Frères et sœurs,
Le grand message de Noël, celui qui nous comble de joie et nous rassasie de paix, le voici : il n’y a plus de barrière entre Dieu et nous. Dieu a pris tout de nous et il nous donne tout de lui. Nous avons maintenant accès à son coeur, c’est à dire à l’endroit le plus caché de son mystère, là où il naît - si je puis dire ainsi - sans cesse dans son être de Dieu. Nous devenons amour en lui et lui devient amour en nous.
Et puis surtout, nous apprenons que Dieu est un enfant? En naissant de Marie, il nous révèle le secret le plus bouleversant de son être. Lui le tout puissant, lui l’inaccessible, il est en réalité un enfant. Sa majesté est celle de sa petitesse ; sa puissance est celle de sa fragilité, de sa faiblesse, de son insignifiance.
L’Apôtre Paul nous le dira à son tout : « Ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que l’homme ; ce qui est folie de Dieu est plus sage que l’homme ». Ce n’est pas seulement à Bethléem que Dieu est dénuement suprême, il l’est en lui-même et c’est là le plus déroutant de son mystère.
Vous voyez, frères et sœurs, la beauté célébrée cette nuit jette par terre et anéanti toutes les idoles, toutes les représentations imaginaires et même intellectuelles que nous avons de Dieu. Nous devons absolument opérer un retour sur nous-mêmes, opérer une conversion, voir Dieu à partir de l’endroit où il est, à partir de son coeur comme je le disais tout à l’heure. A ce moment-là, nous percevons qu’il est ce que l’Apôtre dit : faiblesse, pauvreté, dénuement. Et il l’est bien réellement.
L’Apôtre Jean le dit en une formule d’une concision lapidaire. Il dit : « Dieu est amour ». C’est justement parce que Dieu est amour qu’il est pauvreté absolue, exposé sans défense aucune et qu’il ne peut rien contre nous. L’amour n’est pas tonitruant ; l’amour ne s’impose pas ; l’amour est offrande, et silence, et attente ; mais finalement il est toujours vainqueur. Les hommes ont essayé de le détruire en le clouant sur une croix, mais en vain. La résurrection est le triomphe total et définitif de l’amour.
Voyez encore ce qui vient d’être dit : « un petit enfant couché dans une mangeoire ». Tel est le signe donné aux hommes : un enfant dans une mangeoire, un enfant destiné à être mangé, à être dévoré par la malice des homme. Et je ne pense pas que les hommes ont changé depuis lors ?
Les hommes ne peuvent pas supporter que Dieu s’approche d’eux. Les hommes ont peur d’être aimés, les hommes ont peur de la gratuité car ils subodorent, ils flairent toujours une intention perverse derrière. Tel est le péché dans lequel nous sommes enfoncés et qui crée en nous un tel aveuglement.
Et si nous voulons nous rétablir dans la vérité, si nous voulons y demeurer, regardons notre Dieu qui est un enfant. C’est cela son secret : il l’est toujours. Et il le dira plus tard : « Si vous ne devenez pas comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu ». C’est définitif ! On n’y entre pas si on ne devient pas comme lui un petit enfant sans malice, sans prétention, un enfant qui sait accueillir parce qu’il croit qu’il est aimé.
Et nous alors ? Eh bien, si nous sommes de vrais chrétiens, nous devons - comme je viens de le dire - redevenir enfant à la manière de Dieu. Nous devons déposer nos complexes de grandes personnes calculatrices. Nous devons prendre le risque d’aimer gratuitement, de nous aimer d’abord nous-mêmes tels que nous sommes et puis d’aimer chacun de ceux qui se présentent à nous, de l’aimer tel qu’il est car c’est tel qu’il est que Dieu l’aime.
Nous devons prendre le risque de nous perdre dans l’amour, de disparaître en lui. Il n’est pas de plus grand amour, nous dira le Christ, que de donner sa vie pour les autres, les autres qu’on aime. Et si nous nous engageons sur cette route de l’enfance et de l’amour, ce n’est plus nous qui vivons, c’est Dieu qui vivra en nous, c’est Dieu qui déploiera toute l’amplitude de son mystère. Et ce sera le triomphe de Noël et le monde en sera transfiguré.
Frères et sœurs, voici ce que nous pouvons retenir de cette célébration nocturne : que Dieu est amour, que Dieu est un enfant, que nous devons nous-mêmes redevenir des enfants pour lui ressembler, pour savoir aimer, aimer nos proches, aimer nos compagnons de travail, nous aimer dans les familles, dans les communautés, nous aimer nous-mêmes.
Et ainsi rayonnera à partir de chaque chrétien, à partir de chaque ilot que constitue une petite communauté chrétienne comme la famille, à partir de là quelque chose aura changé dans le monde. Voilà le programme qui nous est proposé. Si vous le voulez, avec confiance nous le ferons nôtre.
___________________________________________________________________________
Frères et sœurs,
Après avoir entendu Jésus leur parler pendant deux jours, les Samaritains s’écriaient : « Vraiment celui-ci est le Sauveur du monde ! » Mais quoi, le monde aurait-il besoin d’être sauvé ? Le monde n’est-il pas parfaitement, mathématiquement régulé ? Rien ne lui manque et rien ne peut modifier sa marche.
C’est sans doute vrai du monde physique, mais il y a l’homme, l’homme qui est la conscience éveillée de ce monde, l’homme qui est le monde devenu conscient de lui-même. Et l’homme est-il parfait, accompli, achevé ? Nous savons ce qu’il en est pour chacun d’entre nous.
L’homme en se pervertissant a perverti l’univers entier. L’homme devait ouvrir les yeux sur l’étonnante beauté du monde, sur la suressentielle beauté du créateur. Alors tout eut été dans l’ordre, tout eut grandi vers une plénitude, celle même de Dieu devenant tout en toute chose.
Mais l’homme a détourné son regard vers sa propre personne dont il a fait une idole. Il n’a plus jugé que par le pouvoir, la puissance, l’autorité, la réussite, le savoir, la richesse, les affaires, le plaisir. Voilà ce qui occupe la conscience et l’imagination de la quasi totalité des hommes d’aujourd’hui.
Et l’image de Dieu qui était l’homme est devenue un loup pour les autres. Nous pouvons aujourd’hui comptabiliser les résultats qui nous emplissent d’effroi et de honte.
Il fallait qu’il parut un homme qui redresserait ce monde déboussolé, qui reprendrait le plan de Dieu et le conduirait cette fois à son terme. Cet homme, c’est Jésus de Nazareth, reconnu, applaudi par les Samaritains.
Les siens ne l’ont pas reçu. Ils avaient été préparés à cet accueil pendant des centaines d’années et, lorsqu’il s’est présenté, ils ne l’ont pas reçu. Par contre des étrangers, dès qu’ils l’ont accueilli chez eux, ils l’ont reconnu et ils se sont donnés à lui. Est-ce que ce n’est pas encore trop souvent ce qui se passe aujourd’hui ? Et pourquoi, pourquoi donc ?
Ce Jésus, l’évangéliste vient de nous le dire, au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu. Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Dieu s’est fait l’un de nous pour que nous puissions devenir participant à part entière de ce que lui est, pour que nous devenions enfants de la Trinité qui est amour.
Et l’Apôtre, nous venons de l’entendre encore, a renchérit : « Dieu nous a parlé par un fils, un fils par qui il a créé les mondes ». Les mondes au pluriel ? Pas seulement le nôtre, mais tous les mondes, le monde angélique par exemple qu’il a créé. Ce Fils est lumière éclatante de la gloire du Père. Il porte tout par sa parole puissante. Et après avoir accompli la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la majesté divine au plus haut des cieux. Tel est ce Jésus de Nazareth !
Oui, Dieu s’est fait homme pour aller chercher l’homme là où il s’était établi. Mais l’homme reste toujours l’homme et il n’accepterait pas encore une fois. Il allait se débattre, il allait refuser, il allait prendre des pierres et il finirait par tuer celui qui venait lui donner la vie. Mais l’amour qui est Dieu, l’amour qu’est Jésus est demeuré invaincu. Finalement le monde sera récapitulé dans l’amour et transfiguré en lumière.
Telle est, frères et sœurs, la Bonne Nouvelle que le prophète voyait déjà courir sur les montagnes. A nous chrétiens de l’accueillir et de la laisser transformer nos vies. Tournons-nous donc résolument vers la gratuité, vers l’altruisme, vers la charité et laissons enfin le Christ Jésus triompher en nous et conduire ainsi le monde plus près de son salut.
Oui, nous sommes chrétiens et c’est cela notre vocation première. Il faudrait que chaque cellule chrétienne constituée de quelques personnes, à commencer par la famille, il faudrait que chaque cellule chrétienne soit comme une étincelle de l’amour, de cet amour qui est Trinité, de cet amour qui est Dieu, de cet amour qui est le Seigneur Jésus. A ce moment-là, inévitablement quelque chose changera ; le mal est contagieux, mais l’amour est plus contagieux encore.
C’est la raison pour laquelle en cette fête de Noël nous allons prendre la résolution d’être de véritables chrétiens, de meilleurs chrétiens afin que par nous Dieu soit connu, Dieu soit aimé et que le projet de Dieu soit conduit plus près de son accomplissement.
Table des matières
Homélie : Nuit de Noël. 25.12.93.
Homélie : Jour de Noël. 25.12.93