Homélie : Messe de minuit de Noël.             25.12.90*

      La révolution par le silence.

 

Mes frères,

 

L'événement le plus extraordinaire de l'Histoire des hommes, et même du cosmos entier, se produit dans le silence d'une nuit obscure. Aucune publicité, aucun tapage, rien ! Nous sommes en pleine nuit. On dort ou on s'amuse et on ne se doute de rien. On se précipite vers la mort.

 

Le Principe avant tout principe, le créateur de l'univers se présente sous les traits d'un enfant nouveau né, un enfant d'une fragilité extrême. Personne n'est au courant, personne ne s'en soucie. Rien apparemment ne change et pourtant c'est une révolution, la révolution par le silence ……………………?……………………..

          Ce n'est pas une révolution spectaculaire qui porterait les uns au pouvoir et qui plongerait les autres dans l'épouvante. C'est une révolution programmée dès avant la création du monde. Dieu se fait homme et l'homme va pouvoir devenir Dieu.

Il n'y a plus de premier et de dernier, de possédant et de possédé, de maître et d'esclave. Il y a l'avènement du Royaume de Dieu, il y a l'épiphanie de la gratuité absolue, il y a Dieu déjà mystiquement tout entier en toute chose.

 

Mes frères, quelques hommes pourtant sont avertis, une équipe de bergers. Mais pourquoi eux ? Pour cette raison : parce que ce sont des veilleurs, parce que ils veillent. Eux seuls ne dorment pas, eux seuls ne s'amusent pas, eux seuls sont attentifs : ils veillent.

Et voici qu’en pleine nuit ils voient la lumière, ils entendent des chants mystérieux et, de la première crainte qui les a saisis, ils passent à la plénitude de la joie. Ils méritaient cette faveur, mes frères, parce qu'ils étaient des veilleurs!

 

Nous savons maintenant ce que nous devons faire : veiller. Depuis l'origine, le moine est considéré comme un veilleur. C'est lui qui le premier doit voir la Lumière et reconnaître le Christ Sauveur. Tout chrétien doit lui emboîter le pas et devenir à son tour un veilleur.

Et ainsi, mes frères, de proche en proche, la révolution divine peut s'accomplir en dépit de tous les obstacles, en dépit des ténèbres les plus épaisses.

 

                                                                                                        Amen.

 

Homélie : Messe du jour de Noël.                25.12.90

      Les yeux fixés sur la Lumière qui divinise.

 

Mes frères,

 

Les solennités de Noël nous disent clairement que l'univers matériel, que l'univers matériel que nous contemplons, dont nous ne cessons de découvrir avec émerveillement les milles et une beauté, que cet univers n'est pas la première, l'unique réalité.

Il est porté, il est emporté par une autre réalité qui lui est antérieure, qui, elle, n'est précédée de rien. C'est d'elle qu'il tire son existence, sa consistance et sa force. Cette réalité mystérieuse hors de notre portée, l'auteur de l'Epître aux Hébreux et l'Apôtre Jean la désignent aujourd'hui par son nom : la Lumière.

Ne pensons pas à une quelconque lumière matérielle que nos yeux de chair pourraient percevoir et mesurer. Non, il s'agit d'une Lumière surnaturelle, une Lumière divine. Saint Benoît nous recommande d'avoir toujours les yeux fixés sur cette Lumière qui est Dieu lui-même et qui divinise ceux qui se placent sous sa clarté.

 

Cette lumière, qui est Dieu lui-même dans sa douce et irrésistible puissance créatrice, s'est matérialisée, concrétisée, carnalisée dans la personne du Christ. L'événement de la Transfiguration en a été la révélation soudaine et magnifique.

Le Christ Jésus est la lumière éclatante qui a créé les mondes. Il est la vraie lumière qui éclaire tous les hommes. Voilà ce que nous chantent les deux Apôtres dont nous venons de recueillir avec respect la parole. Cette Lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne peuvent la maîtriser.

C'est elle qui est la vie, la vie éternelle car elle est le resplendissement de la nature de Dieu. Cette Lumière est aussi l'amour, car en Dieu tout devient un. Nous pouvons distinguer les traits du visage de Dieu tel que nous pouvons le percevoir, mais en réalité c'est une seule et même réalité.

 

Mes frères, la mission du chrétien ne serait-elle pas de rendre témoignage à la Lumière. Mais comment ? Ce n'est pas difficile, il faut et il suffit de devenir de plus en plus chrétien. Il suffit de permettre au Christ-Lumière d'illuminer, de transformer et de transfigurer notre vie, notre être jusque dans ses profondeurs, jusqu'à sa source.

Et pour cela, il nous est demandé d'abandonner en nous toute la place à la Lumière, à la Vie divine. A cela on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, dira plus tard le Christ, si vous avez de l'amour les uns pour les autres.

Si vous n'en avez pas, vous n'êtes pas des miens, vous vivez sous un déguisement, vous jouez une comédie. Vous n'êtes pas des miens et je ne vous connais pas. Mes frères, les Paroles du Christ, nous devons les prendre très au sérieux car elles jugent, et elles jugent définitivement.

 

Mais si nous laissons en nous circuler l'amour, si petit à petit nous devenons lumière, nous serons un jour de véritables enfants de Dieu. Nous serons divinisés jusque dans les dernières cellules de notre chair spirituelle.

Mais pour cela, mes frères, pour aller jusque là, il faut cesser d'avoir peur. Il faut ensuite se laisser vider des derniers atomes de l'égoïsme. Il faut s’ouvrir avec confiance aux autres. Il faut croire que l'amour a toujours le dernier mot.

Le contemplatif, lui, doit s'avancer plus loin encore. Il doit laisser purifier son cœur au point que des yeux nouveaux lui sont donnés. Et ses yeux voient la Lumière telle qu'elle est et ils s'en nourrissent. C'est la vie éternelle qui est déjà commencée ici sur cette terre. Et l'événement de la mort biologique ne sera plus qu'une simple transition d'un état passager à un état définitif.

 

Mes frères, le cœur devient alors lui-même lumière et le corps entier en est illuminé. Si l'œil, si ton œil est sain, si ton œil est pur, sois-en assuré, ton corps entier est pur.

Mes frères, voilà un des plus beaux messages de la fête de Noël. Puisse-t-il longuement retentir en nous et y donner tous ses fruits.

 

                                                                                                   Amen.

 

Homélie : Fête de Saint Etienne.                 26.12.90

      Appelé à témoigner du Christ.

 

Mes frères,

 

          Saint Etienne est considéré comme le premier des martyrs en ..?.. .. ?.. .. ?.. Il a été jusqu'au sang, jusqu'à la mort le témoin de quelqu'un, le témoin du Christ Jésus Lumière du monde. Il a suivit les traces de son Maître.

Devenu lumière à son tour, son visage brillait comme celui d'un ange nous est-il dit, il a été livré à la mort comme si les ténèbres pourraient à jamais vaincre la Lumière.

Un autre, Jean le Baptiste, avait subi un sort identique. Il était lui aussi venu pour rendre témoignage à la lumière et, les hommes avaient fait de lui tout ce qu'ils avaient voulu et, finalement, ils l'avaient tué.

 

La route était ouverte depuis Etienne et elle l'est encore aujourd'hui ..?.. pour chacun d'entre nous. Le chrétien, tout chrétien doit savoir qu'il peut à tout moment être appelé à témoigner du Christ, de Dieu, de la justice, de l'Amour.

Ce n'est pas si rare aujourd'hui dans notre monde dévoré par la soif de pouvoir, d'argent, de jouissance, de prestiges. Des hommes, des femmes, des jeunes se trouvent parfois dans des situations conflictuelles où ils doivent choisir entre Dieu et des pressions insidieuses terribles.

C'est leur emploi, leur avenir, leur famille qui sont dans la balance. Et voilà qu'ils ont ..7.. ..7.. Ils osent choisir la vérité contre le mensonge, l'amour contre l'exploitation. Ce sont les martyrs d'aujourd'hui, mes frères, et je vous assure que ce n'est pas rare.

 

L'Eglise a ainsi toujours des martyrs dans tous les milieux. C’est le sang de leur cœur qu'ils versent, et beaucoup d'entre eux acceptent d'être marginalisés. Nous devons le savoir, mes frères, pour rester fidèles, pour les soutenir de notre prière et d'une vie imprégnée toute entière de vérité et d'amour.

 

                                                                                                      Amen.

 

Homélie : Fête de Saint Jean Apôtre.           27.12.90

      Dieu nous a aimés le premier/

 

Mes frères,

 

Quelque part dans une de ses lettres, dans la première précisément, l'Apôtre Jean nous dit cette parole qui devrait pénétrer jusqu'au plus profond de notre être : Aime, puisque Lui, Dieu, nous a aimés le premier.

Nous sommes ainsi encouragés à laisser de côté toute espèce de troc en matière d'amour, en matière de charité, en matière de dilection. Nous ne devons pas attendre d'être aimé pour aimer à notre tour.

Non, nous devons toujours être les premiers à aimer. Dieu lui-même nous a aimés le premier. Il a pris l'initiative de nous aimer et il entend la garder. Toujours son amour nous prévient, jamais son amour n'est à la remorque du nôtre.

Dieu est amour par nature. Sa nature la plus profonde, c'est l'amour et il ne peut se renier lui-même. Il ne peut pas ne pas aimer gratuitement. Dieu est la gratuité absolue et il attend que nous, ses enfants, nous soyons échos de la gratuité qu'il est. Cette gratuité ne nous est pas naturelle. Nous sommes intéressés, avares et nous avons peur, peur des autres, peur de nous-mêmes, peur de tout.

Mais nous pouvons, et d'ailleurs nous devons apprendre à pratiquer la gratuité. Nous devons, à l'exemple de Dieu notre Père, aimer les premiers, aimer toujours. Nous devons devenir amour, jaillissement d'amour.

Le monastère cistercien, depuis l'époque de Saint Bernard, nous le savons, est une schola caritatis, une école où on apprend l'art sublime, l'art divin de l'amour. Et nous serions inexcusables si, fréquentant une telle école, habitant une telle école, nous demeurions des égoïstes.

         

Nous sommes toujours dans l'année consacrée à Saint Bernard, l'année au cours de laquelle nous devions faire de grands progrès dans la science de l'amour. Mais depuis quelques jours, nous sommes entrés aussi dans l'année consacrée à Saint Jean de la Croix et nous nous rappelons ce qu'il nous dit : Là où il n'y a pas d'amour, semez de l'amour et vous récolterez de l'amour.

Mes frères, semer l'amour, aimer le premier, aimer sans mesure, telle doit devenir notre respiration. C'est cela la vie éternelle commencée, la vie de Dieu ..?.. Demandons à l'Apôtre Saint Jean de nous aider à aller jusqu'au bout ..?. ..?.

         

                                                                                                              Amen.

 

Homélie : Fête des Saints Innocents.            28.12.90

      Hérode pourrait s’éveiller en nous.

 

Mes frères,

 

Le récit que nous venons d'entendre nous plonge dans un gouffre d'absurde et de folie. Ainsi le sort de dizaines d'enfants a dépendu du délire paranoïaque d'un vieillard torturé par la peur, d'un tyran sénile qui, nous le savons, n'épargnait même pas les membres de sa famille.

Mes frères, n'est-ce pas le Christ qui déjà mystiquement était massacré dans ces bébés innocents ? Massacré, il le serait un jour réellement, lui l'innocent par excellence, lui le sans défense. Oui, le Christ est sans défense. Il l'est toujours. Il l'est parce qu'il est l'Amour, parce qu'il est la Lumière, parce qu'il est don de soi sans retour, parce qu'il est Dieu.

          Hérode         ?        Des "Hérode", il en est des légions aujourd'hui encore jusque dans nos pays hyper civilisés. Nous devons le savoir. Si on ne va pas jusqu'à tuer le corps des tous petits, on n'hésite pas à tuer leur âme et leur cœur.

 

Mes frères, la valeur d'un homme ne se mesurerait-elle pas entre autre à sa capacité d'accueillir et d'aimer vraiment les petits enfants. C'est moi que vous accueillez, nous dit le Christ. Il y a les petits des hommes, il y a aussi les enfants de Dieu, les petits de Dieu. A l'intérieur de la création nouvelle, nous sommes tous des nouveaux nés.

Prenons bien garde de ne pas jouer au grand, au fort, au puissant et d'exercer sur les autres une certaine piraterie. Nous pouvons très bien tuer par la parole et même par la pensée ces petits ..?.. Soyons donc sur nos gardes, mes frères, Hérode pourrait soudainement s'éveiller en nous.

Oui, nous sommes tous des frères, nous sommes tous des petits, tous au service les uns des autres, appelés au partage d'une même dignité. Donnons donc jour après jour, instant par instant notre vie les uns pour les autres, nous accomplirons ainsi la Loi du Christ et Hérode sera tenu loin, très loin.

 

                                                                                                    Amen.

 

Homélie : Dans l’octave de Noël.                  29.12.90

      Etre brisé avant d’être guéri.

 

Mes frères,

 

Pourquoi faut-il que Jésus soit un signe de division ? Il l'est même pour chacun de nous en particulier. Il nous disloque avant de nous unifier. Il nous brise avant de nous guérir.

Il met en évidence en nous ce qui appartient au monde et à son prince. Il nous révèle notre fausse identité avant de nous remettre le caillou blanc sur lequel est inscrit notre nom nouveau, notre nom véritable, notre nom d'éternité.

Cette expérience, mes frères, chacun de nous à l'occasion de la faire. Mais heureux celui auquel il est donné de la faire jusqu'au bout et qui peut ainsi passer des ténèbres à la Lumière.

 

Mais si Jésus est un signe de division à l'intérieur de nous, il l'est bien davantage encore à l'intérieur du monde. L'extrême pureté de la lumière qu'il est met en évidence l'opacité des ténèbres rencontrées par le non-amour.

Les hommes peuvent ne pas en avoir conscience, cela ne change rien au fait. Le Christ Jésus est toujours renié même s'il demeure obstinément caché. Et il sera aussi le dernier, lui qui est venu pour réconcilier tout, pour l'anéantissement des ténèbres.

Mes frères, il est nécessaire qu'il y ait dans le monde des yeux adaptés à la lumière du Christ et à son amour. C'est le rôle entre autre du contemplatif. Ce devrait être celui de tout chrétien.

Ceux qui sont dotés de tels yeux sont les voyants face à toute forme de cécité. Ils ont des fenêtres qui accueillent la lumière, qui accueillent la lumière et qui permettent la guérison du monde.

Mais pour accepter de s'acquitter correctement de cette mission, il ne faut pas craindre à la suite de Marie d'avoir le cœur transpercé d'un glaive. Plus le cœur est pur, plus la malice du monde .. ?.. et plus grandissent en lui la douceur et l'amour. Un tel cœur, mes frères, ne peut plus avoir la moindre haine de son frère, contre l'homme quel qu'il soit.

Bien au contraire, il est un foyer qui réchauffe et qui donne la vie, un foyer auprès duquel il est bon de venir retrouver l'espérance, réconfort et confiance. Un tel cœur en effet devient le lieu où s'accomplit la fin des Temps, c'est à dire l'ultime remise en ordre par laquelle Dieu devient tout en toute chose.

 

En effet, dans un tel cœur il n'y a plus que la présence totale, complète, achevée, définitive de Dieu Trinité et il est déjà tout entier un microcosme, et en lui s'accomplit, s'achève le projet de Dieu ; non seulement pour ce cœur personnellement, mais aussi pour l'univers entier. Car le tout est caché dans chaque .... ?….

Mes frères, nous sommes appelés à être les collaborateurs de Dieu jusque là. Ne reculons pas. Nous sommes ici pour devenir lumière, pour devenir UN .. ?.. , UN entre nous, UN en Christ et en Dieu.

 

                                                                                                    Amen.

 

Homélie : Le dernier jour de l’année.             31.12.90

      Rendre grâce.

 

Mes frères,

 

En ce dernier jour de l'année, nous venons d'entendre l'hymne splendide qui ouvre l'Evangile selon Saint Jean. L'Eglise, dépositaire du savoir-faire de Dieu, nous dit ainsi que l'eschaton, l'ultime, l'accomplissement se rejoignent mystérieusement avec le primordial, le commencement.

Tout, absolument tout baigne dans la Lumière de Dieu. Cette Lumière précède la création et elle est encore là au terme de tout achèvement. Rien n'existe en dehors d'elle, tout existe par elle et pour elle.

Et cette lumière porte un nom d'homme car elle a voulu devenir homme. Elle a voulu devenir cette merveille de matière vivante et consciente. Elle s'est laissé construire dans le sein d'une femme, une femme tout ensemble vierge et mère.

 

Et cette lumière s'appelle Jésus de Nazareth. Elle est devenue de notre race pour que nous puissions devenir de sa race. Par elle la Lumière, par Lui Jésus, nous pouvons monter jusqu'à Dieu et devenir lumière dans la lumière qu'il est.

Ceci, mes frères, n'est pas pieuse poésie, imagerie ésotérique. Non, si nous avons jamais rencontré un homme, une femme pétrie d'amour, nous savons que nous avons touché la fin des Temps et trouvé ce qui est antérieur à tous les Temps.

C'est l'apparition en effet du Christ Jésus dans un homme, dans une femme, et ça nous ..?. ..?. ..?. Tels, mes frères, nous devrions être chacun, le Christ Lumière présent parmi les hommes.

 

La rencontre liturgique de la fin et du commencement est une parole prophétique et nous rappelle notre destinée, notre espérance, notre devoir. En cette fin de l'année 1990, rendons grâce à Dieu Père, Fils et Esprit Saint. Notre cœur, mes frères, ne peut contenir tout ce que Dieu nous a offert.

 

                                                                                       Amen.

Table des matières

Homélie : Messe de minuit de Noël.             25.12.90*. 1

La révolution par le silence. 1

Homélie : Messe du jour de Noël.                25.12.90. 1

Les yeux fixés sur la Lumière qui divinise. 1

Homélie : Fête de Saint Etienne.                 26.12.90. 3

Appelé à témoigner du Christ. 3

Homélie : Fête de Saint Jean Apôtre.           27.12.90. 4

Dieu nous a aimés le premier/ 4

Homélie : Fête des Saints Innocents.            28.12.90. 5

Hérode pourrait s’éveiller en nous. 5

Homélie : Dans l’octave de Noël.                  29.12.90. 5

Etre brisé avant d’être guéri. 5

Homélie : Le dernier jour de l’année.             31.12.90. 7

Rendre grâce. 7