8.Fête de la communauté et de nos collaborateurs.

 

Homélie : Fête de la communauté.                16.11.79

       Sg 13, 1-9  *  Lc 17, 26-37

 

Mes frères,

 

En ce jour où nous célébrons une liturgie un peu exceptionnelle, vu que tous nos amis sont ici présents, nous devons d'abord remercier Dieu. Je pense que c'est notre premier geste. Le remercier de nous avoir constitués en un corps, un corps organisé, un corps vivant, un corps qui voudrait être, ici sur ce petit coin de terre, une apparition de ce Royaume que le Christ a voulu fonder lorsqu'il a passé ces quelques années parmi nous. Ce Royaume qui se construit sur un feu, non pas sur le feu de la destruction, celui dont viennent de nous parler ces allégories Evangéliques, mais le feu qui est celui de l'Amour.

C'est ce feu que le Christ est venu lancer sur la terre, ce feu qui doit nous parcourir, qui doit nous animer et qui doit nous souder ensemble d'une façon qui pourra être pour le monde entier un témoignage de ce que Dieu peut réaliser lorsqu'il trouve des hommes qui sont capables de s'ouvrir à lui et de lui faire confiance.

 

Naturellement, nous ne devons pas nous imaginer que nous n’atteindrons jamais la perfection de cet idéal. Jamais nous ne serons au sommet de notre évolution spirituelle et même simplement humaine. Nous ne devons pas nous laisser emporter par de belles illusions, des rêves. Non, tenons toujours bien les pieds par terre. Nous savons que nous sommes des hommes soumis à une quantité d'illusions. Ce qui nous apparaît en premier lieu nous semble toujours le meilleur. ­

Or nous ne savons pas du tout ce qui nous convient dans le fond. Il y en a un seul qui le sait : c'est notre Créateur. Lui ne se trompe pas dans ses desseins. Il veut faire quelque chose de nous, quelque chose de bien, quelque chose de beau. Eh bien mes frères, l'art, c'est d'entrer dans ses desseins à lui, c'est d'essayer d'épouser ses volontés, et puis franchement, sans réticence, de collaborer à son travail.

Mais au fait, nous nous comportons trop souvent comme de grands gosses impénitents qui sont sujet à toutes sortes de caprices, qui se laissent entraîner par leurs fantaisies. Entrer dans le vouloir de Dieu nous semble toujours pénible quand, en réalité c’est notre épanouissement.

 

Rappelons-nous le temps de notre petite enfance ! Ceux qui ont des enfants, des tous petits enfants maintenant, savent avec quelle patience il faut écouter tout ce qu'ils racontent, tout ce qu'ils désirent. Et avec non moins de patience encore, les éduquer, les former pour qu'ils puissent enfin comprendre lorsqu'ils seront parvenus beaucoup plus tard, comprendre que ce n'est pas en suivant tout ce qui passe par la tête qu'on parvient à être heureux, mais en collaborant franchement, sincèrement à ce qui est proposé par le Créateur, qui agit alors et transmet son vouloir par quantité d'événements et de personnes, avec lesquelles encore une fois, il faut essayer de coopérer.

Il faut reconnaître que les soucis de la vie sont bien réels et parfois lancinants. Il y a l'alimentation, le logement, les intérêts et les capitaux à rembourser, il y a le chauffage, il y a l'habillement, il y a la santé, il y a l'éducation, et aujourd'hui il y a même les loisirs.

 

Mes frères, nous ne devons pas oublier que par le monde maintenant il y a des centaines de millions d'hommes, de femmes, d'enfants qui n'ont jamais, mais au grand jamais, une fois dans leur vie mangé à leur faim, qui du matin au soir pensent à manger, manger, manger. Ceux qui parmi nous ont été livrés à cette famine dans des camps de prisonniers où ailleurs, savent très bien que du matin au soir, et même la nuit sans arrêt, sans arrêt tout l'être est tendu vers quelque chose à manger.

Or nous vivons nous, ici, dans une abondance de biens. Nous sommes des hyper civilisés du globe. Nous ne savons que faire avec tout ce que nous avons et tout ce qui nous arrive encore de tous côtés.

Eh bien, mes frères, cela ne doit pas nous faire perdre de vue que là n'est pas l'essentiel de la vie, l'essentiel se trouve ailleurs. L'essentiel se trouve dans la vie qui ne finit pas, cette vie impérissable qui est participation à la vie de Dieu. Cette vie impérissable, elle est diffuse partout, elle est sous les apparences. L'auteur du Livre de la Sagesse nous l'a dit : ne nous laissons pas séduire par ce qui brille, mais essayons de voir en dessous.

Et cette vie éternelle, elle est aussi présente pour ces personnes qui partout meurent de misère. Elle est aussi présente pour nous. Et à la fin, un sera pris et l'autre sera laissé. Le Christ est un peu dur lorsqu'il nous dit tout cela, mais c'est pour nous éveiller et nous rappeler que parfois la Vie Eternelle se trouve là où on pense très peu la trouver.

 

Ce que nous devrions faire, je pense que ce serait très utile, et au fond c'est la seule chose à faire, nous devrions nous aider l'un l'autre dans l’apprentissage de cette Vie Eternelle. Cette Vie Eternelle, ce n'est rien d’autre que la Vie même de Dieu. Et comment faire alors ? Je vais me permettre de vous proposer quelques petites lignes de réflexions, un petit programme si vous voulez et nous pourrions essayer de le mettre en œuvre. Oh je sais que nous faisons déjà notre possible, mais il est bon de rappeler certaines choses.

Nous éduquer à la vie éternelle d'abord en refusant, mais en refusant catégoriquement de faire du tort à quiconque par des actions. Et ça, disons que c'est encore assez facile, mais aussi par des paroles ! Il arrive parfois une taquinerie qu'on estime innocente, mais elle peut parfois ouvrir dans la chair d'un autre une blessure qui va longtemps suppurer. Et puis refuser de faire du tort aussi, ne fut-ce qu'en pensée !

Lequel est le plus facile : penser du mal de quelqu'un ou penser du bien de quelqu'un ? Si nous suivons la pente de notre nature, eh bien, il est plus facile de penser du mal de quelqu'un, mais pourquoi ? Mais parce que l'autre est toujours plus ou moins un adversaire. Mais prenons bien garde ! Lorsque nous pensons du mal de quelqu'un, nous nous condamnons nous-mêmes parce que c'est toujours notre propre mal, notre propre défaut, notre propre déficience, notre propre complexe que nous découvrons dans les autres. Ou bien nous les plaçons dans les autres quand ils n'y sont pas !

 

Mes frères, comme je le disais en introduisant cette Eucharistie, les pensées négatives sont toujours des pensées suicidaires. Un homme qui s'y abandonne se détruit moralement, psychologiquement et même physiquement : sa santé en souffre.

Mes frères, efforçons-nous donc d'abord de refuser tout tort à l'endroit des autres. Mais il faut aussi passer ainsi du non au oui, du moins au plus. Essayons aussi de promouvoir l'estime et le respect des autres. Il y a tant de qualités en chacun de nous. N'ayons pas peur de les mettre en évidence lorsque nous les voyons chez un autre.. .,ça ne veut pas dire que nous devons nous couvrir mutuellement de compliments, mais par notre attitude encore, par nos paroles, par nos gestes montrons que nous avons de l'estime, du respect pour les autres.

 

Chacun est un petit chef d'œuvre unique, irremplaçable. Nous devons être heureux qu'il soit là. Il aura des défauts, il n'est pas parfait. Certes, mais il n'est pas achevé. Dieu est toujours en train de le façonner, de le dégrossir. Et derrière ce bloc-là, mais voyons l'œuvre qui est en train de surgir petit à petit.

Lorsqu'on va dans un atelier de sculpteur, il y a les œuvres qui sont déjà achevées. Elles sont parfaites, elles peuvent être exposées, elles sont déjà vendues peut-être ? Mais à côté de ça il y a encore des blocs informes, et ça ne ressemble à rien ! Si, ça ressemble déjà à quelque chose, car l'idée du sculpteur est déjà dans le bloc, elle est déjà en train de vivre et dans quelques temps elle apparaîtra dans toute sa beauté.

 

Mes frères, essayons aussi d'apprendre ce qu'est la Vie Eternelle en pratiquant la bienveillance alors, les uns envers les autres. La bienveillance et l'Amour, c'est cela peut-être qui est le plus beau. Nous ne devons pas oublier une chose : c'est que quand nous serons dans la situation des gens de Sodome, ou bien des hommes à l'époque de Noé, eh bien mes frères, nous ne prendrons rien avec nous, absolument rien.

On nous mettra dans une caisse, ou bien on nous mettra en terre comme ça, avec quelques habits sur le dos pour ne pas nous y mettre tout nu. Mais enfin, même les habits seront là et tout restera dans la terre. Nous ne prendrons absolument rien avec nous, sauf une seule chose, une seule et unique, ce sera notre amour. Comme le disait si bien Saint Augustin : mon poids, ma valeur, c'est uniquement mon amour. S'il n'y a pas d'amour, je n'existe pas, je ne suis rien, je ne vaux rien.

C'est la leçon que nous a donnés la Grande Sainte Gertrude, elle qui de son temps a voulu être le héraut de l'amour, essayer de faire comprendre à ses compagnes, à son entourage, à tous ceux qu'elle pouvait toucher, que la seule chose unique qui compte ici-bas et pour l'éternité, c'est de pouvoir aimer, aimer les autres. Et en aimant les autres, on s'aime vraiment soi-même.

 

Et alors cette vie Divine qui est amour, elle grandit, elle bouillonne en nous et elle disperse autour de nous le bonheur. Car mes frères, encore une fois, nous ne sommes pas appelés à être des êtres tristes et rabougris mais des êtres heureux parce qu'ils savent ce que c'est que d'aimer. Et aimer, c'est aussi porter, porter les autres.

Voila, je n'ai pas dit tout cela pour vous faire la leçon, loin de là, ce n'est pas mon rôle, mais simplement pour nous encourager à progresser. Car si Dieu nous a appelés ici, des horizons les plus disparates, les plus divers, de tous les âges, et je ne pense pas seulement aux moines, mais aussi à tous nos amis qui travaillent avec nous tous les jours. Certains n'ont jamais travaillé ailleurs qu'ici. Il y en a un ici qui est depuis 41 ans à l'Abbaye, donc déjà longtemps avant moi. Il est plus ancien que moi !

Alors vous voyez, mes frères, il y a là quelque chose pour nous aider à continuer à progresser dans la construction de ce corps dont l'âme est l'amour. Et ce Royaume de Dieu qu'est ce Corps, est une réalité dynamique. Elle ne peut pas reculer, elle doit toujours grandir. C'est la vitalité, la force du Christ ressuscité qui travaille en chacun de nous, qui travaille dans notre grande communauté.

 

Et ainsi, nous allons aujourd'hui célébrer cette Eucharistie, nous allons recevoir en nous le Corps et le Sang du Christ. Il y en a peut-être ici qui ne savent pas très bien ce que ça veut dire. Mais enfin, alors au moins qu'ils me croient sur parole : c'est quelqu'un qui va venir en nous et qui va s'emparer de nous. Une fois qu'il est entré, il n'en sort jamais plus, quoi que nous fassions. Et cette FORCE insensiblement travaille pour nous transfigurer et nous faire participer à sa propre résurrection, qui un jour arrivera aussi pour nous.

Donc, mes frères, aujourd'hui sachons que cette Eucharistie va nous souder encore davantage les uns aux autres dans la charité, dans l'amour, dans la confiance et aussi dans la joie.                                                                                                                    Amen.

 

Homélie : Fête de la communauté.                20.11.81

            La Loi du Christ.

 

Mes frères,

 

Lorsque nous jetons un regard sur les deux mois écoulés et que nous contemplons le présent, nous sentons monter en nous un sentiment de tristesse tant nous remarquons d'épreuves pénibles. Je vais en rappeler quelques unes sans souci de chronologie. Il y a eu d'abord le décès inopiné de notre frère Bernardin en l'absence de son dévoué infirmier le frère Martin qui, lui, la semaine prochaine devra à son tour être hospitalisé.

Puis ce fut la lourde et grave opération du frère André. Et vous savez qu'il vient 'd'être reconduit d'urgence en clinique. Nous avons eu aussi le frère Paul qui est heureusement rentré parmi nous après avoir recouvré sa vitalité et ses dents. Je rappelle aussi l'accident dont a été victime notre ami Léon Jacqmin, accident aux conséquences, aux suites, aux séquelles irréversibles. Et ce fut la mort de Léon Petit au terme d'un dur calvaire.

Père Ambroise est tenu loin de nous pour une durée indéterminée et le brave Victor est là-bas au loin depuis 15 jours dans des souffrances physiques et morales très grandes. Et pour mémoire, des choses plus bénignes, le frère Bonaventure et Dom Félicien.

 

Mes frères, en présence de cette accumulation soudaine de souffrances, de questions, de problèmes, le grand corps que nous formons ensemble a eu des réactions, des réflexes qui témoignent d'une santé morale et spirituelle pour laquelle nous devons rendre grâce à Dieu. Nous avons senti et nous sentons encore passer et repasser sur nous et entre nous une vague solide, puissante de communion. Nous vivons et nous comprenons la parole de l'Apôtre Paul : Portez les fardeaux les uns des autres et ainsi vous accomplirez la Loi du Christ !

Et cette loi du Christ, elle est unique, elle est simple, elle est belle. Il vient de nous la rappeler voici une minute. Mon commandement, a-t-il dit, c’est que vous vous aimiez les une les autres comme moi je vous ai aimé.

Et comment, lui, a-t-il aimé ? Ce fut sans calcul, ce fut désintéressé, gratuit, pur. Il n'a posé aucune limite. Il a aimé jusqu'au bout, jusqu'à la mort. Il a pris sur lui nos inquiétudes, nos angoisses, nos soucis, nos fautes, nos péchés. Il a voulu partager nos joies, grandes et petites, et cela sans jamais se dérober. Il est celui qui est pour nous un appui que jamais nous ne verrons fléchir ni céder. Il est l'ami dont la discrète fidélité est toujours une raison d'espérer.

 

Mes frères, tel doit être l'Abbé dans une communauté si vraiment il est le lieutenant du Christ, si vraiment dans son cœur il porte cet amour qui lui fait assumer tous les soucis des autres pour les en décharger dans la mesure du possible. Mes frères, vous savez que je m'efforce d'être ainsi pour tous et pour chacun. Mais vous devez aussi être tels les uns pour les autres sans vous laisser abattre par les tempêtes que les événements soulèvent.

Alors, notre communauté élargie sera vraiment le lieu où fleurit un amour, une fraternité, une solidarité de tous les instants. Et cette solidarité va s'étendre aux membres de nos familles, elle va s'étendre à nos amis. Et elle va tisser un réseau de relations qui sera déjà comme l'avant goût de ce qui nous sera préparé pour plus tard, ce Royaume de Dieu où il n'y aura plus ni de larmes, ni de cris, ni de pleurs, mais uniquement la reconnaissance, le partage, l'échange, la communion dans une ouverture totale les uns aux autres.

L'Eucharistie qui nous rassemble aujourd'hui, la présence parmi nous du Christ ressuscité, le Corps et le Sang d'un Dieu que nous allons partager, tout cela va resserrer les liens de notre communion et nous donner des forces nouvelles pour avancer, pour continuer à avancer de concert sur la route de notre destin, chacun à sa place, mais tous dans la même ligne jusqu'à ce que nous nous retrouvions un jour, tous, au banquet du Royaume, dans la lumière, pour l'éternité.                                                                                                  

                                                                                                         Amen.

 

Fête de la communauté, de nos collaborateurs.  26.11.82

            Homélie : La Parole, source de jeunesse éternelle.

 

Mes frères,

 

Les toutes dernières paroles qui ont frappé nos oreilles sont absolument stupéfiantes. ­Je les entends tinter longuement en moi. Elles sont, elles resteront comme un fond musical qui va porter et escorter mes actions de ce jour, et toute ma vie. Et je voudrais qu'il en soit ainsi pour chacun d'entre vous.

Je les rappelle. Le Christ nous a dit : Le ciel et la terre passeront, mes paroles à moi ne passeront pas ! Mais qui est-il donc cet homme qui ose dire des choses pareilles ? Il prend à son compte l'Oracle Prophétique selon lequel la Parole de Dieu demeure pour l'éternité. Pour qui se prend-il ?

Il se pose pour Dieu lui-même. Il se présente comme le commencement et le terme de tout ce qui existe. Et nous savons, mes frères, que cet homme, Jésus de Nazareth, disait la vérité. Il est d'ailleurs la Vérité et la Vie. Il est Dieu. Est-ce que nous nous rendons compte de ce que cette affirmation veut dire ?

 

Sa Parole, ses Paroles ne passeront jamais ! Quelle va donc être notre réaction à nous, car nous le savons, tout glisse vers son vieillissement et vers sa fin. Le vivant, l'inanimé, l'univers entier, et nous les tous premiers un jour peut être tout proche c'en sera fini de nous. Et Lui, il sera toujours là, vivant. Et ses Paroles n'auront pas passé, elles ne passeront pas.

 

Mais alors, en lui, dans sa Parole, ne trouverions nous pas la source d'une jeunesse éternelle, d'une vie perpétuellement jaillissante. Le Ciel Nouveau, la Terre Nouvelle, la Jérusalem Nouvelle dont nous parlait le voyant de l'Apocalypse, ne serait-elle pas en lui ? Lui n'en serait-il pas le fondement, le créateur et la couronne ?

Oui, mes frères, il est tout cela en lui. Et nous-mêmes si nous le voulons, nous le serons avec lui. Mais comment ? C'est tout simple ! En nous laissant greffer sur lui, en recevant de lui sa Vie à Lui et son être à lui. Il nous offre tout cela encore, dans cet instant, dans cette Eucharistie que nous sommes en train de partager. Il va nous absorber en lui en se donnant à nous. Il va nous emporter là où il est, au sein de la Trinité qui est amour. Et il nous invite à y installer, là, auprès de lui notre demeure.

Nous deviendrons donc éternel, nous ne verrons jamais la mort même si nous devons traverser l'étroit goulot de la mort biologique. Mais la seconde mort, nous ne la connaîtrons jamais à condition que nous établissions en lui notre demeure. En lui, c'est à dire dans l'amour

qu'il rayonne, dont il est l'apparition vivante dans notre monde qui est trop écrasé par l'égoïsme.

 

Nous aimer, mes frères, c'est à dire nous aider, nous soutenir les uns les autres en nous oubliant. Former tous un noyau dont l'âme sera l'amour. Et puis, rayonner cet amour autour de nous, sur nos proches, dans notre communauté, dans nos familles, sur tous ceux que nous rencontrerons.

Et ainsi, mes frères, non seulement nous possèderons déjà les prémices de la vie incorruptible, de la vie impérissable, mais nous aurons l'assurance que nous-mêmes, nos actions, nos paroles, à l'instar de celles du Christ, ne passeront pas même si l'univers entier doit un jour s'anéantir devant la face de Dieu pour renaître de nouveau. Et nous en serons les régents.

O mes frères, ce ne sont pas les vues utopiques d'hommes qui sont frustrés, qui sont privés. Non, c'est la réalité ! Et nous savons dans notre vie contemplative que c'est quelque chose que nous palpons déjà dans le réel. Celui qui aime, celui qui est aimé, celui qui est vivant dans le Christ sait très bien qu'il ne mourra pas.

           

Voilà, mes frères, notre programme pour aujourd'hui. Nous allons en reprendre une nouvelle conscience. Mais ce sera aussi notre programme pour demain, pour tous les jours qui vont suivre. Et ainsi, vivant de la Vie Divine, devenant de véritables enfants de Dieu, nous ne passerons pas. Et cette vie éternelle, nous la manifesterons aux autres, nous en serons les témoins, et jamais rien de ce que nous ferons, de ce que nous sommes, ne passera.

                                                                                                                                        Amen.

 

Homélie : Fête de la communauté.                30.11.84

            Venez, suivez-moi !

 

Mes frères,

 

Pour entrer dans la fête de ce jour, nous pouvons franchement prendre appui sur l'invitation adressée par Jésus à ses premiers disciples : Venez, suivez-moi ! Notre vie monastique, notre vie chrétienne aussi, n'est rien d'autre qu'une marche à la suite du Christ jusqu'à l'heure heureuse où nous entrerons avec lui dans le Royaume de Dieu.

Suivre le Christ, c'est être avec lui à tout moment. C'est vivre comme lui. C'est déposer des habitudes trop humaines pour adopter un comportement nouveaux inspiré du sien. Ce n'est pas impossible, car le Royaume de Dieu auquel il nous invite, vers lequel il nous conduit, il travaille déjà en nous et autour de nous.

Oui, notre être charnel insensiblement se dégrade et glisse vers la mort. Mais notre être spirituel se fortifie de jour en jour dans une jeunesse qui, elle, jamais ne déclinera. La puissance du Royaume de Dieu travaille nos cœurs et jamais elle ne faiblit. Nous ne devons pas craindre nos reculades, nos chutes même. Ce sont des crises de croissance qui nous permettent de nous dépasser en nous reprenant et en continuant notre route.

 

Les Apôtres n'ont pas été des saints dès les premiers jours. Ils ont dû briser leur égoïsme, ou plutôt permettre à la force de l'Esprit de les faire sortir d'eux-mêmes pour qu'enfin ils puissent librement aimer. Le Royaume de Dieu qui travaille à l'intérieur de nous et autour de nous, je le répète, ce Royaume de Dieu doit transparaître à travers notre conduite. Il nous métamorphose. Il fait de nous des êtres nouveaux, des enfants de Dieu. Et cela va apparaître dans notre agir, dans nos pensées aussi, mais surtout dans notre conduite.

Nous allons nous ouvrir aux autres, les accepter tels qu'ils sont dans leurs faiblesses, dans leurs défauts, mais aussi dans leurs qualités et leurs richesses. Nous ne serons pas heurtés lorsque parfois ils nous secouent. Nous ne serons pas jaloux lorsque nous remarquerons qu'ils sont meilleurs que nous, plus forts que nous en bien des domaines.

Nous serons heureux de ce qu'ils sont, car nous prendrons sur nous leurs défauts et nous partagerons leurs richesses. Notre cœur va s'ouvrir à un véritable amour. Nos frères, nous les soutiendrons sur leur route. Nous aiderons les faibles. Nous marcherons à la suite des forts. Nous serons entre nous des artisans de paix, de sécurité, et jamais, au grand jamais des semeurs de discorde.

 

Mes frères, ainsi le Royaume de Dieu apparaîtra aux regards de tous. Et nos frères seront heureux lorsqu'ils auront le bonheur de nous rencontrer, de nous voir arriver vers eux. Ils se donneront à nous. Et ensemble, nous formerons un Corps partageant la même vie, le même amour et les mêmes espoirs.

Voilà ce que nous vivrons avec une intensité nouvelle aujourd'hui. Nous saurons que nous sommes en route vers un même but, que nous partageons une même destinée, où que nous soyons, qui que nous soyons. Et ensemble, unis autours de nos jubilaires, nous serons heureux.

Mes frères, n'ayons pas peur de le dire, de le croire. Le Royaume de Dieu, je le répète, est ici présent parmi nous. Notre Eucharistie en est le gage, la promesse et le signe. Nous allons ensemble la partager. Un surcroît de vie va parcourir tout notre être, va faire battre notre cœur. Et nous continuerons nos routes pour une nouvelle année en ayant dans les yeux une lumière nouvelle qui sera pour tous la présence du Christ, de son Esprit, de son amour et de son accueil.

                                                                                                              Amen.

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Homélie : Fête de la communauté.                14.11.86

            Que signifie aimer ?

 

Mes frères,

 

L'Apôtre Jean vient de nous tracer une ligne de conduite ferme, sûre, droite. Nous pouvons lui faire confiance, il sait de quoi il parle. Il a le droit de parler, lui qui a suivi le Christ Jésus jusqu'au pied de la croix.

Il nous conseille, il nous enjoint de vivre dans la vérité, c'est à dire bien concrètement d'être enraciné dans l’amour. Aimons-nous les uns les autres, nous dit-il. Voilà bien le commandement par excellence, le commandement ancien, le commandement nouveau.

Il est ancien car nous l'avons reçu dès le commencement. Mais chaque jour, nous devons le retrouver, nous devons le réinventer, le rafraîchir, le rajeunir. C'est lui, ce commandement de l'amour qui nous conduira jusqu'au sommet de toute perfection humaine car il nous rend semblable à Dieu, notre Dieu qui est amour.

 

Mais que signifie concrètement aimer ? Aimer son frère, c'est d'abord refuser de le posséder, de l'utiliser, de l'asservir, de le diminuer. Aimer son frère, c'est le respecter dans son altérité, c'est l'accepter tel que Dieu l'a créé, tel qu’il se sent lui-même. Il peut se sentir mal, il peut se sentir bien. Il est tel. C'est tel que je dois l'accepter. Et alors, lui, il s'acceptera lui-même et commencera à pouvoir décrocher de ce moi préfabriqué et prendre son envol vers une métamorphose qui le conduira à sa pleine stature de fils de Dieu et de fils d'homme.

Aimer son frère, c'est vouloir pour lui le meilleur. O, non pas qu'il réussisse dans ses affaires, non ! Non pas qu'il brille aux yeux des autres, mais qu'il accède à la sainteté c'est à dire qu'il ait le privilège, le bonheur unique de participer à la vie même de Dieu et de savoir ce que c'est qu'exister, de savoir ce que c'est être, de savoir lui-même ce que signifie aimer.

Aimer son frère, c'est lui donner son cœur, c'est se donner à lui de façon gratuite, désintéressée, sans arrière pensée. Et le frère le saura. Le frère le sentira. Il s'ouvrira à la confiance. Il commencera lui-même à naître au véritable amour.

 

Mes frères, si tous nous partageons ces sentiments, il va se construire ici une vrai communauté, un corps vivant dans lequel chacun pourra librement respirer, grandir, s'épanouir, réaliser sa vocation d'homme et de fils de Dieu promis à un avenir d'éternité.

Alors, mes frères, s'il en est ainsi, nous ne serons pas surpris par le déluge, nous ne serons pas surpris par la pluie de feu et de souffre. Mais qu'est-ce le déluge, qu'est-ce cette pluie qui anéantit tout ? Eh bien, mes frères, la seule chose qui peut nous anéantir, c'est précisément le défaut d'amour.

Car celui qui n'aime pas, il ne vit pas. Il n'est pas digne de vivre. Il se suicide. Il est un mort qui déambule parmi les autres. Tandis que celui qui est possédé par l'amour, celui dans lequel l'Esprit de Dieu peut triompher, celui-là, il est déjà passé de la vie à la mort, Il connaît déjà l'état bienheureux de la résurrection d'entre les morts.

 

Mes frères, la fête de ce jour, ouverte par cette Eucharistie, elle nous rappelle ces magnifiques réalités. C'est l'occasion de nous ressaisir, comme je le disais au début, de rafraîchir notre amour, notre charité fraternelle et ainsi de nous enraciner davantage dans la vérité qui seule peut nous libérer.

Et ainsi, mes frères, étant fidèles à notre vocation de moine et de chrétien, d'homme tout simplement, nous posséderons la vie et il nous sera possible de la rayonner autour de nous.

 

                                                                                            Amen.

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Homélie : Fête de la communauté.                06.11.87

            Où est notre vraie patrie ?

 

Mes frères,

 

Nous venons de l'entendre, l'Apôtre a reçu pour mission d'annoncer Jésus-Christ, sa mort, sa passion, sa résurrection, la vie éternelle qu'il a promise aux hommes. L'Apôtre proclame la présence du Royaume de Dieu avec sa loi d'amour. Il annonce l'imminence d'un jugement qui départagera les hommes selon les critères de la vérité. Il dit avec force que le but de l'existence humaine n'est pas le plaisir ou les affaires, qu'il ne se situe pas dans la possession ou les avoirs.

La vie terrestre est éphémère. Le jour approche où on ne nous verra plus, on ne pensera plus à nous. Il est donc urgent que notre cœur se fixe au-delà des apparences sensibles, qu'il entre par la foi dans cet univers de lumière et d'amour qui est notre vraie patrie. Ainsi serons-nous à notre tour, à notre place, des Apôtres de la vérité. Le Christ en nous poursuivra son œuvre de Rédemption des hommes et de transfiguration de l'univers.

 

Mais nous sommes d'abord, reconnaissons-le, des fils de ce monde. Nous sommes habiles dans nos entreprises grandes ou petites. Ce n'est pas un mal à condition que nous restions honnêtes, étrangers à toute compromission. Saint Benoît ne dit-il pas que Dieu doit être glorifié en toutes choses, jusque dans les pratiques commerciales.

Mais nous devons aussi et surtout être habiles en ce qui regarde nos intérêts spirituels, et même plus habiles encore que dans nos affaires temporelles. Nous n'hésiterons donc pas à nous perdre pour trouver la vie, à renoncer à nous-mêmes pour acquérir la perle unique du Royaume. Nous coulerons notre volonté dans celle de notre Dieu, et cela en toutes circonstances.

Nous donnerons toujours la préférence à nos frères. Nous veillerons à ne pas les troubler, à ne pas les déranger. Nous serons pour eux, non pas un obstacle mais un soutien. Nous serons ceux qui les font avancer, ceux qui les aident à progresser, à réaliser leur vocation d'homme, de chrétien ou de moine. Nous entretiendrons dans notre cœur des sentiments de bienveillance, d'indulgence, d'accueil, d'amour.

 

La fête de ce jour, mes frères, nous rappelle que en ce domaine, nous sommes tous égaux. Nous avons tous les mêmes devoirs et tous les mêmes droits. Que nous soyons moines ou que nous soyons laïcs, il n'y a pas de différence aux yeux de Dieu.

Notre assemblée Eucharistique de cette journée dira bien haut notre intention de mettre tout en œuvre pour que triomphe en nous et entre nous Dieu et son Royaume.

 

                                                                                                        Amen.

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Homélie : Fête de nos collaborateurs.            10.11.88

 

Mes frères,[1]

 

……Restons vigilants car la paix est une plante extrêmement fragile qui doit être entourée des soins les plus grands. Et n'oublions pas que le lieu de la paix est d'abord notre propre cœur. C'est là, au centre de nous, que tout finalement se décide. Il importe donc d'entretenir en nous des sentiments de respect et de bienveillance à l'égard de tous ceux que nous rencontrons, de tous ceux avec lesquels nous vivons, de tous ceux qui sont mis par la providence sur notre route.

Chaque homme, chaque femme existe avec son lot de qualités et de défauts qui fait le charme de chacun. Et l'ensemble dessine un jardin dont la beauté devrait faire notre enchantement perpétuel. Dieu ainsi dispose les personnes et les choses de manière à ce que tout s'accorde et s'harmonise pour le bien et pour le progrès de chacun et de tous.

Efforçons-nous, mes frères, d'avoir le regard assez pur, le regard assez bon pour admirer la beauté de ce que Dieu nous offre et le refléter dans notre vie. Oui, nous devons permettre à l'Esprit de Dieu de prendre possession de notre être et de faire de nous des chrétiens authentiques. La marque distinctive du chrétien, nous le savons, c'est la charité, c'est un amour sincère et actif pour chacun.

 

Or, l'amour ne fait rien de mal, l'amour ne dit rien de mal, l'amour ne pense rien de mal, l'amour est tout entier bienfaisance, douceur, compassion, patience, don de soi, service. Nous formons tous une grande famille dont le ciment est cette charité. Mes frères, veillons à ce que ce soit toujours un ciment de première qualité. Ce ne peut pas être un ciment quelconque que les intempéries, que la pluie, que le gel et même que le soleil vont finalement user et détruire.

Et alors, mais toute la bâtisse devient branlante, et elle pourrait s'écrouler au moindre choc. Non, mais que notre charité, le ciment de notre unité, soit toujours une charité vivante, attentive, vigilante et, alors, cette union entre nous sera un facteur de paix, la paix dans notre cœur, la paix entre nous. Et à partir de cette petite cellule monastique, une paix qui va rayonner car nous la transporterons partout où nous irons, à l'intérieur de nos familles, partout.

Si nous devons opérer une démarche, et bien, nous transporterons notre paix avec nous. Et les personnes que nous aurons rencontrées s'en trouveront rassurées et encouragées pour poursuivre, elles aussi, leur route dans un monde qui n'est tout de même pas facile à vivre.

 

Mes frères, nous allons dans un instant communier au corps et au sang du Christ, Lui qui a poussé l'amour jusqu'à donner sa vie pour nous. Il faut que nous soyons disposés aussi à donner notre vie les uns pour les autres.

O, je ne pense pas à la mort, non, loin de là! Mais il y a mille et une façons de donner sa vie à longueur de journée, par un sourire, par une parole agréable, par un petit service à rendre, par son devoir d'état qu'on accomplit le plus consciencieusement possible, par la volonté de Dieu qu'on accueille et qu'on épouse de tout son cœur.

Et ainsi, mes frères, nous serons des liens de paix, nous serons des lampes, comme nous le dit ailleurs le Christ, qui vont rayonner la lumière sur toute la maison. Et ainsi, nous travaillerons au bonheur de tous et de chacun, et nous ajouterons quelque chose à la gloire de notre Christ.

                                                                                                 Amen.

 

Homélie : Fête de l’Apôtre Saint André.         30.11.90

            Fête annuelle de la communauté et de nos collaborateurs.

 

Mes frères,

 

La Fête de l'Apôtre Saint André nous rappelle que tous ensemble nous formons une famille dont le Christ-Jésus est la tête. Nous sommes tous frères et nous devons nous comporter entre nous comme des frères. Un même sang spirituel circule dans nos artères et un même rythme fait battre nos cœurs.

On reconnaîtra que nous sommes frères et que le Christ est notre chef si nous nous aimons les uns les autres, si nous nous respectons mutuellement, si nous nous estimons réciproquement, si nous sommes toujours prêts à nous rendre service.

Nous sommes ici sur cette terre. Nous n'y serons pas toujours. Rappelons-nous que notre frère François nous a quittés au début de cette année. Notre tour est peut-être tout proche, nous ne devons jamais l'oublier.

 

Saint Benoît nous recommande de tenir notre mort sans cesse présente au regard de notre cœur. Il dit cela non pas pour nous effrayer mais pour nous rappeler à la réalité de notre condition de créature, pour nous dire que notre véritable lieu n'est pas sur cette terre mais qu'il est au-delà …?... …?...  mystérieux derrière lequel nous sommes attendus par le Christ, par la Vierge Marie, par la multitude immense des saints et des saintes qui sont eux aussi nos frères et nos sœurs.

La Bonne Nouvelle annoncée par les Apôtres est celle-ci : le Christ-­Jésus est ressuscité d'entre les morts et nous ressusciterons avec lui. Mieux encore, nous ressuscitons déjà maintenant lorsque nous permettons à l'amour d'envahir nos cœurs. Dieu et sa vie, Dieu qui est vie est infiniment plus puissant que toutes les forces de mort.

Le péché lui -même et la haine sont vaincus. Il nous suffit tout simplement de nous laisser emporter par ce flot, par ce flot de vie qui bouillonne déjà en nous. Il n'est pas difficile d'y          être attentif. Il suffit de se …?... …?... …?... puis tout simplement d'être à l'écoute de cette présence qui travaille en nous.

 

Ce n'est pas parce que nous voyons autour de nous régner la violence, le mensonge, la tromperie, la dissimulation, l'exploitation que nous devons commencer à laisser tomber les bras et à faire de même. La réussite d'une vie n'est pas dans l'accumulation des fortunes, mais elle est dans la charité fraternelle, dans la justice et dans la vérité. Contre des hommes habités par de telles vertus, il n'y a rien qui puisse s'opposer, pas même la mort.

Les hommes attendent de nous, chrétiens, que nous soyons témoins par notre vie concrète de cette évidence. Nous sommes réunis aujourd'hui déjà en cette Eucharistie pour fêter la famille que nous sommes. En communiant au corps et au sang du Christ ressuscité, nous renforçons les liens qui nous unissent.

Nous serons plus forts pour lutter contre le déferlement des passions qui risque toujours de s'infiltrer à l'intérieur de notre cœur, ou entre nous, et nous saurons que l'éternité est à notre, portée dès maintenant.

 

Mes frères, je veux remercier chacun d'entre nous de ce qu'il apporte au bien de l'ensemble. Oui, là où règne la charité, là règne la vie impérissable.

 

                                                                                                                Amen.

 

Homélie : Fête Communauté & Collaborateurs.   22.11.91

 

Ma sœur, mes frères,

 

Nous célébrons aujourd'hui la fête de Sainte Cécile, la Patronne des musiciens. Mais nous ne nous arrêterons pas à cet aspect.

Cécile était une jeune femme de la haute noblesse romaine. Elle vivait au III° siècle, donc dans les années 200 de notre ère. Elle possédait toutes les qualités du corps et de l'esprit mais, au regard de la société de son temps, elle avait un seul défaut, un seul : elle était chrétienne, et elle allait jusqu'à mettre sa maison à la disposition de l'Eglise.

Les autorités ne pouvaient pas tolérer cela trop longtemps. Elles intervinrent et Cécile fut sommée de renoncer à sa foi, de renier le Christ et de sacrifier aux idoles. C'était un choix terrible ! D'un côté, c'était pour Cécile une vie comblée d'honneur et rassasiée de plaisirs et de l'autre côté, c'était la mort. Et Cécile a choisi. Elle a choisi de rester fidèle au Christ et elle a été décapitée.

 

Je me pose à ce sujet deux questions. Nous vivons ou nous travaillons dans un monastère. Mais sommes-nous fiers d'être chrétiens ? Si nous étions placés dans la situation de Cécile - et ce n'est pas là quelque chose lancé en l'air ainsi. II y a des pays où des hommes, des femmes, des enfants même se trouvent dans cette situation-là - si donc nous devions choisir, de quel parti serions-nous ?

 

Tournerions-nous le dos à Dieu et au Christ pour mener une petite vie tranquille ? Ou bien proclamerions-nous notre attachement au Christ au risque de mourir ?

Vous savez que dans certains pays, le fait de se dire chrétien fait que on n'a pas accès au travail, on n'a pas accès aux études pour les jeunes, on n'a pas accès à la sécurité sociale pour les personnes âgées.

Et voilà, on ne sait jamais ce qui peut arriver dans nos régions ? Et nous serions là devant le choix comme Cécile. Et voilà, chacun peut donner une réponse dans le secret de son cœur.

Et voici une seconde question : Comment vivons-nous notre foi au Christ ? II l'a dit lui-même : On reconnaîtra que vous êtes mes disciples si vous avez de l'amour les uns pour les autres.

Pouvons-nous affirmer en toute sincérité et vérité que nous aimons ? C'est une question cruciale à laquelle nous ne pouvons échapper. C'est sur elle que nous serons jugés un jour.

Eh bien, mes frères, je vais répondre. II me semble pouvoir dire que vraiment nous nous aimons les uns les autres. Certes, ce n'est pas parfait, nous avons nos faiblesses, nous sommes des pécheurs, nous venons de l'avouer en ouvrant cette Eucharistie. Nous ne sommes pas encore des saints même si un jour tôt ou tard nous devrons le devenir.

 

Mais dans la pratique concrète de notre existence quotidienne, nous faisons de notre mieux pour nous estimer, pour nous respecter, pour nous aimer. Et cet amour doit rayonner autour de nous.

Nous devons le faire rayonner sur nos frères, nous devons le faire rayonner sur les membres de notre famille, sur les personnes que nous rencontrons, sur ceux qui viennent travailler dans notre monastère, et il n'en manque pas ces jours-ci. Et alors vraiment nous serons des chrétiens car, je le répète après le Christ, c'est à cela qu'on nous reconnaît.

Eh bien aujourd'hui, en cette Eucharistie qui nous réunit, nous demanderons au Christ par l'intercession de Sainte Cécile de nous aider à progresser dans cet amour. Et notre fidélité de chaque jour sera la garance de notre fidélité finale.

         

                                                                                                                 Amen.

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Homélie : Fête de la communauté.                06.11.92

 

Mes frères,

 

Nous venons d'entendre de la bouche du Seigneur Jésus une Parole sur laquelle nous pouvons nous arrêter quelques instants. Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Qu'est-ce que cela veut bien dire ?

Les fils de ce monde, ce sont les hommes soumis au pouvoir de l'argent. Et avec ça, ils peuvent tout se payer. Ils mettent leur gloire dans leur ventre, comme il a été dit. Ils sont rapaces, malhonnêtes, avides de jouissance. Tout leur est bon pour arriver à leurs fins.

Ils se livrent entre eux une guerre impitoyable - on appelle ça se faire concurrence - mais en fait, ils s'entendent à merveille. Ils sont tous complices les une des autres et ils rivalisent de ruses.

 

Les fils de la lumière, eux, ce sont les hommes qui recherchent le Royaume de Dieu et sa justesse. Ils s'attachent à établir la concorde parmi les hommes. Ils sont coulants comme on dit, ils sont faciles à vivre. Ils ne poursuivent pas leurs intérêts propres mais plutôt celui des autres. Ils savent s'oublier, ils ne rendent pas le mal pour le mal. Bref, comme on dit, ce sont des bonnes poires exactement comme Dieu leur père.

Leur défaut, c'est de ne pas exploiter à fond les milles ressources que Dieu met à leur disposition pour courir vers la sainteté. Ils ne sont pas suffisamment habiles entre eux. Il ne s'agit pas d'une habileté de mauvais aloi comme celle des fils de ce monde mais plutôt d'une habileté qui consisterait à se faire davantage confiance les uns les autres, à oser attendre des autres un renfort de charité.

Ils cherchent Dieu, certes ; ils se mettent au service de leurs frères, oui ; mais ils sont encore malgré tout contaminés par le péché et il y a toujours au fond de leur cœur une certaine peur. Voilà, leur habileté consistera à s'ouvrir totalement à l'amour qui les sollicite.

 

Mes frères, ce pourrait être notre cas à l'intérieur de notre grande famille monastique. Notre but commun, ce n'est pas d'amasser frénétiquement des fortunes. Non, c'est de vivre honnêtement sans léser personne en nous efforçant de toujours agir bien et juste.

Il faut, mes frères, que les gens du dehors puissent dire de chacun de nous : ils sont de Saint Rémy, cela se voit ! Voyez quel programme ! C'est là un programme de lumière et Dieu nous le propose aujourd'hui. Ce n'est pas utopique puisque nous sommes chrétiens, donc greffés par ..?.. sur la charité et fils de la lumière.

 

Alors si vous le voulez, nous mettrons ce programme en pratique ici même en nous aidant à vivre mieux. Nous veillerons à ce que nos paroles soient toujours des paroles de bonté, des paroles d'éloges. Et à partir de nos paroles, nos actes suivront d'eux-mêmes.

Et ainsi nous serons vite dans notre domaine, celui de l'amour et de la vérité, plus habiles encore que les filous de ce monde dans leurs affaires louches.

                                                                                                                             Amen.

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Homélie : Fête de Saint Hubert.             Novembre 95

            Fête de la communauté et de nos  collaborateurs.

               Evangile de Luc 14, 1-6.

 

 

Frères et sœurs,

 

            C’est une grâce de pouvoir célébrer notre rassemblement annuel en la fête de Saint Hubert, l’un des saints le plus populaire de Belgique. Il a été l’évangélisateur de l’Ardenne profonde, nous le savons tous ; et aujourd’hui encore, il veille sur nos régions. Il entend évangéliser et convertir notre cœur. C’est là un travail toujours à reprendre et, il est là affectueusement présent pour nous y aider.

            Nous avons en effet sans cesse besoin d’être instruits des mystères de la foi afin de pouvoir mieux aimer, mieux vivre, mieux travailler à l’avènement d’un monde meilleur. Peut-être ne sommes-nous pas assez engagés dans le savoir chrétien, dans la prière, dans la foi, dans l’espérance, dans les œuvres de charité ?

 

            Saint Hubert vient nous redire que nous n’avons pas de demeure permanente ici-bas. Nous sommes sur la terre des êtres de passage. Il nous rappelle que l’essentiel est d’abord de vivre en accord avec les lois de Dieu. Et nous savons que ces lois visent toutes à nous rapprocher les uns des autres, pas seulement nous qui sommes ici réunis, mais nous rapprocher aussi de tous les hommes.

            Elles nous aident à pouvoir porter sur eux un regard de bienveillance, à pouvoir les écouter lorsqu’ils sont dans les difficultés, à pouvoir les accueillir lorsqu’ils demandent notre main pour recevoir une aide fraternelle. Ces lois nous rappellent que si nous aimons vraiment, rien jamais ne pourra nous atteindre.

 

            Nous venons de l’entendre, le Seigneur Jésus a guéri un hydropique en lui donnant la main. Remarquons que cet homme ne demandait rien. Simplement, il était placé en face de Jésus, il le regardait, il l’écoutait et, secrètement il l’aimait. Et Jésus qui lit dans le fond des cœurs savait tout cela et, il a aimé cet infirme sans malice.

            Et devant tout le monde, quand en principe c’était interdit d’après les lois en vigueur à cette époque, devant tout le monde, il lui a rendu la santé. Comme quoi les lois de Dieu dépassent à l’infini les lois des hommes. N’oublions jamais que l’amour est une justice qui va infiniment plus loin que toute justice. La véritable justice est celle de l’Amour.

            Ce que nous devons attendre pour nous-mêmes, c’est le retour à une bonne santé spirituelle. Nous devons redevenir pur, innocent, candide, confiant comme de petits enfants. Alors, comme l’a promis Jésus, le Royaume de Dieu sera pour nous, tout de suite, sans attendre.

 

            Frères et sœurs, que nous dirait Saint Hubert s’il se présentait à nous en cet instant ? Il nous recommanderait de croire en la présence et l’humble puissance du Christ ressuscité des morts. Cette présence est permanente. Si nous pouvions y être suffisamment attentif, notre vie aurait un cours tout autre. Nous deviendrions des océans de paix et, cette paix rayonnerait sur tous.

            S’il était maintenant parmi nous, Saint Hubert nous demanderait de faire confiance au Christ ressuscité. Il nous demanderait de suivre son grand commandement qui est de nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimés. Il y a donc l’amour qui est, reconnaissons-le, au-delà de nos possibilités humaines.

            Mais si nous nous tournons vers le Christ, l’amour qu’il était, il le placera à l’intérieur de notre cœur et nous réussirons notre vie, notre vie spirituelle, notre vie éternelle, mais aussi notre vie tout bonnement humaine.

 

            Frères et sœurs, essayons donc de l’aimer de tout notre cœur, gratuitement, sans arrière pensée, et cela dans nos relations quotidiennes, au cours de notre travail, dans notre famille, dans notre voisinage. Et ainsi une chose merveilleuse se passera : il y aura un petit noyau, une petite cellule du Royaume de Dieu qui sera présente sur notre terre. Car le Royaume de Dieu, c’est cela ! C’est de pouvoir aimer et d’accepter d’être aimé gratuitement, comme je venais de le dire, exactement comme le Christ nous a aimés.

 

            Et mon souhait en cette fête est que grandisse en nous un amour sincère ! Et ainsi, tous ensembles, nous franchirons la porte du bonheur éternel.

                                                                                                                     Amen.

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Homélie : Fête de la communauté.          22.11.96

            L’exemple de Sainte Cécile.

 

Mes frères,

 

            Notre rencontre festive annuelle tombe cette fois le jour où nous faisons mémoire de Sainte Cécile, une jeune fille mise à mort pour sa foi chrétienne, à Rome, vers la fin des années 200.

            Elle avait tout pour être heureuse et réussir dans la vie. Elle était jeune, elle était belle, elle était intelligente, elle était riche. Elle appartenait à une vieille famille des plus considérées de Rome. Mais elle a tout lâché, elle a tout abandonné, elle a préféré mourir plutôt que de renoncer à sa foi chrétienne, plutôt que de la renier. Et elle était dans la fleur de l’âge !

 

            Elle s ‘était donnée au Christ corps et âme et elle n’a pas capitulé. Elle appartenait au Seigneur Jésus. Elle ne cessait de lui parler, de lui chanter des hymnes les plus belles. Et tout cela, dans le secret de son cœur.

            C’est la raison, mes frères, pour laquelle elle a été choisie pour être la patronne des musiciens. Dans combien de nos villages n’existe-t-il pas d’harmonie Sainte Cécile ? Elle demeure pour nous un modèle, un exemple d’innocence, de pureté, de force, de fidélité. La puissance de Dieu contre les assauts du mal se manifeste d’abord dans les êtres les plus faibles, les plus frêles.

 

            Le mal, oui, nous pouvons en parler, le mal dans sa laideur, dans sa cruauté travaille plus que jamais notre société corrompue par l’appât du gain, la soif de jouissance, le vertige du pouvoir. Chaque jour nous apporte son lot de violence, d’horreur, de folie meurtrière et, il nous est impossible de nous y habituer. C’est à chaque fois un sursaut d’indignation, un cri qui réclame justice. Vous le savez, mes frères, il en est bien ainsi.

            Mais attention ! Ne nous faisons pas d’illusions, soyons lucides, soyons sincères ! La source de ce mal répugnant a sa source en chacun de nous. Elle coule sans bruit et elle peut nous noyer comme elle en noie déjà tant d’autres. Cette source s’appelle l’égoïsme, la convoitise, la jalousie, la peur.

 

            Il est pourtant un homme qui est resté indemne, étranger à toutes ces turpitudes. Et cet homme, c’est le Christ Jésus. Comme l’Evangile nous le rappelle encore, il est venu pour nettoyer la place. Le monde est son temple. C’est là qu’il habite, c’est là qu’il veut révéler toute sa beauté et le monde en a fait une caverne de bandits. Il est venu pour nous apprendre à nous oublier, pour nous apprendre à aimer vraiment, pour nous apprendre la gratuité et pour nous donner un cœur vraiment libre.

            Mes frères, si nous lui faisons confiance, si nous nous ouvrons à lui, il fera de nous des hommes qui lui soient semblables, des hommes sur lesquels le monde pourra prendre appui. Il nous donnera un cœur sans barrière, un cœur sans muraille, un cœur sans frontière, un cœur rayonnant la lumière et l’amour.

            Alors, le mal se brisera contre nous comme il s’est brisé contre Cécile. Nous qui vivons, nous qui travaillons dans un monastère, nous qui sommes des habitués de la maison de Dieu, nous devons devenir de tels hommes.

 

            Voilà, mes frères, mon souhait et ma prière pour chacun d’entre vous, chaque jour mais plus particulièrement aujourd’hui.

                                                                                         Amen.

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Homélie : Fête de la communauté.          07.11.97

            Eloge de la malhonnêteté !

 

Mes frères,

 

            Nous venons d’entendre quelque chose d’étrange ! Voici un gérant malhonnête, un vrai voleur qui reçoit des éloges parce qu’il s’est montré filou, voleur jusqu’au bout. Il les reçoit, et cela c’est le paradoxe, de son propre patron, de celui qui vient de lui donner son préavis.

            C’est le Christ, c’est Dieu lui-même qui nous propose cette parabole. Mais alors, Dieu serait-il du côté des gens malhonnêtes ? Pas la moindre fois, il n’est jamais le complice du mal mais il veut secouer notre torpeur.

            Les fils de la lumière, les gens propres et honnêtes ne pourraient-ils pas eux aussi être appelés habiles dans leurs propres affaires, dans la grande affaire de leur vie qui est de pouvoir entré un jour dans le Royaume de Dieu.

 

            Le gérant malhonnête se faisait des amis pour être reçu chez eux. Nous devons nous aussi nous faire des amis, surtout un grand ami. Etre bon avec les autres, leur faire du bien, être charitable, rendre service, payer une fois ou l’autre de sa personne, mais c’est se faire un ami, un ami extraordinaire. Le Christ ne l’a-t-il pas dit : Ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez.

 

            Nous connaissons maintenant le moyen infaillible d’approcher le cœur de Dieu. Etre accueillant, patient, compatissant, avoir le cœur sur la main, toujours penser du bien d’autrui, saluer poliment, sourire gentiment, c’est lui, c’est le Christ Seigneur, c’est Dieu lui-même qui le reçoit.

            Et au jour du malheur, au jour de l’angoisse, quand se fermeront pour nous définitivement les portes de la vie, il sera là pour nous ouvrir les bras, pour nous installer chez lui dans sa lumière et dans sa paix.

 

            Mes frères, soyons donc ainsi entre nous en toutes circonstances ! Nous sommes ici chez Dieu, nous habitons sa maison, nous y travaillons. Eh bien, cultivons entre nous le respect, la confiance, l’amour. Ainsi, notre présent sera beau et ensoleillé et notre avenir le plus lointain sera garanti, assuré. Et nous aurons été habiles, nous aurons été intelligents et sages comme le Christ l’attend de chacun d’entre nous.

                                                                                                          Amen.

Table des matières

Fête de la communauté et de nos collaborateurs. 1

Homélie : Fête de la communauté.                16.11.79. 1

Sg 13, 1-9  *  Lc 17, 26-37. 1

Homélie : Fête de la communauté.                20.11.81. 4

La Loi du Christ. 4

Fête de la communauté, de nos collaborateurs.  26.11.82. 5

Homélie : La Parole, source de jeunesse éternelle. 5

Homélie : Fête de la communauté.                30.11.84. 7

Venez, suivez-moi ! 7

Homélie : Fête de la communauté.                14.11.86. 8

Que signifie aimer ?. 8

Homélie : Fête de la communauté.                06.11.87. 9

Où est notre vraie patrie ?. 9

Homélie : Fête de nos collaborateurs.            10.11.88. 10

Homélie : Fête de l’Apôtre Saint André.         30.11.90. 11

Fête annuelle de la communauté et de nos collaborateurs. 11

Homélie : Fête Communauté & Collaborateurs.   22.11.91. 12

Homélie : Fête de la communauté.                06.11.92. 14

Homélie : Fête de Saint Hubert.             Novembre 95. 15

Fête de la communauté et de nos  collaborateurs. 15

Evangile de Luc 14, 1-6. 15

Frères et sœurs, 15

Homélie : Fête de la communauté.          22.11.96. 16

L’exemple de Sainte Cécile. 16

Homélie : Fête de la communauté.          07.11.97. 17

Eloge de la malhonnêteté ! 17

 

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[1] Les premières phrases n’ont pas été enregistrées. Regrets.