et lorsque Dieu désire qu'un frère dispose d'une chose quelconque, il le fait savoir par la personne de l'Abbé.
Mais ce qui est terrible, c'est ceci, quand on comprend bien ce que nous dit Saint Benoît. D'ailleurs il l'exprime de façon très claire : Un moine, un soi-disant moine, une apparence de moine qui de façon illicite, c'est à dire cachée, secrète aurait à sa disposition des choses qu'il se serait procurées par des moyens, par des canaux à lui seul connus, eh bien ce n'est pas un moine. C'est tout ce qu'on veut sauf un moine.
Et c'est là quelque chose d'extrêmement grave. Nous ne devons pas le perdre de vue. Auparavant, lorsque au décès donc d'un de ces faux moines à l'intérieur du monastère, on découvrait chez lui des choses qui, voilà, étaient vraiment illicites, qui prouvaient qu'il n'était pas un moine, eh bien il était enterré dans le fumier. On ne faisait pas de quartier. Il n'avait pas sa place dans le cimetière des autres, dans le cimetière du monastère. On l'enterrait dans le fumier, il n'était pas à sa place dans le monastère.
Donc, faisons bien attention, parce que c'est là quelque chose avec laquelle il ne faut pas jouer. Et qu'arrivait-il à ce moine par après ? Et bien alors il était confié à la miséricorde de Dieu. Et ça, ce n'était plus l'affaire ni de l'Abbé, ni des frères, c'était l'affaire de Dieu.
Table des matières
Chapitre 33: Avoir quelque chose en propre ? 10.11.84
Chapitre 33: Avoir quelque chose en propre ? 11.03.85
Beauté et splendeur de la pauvreté.
Chapitre 33: Avoir quelque chose en propre ? 11.03.86
Chapitre 33: Avoir quelque chose en propre ? 10.07.87
Chapitre 33: Avoir quelque chose en propre ? 10.11.87
Chapitre 33: Avoir quelque chose en propre ? 10.11.91