7. Vie Monastique

 

Bénédiction Abbatiale de Dom Hubert.           17.01.78

      Un cri de foi !

 

          Un être fragile, démuni, vulnérable est dorénavant investi d’un redoutable pouvoir : le pouvoir d’aimer et le pouvoir de mourir. Il n’est pas de plus grande, de plus belle marque d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Une épiclèse a été prononcée sur lui. Et voici que le souffle de Dieu aux énergies infinies a bondi sur lui. Il s’est emparé de lui et il l’a emporté vers ces régions dont la loi n’est plus la sage raison mais la sublime déraison d’un amour qui ne se possède plus.

          Et, d’un coup, s’ouvrent devant nous des espaces immenses ; dilatamini spatia caritatis. Je dis bien devant nous car, si l’Abbé devient, dans l’Esprit Saint, lumière et feu, ses frères, de proche en proche, vont se trouver, à leur tour, illuminés et embrasés.

 

          Dès maintenant aussi, il faudra apprendre à mourir. L’Abbé doit se dresser comme une muraille de feu entre ses frères et Dieu. Il lui appartient de se substituer à eux dans leurs erreurs, leurs égarements, leur culpabilité. S’il est vraiment assimilé au Christ, Dieu finira par le constituer péché pour ses frères et, même au-delà d’eux, pour d’autres encore.

          Mais cela ne doit pas l’effrayer. Le souffle Divin ne saurait être maîtrisé. En ce souffle chante le Royaume ; en lui dans lui danse la paix et la joie, prémices de la résurrection.

 

 

Entrée au Noviciat du Frère Jean-François.     12.11.78

      Admonition du Père Abbé :

 

Mon Frère,

 

Au terme d'un séjour de six mois parmi nous, vous avez exprimé le désir de commencer votre noviciat canonique, c'est à dire de recevoir une initiation plus approfondie et plus systématique aux beautés et aux austérités de la vie cistercienne.

Vous n'êtes pas un débutant dans la vie monastique. Vous avez déjà passé quelques temps dans un monastère qui se voulait orienté davantage vers une vie contemplative. Mais ce1a ne vous suffisait pas. Vous avez voulu vous engager dans la foulée de ces grands Bénédictins de l'Age d'or, qui considéraient comme une grâce insigne d'être admis à embrasser la pauvreté et l'abjection d'une vie perdue pour le Christ et dans le Christ, et cela dans un monastère du Cîteaux naissant.

L'habit que vous allez recevoir sera et restera pour vous le symbole de la créature nouvelle que vous devez être à partir d'aujourd’hui. Dites-vous bien que vous venez au monde aujourd'hui, et oubliant tout ce qui est derrière vous, vous devez courir, tendu vers l'avant, afin de pouvoir si possible saisir celui-là qui a déjà mis la main sur vous.

Donc ne vous référez jamais à votre expérience antérieure, mais, jour après jour, recevez en toute simplicité la nourriture forte et solide qui vous sera donnée, afin que vous puissiez devenir un adulte. Mais qu'est-ce qu'un adulte ?

 

Un adulte, c'est un homme libre, c'est un homme dont les choix ne sont pas imposés par des convoitises, par des peurs, par une passion quelconque, mais qui sont commandés uniquement par l'amour, c'est à dire par Dieu. Car l'amour est la nature la plus intime de Dieu, de ce Dieu qui vous aura finalement transfiguré en un autre lui-même.

Mon frère, ayez suffisamment de lucidité que pour situer à cette hauteur l'idéal que vous devez atteindre. A ce sommet, et quand je dis un sommet, je ne vois pas un pic sur lequel on serait plus ou moins en équilibre, sans oser remuer. Non, ce sommet est lui-même un plateau, un plateau aux dimensions infinies, sur lequel vous allez pouvoir circuler, aller et venir, en toute liberté.

Et sur ce plateau souffle un vent tonifiant, un vent qui vous donnera des poumons de plus en plus larges qui vous feront vivre. Et ce vent, c'est celui de l'Esprit qui souffle où il veut et qui vous emporte là où lui veut.

 

Mon frère, cette lucidité, ayez-la toujours. Mais sachez que vous gravirez ces sommets en montant jours après jours, échelons après échelons, la rude échelle de 1'humilité. Cette ascension vous paraîtra une descente dans la mort, car vous devez renoncer à tout ce qui à votre avis constitue le plus cher de votre personne, votre personne même.

Vous devez renoncer à vos jugements propres, à tout votre proprium, à vos volontés propres, vos idées, vos sentiments, pour épouser ceux d'un autre. Mais cet autre là, à travers celui qui vous parlera ce sera le Christ. Le Christ dont vous serez finalement revêtu, et qui vous revêtant, vous pénétrera à travers tous les pores de votre chair et de votre âme. Il vous pénétrera si bien que finalement, ce n'est plus vous qui vivrez, mais c'est lui qui vivra en vous. C'est lui qui sera devenu votre véritable moi.

 

Mon frère, vous allez naître à nouveau. Et cette naissance va se réaliser à l'intérieur d'un sein qui est celui de la Theotokos, de la mère de Dieu, de votre mère, de la nôtre, de celle qu'on a choisi pour être la Reine de Cîteaux. Laissez-vous mettre au monde sans opposer de résistance, même si ce sein, parfois, vous parait bien obscur.

Laissez-moi vous dire pour terminer, vous rappeler ceci plutôt que vous savez certainement, c'est qu'on obtient de Dieu autant qu'on en espère. Alors n'ayez crainte d'espérer tout, comme Marie a tout espéré.

 

Vœux solennels du frère Jean-François.         01.11.83

Exhortation.

 

Mon frère Jean-François,

 

Au terme d'une attente longue et patiente vous voici arrivé à l'heure où vous allez vous donner entièrement et irrévocablement au Christ notre Dieu qui vous appelle à partager son dessein. Il veut vous travailler, vous façonner, opérer en votre être une métamorphose totale afin que vous deveniez avec lui un seul esprit, que ce ne soit plus vous qui viviez, mais lui en vous. Et que les hommes lorsqu'ils vous regarderont, reconnaissent dans vos traits son visage à lui. Et c'est là un travail de longue haleine.

Vous vous en doutez et vous le savez. Mais vous allez vous y prêter car tout au fond de votre être une voix vous dit, la sienne, qu'il prépare pour vous, à votre intention, son bonheur à lui. Et ce bonheur, il vous l'offre comme un diamant aux facettes sans nombre. Il vient d'en faire miroiter quelques unes sous vos yeux. Mais aujourd'hui, je voudrais en détacher une, celle qui depuis l'origine a fait l'enchantement de nos Pères dans la vie monastique : Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu.

 

Votre labeur dans ce monastère va consister essentiellement à vous laisser purifier le cœur par le Christ auquel vous vous livrez. Lui seul peut réaliser ce prodige. Votre cœur deviendra d'une transparence, d'une limpidité, d'une luminosité parfaite si bien que la lumière de Dieu pourra librement jouer en lui, s'y réfracter, et en rayonner jusqu'aux confins de l'univers. Et de votre cœur purifié ne sortiront plus que bienveillance, amour, paix, une puissance de création et de rédemption qui sera celle même de Dieu.

Mais pour en arriver là, vous devez y mettre du vôtre. Le Christ attend votre collaboration, une coopération sans réticence car vous avez pour lui une confiance totale sans aucune réserve. Il attend que vous soyez activement à ses côtés sous la touche délicate de l'Esprit, de son Esprit à Lui.

En d'autres termes vous allez obéir, c'est à dire écouter avec attention et répondre avec empressement, avec diligence. Et pour entendre distinctement le léger murmure de l'Esprit, vous ferez le silence en vous et autour de vous. Car dès maintenant, vous ne vous appartiendrez plus. Vous appartiendrez au Christ, vous appartiendrez à la Trinité Sainte et vous appartiendrez à vos frères, pour leur joie à eux tous et pour votre joie à vous.

 

Et le cœur pur, vous l'avez entendu de la bouche même du Christ, jouit d'un privilège étonnant : la vision de Dieu. Mais comment voir Dieu dès cette vie ? Le cœur pur installe son habitation dans la lumière de Dieu. Là, il fixe son lieu de stabilité éternelle. Et dans cette lumière, il devient lumière lui-même. Il devient soleil.

Et à ce moment-là, il commence à percevoir la lumière de Dieu et il entre dans un bonheur qui est déjà une prélibation de la vie éternelle. Il expérimente l'univers de la résurrection.   Voilà, mon frère, le sommet de la vie monastique ! C'est là que vous êtes attendu.

Et vous allez y marcher en compagnie de frères qui partagent avec vous le même idéal. Avec eux, jour après jour, vous travaillerez de vos mains pour gagner votre pain. Vous chanterez les louanges de votre Créateur, de votre Rédempteur. Vous implorerez sa miséricorde pour les fautes qui vous échapperont encore.

Vous creuserez la Parole de Dieu pour mieux le connaître, lui qui vous aime et vous appelle. Vous lutterez contre les vices de la chair et des pensées et vous gravirez la rude échelle de l'humilité. Mais vous savez qu’à ces hauteurs vous entrerez dans l'immensité de la charité parfaite et que votre cœur dilaté ne pourra plus se retenir de courir …….. ?...........cette lumière qu'il commencera à saisir.

 

Et sur cette route, vous rencontrerez l'immense foule des saints, ceux même que nous fêtons aujourd'hui. Et à leur tête la Vierge Marie, la Mère de Dieu et votre Mère, celle que les Pères de Cîteaux appelaient leur Dame et leur Reine. Vous ne serez donc jamais esseulé. Vous ne serez jamais abandonné. Mais entrant dans cette immense caravane qui est déjà entrée pour une bonne part là où vous allez, il vous suffira de vous laisser conduire, presque de vous laisser porter.

Et avec eux tous vous goûterez ce pourquoi vous êtes appelé, c'est à dire la joie de devenir un fils de Dieu, de participer à la nature même de Dieu, de l'aider en lui-même, de l'aider en vos frères, de l'aider en tous ceux que vous rencontrerez. Et ce que vous espérez sera réalisé.

 

 

Retraite annuelle.

 

Homélie du dimanche.[1]                             16.03.80

Jos 5,9a,10-12.  *  2° Cor 5,17-21.  *  Luc 15,1-3,11-32.

 

Mes frères,

 

La créature nouvelle que nous espérons tous être un jour est une créature réconciliée ; réconciliée d'une réconciliation sans limite. Cette créature nouvelle est le privilège de l'homme entré dans la vérité de son être. Un tel homme est devenu, pour lui-même et pour l'univers entier, un soleil, une lumière, un foyer qui éclaire, qui réchauffe, un foyer qui pacifie. Mais il faut d'abord se réconcilier; et se réconcilier en tout premier lieu avec Dieu. C'est-à-dire, consentir à être ce que Dieu veut que l'on soit.

En fait, il en va tout autrement. Nous préférons courir notre chance, ça veut dire courir les aventures que nous offre le monde. Nous préférons faire notre vie nous-mêmes. N'est-ce pas un honneur, une gloire d'être un self-made man, de ne devoir rien à personne, d'être devenu par soi-même ce qu'on est ?

           

Mes frères, ne nous reconnaissons-nous pas un peu dans le fils cadet de la Parabole ? Le moine, lui, lutte contre cette tendance. Il s'est engagé à toujours lutter contre elle ; il s'y est engagé par un vœu : celui de conversion. Il a promis de toujours revenir sur la route que Dieu ouvre devant lui, d'y revenir et dans toute la mesure de ses forces de s'y maintenir. Il a choisi la voie de la réconciliation. Sans cesse il rentre en lui-même et répète en son cœur : « Je veux retourner chez mon Père. » Cette réconciliation est atteinte, lorsqu'il fait corps avec le projet que Dieu a sur lui.

            A ce moment, réconcilié avec Dieu, il est aussi réconcilié avec lui-même. Il est installé dans l'Amour comme dans un centre d'équilibre. Plus rien ne l'exalte vers le haut, plus rien ne

le déprime vers le bas. Il a cessé d'être comme le fils aîné de la parabole, qui au fond n'était pas d'accord avec le sort que lui faisait son Père.

Réconcilié avec lui-même, le moine est alors réconcilié avec les autres, ses frères en premier lieu. Il les accepte tels qu'ils sont. Dans ses yeux ne s'allument plus les lueurs de la jalousie ou de l'envie. Il est heureux avec eux, il est heureux pour eux.

           

Mes frères, un groupement d'hommes réconciliés avec Dieu, réconciliés avec eux-mêmes, réconciliés entre eux, n'est-ce pas le tableau idyllique de la communauté monastique idéale ? Saint Benoît y pensait lorsqu'il disait : sic omnia membra erunt in pace, 34,9, et ainsi tous les membres de ce corps qu'est le monastère seront dans la paix.

Mes frères, réconcilions-nous donc tout d'abord avec Dieu. Entrons sans réticence dans le projet qu'il a conçu sur chacun d'entre nous et sur l'ensemble que nous formons. Entrons-y, collaborons ! Et alors, réconciliés avec Dieu, nous vivrons tous dans le Christ de la même vie.

 

Et ici, permettez-moi de vous dire : se réconcilier avec Dieu, dans le Christ et par le Christ, cela signifie se laisser réconcilier par celui qui, dans la communauté, tient la place du Christ, et qui donne à chacun la part qui lui revient.

Et ainsi, mes frères, tous ensemble nous entrerons dans la terre promise du Royaume de Dieu, là où nous sommes tous conviés, là où sera enlevé de dessus nous l'opprobre de l'esclavage que font peser sur nous les convoitises : convoitises des yeux, convoitises de la chair, convoitises de toutes les passions qui essaient de nous détourner du bonheur que Dieu nous a préparé et qu'il brûle de nous donner, du moment que nous ouvrons les mains bien larges pour le recevoir.

                                                                                                             Amen.

 

Homélie du Lundi.                                   17.03.80

Michée 7, 7-9.  *  Jean 9, 1-41

 

Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde, nous dit Jésus.

 

Mes frères,

 

Cette Parole doit nous secouer, elle doit insuffler en nous un nouvel espoir. Jésus est ressuscité des morts. Il est transfiguré. Il est entré dans la plénitude de sa gloire ; cette gloire qui lui avait été réservée dès avant la création du monde.

Plus que jamais aujourd'hui, il est présent à ce monde pour lequel il a donné sa vie. Ce monde, il le soutient de sa Parole toute puissante et, instant par instant, il le transforme à l'image de ce qu'il est, jusqu'au jour où la Trinité entière sera manifestée à travers la création.

 

Mes frères, Jésus le Christ est la Lumière et nous ne le voyons pas. Nos yeux ne le perçoivent pas. Pourquoi ? Mais parce que nous sommes, nous aussi, des aveugles. Ne discutons pas avec le Christ ; reconnaissons humblement que nous sommes aveugles. Et ainsi, comme il vient de le dire, il n'y aura pas de péché permanent en nous puisque nous serons dans la vérité.

Mais ouvrons-lui aussi le désir de notre cœur ; n'ayons crainte d'être des mendiants. Etre mendiant, pour nous, c'est un honneur, c'est une gloire. Nous avons tout à attendre, tout à

recevoir de lui. Alors demandons-lui d'être guéris à notre tour de notre cécité.

Le moine est un homme qui passe insensiblement de sa ténèbre native à la lumière. Il se soumet au traitement que le Christ lui applique : de la boue sur les yeux ! Il lui semble que sa cécité devient plus lourde encore ! De la boue faite de poussière, cette poussière dont le moine a été extrait, lui, comme tous les hommes. Mais une poussière imbibée d'un peu de salive, la salive du Christ !

 

Or tout ce qui sort de la bouche du Christ est Esprit et Vie. C'est pourquoi le moine se dérange, il se fatigue, il persévère, il veut à tout prix prouver sa confiance, son amour, l'ardeur de son désir. Car ce qu'il veut voir, c'est la lumière. Et voilà que soudain, à un moment où il ne s'y attend pas, voi1à que ses yeux s'ouvrent et qu’enfin il voit. Comment cela s'est-il passé ?

Dès l'instant où il a cru, une fissure s'est ouverte en lui. La lumière est entrée en son cœur et elle a commencé son travail. Imperceptiblement, elle a chassé le trouble des vices, la vase des péchés, jusqu'à ce que le cœur soit devenu transparence, translucidité, lumière dans le Seigneur. Voici qu'il voit, enfin, le Seigneur !

Mes frères, quoi que nous demande le Seigneur, faisons-le ! Encore un peu, très peu de temps et notre foi sera récompensée. Nous le verrons, les yeux dans les yeux pour une joie sans fin. Et ceci, avant que nous goûtions la mort physique.

 

Mes frères, n'est-ce pas à cela que nous invite Saint Benoît lorsqu'il nous dit : Tout ce que vous faites, ne vous lassez pas de le faire. Suivez le Christ jusqu'au bout, à travers tout, à travers les choses dures et âpres qu'il vous propose. Ne désespérez jamais, afin que vous méritiez de voir un jour dans son royaume celui-là qui vous appelle. Or, mes frères, le Royaume de Dieu est parmi nous et tout est possible à celui qui croit.

                                                                                                                 Amen.

 

Homélie du mardi.                                  18.03.80

Ez 47,1-9,12.  *  Jean 5,1-16.

 

Mes frères,

 

Hier, Jésus prescrivait à un aveugle d'aller se laver à la piscine de Siloé. Aujourd'hui, visitant une autre piscine, miraculeuse celle-ci, il y guérit un paralytique. Nous pensons de suite aux piscines et fontaines de Lourdes, Banneux et ailleurs. Depuis les âges les plus lointains, les sources, les viviers, les étangs ont exercé sur les hommes une fascination sacrée. C'est qu'à l'image archétypale de l'eau est liée celle de la vie.

Ezéchiel voit une eau jaillir sous le seuil du Temple, le temple qu'est l'homme habité par l'Esprit. Cette eau devient vite un fleuve infranchissable et partout où elle arrive, apparaît une vie d'une inépuisable fécondité ; elle va jusqu'à franchir les limites du monde et ses torrents irriguent les jardins de la Jérusalem nouvelle.

L'identité de Jésus est infiniment complexe ; n'est-il pas Dieu ? Hier, au moment de guérir l'aveugle, il se proclamait Lumière du monde ; lumière : condition première de la vie. En une autre circonstance, il s'était présenté comme le complément obligé de la lumière : l'eau.  Celui qui a soif, s'était-il écrié, qu'il vienne à moi et qu'il boive, et de son sein couleront des fleuves d'eau vivante !

 

Mes frères, la lumière qui jaillit des yeux du Christ ressuscité est source de lumière liquide qui se boit à longs traits, qui inonde les entrailles, qui pénètre tout de part en part et qui finit par déborder en un nouveau, irrésistible torrent. Le moine est un homme qui devient, pour les autres, lumière et source d'eau vivante. Il le devient, il l'est : il croit et il aime.

Il croit au Christ auquel il s'est remis sans réserve ; au Christ duquel il attend tout ; au Christ, sa boisson de vie. Il croit aussi en l'homme. Il se reconnaît en chaque être humain rencontré, en chaque frère. Lui-même n'est-il pas un homme ? Il sait, par expérience que l'homme est capable de tous les rebondissements, en dépit des pires vilenies.

Et puis, il aime ; et chaque instant, il donne de sa substance vitale, de sa vie, pour que le frère soit heureux, pour que tous croient et aiment à leur tour.

 

Mes frères, l'Eucharistie est au centre de notre vie bénédictine, de notre vie quotidienne. En elle, nous devenons avec le Christ une seule chair et un seul Esprit. Lui nous construit tous en un seul corps, un corps qui vit de la même vie divine.

Mes frères, c'est cela qui serait si beau : les hommes du dehors doivent pouvoir dire en nous regardant, en nous regardant vivre : Voyez comme ils s'aiment ! Le Christ n'a-t-il pas affirmé : C’est à cela qu’on reconnaîtra que vous êtes les miens, si vous vous aimez les uns les autres.

Voilà, mes frères, au cours de cette retraite, nous nous efforçons de rentrer en nous-mêmes et, à partir de là, de nous retrouver tous groupés autour de la Source de Vie, autour de ce foyer de lumière qu'est le Christ, de façon à ce que nous devenions tous ensemble membres d'un seul Corps, le sien, pour l'Eternité.

                                                                                                Amen.

 

Homélie du mercredi.                              19.03.80

2 Sam 7,4-5a,12-l4a,16.  *  Rm 4, 13,16-18,22.  *  Mt 1, 16,18-2l,24a.

 

Mes frères,

 

Joseph, le saint, est la figure du contemplatif, de cet homme ignoré, inconnu, invisible mais qui pourtant mystérieusement est présent partout. Homme qui donne dans le secret à la création son visage qui sera son visage d'éternité.

Joseph n'était pas le père charnel de Jésus, mais il était son père à tous les autres étages. Il l'était tellement que lorsqu’on regardait Jésus, on voyait en transparence, apparaître Joseph. Et il en est encore ainsi aujourd'hui.

Le premier devoir du père de famille israélite était d'apprendre à lire à son fils et de lui enseigner un métier manuel. Le Verbe de Dieu a appris de Joseph à se lire, et le créateur du monde a appris de Joseph à parfaire son œuvre.

 

Telle est l'humilité de Dieu, mes frères, telle est l'humilité et la grandeur de Joseph, lui qui a façonné l'image de Dieu, lui qui a façonné Dieu d'après ce que lui Joseph était. Voyez un peu quel échange merveilleux ! Et il en a été ainsi, vous pouvez m'en croire. Nous devons apprendre de Jésus et de Joseph la simplicité dans l'exercice de l'obéissance et dans l'exercice de l'autorité.

Les deux viennent d'une source qui se trouve infiniment au-dessus de nous, les deux viennent de la personne de Dieu le Père qui définit à chacun son rôle et sa mission. Joseph est entré dans sa mission à lui sans faire de manières. C'est pourquoi, au jugement de Dieu, il a été proclamé juste et modèle de justice pour tous les temps à venir.

 

Mes frères, Joseph est présent partout où Jésus est et agit. Et lorsque je dis partout, c'est absolument partout. Or, Jésus ressuscité travaille à tout moment avec son Père à la création et à la divinisation du monde. On nous dit, et c'est vrai, que tout nous vient de Dieu à partir de Jésus par Marie. Mais Jésus lui-même, ne l'oublions pas, je viens de le dire, a été façonné par Joseph qui lui a imprimé une marque indélébile.

Au côté du Verbe de Dieu, Joseph n'a prononcé aucune parole, mais sa personne est le discours le plus éloquent qu'il ait jamais prononcé. Si nous voulons l'entendre regardons-le. Ici, mes frères, pour une fois, la parole va arriver jusqu'à nous par nos yeux.

Oui, Joseph est vraiment la figure du contemplatif, le contemplatif qui est modelé à l'image de Dieu. Ce contemplatif qui se tient lui aussi à sa place, à une place unique irremplaçable, incomparable, indispensable ; et cette place, mes frères, c'est la nôtre, la nôtre dans le silence, dans un silence où va mûrir, où mûrit la seule Parole qui à jamais demeure.

 

                                                                                                          Amen.

 

Homélie du jeudi.                                   20.03.80

Ex 32, 7-14. *  Jn 5, 31-47.

 

Mes frères,

 

Peut-on dire que Dieu, en se lançant dans la création, a pris un risque calculé à la manière de ces hommes d'affaires astucieux qui soupèsent habilement le pour et le contre, pour mettre le maximum de chances de leur côté ? Peut-on dire que Dieu avait prévu ce qui allait arriver, ce qui allait suivre, le peuple se dressant contre lui ?

Le peuple qu'il s’était amoureusement formé, le peuple dont il voulait faire son épouse mystique, ce peuple se prostituant à toutes les idoles qu'il rencontrait sur sa route ! Et pire encore, lorsque Dieu avait voulu prendre contact direct, charnel avec ce peuple, voilà qu'il s'était vu jeté dehors. On le saisit, on le fit mourir en le clouant à une croix ! Avait-il prévu tout cela ?

Avait-il prévu la marée noire des meurtres, des crimes, des guerres, des trahisons ? Avait-il entendu les cris de haine, les cris de peur, les cris de folie, de désespoir ? Avait-il vu cet amoncellement de malheurs qui allaient s'abattre sur son œuvre ?

 

Mes frères, je peux pouvoir dire qu'il ne l'avait pas prévu. Il n'avait pas à le prévoir. Tout cela lui était déjà présent. Non dans le sens d'un scénario imprimé sur une pellicule et qu'il devait projeter en son temps sur la toile de l'histoire. Non, mes frères, Dieu était présent déjà à tous ces événements, d'une présence qui lui est propre, qui est la sienne, qui est son être à lui. Nous ne pouvons concevoir cette présence aussi longtemps que nous ne sommes pas nous-mêmes entrés dans la vie éternelle.

Le contemplatif, qui participe déjà un peu consciemment à la vie de Dieu, peut quelquefois sentir, comme lui, ce que cela veut dire être présent a un événement qui, pour les autres hommes, se présentera plus tard. N'avez-vous jamais entendu parler de cet Agneau immolé avant la création du monde ?

 

Mes frères, je vais dire ici une chose difficile pour essayer de mieux me faire comprendre. Le moine contemplatif vit à la fois, en même temps, à la manière des hommes et à la manière de Dieu.

A la manière des hommes, il sent dans sa chair une loi qui le brutalise, qui le tyrannise, qui lui fait faire des choses qu'il n'accepte pas. Il se découvre, à son grand étonnement, complice et victime de ce fameux péché qu'il voit partout et qu'il découvre en lui.

Il voit que son cœur est le lieu d'une guerre permanente contre les ténèbres et la lumière, entre l'Amour et le refus, entre la vie et la mort. Et ce combat se déroule dans l'écoulement de la durée. Oh, Saint Benoît savait très bien ce qu'il disait lorsqu'il appelait le moine un miles un soldat, un guerrier, un combattant.

 

Mais le contemplatif vit aussi à la manière de Dieu. Il ne s'appartient plus, il appartient à Dieu. Il ne s'appartient plus, il est possédé par un autre, il est possédé par l'Esprit. Ce n'est plus lui qui vit, c'est le Christ qui vit en lui. Et, là ce moment, il est déjà au delà de la durée. Si bien qu'il vit à la fois dans la durée et hors de la durée. Pour dire la même chose en d'autres mots encore, sous notre écorce de misère, nous participons à la vie divine. Et cette participation, elle sera pour nous : foi, espérance et charité.

 

Foi : c'est la Parole de Dieu qui habite en nous. Cette parole n'habitait pas dans les interlocuteurs de Jésus. C'est pour ça qu'ils ne le connaissaient pas, qu'ils lui étaient étrangers. Mais elle habite en nous. Et puisqu'elle habite en nous, elle devient l'âme de notre pensée et de notre agir. Nous n'agissons plus exactement comme des hommes. Nous agissons déjà, et nous pensons déjà, et nous réagissons déjà comme les fils de Dieu que nous sommes, que nous devenons toujours davantage.

Mais cette manière de vivre à la façon de Dieu s'appelle aussi Espérance. Espérance, ça veut dire possession. Pour prendre un exemple : dans l'Eucharistie, que nous célébrons maintenant, nous recevons les prémices du Royaume de Dieu, et des prémices bien réelles. C'est le Christ lui-même que nous mangeons, qui devient nous. Et nous devenons lui, et nous sommes dans son Royaume, mais bien réellement : le Royaume est arrivé !

Je donne de ma substance à mon frère. Je reçois sa substance à lui. Et ainsi se forme imperceptiblement mon corps spirituel dans lequel déjà je ressuscite, dans lequel déjà je suis dans le Royaume. Et voilà la Charité.

 

Mes frères, notre vie chrétienne, notre vie monastique, notre vie contemplative est extraordinairement belle et emballante, même à travers les terribles épreuves de l'acédie. Rappelons-nous ce qui nous a été dit : à ce moment-là, tout au fond de nous, là où notre conscience n'accède pas, il s'opère une mutation. Le vieil homme meurt et l'homme nouveau naît.

Mes frères, ne perdons pas notre temps, ne gaspillons pas nos énergies. Nous sommes, nous devons être, et disons-le franchement, nous sommes déjà pour Dieu et pour nos frères, des hommes de demain.

                                                                                                        Amen.

 

Homélie du vendredi.                              21.03.80*

Gen, 12 ,1-40.  *  Col, 3 ,12-17.  *  Jn, 17,20-26.

 

Mes frères,

 

A l'audition des paroles de l'Apôtre, orchestrant puissamment celles du Christ, nous comprenons mieux que la Règle de Saint Benoît s'adresse à des débutants, à des hommes encore charnels qui font leurs premiers pas sur la route qui doit les conduire à être un avec Dieu dans l'amour parfait et dans une joie inamissible.

Saint Benoît, lui, était arrivé au bout du chemin. Et les disciples qui venaient à lui, il ne les écrasait pas. Il ne les bousculait pas, ne les pressait pas. Mais en père aimant, il marchait à leur petit pas.

C'est là, mes frères, la marque de vrai spirituel. Saint Benoît avait des entrailles de miséricorde. Il était bon, patient, doux, tolérant, conciliant, aimable. Il était, pour ses frères, révélation de la Trinité. Il était, pour eux, puissance sécurisante, pacifiante du Père. Il était présence tendre, chaude, caressante de l'Esprit.

 

Mes frères, n'oublions jamais que dans le texte de la Règle, dans chaque phrase, sous chaque mot bat un cœur : le cœur d'un homme, d'un saint, le cœur de Dieu. Permettez-moi maintenant une question. Serait-il possible que nous devenions les uns pour les autres, des répliques de notre Père Saint Benoît ? J'ose répondre catégoriquement : oui, c'est possible. Et cela vaut en tout premier lieu pour l'Abbé. Mais comment y arriver ?

C'est très simple. Il suffit de nous laisser façonner par ce saint qu'était Benoît, c'est-à-dire par sa Règle. Et cette Règle peut se résumer en 3 mots : croire, écouter, suivre. Croire le Christ, écouter le Christ, suivre le Christ dans la personne de l'Abbé. Le Père dans le Christ, le Christ dans l'Abbé, l'Abbé dans chacun des frères, et nous voici tous consommés dans l'unité ; et voici notre communauté devenue une portion du Royaume de Dieu sur la terre.

Mes frères, remercions Dieu pour la grâce de ce jour et puisse cette année jubilaire voir triompher en chacun de nous la force de la résurrection !      

 

                                                                                                                Amen.

Fin de la retraite.

 

Clôture de l’année de Saint Benoît.              21.03.81*

1. Introduction à l'Eucharistie.

 

Mes frères,

           

L'année consacrée au 1500° Anniversaire de la naissance de notre Père Saint Benoît est terminée. Cette année, nous l'avons vécue dans la ferveur, la reconnaissance et une décision fermement arrêtée de rester fidèle à l'appel de Dieu et à notre idéal de vie monastique

contemplative.

Nous savons que la grâce de Dieu, cette grâce d'une force infinie sera toujours présente à nos côtés et que le secours de notre Père Saint Benoît ne nous fera jamais défaut. Au moment d'entrer dans cette Eucharistie, regrettons les erreurs qui échappent trop souvent encore à notre faiblesse.

2. Homélie.

 

Mes frères,

 

La clôture de l'année jubilaire de Saint Benoît ne signifie nullement que nous allons mettre un terme à notre quête des moyens les plus aptes à nous faire rencontrer le visage de Celui qui nous a appelés. Nous venons de l'entendre, mes frères, il nous appelle à partager sa gloire. Je veux, a-t-il dit d'un ton impératif en s'adressant à son Père, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi. Et qu’ils contemplent ta gloire que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé dès avant la création du monde.

 

Mes frères, Saint Benoît lui-même, la Tradition Cistercienne dans son ensemble, nos Ancêtres les plus lointain dans la vie monastique, tous unanimement nous crient que cette vision, elle nous est présentée pour cette vie. Dans le mystère, comme dans un miroir certes, mais néanmoins vision bien réelle et bien concrète.

Tellement vraie, que le moine qui a été plongé dans ce bain de lumière incréée en immerge parfois, de temps en temps bouleversé, transformé jusqu'à la racine de son être. Et cet homme mille fois heureux sait que la mort est déjà pour lui un événement de son passé. Vous êtes morts, a dit Saint Paul, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Voilà mes frères, ce que nous sommes appelés à vivre dès cette vie.

Et Saint Benoît désire nous préparer à l'accueil de ce cadeau splendide, incomparable. Il nous demande pour cela de nous dépouiller de tout : nos avoirs matériels, nos jugements, notre volonté, TOUT. Nous ne nous réservons RIEN. Omnino nihil, dit Saint Benoît, absolument rien, 33,3.

 

Nous abandonnons la citadelle, la forteresse de notre égoïsme, et nous nous livrons aux autres comme esclave. Multorum servire moribus, 2,31. Etre l'esclave des caractères, et des lubies, et des fantaisies, et des défauts, et des vices, et des qualités, et des aspirations, et des vertus, et des enthousiasmes de tous, de tous nos frères. Mais aussi des hommes que Dieu place providentiellement sur notre route.

Il nous appelle, Saint Benoît, à ne plus vivre en nous-­mêmes mais en Dieu et dans les autres, à ne plus vivre de nous-mêmes mais de Dieu et des autres, à ne plus vivre pour nous-mêmes mais pour Dieu et pour les autres. Le cœur, le centre de notre vie est déplacé hors de nous. Il se trouve en Dieu, chez les autres. Et c'est d'eux que nous recevons notre puissance de vie et nos inspirations d'action.

 

Mes frères, ainsi pour Saint Benoît, le moine se réduit à un cœur pur, un diamant habité par les feux de l'Esprit. Ce moine ne fait plus qu'un avec l'insondable amour qu'est la Trinité Sainte et avec ses frères dans leur misère, et dans leur gloire déjà présente en eux. C'est la logique terrible mais divinement belle qui est logée dans les Paroles du Christ, orchestrées par celles de Saint Paul. Nous l'avons entendu, il n'est question que d'unité, de vision, de gloire, de paix.

Et si nous demeurons logiques, si nous demeurons fidèles à cette marche, à cette découverte, alors le monde quelque part va se décrisper, il va céder et il croira. Le Christ vient encore de nous en livrer la consigne.

 

Mes frères, pour terminer, permettez-moi de revenir à ce petit mot que je vois comme l'axe autour duquel pivote toute la Règle de Saint Benoît. Je vous l'ai déjà dit si souvent, mais je veux le rappeler en ce dernier jour de l'année jubilaire. Le petit mot creditur, croire. Croire avec candeur, croire avec simplicité, croire avec enthousiasme à la manière d'Abraham. Et puis aller de l'avant sans regarder en arrière jusqu'au lieu de la rencontre et de l'inamissible joie.

                                                                                                     Amen.

 

Homélie : Vêture du Frère Jean.                25.05.80*

 

Mon ami, mon frère,

 

Voici déjà près de 6 mois que vous séjournez parmi nous, et c'est devenu pour vous une certitude ; vous voyez se réaliser ici l'incarnation du désir déposé dans votre cœur par l'Esprit : fréquenter Dieu, apprendre à le connaître, à l'aimer, habiter dans sa maison, entrer dans son intimité et un jour devenir avec lui un seul esprit.

Aujourd'hui, vous faites un nouveau pas sur le chemin de votre initiation. Vous allez recevoir votre tenue de combat. La lutte contre les vices de la chair et des pensées va devenir plus âpre, plus serrée. Mais en même temps je vous confie une arme qui vous rendra invincible, invulnérable : l'obéissance unie à une humble et confiante ouverture de cœur.

 

Vous vous engagez dans la milice monastique en l'Année Jubilaire de Saint Benoît. Le don de votre personne n'en sera que plus entier, votre résolution plus ferme. Et n'oubliez pas que dès à présent vous aurez auprès du Christ un protecteur et un ami sur lequel vous appuyer. Saint Benoît se souviendra toujours que vous vous êtes offert à Dieu en l'année de son anniversaire. Vous serez auprès de lui un privilégié.

En 1980 nous fêtons aussi le 750° Anniversaire de la fondation de notre Abbaye. Vous avez ici une communauté de frères qui vous aime, qui vous estime, qui vous accueille. Ils vont vous donner, ils vous donnent déjà le meilleur d'eux-mêmes. Regardez-les ! Ils sont le fruit de sept siècles et demi d'inébranlable fidélité.

C'est aujourd'hui aussi le jour où nous célébrons la Pentecôte. Etes-­vous prêt à vous laisser porter par la douce véhémence de l'Esprit, et aussi à vous laisser brûler par son feu ? Etes-vous disposé à vous oublier entièrement pour n'appartenir qu'au Christ, ici dans ce monastère construit en l'honneur de la Vierge Marie Mère de Dieu et votre Mère ? Mon ami, êtes-vous disposé à tout cela ?

 

Oui, Père, avec la grâce de Dieu et le secours de vos prières.

 

Ce que le Seigneur a commencé en vous, qu'Il le porte jusque son achèvement !

 

                                                                                                                     Amen.

___________________________________________________________________________

Vœux solennels du frère Joseph.                 16.05.82

      1. Introduction à l’Eucharistie :

 

Mes frères, mes amis,

 

Je vous adresse un souhait de bienvenue au nom du Dieu Trinité qui au cours de cette Eucharistie va accepter l'oblation que notre frère Joseph lui fait de sa vie. Fortifiés par cette bénédiction, nous serons intensément proches de notre frère, attentif au mystère qui va s'emparer de sa personne.

Le Christ ressuscité est ici présent au milieu de nous. Devant Lui, nous sommes à nu. Entrons donc sans crainte dans la vérité, notre vérité d'hommes et de femmes fragiles, vulnérables, pécheurs.

La Lumière qui rayonne de son visage, qui ruisselle de ses yeux, purifie notre cœur et elle nous élève à la hauteur de l'action merveilleuse qui s'accomplit en ce jour.

 

      2. Homélie :

 

Mon frère Joseph,

 

Vous l'avez entendu, et Saint Benoît vient de vous le rappeler à sa manière : ce n'est pas vous qui avez choisi le Christ, c'est Lui qui vous a choisi, qui vous a établi en ce lieu, en ce monastère de Saint Rémy construit voilà plus de 750 ans en l'honneur de Marie la toujours secourable. Il vous a planté dans cette terre afin que vous y enfonciez vos racines, que vous deveniez un plan de choix qui porte un fruit, un fruit qui demeure.

Dès avant votre naissance, dans son amour il avait posé sur vous son regard. Et il vous a suivi à travers les sinuosités de votre vie jusqu'à cette heure où en toute liberté vous allez irrévocablement lier votre vie à la sienne. Qu'attend-il de vous ? Que veut-il pour vous ? Quelle grille vous permettra de décrypter l'énigme de votre destin ?

Je vais vous le dire en son nom. Il désire imprimer en vous, dans votre cœur tourmenté par le besoin de connaître et d'aimer, dans votre sensibilité d'artiste et de poète, dans votre esprit assoiffé de vérité et de beauté, il veut imprimer de façon indélébile le sceau de la figure unique et universelle qu'Il est, Lui.

 

Il veut prendre possession de vous, vous transformer de fond en comble, faire de vous un autre lui-même, devenir avec vous un seul esprit. Ce n'est plus vous qui vivrez, c'est lui qui vivra en vous dans une nuptialité dont l'homme simplement charnel ne soupçonne même pas la possibilité. Vous serez l' (origine?) d'un filum nouveau qui lancera ses rameaux à travers tous les espaces. Et votre enfouissement dans ce désert ne sera pas condamnation à une affligeante stérilité mais ouverture sur une fécondité qui dépasse l'imaginable.

Mais pour que le Christ puisse ainsi triompher en vous et par vous, vous devrez mourir à vous-même, à votre égoïsme, à vos vues humaines, trop étroites. Vous ne disposerez plus de rien : ni d'aucun bien matériel, ni de votre volonté, ni de votre corps. Heure après heure jusqu'à votre dernier souffle vous marcherez au rythme de ses vouloirs. Comme Saint Benoît me le prescrit, je vous préviens : ce ne sera pas facile, ce sera dur ! A certains jours il vous semblera être glacé dans un hiver sans fin. Vous vous rappellerez en ces moments que le Samedi Saint, que l'enfouissement dans le gouffre de l'impuissance totale est        ?         ?            ?     le paradis obligé de la résurrection promise et espérée.

Votre confiance et votre fidélité forceront le surgissement du miracle. Le Dieu qui est amour, ce Dieu auquel vous vous donnez se révélera en vous. Alors, en toute vérité, vous commencerez seulement à respirer et à vivre. Vos yeux renouvelés contempleront la lumière du Christ ressuscité et s'en nourriront longuement. Une foi divine emplira votre cœur et le dilatera à l'infini, et vous ne pourrez plus rien faire d'autre que d'aimer sans limite, sans mesure, en dépit des obstacles que l'adversaire ne cessera d'accumuler sur votre route. La racine de la malice aura été extirpée, arrachée de vous. Il ne restera plus en vous que bienveillance, bonté, indulgence, compréhension, patience, amour, paix, tous ces fruits de l'Esprit qui nous    ?              ?      de Dieu et celui des hommes.

 

Mon frère Joseph, le projet, le rêve que Dieu nourrit sur vous depuis l'origine, trouvera à ce moment sa réalisation, sa perfection, son achèvement. La figure unique et universelle du Christ transparaîtra à travers votre personne, dans votre regard, dans vos paroles, dans vos démarches. Et tout ce que vous demanderez pour vous et pour les autres, vous l'obtiendrez.

Mon frère, êtes-vous prêt à courir, ici en ce monastère de Saint Rémy, cette formidable et merveilleuse aventure de l'amour ? Etes-vous disposé à vous donner corps et âme au Christ, à le suivre sur les sentiers ouverts par la Règle de Saint Benoît, le suivre à travers sa passion et sa mort pour parvenir si possible dès cette vie au triomphe de la première, de la petite résurrection et ainsi d'entrer dans la plénitude de votre vie d'homme.

 

___________________________________________________________________________

Homélie : Fête de Saint Benoît.                 11.07.82*

      Radicalité et absolu !

 

Mes frères,

Ce matin nous avons vu que Saint Benoît, dès l'origine de la vie monastique, a été habité par une passion qui n'a fait que grandir au fil des ans : Ne plaire qu'à Dieu seul. Dès que des disciples se sont rassemblés autour de lui, attirés par la chaleur et le rayonnement de sa vie intérieure, il s'est trouvé dans l'obligation d'infuser sa flamme à leur âme. Il a du la couler dans des mots humains. Et il a suivi quasi naturaliter, comme naturellement le mouvement imprimé par Dieu à tout ce qui est divin.

Il a donné à son feu une forme, un visage, un nom. Et il a dit : Les moines ne doivent avoir rien de plus précieux et de plus cher  que le Christ. Et ailleurs : ils ne placeront absolument rien avant le Christ.

En passant ainsi du Dieu auquel il voulait uniquement plaire à la Personne du Christ, il révélait que l'Incarnation de Dieu était tout à la fois et le cœur, et l'enveloppe de sa vie entière, et que son ambition dernière était de devenir un seul esprit avec le Christ et ainsi d'entrer dans la Vie Eternelle.

 

Mes frères, Saint Benoît vivait donc à sa façon, d'une façon nouvelle le nous avons tout quitté pour te suivre de l’Apôtre Pierre. Il faut placer la pointe de cette affirmation sur le mot tout, comme chez Saint Benoît pour le seul et sur le rien.

La vie monastique tout comme la vie apostolique porte en elle-même une exigence de radicalité et d'absolu qui se comprend lorsqu'on sait qu'un des plateaux de la balance porte Dieu lui-même.

Mais à un étage plus modeste, plus universellement accessible, retenti aussi un appel au détachement et à la pureté, un appel auquel nous devons prêter attention, un appel qui ne devrait pas être perdu par nous les habitants d'une Europe trop riche.

 

Cet appel, le voici : l'essentiel n'est pas dans l'accumulation des biens, dans les records de production, donc une consommation effrénée, dans un confort raffiné. L'essentiel vibre dans la dégustation paisible de la vie véritable qui est amour, une vie en imitation de la vie même de Dieu.

En ce sens, mes frères, Saint Benoît est vraiment le Patron actuel d'une Europe qui pourrait, si elle comprenait enfin sa véritable vocation, devenir pour le monde entier un foyer de lumière.

Cette Sagesse Bénédictine qui est sagesse apostolique, sagesse chrétienne, sagesse divine, l'auteur du Livre des Proverbes nous en a parlé. L'Apôtre Paul dans l'Epître aux Ephésiens nous l'a décrite. Puissions-nous nous en inspirer ! Puisse cette Sagesse devenir le moteur de toute notre activité.

                                                                                            

                                                                                                          Amen.

 

Homélie : Fête de Saint Benoît.                  11.07.85

      L’hommage de notre gratitude.

 

Mes frères,

 

Vous me permettrez de m'arrêter quelques instants car je voudrais présenter à Saint Benoît l'hommage de notre gratitude pour les trésors qu'il nous partage sans compter : les trésors de sa doctrine spirituelle, les trésors de sa personne.

Car Saint Benoît, comme je vous l'ai rappelé dernièrement, est une fenêtre ouverte sur le Royaume. Et par cette fenêtre nous pouvons admirer ce que Dieu a préparé pour nous qu'il aime. Saint Benoît est une lentille qui dirige sur nous la puissance de la lumière divinisante. Et il nous demande de faire confiance à ce Dieu qui l'a appelé, lui, le premier.

Mes frères, Saint Benoît est vraiment celui par lequel aujourd'hui toute grâce de vie monastique nous arrive. Et pour nous plus particulièrement ici à Saint Rémy, toute grâce arrive à travers ma pauvre et humble personne, moi qui dois être parmi vous un autre Benoît. Saint Bernard le savait lui qui s'écriait : O abbas et abbas ! O quel Abbé ce Benoît, et quel Abbé se trouve ici à la tête d'une communauté !

 

Mes frères, l'Abbé, dans la ligne de ce que le Christ a été lui-même, doit être un serviteur, et vers le haut et vers le bas, le serviteur de Dieu. Il ne vit plus pour lui. Il vit pour ce Christ qui a pris possession de lui et qui à travers lui se manifeste. Il n'y a plus en lui de place pour un désir personnel. Tout son être est devenu désir de Dieu en lui pour lui-même et pour ses frères.

Il est aussi le serviteur de ses frères. Il est parmi eux comme celui qui doit satisfaire ce qui dans leur cœur est saint, ce qui est pur, ce qui est appel vers une vie nouvelle, vers cette vie transfigurée qui doit faire de chacun des frères aussi une apparition du Christ ressuscité.

Voilà ce que je voulais rappeler ce matin. Et cela, nous le devons à notre Père Saint Benoît. Si vraiment chacun d'entre nous veut se mettre au service de tous les autres frères, à l'envi comme dit Saint Benoît, une sorte d'émulation dans le service mutuel, à ce moment notre communauté va devenir ce que l'Apôtre rappelait aux Colossiens : un lieu d'unité, un lieu de paix, une transparence du Royaume de Dieu.

 

Mes frères, c'est à cette vie merveilleuse que nous sommes appelés. En cette fête de Saint Benoît, avançons en cette vie avec confiance, une confiance nouvelle, car Dieu veut nous donner en plénitude ce pourquoi il nous a appelés ici.

 

                                                                                                                   Amen.

 

Homélie : Fête de Saint Benoît.                  11.07.89

      Je suis parmi vous comme celui qui sert.

 

Mes frères,

 

Ne dois-je pas vous adresser quelques paroles en l'honneur de la fête de notre Père Saint Benoît ? Un simple écho de ce que nous venons d'entendre : le Christ a dit : Je suis parmi vous comme celui qui sert.

Saint Benoît a été parmi nous le modèle de celui qui est tout service. Ainsi doit être un Abbé, un véritable Abbé, ainsi doit être un véritable moine. Alors rien d'étonnant si on se perd tout entier dans le service qu'est la Personne du Seigneur Jésus venu, non pas pour condamner le monde, mais pour donner sa vie afin que le monde ressuscite et que le monde vive.

Si nous entrons dans cette vocation qui est la nôtre après celle du Christ, à ce moment-là nous aurons le bonheur de partager toutes ses prérogatives.

 

Nous avons chanté des antiennes magnifiques en l'honneur de notre Père Saint Benoît. Il est dit et il est répété qu'il menait sur terre une vie angélique. Cela peut nous paraître quelque peu irréel ? Et pourtant dès l'origine, la vocation monastique a été vue comme une vie angélique. Mais que devons-nous entendre par là ? Ce n'est rien de désincarné, non, mais c'est une vie qui s'alimente à la lumière qui est Dieu, à la lumière qui est le Christ, et qui insensiblement devient pureté.

Le cœur ne fait plus que distillé la bienveillance, la douceur, la patience, l'accueil, la charité. C'est un cœur dans lequel il n'y a plus même un frémissement qui ne soit pas inspiré par Dieu. Le moine devient sur la terre la présence du Christ, la présence de l'Esprit. Je ne dis pas la présence du Père, parce que le Père est tout entier et dans le Fils, et dans l'Esprit. Les trois Personnes sont inséparables.

Mais alors pour en arriver là, quel chemin suivre ? Eh bien, mes frères, nous le savons. C'est tout simple même si c'est très difficile : il suffit de fonder sa volonté à l'intérieur de celle de Dieu. Et cette volonté, nous la connaissons instant par instant. C'est la raison pour laquelle nous avons le jour de notre profession remis notre existence entre les mains de notre Dieu.

 

          Nous avons chanté aussi que Saint Benoît avait toujours préféré subir les difficultés de cette vie plutôt que d'y échapper. Il y avait un choix : ou bien rechercher les plaisirs de ce monde, même les plaisirs légitimes ou bien y renoncer ; accepter, prendre sur soi le malheur des hommes, ne pas reculer devant la souffrance. Et plutôt que d'être loué par les hommes, se laisser regarder par eux comme un être curieux, même comme un être déséquilibré à la limite, parce que le monde ne peut pas supporter qu'on soit différent de lui.

Mes frères, voilà ce que saint Benoît a fait. Et n'ayant pas reculé devant le mal qui à certains moments s'est acharné contre lui, mais ayant préféré partager le sort du Christ et de donner sa vie jusqu’au bout, à ce moment-là son cœur est devenu un cœur de Dieu, sa vie est devenue une vie angélique et il a pu réaliser pleinement le projet que Dieu avait nourrit pour lui dès avant la création du monde.

Mes frères, Saint Benoît est notre Père. Il nous engendre à cette vie merveilleuse.          Faisons-lui   confiance. Laissons-nous  docilement conduire, laissons-nous docilement former et, il pourra se glorifier d'avoir, ici dans le monastère de Saint Rémy, des fils, des enfants qui sont vraiment de sa race, qui sont vraiment de sa famille.

                                                                                   Amen.

 

Homélie : Fête de Saint Benoît.            11.07.96

      L’humanité de Saint Benoît.

 

Frères et sœurs,

            Il convient d’adresser à notre Père Saint Benoît un petit signe le jour de sa fête. Nous devons le féliciter, nous devons le remercier. Sans lui, nous ne serions pas ici et, avec lui nous pouvons tout espérer.

            Ecoutez ce que le Christ vient de nous dire : « Tout homme qui aura quitté à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, une terre, recevra beaucoup plus, le centuple dès maintenant et, pour plus tard, la vie éternelle. »

            C’est grâce à Saint Benoît que ces promesses prennent forme pour nous aujourd’hui, qu’elles irriguent notre vie toute entière, et qu’elles nourrissent notre espérance, et qu’elles nous mettent déjà en possession de ce que le Christ nous a promis.

 

            Un des traits les plus attachants de la physionomie de Saint Benoît est, me semble-t-il, sa propre humanité. Saint Benoît est un homme profondément humain. C’est la preuve indubitable de sa sainteté. Des saints durs sont des saints postiches. Les véritables saints ont un cœur liquide, comme disait le Curé d’Ars.

            Saint Benoît connaît la route qui conduit à Dieu et il la balise avec soins pour nous. Il fait comme … ?… d’un troupeau fragile, vulnérable, inconstant, rétif parfois. Mais il ne s’en offusque pas. Il nous comprend, il nous encourage dans notre marche. Parfois il doit sévir, mais il le fait toujours in spiritu lenitatis, dans un esprit de douceur. Car Saint Benoît est un homme de douceur comme fut Moïse le grand législateur d’Israël, comme fut le Christ lui-même.

 

            Et c’est pourquoi, lorsque nous partageons la douceur de Saint Benoît, nous pouvons avec lui posséder la terre et connaître le véritable bonheur. Car celui qui est doux est aussi pauvre, est aussi juste, est aussi pur, est aussi miséricordieux. Et alors, plus rien ne peut l’atteindre et tous peuvent trouver abri à l’ombre de ce qu’il est.

            Le succès de la Règle écrite par notre bienheureux Père benoît vient en bonne partie  de son caractère de profonde humanité. On sent la bonté d’un saint, la bonté de Dieu, de notre Dieu qui perd ses moyens devant sa créature.

 

            Dieu a tant aimé le monde, il a tant aimé les hommes qu’il a tout sacrifié pour eux. Il a envoyé son propre fils, non pas pour condamner les hommes, mais pour les rassembler, pour les purifier, pour les sauver, pour les introduire jusqu’au plus secret de son bonheur à lui. Nous devons être fiers de notre Règle, fiers de notre Pères Saint Benoît comme nous sommes fiers du Christ, comme nous sommes fiers de Dieu.

 

            Nous voyons ainsi ce que doit être un Abbé digne de ce nom. Ce doit être un homme de cœur, un homme compatissant, un homme doux, patient, indulgent à l’image de Saint Benoît, à l’image de Dieu. J’oserais presque dire qu’un véritable Abbé doit être un homme faible.

            Il doit être un homme conscient de ses limites, un homme lucide sur lui-même, un homme qui ne se prend jamais au sérieux. Il doit être, tout en étant faible, habité par une force qui vient d’ailleurs, une force sur laquelle tous les autres peuvent s’appuyer. Il s’est ouvert totalement à l’Esprit de Dieu, à l’Esprit qui est amour si bien que le Christ vit en lui et l’établit dans la vérité.

 

            Un tel Abbé sait que l’amour est une justice au-delà de toute justice. Et cette justice, elle devient la norme de sa conduite à l’endroit de ses frères, à l’endroit de tous les hommes qu’il porte dans son cœur.

 

            Frères et sœurs, en ce jour, rendons grâce à Dieu de nous avoir donné Benoît. Il a été établi patron de l’Europe, une Europe en devenir, une Europe qui se construit difficilement mais qui avance et qui devient un seul corps, une seule âme. Car l’Europe ne doit pas être uniquement une entité économique, elle doit avoir un cœur, elle doit avoir une âme. Et ce cœur ne peut être que celui de Benoît.

 

            Remercions donc le Seigneur de nous avoir donné un tel Père. Et puis gardons-nous, dans toute la mesure du possible, fidèles à son esprit, fidèles à ce qu’il nous propose, fidèles à ce qu’il nous promet.

                                                                                                  Amen.

__________________________________________________________________________

Homélie : Fête de la Transfiguration.          07.08.94*

      Opposer la muraille de l’amour à la haine.

 

Frères et sœurs,

 

            Le Seigneur nous a rassemblés ce matin pour nous alimenter de sa parole et de sa chair. Cette parole, nous l’avons entendu, elle donne à l’homme une énergie indomptable. Elle lui permet de vivre en harmonie avec les autres et, finalement, elle lui confère le don absolu de la vie impérissable. Il ne s’agit pas d’une vie continuée à la manière de celle-ci, mais de la propre vie de Dieu. Et les cœurs purs savent par expérience que cette vie éternelle, ils la possèdent déjà.

            Mais soyons francs ! Ces paroles nous paraissent singulièrement en porte à faux par rapport à la réalité à laquelle nous nous heurtons. Nous entendons à longueur de jours, nous voyons aussi les horreurs perpétrées à quelques heures d’avion de chez nous. Je pense particulièrement au drame du Ruanda. Nous ne pouvons les ignorer, elles nous crèvent les oreilles et les yeux.

            Et alors Dieu, là-dedans, que fait-il ?

 

            Eh bien, frères et sœurs, Dieu est mis à mort une nouvelle fois dans les corps et les âmes de tant d’hommes innocents. Et aujourd’hui, il nous lance un appel au secours. Allons-nous lui répondre ? Ou bien resterons-nous les complices muets de ces crimes dont lui et des milliers d’innocents sont victimes ?

            Que faire alors ? Nous ne pouvons tout de même pas courir là-bas ? Il ne nous en demande pas tant. Il nous demande, ici et maintenant, d’opposer la muraille de l’amour aux flots déchaînés de la haine.

 

            Ecoutons-le ! Apprenons de lui ce que nous avons à faire ! Mais rappelons-nous d’abord que nous formons tous ensemble un seul Corps dont Lui est la tête et dont l’âme est l’Esprit Saint. La partie de ce Corps qui est encore ici sur cette terre, elle est rongée par le virus du péché, nous ne le savons que trop.

            Et les effets, nous les connaissons, nous les expérimentons dans notre propre vie. C’est le mensonge, c’est l’ambition, ce sont les manœuvres, ce sont les jalousies. Et, n’ayons pas peur de le dire, ce sont les vols, et finalement les meurtres, car il y a des façons de mettre à mort qui ne sont pas sanglantes mais qui sont tout aussi cruelles.

 

            Il nous demande, lui Dieu, d’arrêter cette contagion de la méchanceté et de distribuer dans le grand corps une santé nouvelle. Rappelons-nous ce qu’il vient de nous dire : « Faites disparaître de votre vie les éclats de voix, les colères, les dissensions, toutes les espèces de méchanceté ! Cherchez à imiter Dieu puisque vous êtes ses enfants ! Vivez dans l’amour ! »

 

            C’est un programme simple et magnifique ! Mettons-le en pratique sans plus tarder dans nos familles, sur les lieux de travail, dans nos communautés, partout et toujours ! Lorsqu’on nous voit ou qu’on nous entend, il faut que l’on puisse dire : « Ceux-là, ce sont des chrétiens. Cela se voit, cela se sent parce qu’ils s’aiment. »

 

            Nous allons dans quelques instants partager le Corps et le Sang du Christ, le Corps et le Sang de Dieu. Il nous a dit bien haut que si nous croyons en lui et que, si notre foi va tellement loin que nous prenons en nous, à l’intérieur de notre chair, sa propre chair de Dieu, à ce moment-là nous entrons dans une vie autre, une vie absolument nouvelle qui est la sienne. Et à ce moment-là, nous ne mourrons pas.

Mais nous ne pourrons pas non plus donner la mort, au contraire, nous donnerons la vie par tout ce que nous sommes. Cette vie, elle brillera dans notre regard, elle vibrera sur nos lèvres, elle se communiquera dans chacun de nos gestes. C’est autre chose qu’une honnêteté morale. Même si elle influe, c’est autre chose, c’est la propre vie de Dieu, c’est la vie des enfants de Dieu, des enfants que nous sommes.

Alors, laissons cette vie de Dieu, cette vie d’amour bouillonner en nous. Laissons-là nous envahir et nous transformer en source de vie pour les autres.

 

            Alors, frères et sœurs, n’oublions pas ceci : si le mal s’éteint en nous, il reculera ailleurs. Tel est notre apport à la pacification, à la réconciliation partout où il y a des conflits, au Ruanda, en Bosnie, au Moyen-Orient, partout.

            Dieu appelle ! Allons-nous y répondre ? Allons-nous boucher nos oreilles ? Allons-nous rester dans l’indifférence, repris par nos petits intérêts, par notre petit égoïsme ?

            Frères et sœurs, nous sommes les enfants de Dieu et nous répondrons par l’affirmative à cet appel. Et soyons certains que quelque chose aura changé dans notre monde.                                                                                                                                                               Amen.

__________________________________________________________________________

Fête de l’Assomption de la Vierge Marie.        15.08.83

Prise d’habit de Louis.

 

Mon ami Louis,

 

Le Christ notre Dieu, dans son amour délicat, attentif, cet amour dont lui seul a le secret, le Christ a disposé les événements pour que vous receviez l'habit de notre Ordre en cette magnifique fête de l'Assomption. Oui, c'est de sa part une attention très belle et très juste. Car comme vous le savez certainement, depuis l'origine notre Ordre est consacré spécialement à la Vierge Marie et précisément dans le mystère de l'Assomption.

Et ce fut de la part de nos Pères, me semble-il, une intuition géniale et très logique. Car la vie monastique n'est-elle pas dans ce qu'elle a de plus pur une assomption en Dieu par la christification de tout notre être. Or, pour être christifié, il est indispensable de passer par Marie, d'être littéralement et réellement enfanté par elle à cette vie nouvelle, à cette vie divine.

Il n'est pas possible d'en faire l'économie. Saint Bernard nous l'a bien dit. Tout ce que nous recevons de Dieu nous vient par le canal de Marie. Voyez ! Marie d'abord en est emplie, puis ça déborde d'elle sur nous. Son mystère de l'Assomption, j'y ai fait allusion hier, est vraiment ce qui est pour nous le plus encourageant. Car à notre tour là où elle est, si je puis reprendre les paroles de son Fils le Christ, là où elle est, elle désire que nous soyons aussi. Et nous y sommes déjà si nous vivons humblement avec grande confiance dans son sein.

 

Vous avez donc devant vous un magnifique programme de vie. C'est, si je le résume en une formule, c'est être vraiment la proie de l'Esprit de façon à renaître en Dieu. Et pour cela, vous devez renoncer a beaucoup de choses : à vos idées, à vos jugements, à tout ce qui provoque un repliement sur vous. Et vous devrez vous ouvrir à un souffle nouveau, ce souffle qui désire vous métamorphoser. Car ce souffle nouveau est une Personne, ne l'oubliez jamais ! C'est la Personne de l'Esprit Saint, c'est la Personne de l'Amour, c'est ce qui en Dieu est le plus intime, ce qui constitue le cœur même de son être.

Et c'est là dans le cœur de notre Dieu que nous sommes conçus dès avant notre apparition sur cette terre. Et c'est là qu'est notre habitation pour l'éternité. Et ainsi, vous serez progressivement mais sûrement renouvelé jusqu'à ce que le Christ soit entièrement formé en vous. Comme Saint Benoît vient de vous le rappeler, les débuts de cette marche vers le Royaume de Dieu peuvent paraître assez pénibles car il faut se défaire de beaucoup de choses qu'on apporte du monde, des façons de voir, des façons de juger, de réagir.

Mais enfin, ce n'est jamais que les tous débuts car bien vite lorsqu'on se donne à Dieu, le cœur se dilate. Et vraiment, il prend de nouvelles dimensions. Au lieu d'être étroit, enfermé presque dans la prison de l'égoïsme, il prend les dimensions du cœur de Dieu, et pour nous beaucoup plus proche, du cœur de notre Mère. Car un moine achevé, il a des entrailles de mère. Vous voyez ! Et c'est là que vous arriverez ! C'est là que veut dire Saint Benoît lorsqu'il parle de cette dilatatio cordis qui nous attend, qui VOUS attend.

 

Et vous êtes disposé à entreprendre, à courir cette formidable aventure. Et vous désirez inaugurer dès maintenant cette conversion, ce changement qui s'opère en vous. Et pour cela vous avez exprimé le désir de prendre un nom nouveau qui signifiera cette résolution. En adoptant ce nom nouveau, vous aurez tourné le dos au monde et vous entrerez dans une nouvelle famille, la grande famille cistercienne dont vous deviendrez un membre, tout ­petit encore, mais qui va grandir et occuper sa place.

 

Et à partir d'aujourd'hui, vous ne serez plus Louis, mais vous serez Frère Guerric. C'est là le nom porté par un bienheureux originaire de nos régions. Il a été un simple moine d'abord et puis il est devenu Abbé, un grand Abbé. Cela ne veut pas dire que vous-même allez ambitionner de devenir un jour le dirigeant des frères et leur Père. Non, ce n'est pas cela que je veux insinuer. Mais vous allez comme lui entrer dans un certain anonymat, l'anonymat de la Lumière.

Car lorsque soi-même on devient lumière, on disparaît en elle. Et je pense que demain ou après je devrais revenir là-dessus, car je n'ai fait hier que commencer quelque chose. Et je pense qu'entre ce beau jour de l'Assomption et la fête de Saint Bernard il nous est encore possible de réfléchir à ce mystère de Dieu qui doit se répercuter dans notre vie.

Et cette entreprise, vous allez la porter à bien au milieu de frères, dans une communauté d'hommes qui sont habités par le même idéal et qui le poursuivent avec vous. Mais ces hommes sont encore toujours des êtres humains. Ils sont affligés de défauts. Et vous n'en serez pas effrayé ni scandalisé. Vous ne le prendrez pas au tragique. Vous vous souviendrez que vous aussi vous avez des défauts, que vous même malgré les progrès de l'Esprit Saint en vous, vous restez un homme. Heureusement d'ailleurs !

 

Mais dans chacun de vos frères, votre regard cherchera la flamme qui l'habite, qui consume les scories, la gangue, qui purifie. Et nous ne savons jamais ce qui se passe dans un autre. La seule chose que nous pouvons supposer, dont nous devons être certains, c'est que l'amour est à l'œuvre et que un jour, au jour voulu par Dieu, cette flamme sera entièrement libérée et elle fera notre admiration.

Et vous aurez pour charte pour vous avancer sur cette route, la Parole de Dieu. Vous aurez la Règle de Saint Benoît, vous aurez les enseignements de nos Pères, vous aurez les exemples et la prière de tous vos frères.

 

Homélie : Vœux solennels de frère Jean.        26.05.85

 

Mon frère,

 

Aujourd'hui, vous posez un acte appelé à un retentissement immense. Le monde entier, l'humanité entière recueillie en votre cœur, ramassée en votre personne se tourne vers le Seigneur et clame son désir de lui appartenir sans réserve.

Vous acceptez une mission sublime. Et cette mission, vous l'accomplirez fidèlement jusqu'à votre mort, jusque dans la mort. Et cette mission, elle vous projette hors de vous. Elle devient pour vous une source d'extase, de décentrement. Maintenant, vous ne vivrez plus pour vous-même puisque vous vous donnez pour Dieu et pour les autres.

Ce qu'il y a de meilleur en vous, vous le recevrez des autres, surtout de cet Esprit que nous fêtons aujourd'hui et qui, dès maintenant, repose sur vous plus particulièrement. Il vous enveloppe, il pénètre en vous, il désire vous transformer.

 

Oui, une grande espérance traverse votre cœur : devenir un seul esprit avec le Christ lumière du monde et lui permettre ainsi de poursuivre et d'achever son œuvre de rédemption et de transfiguration, en vous d'abord, et puis à travers vous dans l'humanité.

Et cette mission, vous l'acceptez, vous l'assumez avec générosité, avec enthousiasme même. C'est cela le propre de l'Esprit. Dès maintenant, vous êtes le bien de l'humanité comme vous êtes devenu le bien de votre Dieu. Vous allez jour après jour porter le poids du monde. Vous allez vous laisser travailler par cet Esprit jusqu'à ce que vous soyez entièrement vidé de vous-même, que vous sachiez d'expérience que ce n'est plus vous qui vivez mais que c'est le Christ qui vit en vous.

Vous ne suivrez plus vos goûts, ni vos idées, mais uniquement les goûts et les idées de notre Christ dans une obéissance qui se voudra la plus généreuse possible. Et vous n'aurez pas peur de mourir à vous-même pour ressusciter en lui. Et cette aventure merveilleuse, vous la vivrez dans une communauté, dans cette communauté-ci qui vous accueille avec joie et qui vous promet son appui. En elle, vous serez enraciné pour y puiser la vie, une vie qui n'est pas d'ici bas, une vie qui vient d'ailleurs et qui est promise à un dessein d'éternité. C'est la propre vie de Dieu !

 

Vous serez entraîné dans le mouvement Trinitaire, dans le vol de ces trois oiseaux fous avides d'espace que sont les trois Personnes de la Sainte Trinité. Et ainsi, mon frère, vous connaîtrez un bonheur qui n'est pas d'ici-bas. Vous recevrez les prémices d'une vie dont il n'est possible à aucun homme d'imaginer la beauté. Il faut y être pour le savoir, il faut y être par une fidélité de chaque instant.

          Mais notre Dieu est Amour, notre Dieu est Force aussi. Il sait de quoi nous sommes bâtis. Il sait que nous sommes chair, que notre chair est prompte, qu'elle est fervente, mais que l'esprit en nous demeure faible. Mais cet esprit, le nôtre, s'unira à l'Esprit de Dieu. Il va se laisser prendre. Il participera à la force même de Dieu.

Et au terme, vous serez un fils de Dieu accompli. Vous posséderez en plénitude l'Esprit aux sept flammes. C'est à cet Esprit que vous vous livrez aujourd'hui au jour de sa fête. C'est un heureux présage. Laissez-vous emporter par lui, n'offrez jamais de résistance, mais laissez-vous aller sans vous faire de soucis. Et il vous emportera là où personne n'a accès sinon lui, au cœur de la Trinité, en cet endroit d'où on ne revient plus lorsqu'on y est entré.

 

Mon frère, est-ce que vous êtes ainsi disposé à courir ce destin peu commun ? Etes-vous prêt à suivre le Christ dans une fidélité de tous les instants, dans une obéissance qui jamais ne se reprend, et ainsi jusqu'à votre dernier souffle ? Etes-vous disposé à travailler à la conversion de votre vie, que ce ne soit plus des façons humaines de voir, de sentir et de réagir, mais des façons divines ? Etes-vous prêt à persévérer en ce lieu jusqu'au jour où votre patrie se sera élargie aux dimensions du cosmos, où là vous serez chez vous ?

A partir de ce petit désert où vous vous donnez à Dieu devant quelques témoins, mais aussi devant une assemblée plus large de témoins, les saints, les anges, la Vierge Marie, êtes-vous disposé, mon frère, à vivre ainsi uniquement pour Dieu ?

 

Homélie : Fête de Saint Benoît.                  11.07.85

      L’hommage de notre gratitude.

 

Mes frères,

 

Vous me permettrez de m'arrêter quelques instants car je voudrais présenter à Saint Benoît l'hommage de notre gratitude pour les trésors qu'il nous partage sans compter : les trésors de sa doctrine spirituelle, les trésors de sa personne.

Car Saint Benoît, comme je vous l'ai rappelé dernièrement, est une fenêtre ouverte sur le Royaume. Et par cette fenêtre nous pouvons admirer ce que Dieu a préparé pour nous qu'il aime. Saint Benoît est une lentille qui dirige sur nous la puissance de la lumière divinisante. Et il nous demande de faire confiance à ce Dieu qui l'a appelé, lui, le premier.

Mes frères, Saint Benoît est vraiment celui par lequel aujourd'hui toute grâce de vie monastique nous arrive. Et pour nous plus particulièrement ici à Saint Rémy, toute grâce arrive à travers ma pauvre et humble personne, moi qui dois être parmi vous un autre Benoît. Saint Bernard le savait lui qui s'écriait : O abbas et abbas ! O quel Abbé ce Benoît, et quel Abbé se trouve ici à la tête d'une communauté !

 

Mes frères, l'Abbé, dans la ligne de ce que le Christ a été lui-même, doit être un serviteur, et vers le haut et vers le bas, le serviteur de Dieu. Il ne vit plus pour lui. Il vit pour ce Christ qui a pris possession de lui et qui à travers lui se manifeste. Il n'y a plus en lui de place pour un désir personnel. Tout son être est devenu désir de Dieu en lui pour lui-même et pour ses frères.

Il est aussi le serviteur de ses frères. Il est parmi eux comme celui qui doit satisfaire ce qui dans leur cœur est saint, ce qui est pur, ce qui est appel vers une vie nouvelle, vers cette vie transfigurée qui doit faire de chacun des frères aussi une apparition du Christ ressuscité.

Voilà ce que je voulais rappeler ce matin. Et cela, nous le devons à notre Père Saint Benoît. Si vraiment chacun d'entre nous veut se mettre au service de tous les autres frères, à l'envi comme dit Saint Benoît, une sorte d'émulation dans le service mutuel, à ce moment notre communauté va devenir ce que l'Apôtre rappelait aux Colossiens : un lieu d'unité, un lieu de paix, une transparence du Royaume de Dieu.

 

Mes frères, c'est à cette vie merveilleuse que nous sommes appelés. En cette fête de Saint Benoît, avançons en cette vie avec confiance, une confiance nouvelle, car Dieu veut nous donner en plénitude ce pourquoi il nous a appelés ici.

 

                                                                                                                   Amen.

 

Homélie : Fête de Saint Benoît.           11.07.93.

      Le moine ne sait pas attendre !

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

            Le Pape Saint Grégoire le grand nous dit que : en notre Père Saint Benoît habitait l'esprit de tous les justes. Il signifiait par là que le cœur de notre bienheureux Père était devenu un ciel où résidaient les trois personnes divines et, avec elles, la multitude des saints.

            C'est là un prodige d'une beauté sans pareille, c'est là le sommet de toute béatitude en ce monde et en l'autre. Voilà ce qui nous est proposé, voilà ce qui en espérance est déposé entre nos mains.

            Notre imagination, notre intellect, notre génie poétique peuvent se donner libre cours, jamais ils ne pourront atteindre ne fut-ce que la ....?.... de ce mystère. Nous devons fermer les yeux, nous devons nous laisser aimer et croire que tout finira par s'accomplir.

 

            Cette église que nous venons de consacrer évoque avec puissance la vocation sublime qui nous est proposée. Nous sommes destinés chacun pour notre part et tous ensemble à être un cœur où habite la plénitude de la divinité. Et là où est Dieu, là se trouve aussi la foule immense des hommes et des femmes devenus depuis la création du monde un seul esprit avec Dieu. Dieu et les saints nous sont donc plus intimes que le plus intime de nous. Telle est la source du respect sans borne que nous devons professer à l'endroit de nous-mêmes, à l'endroit de tous les hommes.

 

            Oui, frères et sœurs, ne l'oublions pas, nous sommes les réceptacles de Dieu. Et, je le répète, avec Dieu viennent la multitude des saints. Chacun de nous est un temple, chacun de nous est un ciel.

            Lorsque nous pouvons réaliser cette merveille, non seulement au plan de l'intellect mais surtout au niveau de la foi, et que nous la faisons passer dans la pratique de notre vie, à ce moment nous réalisons notre destinée de chrétien, notre destinée d'homme.

           

            Si nous pouvions toujours vivre dans cette lumière, il n'y aurait plus entre nous la moindre discorde, la moindre tension, ce serait le règne de la paix. Oui, ce sera l'état de l'humanité, l'état du cosmos à la fin des temps.

            Mais, ne l'oublions pas, 1'Eucharistie est la parousie de cette fin des temps. Et si nous y participons de tout notre cœur, à ce moment il se produit quelque chose en nous qui portera du fruit à l'intérieur de notre comportement.

            Le ciel n'est pas pour demain. Il est présent en nous et nous en sommes les ...?... Le Seigneur Jésus nous le rappelle expressément aujourd'hui quand il nous parle du monde nouveau et de la vie éternelle. Le monde nouveau, c'est lui et sa lumière ; la vie éternelle, c'est lui et sa résurrection.

           

Or, puisque nous sommes ici dans un monastère, sachons-le, le moine est un homme qui ne sait pas attendre. Il est l'homme du tout de suite. Et en cela, il est bien moderne. Il creuse comme un chercheur de trésor, ou plutôt, il laisse 1'Esprit Saint creuser en lui des espaces à la mesure sans mesure de l'amour qui est Dieu. 

            Il quitte tout, il disparaît, il meurt à lui-même et à tout et, au plus secret de sa solitude, il se retrouve unit à Dieu. Il ne peut en aller autrement puisque son cœur devient un paradis où chaque homme, où chaque femme peut y trouver sa place. Il n'y a plus d'espace, il n'y a plus de distance, il n'y a plus de durée pour lui Il est présent, partout à tout et à tous.

            La création transfigurée est devenue son bien car déjà pour lui,  Dieu s'est fait tout en toute chose. Tel était notre Père Saint Benoît, lui dont le cœur était devenu un ciel ; tels nous pouvons être à notre tour. Il suffit de nous ouvrir à ce cadeau que Dieu a préparé pour nous depuis toujours.

            Notre Eucharistie sera donc le chant de notre espérance et, disons-le déjà, de notre triomphe.

                                                                                                   Amen.

________________________________________________________________________

Homélie : Fête de Saint Benoît.            11.07.96

      L’humanité de Saint Benoît.

 

Frères et sœurs,

            Il convient d’adresser à notre Père Saint Benoît un petit signe le jour de sa fête. Nous devons le féliciter, nous devons le remercier. Sans lui, nous ne serions pas ici et, avec lui nous pouvons tout espérer.

            Ecoutez ce que le Christ vient de nous dire : « Tout homme qui aura quitté à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, une terre, recevra beaucoup plus, le centuple dès maintenant et, pour plus tard, la vie éternelle. »

            C’est grâce à Saint Benoît que ces promesses prennent forme pour nous aujourd’hui, qu’elles irriguent notre vie toute entière, et qu’elles nourrissent notre espérance, et qu’elles nous mettent déjà en possession de ce que le Christ nous a promis.

 

            Un des traits les plus attachants de la physionomie de Saint Benoît est, me semble-t-il, sa propre humanité. Saint Benoît est un homme profondément humain. C’est la preuve indubitable de sa sainteté. Des saints durs sont des saints postiches. Les véritables saints ont un cœur liquide, comme disait le Curé d’Ars.

            Saint Benoît connaît la route qui conduit à Dieu et il la balise avec soins pour nous. Il fait comme … ?… d’un troupeau fragile, vulnérable, inconstant, rétif parfois. Mais il ne s’en offusque pas. Il nous comprend, il nous encourage dans notre marche. Parfois il doit sévir, mais il le fait toujours in spiritu lenitatis, dans un esprit de douceur. Car Saint Benoît est un homme de douceur comme fut Moïse le grand législateur d’Israël, comme fut le Christ lui-même.

 

            Et c’est pourquoi, lorsque nous partageons la douceur de Saint Benoît, nous pouvons avec lui posséder la terre et connaître le véritable bonheur. Car celui qui est doux est aussi pauvre, est aussi juste, est aussi pur, est aussi miséricordieux. Et alors, plus rien ne peut l’atteindre et tous peuvent trouver abri à l’ombre de ce qu’il est.

            Le succès de la Règle écrite par notre bienheureux Père benoît vient en bonne partie  de son caractère de profonde humanité. On sent la bonté d’un saint, la bonté de Dieu, de notre Dieu qui perd ses moyens devant sa créature.

 

            Dieu a tant aimé le monde, il a tant aimé les hommes qu’il a tout sacrifié pour eux. Il a envoyé son propre fils, non pas pour condamner les hommes, mais pour les rassembler, pour les purifier, pour les sauver, pour les introduire jusqu’au plus secret de son bonheur à lui. Nous devons être fiers de notre Règle, fiers de notre Pères Saint Benoît comme nous sommes fiers du Christ, comme nous sommes fiers de Dieu.

 

            Nous voyons ainsi ce que doit être un Abbé digne de ce nom. Ce doit être un homme de cœur, un homme compatissant, un homme doux, patient, indulgent à l’image de Saint Benoît, à l’image de Dieu. J’oserais presque dire qu’un véritable Abbé doit être un homme faible.

            Il doit être un homme conscient de ses limites, un homme lucide sur lui-même, un homme qui ne se prend jamais au sérieux. Il doit être, tout en étant faible, habité par une force qui vient d’ailleurs, une force sur laquelle tous les autres peuvent s’appuyer. Il s’est ouvert totalement à l’Esprit de Dieu, à l’Esprit qui est amour si bien que le Christ vit en lui et l’établit dans la vérité.

 

            Un tel Abbé sait que l’amour est une justice au-delà de toute justice. Et cette justice, elle devient la norme de sa conduite à l’endroit de ses frères, à l’endroit de tous les hommes qu’il porte dans son cœur.

 

            Frères et sœurs, en ce jour, rendons grâce à Dieu de nous avoir donné Benoît. Il a été établi patron de l’Europe, une Europe en devenir, une Europe qui se construit difficilement mais qui avance et qui devient un seul corps, une seule âme. Car l’Europe ne doit pas être uniquement une entité économique, elle doit avoir un cœur, elle doit avoir une âme. Et ce cœur ne peut être que celui de Benoît.

 

            Remercions donc le Seigneur de nous avoir donné un tel Père. Et puis gardons-nous, dans toute la mesure du possible, fidèles à son esprit, fidèles à ce qu’il nous propose, fidèles à ce qu’il nous promet.

                                                                                                  Amen.

__________________________________________________________________________

Homélie : Fête de la Transfiguration.          07.08.94*

      Opposer la muraille de l’amour à la haine.

 

Frères et sœurs,

 

            Le Seigneur nous a rassemblés ce matin pour nous alimenter de sa parole et de sa chair. Cette parole, nous l’avons entendu, elle donne à l’homme une énergie indomptable. Elle lui permet de vivre en harmonie avec les autres et, finalement, elle lui confère le don absolu de la vie impérissable. Il ne s’agit pas d’une vie continuée à la manière de celle-ci, mais de la propre vie de Dieu. Et les cœurs purs savent par expérience que cette vie éternelle, ils la possèdent déjà.

            Mais soyons francs ! Ces paroles nous paraissent singulièrement en porte à faux par rapport à la réalité à laquelle nous nous heurtons. Nous entendons à longueur de jours, nous voyons aussi les horreurs perpétrées à quelques heures d’avion de chez nous. Je pense particulièrement au drame du Ruanda. Nous ne pouvons les ignorer, elles nous crèvent les oreilles et les yeux.

            Et alors Dieu, là-dedans, que fait-il ?

 

            Eh bien, frères et sœurs, Dieu est mis à mort une nouvelle fois dans les corps et les âmes de tant d’hommes innocents. Et aujourd’hui, il nous lance un appel au secours. Allons-nous lui répondre ? Ou bien resterons-nous les complices muets de ces crimes dont lui et des milliers d’innocents sont victimes ?

            Que faire alors ? Nous ne pouvons tout de même pas courir là-bas ? Il ne nous en demande pas tant. Il nous demande, ici et maintenant, d’opposer la muraille de l’amour aux flots déchaînés de la haine.

 

            Ecoutons-le ! Apprenons de lui ce que nous avons à faire ! Mais rappelons-nous d’abord que nous formons tous ensemble un seul Corps dont Lui est la tête et dont l’âme est l’Esprit Saint. La partie de ce Corps qui est encore ici sur cette terre, elle est rongée par le virus du péché, nous ne le savons que trop.

            Et les effets, nous les connaissons, nous les expérimentons dans notre propre vie. C’est le mensonge, c’est l’ambition, ce sont les manœuvres, ce sont les jalousies. Et, n’ayons pas peur de le dire, ce sont les vols, et finalement les meurtres, car il y a des façons de mettre à mort qui ne sont pas sanglantes mais qui sont tout aussi cruelles.

 

            Il nous demande, lui Dieu, d’arrêter cette contagion de la méchanceté et de distribuer dans le grand corps une santé nouvelle. Rappelons-nous ce qu’il vient de nous dire : « Faites disparaître de votre vie les éclats de voix, les colères, les dissensions, toutes les espèces de méchanceté ! Cherchez à imiter Dieu puisque vous êtes ses enfants ! Vivez dans l’amour ! »

 

            C’est un programme simple et magnifique ! Mettons-le en pratique sans plus tarder dans nos familles, sur les lieux de travail, dans nos communautés, partout et toujours ! Lorsqu’on nous voit ou qu’on nous entend, il faut que l’on puisse dire : « Ceux-là, ce sont des chrétiens. Cela se voit, cela se sent parce qu’ils s’aiment. »

 

            Nous allons dans quelques instants partager le Corps et le Sang du Christ, le Corps et le Sang de Dieu. Il nous a dit bien haut que si nous croyons en lui et que, si notre foi va tellement loin que nous prenons en nous, à l’intérieur de notre chair, sa propre chair de Dieu, à ce moment-là nous entrons dans une vie autre, une vie absolument nouvelle qui est la sienne. Et à ce moment-là, nous ne mourrons pas.

Mais nous ne pourrons pas non plus donner la mort, au contraire, nous donnerons la vie par tout ce que nous sommes. Cette vie, elle brillera dans notre regard, elle vibrera sur nos lèvres, elle se communiquera dans chacun de nos gestes. C’est autre chose qu’une honnêteté morale. Même si elle influe, c’est autre chose, c’est la propre vie de Dieu, c’est la vie des enfants de Dieu, des enfants que nous sommes.

Alors, laissons cette vie de Dieu, cette vie d’amour bouillonner en nous. Laissons-là nous envahir et nous transformer en source de vie pour les autres.

 

            Alors, frères et sœurs, n’oublions pas ceci : si le mal s’éteint en nous, il reculera ailleurs. Tel est notre apport à la pacification, à la réconciliation partout où il y a des conflits, au Ruanda, en Bosnie, au Moyen-Orient, partout.

            Dieu appelle ! Allons-nous y répondre ? Allons-nous boucher nos oreilles ? Allons-nous rester dans l’indifférence, repris par nos petits intérêts, par notre petit égoïsme ?

            Frères et sœurs, nous sommes les enfants de Dieu et nous répondrons par l’affirmative à cet appel. Et soyons certains que quelque chose aura changé dans notre monde.                                                                                                                                                               Amen.

__________________________________________________________________________

Admonition : Vœux temporaires.                  15.08.85

      Premiers vœux des frères Guerric et Philippe.

 

Mes frères,

 

Vous avez demandé, vous avez imploré la miséricorde de Dieu, celle de l'Ordre et celle de vos frères. Vous avez donc bien conscience de votre misère, de votre faiblesse, de votre péché. Mais aussi, vous mesurez la grandeur de cet appel que vous avez reçu, la faveur que Dieu vous accorde en vous appe­lant à entrer dans cette Maison qui est sienne et où vous al­lez apprendre à le servir jusqu'à ce que - il vient de vous le rappeler maintenant - il vous comble de sa propre vie.

Ces sentiments d'humilité ne devront jamais quitter votre coeur. Vous ne devrez jamais devenir des arrogants, des gens qui s'imaginent tout connaître, des gens qui s'imaginent meilleurs que les autres. Non, vous aurez toujours une grande défiance de vous, mais d'un autre côté une immense confiance en ce Dieu qui vous a appelés tels que vous êtes, tels que vous étiez. Mais vous ne pouvez pas maintenant concevoir ce qu'il va faire de vous.

Et ces sentiments d'humilité, vous les entretiendrez, vous les rafraîchirez chaque jour par le chant des Psaumes. Vous connaissez cette prière, cet escalier à cinq étages qui nous conduit jusqu'à Dieu. Et aussi, vous les rafraîchirez par le respect que vous témoignerez à chacun de vos frères, vous estimant toujours moindres qu'eux, moindres que le plus petit d'entre eux.

 

Vous savez que les normes de mesure chez Dieu ne sont pas celles qui régentent notre monde. C'est le plus petit ici-bas qui sera, qui est déjà le plus grand chez Lui. Efforcez-vous donc d'être toujours les plus petits jusqu'à l'intime de votre cœur. Et ainsi, vous avancerez, vous progresserez en âge, et vous progresserez en taille, en âge spirituel, en taille spirituelle.

Vous n'êtes pas ici chez vous. Vous êtes chez Dieu. Vous êtes dans sa Maison. Et vous êtes ici pour le servir. Et depuis que vous êtes arrivés, vous avez appris déjà à connaître ce Dieu et le jardin où il vous a plantés. Vous avez poussé vos premières racines. Une vie nouvelle commence à circuler en vous, et vous êtes heureux. Cela se voit, vous rayonnez la joie. Non seulement parce que vous êtes jeunes, mais aussi parce que vous êtes heureux d'être chez Dieu.

Et cette joie, ce bonheur, eh bien je vous le promets, si vous êtes fidèles, il va sans cesse grandir. O, vous connaîtrez bien des épreuves, Saint Benoît vient de vous le dire. Vous devrez participer aux souffrances, aux passions du Christ. Mais à travers tout cela, au fond de votre cœur, il y aura toujours cette joie que rien que rien ne peut entamer et qui, au contraire, trouve une sorte d'aliment dans tout ce qui pourrait vous advenir de contraire.

 

Contraire ? A partir de vous, de vos passions, de votre égoïsme. Ils vont se débattre. Contraire surtout à partir du démon, car sachez qu'il est un être bien réel et que, il vous jalouse, il vous prend en aversion parce que vous devenez les amants de notre Dieu et de notre Christ. Mais vous savez aussi que vous êtes déjà vainqueurs, vainqueurs parce que vous vous êtes donnés à ce Christ. Et votre attachement, vous allez maintenant le confesser publiquement.

La pratique monastique exige donc un grand nombre de renoncements. Vous en avez déjà fait l'expérience. Mais en réalité, c'est l'envers d'une beauté. J'emploie ce mot parce que ce qui est beau, c'est ce qui est vrai. C'est donc l'envers d'une vérité et d'une beauté qui est celle-ci : vous êtes en train de briser un à un tous les liens qui entravent vos mouvements.

Lorsqu'on est dans le monde, on a parfois l'impression d'être libre, de pouvoir faire ce qu'on veut. C'est une illusion ! La véritable liberté est celle du cœur. Et tous les liens qui gênent cette liberté, vous êtes en train de les briser. Vous ne vous appartenez plus. Vous ne possédez plus rien, pas même votre corps. Vos idées, vos pensées, vos jugements, vos façons de voir les choses, vous les laissez de côté pour emprunter les jugements et les façons de voir d'un autre, d'un autre qui n'est rien moins que Dieu. Alors voyez dans quelle vérité vous vous installez !

 

Lorsqu’ainsi vous vous perdez corps et biens dans la volonté de Dieu et dans ses jugements, vous devenez les maîtres du monde. Il vous donne en partage non seulement son bonheur, mais sa puissance. Tout cela, vous l'expérimenterez un jour, j'en suis certain. Mais déjà maintenant vous le savez et dans votre cœur ça commence à travailler.

Vous vous donnez comme cela à Dieu, au Christ, le jour de l'Assomption. Et cela me semble avoir une valeur prémonitoire. Comme je vous l'ai dit hier, la vie monastique est une vigile, la vigile d'une assomption dans l'univers de Dieu. Voilà ce que vous attendez, voilà ce que votre cœur espère, ce qu'il possède déjà en espérance.

Vous allez donc rester éveillés, attentifs. Cela signifie bien concrètement que vous allez entrer dans les sentiments qui étaient ceux de Marie votre Mère. Laissez-là devenir votre mère, c'est à dire comme elle, n'ayez plus de volonté propre. Que la volonté de Dieu soit votre nourriture et vous allez vous-mêmes ainsi devenir volonté de Dieu, donc puissance de Dieu et d'authentiques fils de Marie.

 

Restez dans son sein ! Là, elle va vous nourrir jusqu'au jour où vous serez transplantés dans le Royaume de Dieu. Et vous n'attendrez pas votre mort physique pour que ça se réalise. Déjà vous commencerez avant de mourir de connaître cette joie d'entrer dans ce Royaume de lumière. Et sur la route qui y conduit, il y a des balises, il y a des jalons. O cette route est bien tracée. Il y a la stabilité dans ce lieu, dans cette communauté de frères. Il y a la conversion des mœurs qui n'est autre dans le fond que cet éveil, que cette attention, que cette vigile.

Il y a l'obéissance. Ne plus vivre par vous, mais être sans cesse branché sur Dieu pour que sa vie se transfuse en vous à tout moment. Il y a la pauvreté. Vous n'avez plus besoin de rien puisque déjà maintenant vous possédez Dieu. Vous possédez tout dans votre amour pour le Christ. Il n'est pas jaloux. Il ne retient rien pour lui. Il se donne tout entier à vous, tout ce qu'il est, tout ce qu'il a. Et il y a la chasteté. Il y a cette lumière qui resplendit dans la beauté et dans l'amour.

Eh bien, mon frère Philippe et mon frère Guerric, ce n'est pas une mince affaire. Mais je vous donne un bon conseil qui vous permettra de tout traverser, de marcher, de courir comme le disait Saint Benoît il y a un instant : soyez toujours très ouverts ! Soyez transparents devant Dieu, devant votre Abbé, devant votre Maître des novices pour le temps où vous serez encore là-bas à l'étage. Et soyez aussi dans une parfaite disponibilité. Si vous savez toujours demander au bon moment  que faut-il faire ? Alors vous recevrez chaque fois la lumière. Et cette liberté qui est déjà vôtre en partie maintenant ne fera plus qu'un avec votre être.

 

Eh bien voilà, mes frères, êtes-vous donc disposés à marcher, à courir sur cette route qui vous conduit jusqu'à Dieu, à être comme Marie vraiment des veilleurs jusqu'à ce que vous ne fassiez plus qu'un seul esprit avec le Christ ?

R/ Oui, mon Révérend Père, avec la grâce de Dieu et le secours de vos prières.

 

Ce que le Seigneur a commencé en vous, qu'il le conduise jusqu'à son accomplissement !

 

 

 

Homélie : Fête de Saint Bernard.                20.08.85

      Nous devons devenir Sagesse !

 

Mes frères,

 

Faut-il ajouter quelques mots à ce que nous venons d'entendre? La Parole de Dieu est tellement riche et elle nous a présenté la Sagesse. La Sagesse, c'est une lumière. La Sagesse englobe tout, elle pénètre tout, elle revêt tout de beauté et de splendeur. Devant la Sagesse, on ne peut qu'ouvrir des yeux émerveillés. Or cette Sagesse, mes frères, elle est pour nous. Et nous-mêmes devons devenir Sagesse.

Nous le serons dans la mesure où nous aurons permis à l'Esprit de Dieu de nous transformer en un grain de lumière, cette lumière de Dieu qui nourrissait notre Père Saint Bernard, qui faisait de lui la lampe qui brûle, et qui brille, et qui réjouit tous ceux qui sont dans la maison.

Mes frères, pour devenir nous-mêmes ce grain de lumière, nous devons imiter notre Père Saint Bernard. O, pas dans les aspects extérieurs de sa vie qui est vraiment sensationnelle, extraordinaire, mais dans l'humilité de son cœur. Car ce n'est plus lui qui vivait, c'est le Christ qui avait pris possession de son cœur et qui le dirigeait en toutes ses démarches.

 

Mes frères, notre place, elle n'est pas ici sur la terre. Nos yeux ne doivent pas se détourner de notre véritable patrie qui se trouve au-delà du sensible, cette patrie qui porte notre univers, qui lui donne consistance et qui un jour le transfigurera.

Mes frères, nous serons lumière, si notre cœur vit au-­delà de ce que nous pouvons sentir, si le moteur de notre existence c'est l'Esprit de Dieu lui-même. Appelons cela en termes de théologie, si vous le voulez : foi, espérance, et charité. En fait, c'est l'unique vie de notre Dieu.

Voilà, mes frères, ce que Saint Bernard nous offre aujourd’hui et tous les jours. N'oublions pas que nous sommes ses enfants, que nous nous sommes engagés à marcher sur ses traces. Et soyons certains qu'il est notre guide, qu'il est notre soutien, qu'il nous porte et que, si nous nous laissons faire, si nous nous rendons légers entre ses bras, il nous conduira là où il est déjà arrivé, dans cette lumière qui nous attend et qui, reconnaissons-le, nous séduit.                    

                                                                                                       Amen.

__________________________________________________________________

Homélie : Visite du Métropolite Penthalemon.             12.06.90                

 

Excellence, mes frères,

 

Sainte Alice, moniale de La Cambre à Bruxelles, fut, avec Lutgarde d'Aywieres et Béatrice de Nazareth, une fleur magnifique de la spiritualité cistercienne dans nos régions. Elle mourut en 1250 au moment où notre monastère de Saint Rémy, ici même, commençait à pousser ses premiers bourgeons.

Elle et ses compagnes en sainteté ont réalisé, concrétisé par toute leur vie l'idéal défini, dépeint par Saint Bernard dans ses derniers sermons sur le Cantique des cantiques.

Cet idéal, le voici : à la cime de l'épanouissement spirituel, l'âme est devenue sponsa Verbi, une épouse du Verbe de Dieu. Et voici qu’elle enfante du Verbe une descendance innombrable qu'elle lui offre pour leur commune joie.

 

La personne de la moniale, ou du moine, est alors totalement divinisée. Elle naît du sein de la Trinité en même temps que le Christ avec lequel elle est devenue un seul esprit.

Le Seigneur Jésus vient de nous le dire : Il est la vigne, nous sommes les sarments. Nous demeurons en lui comme lui demeure en nous. Sa vie est nôtre. Nous sommes avec lui dans la création nouvelle au-delà de la mort. Vous êtes morts, nous dit l'Apôtre, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu.

Saint Bernard, Sainte Alice et tant d'autres avec eux, en Orient et en Occident, ont pris au sérieux les paroles de notre Sauveur. Ils se sont ensevelis, ils se sont perdus à l'intérieur des vouloirs divins. Ils ont tout supporté pour mourir à eux-mêmes et se retrouvent vivants en Dieu, revêtus de sa lumière, devenus pure charité.

 

Mes frères, soyons réalistes. Cette transfiguration s’opère au prix de grandes souffrances. Sainte Alice est là pour nous le rappeler. L'égoïsme est tenace en nous et la chair découvre mille ruses pour satisfaire ses convoitises.

Or, la chair de péché n'a aucune part au Royaume de Dieu. Pour y accéder, pour y être admise, elle doit être purifiée, rénovée, métamorphosée. Elle doit littéralement renaître.

 

Sainte Alice, après Saint Bernard, a connu cette migration d'une chair charnelle à une chair spirituelle. Les yeux de son cœur, ces yeux nouveaux, contemplaient avec ravissement l'indicible beauté de la lumière Taborique, cette lumière indiciblement descriptible qui rayonne sans arrêt du corps ressuscité du Christ. Elle en était rassasiée, elle en était comblée.

Elle connaissait dès ici-bas le bonheur de la petite résurrection. Tout cela est arrivé à la fin de son existence terrestre alors que ses yeux corporels s'étaient éteints. Elle était devenue aveugle. Mais elle demeurait dans la paix et dans l'action de grâce car elle était déjà toute entière passée de l'autre côté du voile, et ses yeux voyaient.

 

Mes frères, l'Année Saint Bernard nous rappelle les sublimités auxquelles nous sommes invités par notre Dieu, notre Dieu qui est amour. Demandons-lui les uns pour les autres la grâce de la fidélité afin que le Père, le Christ et l'Esprit Saint puissent se réjouir en nous dès maintenant et pour jamais.

                                                                                                         Amen.

 

Homélie : Jubilé de frère Julien.                                             13.06.96

      60 années de vie religieuse.

 

Frères et sœurs,

 

            Ce que Saint Antoine de Padoue fut en son temps et pour son temps, nous pouvons et nous devons l’être pour le nôtre. Nous n’allons pas certes courir les routes, remuer les villes de nos prédications, de nos miracles car, ce n’est pas notre mission.

            Dans ce monastère, à l’intérieur de notre clôture, fidèle jusqu’au bout à notre vœu de stabilité, nous deviendrons des saints, des hommes donnés corps et âme, sans réserves, à Dieu et à leurs frères. Et dans l’invisible du Royaume, nous diffuserons la lumière et, nous opérerons des prodiges sans nombre.

            Nous sommes dans le monastère, non pas pour nous protéger peureusement du monde, mais pour travailler à notre place au salut du monde. C’est la raison d’être de la vie cénobitique et nous y serons fidèles.

 

            Mais attention ! Le Christ vient de nous donner un avertissement sérieux : « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux ! » C’est sans réplique et sans appel !

            Mais que leur manquait-il à ces scribes et à ces pharisiens ? Ils étaient pourtant des gens irréprochables au plan de la loi. Tout le monde le reconnaissait, tout le monde les respectait. Leurs paroles faisaient autorité. Ils étaient l’élite du peuple. Ils le savaient et ils s’en félicitaient.

            Eh bien, là justement était leur défaut. Ils le savaient. Ils savaient qu’ils étaient des justes et ils en étaient fiers. Eux au moins étaient des adultes, leurs vertus ne se comptaient pas. Et il leur arrivait de jeter un regard hautain sur ceux qui ne leur ressemblaient pas. Mais encore une fois, que leur manquait-il ?

 

            Il leur manquait tout simplement d’être des enfants car le Royaume des cieux est pour les enfants et non pour les gens biens. Il est pour les enfants innocents, spontanés, espiègles, pleins de tours ; il est pour les enfants qui se savent aimés tels qu’ils sont avec leurs défauts, avec leurs désirs ; il est pour les enfants qui ne calculent pas, qui se contentent de vivre, qui se savent pardonnés à l’avance.

            Oui, elle est basse, elle est étroite, elle est petite la porte du Royaume. Seuls les petits enfants la trouvent et peuvent s’y glisser. Les grandes personnes doivent rester dehors.

 

            Frères et sœurs, sommes-nous ces petits pour qui et par qui Dieu opère des merveilles ? Sommes-nous de ces petits pour qui a été créé le Royaume des cieux ? Sommes-nous de ces petits pour qui Dieu a voulu se faire homme et devenir pour nous tous l’insurpassable route qui nous conduit recto cursu, d’une course directe jusqu’au cœur de la Trinité ?

            En tout cas, notre frère Julien, au terme de soixante années d’humble fidélité, est certainement de leur côté, il est certainement du bon côté. Nous devons le regarder, notre frère Julien, je le connais très, très bien. C’est un homme qui n’a jamais su dire non. On lui a demandé une foule de service, on l’a retiré d’un emploi pour le mettre dans un autre et, alors il a toujours dit oui.

            Comme un petit enfant, sans se poser des questions, sans se poser de questions, sans créer des problèmes, il a toujours été pour le Christ celui qui ne peut rien lui refuser. Et voilà pourquoi le Royaume des cieux lui est ouvert.

 

            Nous lui souhaitons de rester comme ça tout petit ; nous lui souhaitons de le  devenir de plus en plus, de se cacher dans sa petitesse et d’être ainsi un véritable fils du Royaume. Nous lui souhaitons cette fidélité et nous demandons à Dieu de nous construire, de nous façonner à l’image de ce qu’est devenu notre frère Julien afin que tous ensemble nous soyons heureux, de plus en plus heureux dans le Royaume, dans cette portion de Royaume que constitue ce lieu-ci, notre communauté afin que, je le répète, nous soyons ensemble pour jamais dans le cœur de notre Dieu.

                                                                                                                  Amen.

___________________________________________________________________________

Homélie : Vœux solennels.                         19.08.90

 

Mon frère,

 

S'engager définitivement dans la vie monastique le jour de la fête de Saint Bernard, en l'année même où l'on célèbre le 900° Anniversaire de sa naissance,          est tout à la fois une grâce et un …?..., mais c'est d'abord et surtout une vigoureuse interpellation.

Depuis des années déjà, vous êtes engagé sur une route qui doit conduire votre fidélité, comme Saint Benoît vous le dit, jusqu'aux plus hauts sommets de la contemplation et des œuvres de puissance. Mais ne vous méprenez pas. Il s'agira en fait de descendre au plus bas de l'humilité, de vous déposséder totalement. Il s'agira d'avoir faim, d'avoir soif, de pleurer, d'espérer contre toute espérance.

Vous êtes un pécheur comme chacun d'entre nous et ce sera les larmes de votre cœur qui vous laveront de vos souillures ; et c'est une faim ardente de vérité sur Dieu, sur vous-même, sur le monde qui réduira les fractures de votre âme et de votre esprit.

 

Telles sont les œuvres puissantes que vous accomplirez par une obéissance de chaque instant, ou plutôt, vous permettrez au Christ de les accomplir en vous. Et ainsi, en vous laissant conduire par l'Esprit-Saint, en lui permettant de prendre de plus en plus possession de votre personne, en vous exposant courageusement au feu dévorant de l'amour jaloux qu'Il est, vous n'aurez de fait que vous n'ayez rencontré Dieu, que vous ne l'ayez vu, que vous soyez devenu lumière en Lui.

Saint Bernard qui est et votre Père et votre frère vous dit que c'est possible. Rappelez-vous, c'est vous-même au cours de cette nuit qui avez lu cet extrait magnifique de son sermon sur le Cantique des cantiques.

Avec une audace sans pareille, il ose parler de sponsalité, d'épousailles, de mariage, d'une fécondité spirituelle sans limite. Oui, c'est bien ainsi, Dieu désire s'unir à vous dans un amour réciproque sans faille.

Mais c'est toujours de lui que viendra l'initiative. Et il attendra votre réponse, une réponse qui sera franche, entière sans réserve comme celle que lui donna Marie votre Mère. Vous comprenez l'importance fondamentale et capitale de l'obéissance que vous allez promettre entre mes mains.

         

          Et c'est dans ce lieu de Saint Rémy que vous allez œuvrer avec le Christ jusqu'à la mort. Vous allez lui permettre d'agir en vous et par vous. Et c'est lui que vous servirez avec une foi de plus en plus vivante. C'est sa voix que vous entendrez dans chaque action liturgique.

Et c'est votre réponse qui va le séduire, Lui, et qui va lui donner de plus en plus le désir de vous métamorphoser en une image qui est la sienne. Finalement ce n'est plus vous qui vivrez, c'est lui qui vivra en, vous. Et ainsi, il aura réalisé tout ce qu'il désire, il aura fait de vous un saint.

Mon frère, êtes-vous décidé à courir cette extraordinaire aventure de la vie monastique qui est l'aventure de la sainteté ? Vous n'êtes pas ici seulement pour vous-même, vous l'êtes pour le monde entier, vous l'êtes pour l'Eglise. Etes-vous prêt à vous donner ainsi à Dieu, à la Trinité dont vous chantez les louanges tous les jours ? Etes-vous prêt à vous donner à vos frères, à l'Eglise et au monde ?

 

750 ans de l’Abbaye N.-D. de Saint Rémy.     01.10.80

Allocution de Dom Hubert à la fin du dîner.              

 

Permettez-moi de vous faire part de quelques réflexions qui ont grandi en moi à mesure qu'approchait ce jour du 1° Octobre. Elles se sont concrétisées hier, et encore ce matin en écoutant le Père Albert.

Il est un fait auquel j'attache personnellement une importance singulière. C'est celui-ci : Saint Rémy comme vous le savez, ou si vous ne le savez pas vous allez l'apprendre à l'instant, est la dernière née de l'Abbaye de Cîteaux en 1230. Et aujourd'hui, de tous les fils et filles de Cîteaux, elle est l'unique survivante.   

Je me demande s'il n'y pas la derrière un message prophétique qui nous serait adressé ? A mon sens, il y en a un. Et le voici tel que je le perçois :

 

En ce lieu de Saint Rémy, là où vit encore la dernière fille de Cîteaux, ici, devrait pouvoir se vivre dans sa pureté et sa limpidité l'idéal des Fondateurs de Cîteaux. Idéal d’une extraordinaire beauté, mais d'une âpreté et d'une dureté qui semble parfois dépasser les forces humaines. Et cet idéal, voici tel qu'il se présente :

Lorsqu'on lit avec sympathie, avec perspicacité aussi, les écrits primitifs des Fondateurs Cisterciens, on s'aperçoit que ces hommes en pénétrant dans leur forêt impénétrable - une forêt qui était d'autant plus propice à leur dessein qu'elle était inaccessible aux hommes - avaient une intention qui se lit en filigrane à travers leurs écrits, à travers leur histoire. Leurs premiers successeurs aussi, les grands cisterciens, comme on dit, l'ont bien exprimé.

 

Et ce souci, je l'ai déjà expliqué à la communauté, mais je tiens à le rappeler, c'est de vivre une spiritualité du désert dans le cadre de la Règle de Saint Benoît. Ces premiers cisterciens et fondateurs de Cîteaux parlaient avec affection de ce qu'ils appelaient le désert de Cîteaux. Et en échos on peut entendre ici les vibrations et les fulgurances aussi d'un autre désert : le désert de Saint Rémy.

Solitude, silence, calme, tranquillité, paix aussi. Mais pas la paix qui vient du monde, une Paix qui vient de Dieu et qui habite les cœurs, qui emplit les bâtiments et qui se répand aussi un peu dans notre voisinage.

Ces premiers cisterciens, que désiraient-ils faire dans leur désert ? Tout simplement ils renouaient avec la visée bénédictine. Saint Benoît trace une rampe de lancement sur laquelle s'élance un moine. Et alors il part et on ne sait pas ce qu'il va devenir ? Saint Benoît dit : C'est laissé à l'Esprit, on verra.

Mais ce qu'il faut faire, c'est à la suite de Saint Benoît, à la suite des premiers cisterciens gravir les culmina doctrinae virtutum, ces sommets de science, d'ascèse, de vertu, de pratique. On ne recule devant aucun renoncements ; ne pas avoir peur de rien ni de personne, franchir les murailles de la lassitude, de la frustration, et même de la mort et, au-delà se livrer au feu de l'Esprit.

                                                                                           

 

Homélie : Jubilé du frère Bonaventure.         01.10.88*

 

Mes frères, mes sœurs,

 

Le premier octobre 1938 un jeune postulant nommé Eugène recevait dans la salle capitulaire l'habit de l'Ordre et il devenait frère Bonaventure. Ce garçon de vingt ans se donnait à Dieu dans la simplicité toute pure de son cœur. Il abandonnait tout, parents, frères, sœurs, patrie. Il entrait dans un désert, le désert monastique pour y chercher Dieu, pour y gravir la longue échelle de l'humilité et pour recevoir en cadeau de son Seigneur la pureté du cœur qui lui permettrait au terme de sa vie de contempler la beauté du Christ ressuscité.

Cinquante ans plus tard, aujourd'hui même, il renouvelle le don qu'il a fait de sa personne et il affirme que son attente n'a pas été déçue. Le Jubilé de frère Bonaventure est pour chacun d'entre nous un exemple et un encouragement. Je veux le remercier au nom de tous pour sa fidélité, pour sa modestie, pour son inlassable serviabilité dans les besognes les plus humbles, dans les services qu'il rend à la communauté, qu'il rend à ses frères sans jamais une seule fois se reprendre.

Mes frères, c'est là un signe d'une vocation monastique pleinement réussie. Oui, frère Bonaventure est pour nous une lumière sur notre route. Il s'est engagé dans la milice monastique en la fête de Saint Rémy qui se célébrait à l'époque le premier Octobre, Saint Rémy, le Patron de notre monastère et le Patron du lieu où nous sommes à présent. Rémy fut l'un des grands évangélisateurs de nos régions.

En recevant l'habit le jour de sa fête, le jour de la fête d'un Evêque chrétien prestigieux, frère Bonaventure disait son propos de vivre consacré, de vie chrétienne totale. Il exprimait son désir de s'enraciner dans un terreau solide, sain et pur. Les racines se sont enfoncées, la frêle plantation a poussé. Elle est devenue un arbre grand et fort possédant les promesses de l'éternité.

 

          Et en ce jour du premier Octobre, frère Bonaventure célèbre son Jubilé sous la protection de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. C'est une grâce et un appel. Une grâce, pourquoi ? Mais parce qu’un moine a réussi à vivre quand il est entré dans les espaces immenses de l'enfance spirituelle. Or, c'est certainement le cas pour notre frère Bonaventure.

Et c'est aussi un appel. Avec lui, nous sommes invités à suivre Thérèse jusqu'au bout de l'amour. Frère Bonaventure devra s'avancer sur cette route avec une ..?. ..?. et nous l'escorterons. Nous ne le laisserons pas seul. C'est ensemble que nous grandissons dans la charité pour nous épanouir.

Frères et sœurs, rendons grâce à Dieu de cette journée et demandons à Saint Rémy et à Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus de conduire frère Bonaventure jusqu'au port de la sainteté et de nous y emmener tous avec lui.

                                                                                                       Amen.

 

Entrée au Noviciat du Frère Jean-François.     12.11.78

      Admonition du Père Abbé :

 

Mon Frère,

 

Au terme d'un séjour de six mois parmi nous, vous avez exprimé le désir de commencer votre noviciat canonique, c'est à dire de recevoir une initiation plus approfondie et plus systématique aux beautés et aux austérités de la vie cistercienne.

Vous n'êtes pas un débutant dans la vie monastique. Vous avez déjà passé quelques temps dans un monastère qui se voulait orienté davantage vers une vie contemplative. Mais ce1a ne vous suffisait pas. Vous avez voulu vous engager dans la foulée de ces grands Bénédictins de l'Age d'or, qui considéraient comme une grâce insigne d'être admis à embrasser la pauvreté et l'abjection d'une vie perdue pour le Christ et dans le Christ, et cela dans un monastère du Cîteaux naissant.

L'habit que vous allez recevoir sera et restera pour vous le symbole de la créature nouvelle que vous devez être à partir d'aujourd’hui. Dites-vous bien que vous venez au monde aujourd'hui, et oubliant tout ce qui est derrière vous, vous devez courir, tendu vers l'avant, afin de pouvoir si possible saisir celui-là qui a déjà mis la main sur vous.

Donc ne vous référez jamais à votre expérience antérieure, mais, jour après jour, recevez en toute simplicité la nourriture forte et solide qui vous sera donnée, afin que vous puissiez devenir un adulte. Mais qu'est-ce qu'un adulte ?

 

Un adulte, c'est un homme libre, c'est un homme dont les choix ne sont pas imposés par des convoitises, par des peurs, par une passion quelconque, mais qui sont commandés uniquement par l'amour, c'est à dire par Dieu. Car l'amour est la nature la plus intime de Dieu, de ce Dieu qui vous aura finalement transfiguré en un autre lui-même.

Mon frère, ayez suffisamment de lucidité que pour situer à cette hauteur l'idéal que vous devez atteindre. A ce sommet, et quand je dis un sommet, je ne vois pas un pic sur lequel on serait plus ou moins en équilibre, sans oser remuer. Non, ce sommet est lui-même un plateau, un plateau aux dimensions infinies, sur lequel vous allez pouvoir circuler, aller et venir, en toute liberté.

Et sur ce plateau souffle un vent tonifiant, un vent qui vous donnera des poumons de plus en plus larges qui vous feront vivre. Et ce vent, c'est celui de l'Esprit qui souffle où il veut et qui vous emporte là où lui veut.

 

Mon frère, cette lucidité, ayez-la toujours. Mais sachez que vous gravirez ces sommets en montant jours après jours, échelons après échelons, la rude échelle de 1'humilité. Cette ascension vous paraîtra une descente dans la mort, car vous devez renoncer à tout ce qui à votre avis constitue le plus cher de votre personne, votre personne même.

Vous devez renoncer à vos jugements propres, à tout votre proprium, à vos volontés propres, vos idées, vos sentiments, pour épouser ceux d'un autre. Mais cet autre là, à travers celui qui vous parlera ce sera le Christ. Le Christ dont vous serez finalement revêtu, et qui vous revêtant, vous pénétrera à travers tous les pores de votre chair et de votre âme. Il vous pénétrera si bien que finalement, ce n'est plus vous qui vivrez, mais c'est lui qui vivra en vous. C'est lui qui sera devenu votre véritable moi.

 

Mon frère, vous allez naître à nouveau. Et cette naissance va se réaliser à l'intérieur d'un sein qui est celui de la Theotokos, de la mère de Dieu, de votre mère, de la nôtre, de celle qu'on a choisi pour être la Reine de Cîteaux. Laissez-vous mettre au monde sans opposer de résistance, même si ce sein, parfois, vous parait bien obscur.

Laissez-moi vous dire pour terminer, vous rappeler ceci plutôt que vous savez certainement, c'est qu'on obtient de Dieu autant qu'on en espère. Alors n'ayez crainte d'espérer tout, comme Marie a tout espéré.

 

Une journée avec Monseigneur Mathen.         08.12.80*  

Allocution de Dom Hubert après le dîner.

 

Excellence,

 

En mon nom personnel et au nom de tous mes frères je voudrais vous dire notre gratitude et la joie qui emplit notre cœur. Vous nous rendez visite, vous passez une journée parmi nous en tant qu'Evêque de Namur. Il me semble voir dans cet événement une minute historique pour notre communauté, car vous renouez avec une tradition qui tire son origine de l'institution monastique elle-même.

 

Tout au début, nous découvrons trois noms : Antoine, le Père des anachorètes et de tous les moines ; Pacôme, le Père de tous les cénobites ; Athanase, le Pape d'Alexandrie.  Athanase, le chef spirituel de tous les moines d'Egypte, lui qui avait versé l'eau sur les mains d'Antoine, lui qui remontait le Nil jusqu'à Tabennes afin de rendre visite à Pacôme et à ses monastères.

Athanase, le défenseur forcené de l'orthodoxie, qui cherchait appui sur les cohortes de moines qui peuplaient l'arrière pays jusqu'en Haute Thébaïde. Athanase, qui a séjourné quelques temps non loin d'ici à Trêves, et qui de là a semé les premiers germes de la vie monastique dans nos régions. Athanase, qui avait écrit la vie de cet Antoine pour lequel il nourrissait une telle vénération.

Je pourrais descendre le fil de l'histoire. Mais je me contenterais de rappeler Saint Benoît et Germain, Evêque de Capoue, et les premiers cisterciens qui ont réussi dans leur entreprise grâce au soutien généreux de leurs Evêques.

Et aujourd'hui, Excellence, vous nous apportez la bénédiction de votre présence. Un pont s'établit entre votre personne et cet Athanase qui, un des tous premiers, a rendu visite à des moines, un des tous premiers qui les ait connus, qui les ait estimés, respectés, aidés.

 

Vous êtes ici dans une Maison de Dieu,  Domus Dei, comme dit Saint Benoît. Ici, on obéit à des lois qui ne sont pas les lois du monde : ce sont les lois du Royaume basées sur le renoncement à soi et l'amour. Ici, on est livré au désir de voir Dieu, de contempler le visage du Christ, de se baigner dans la lumière de ce visage afin de devenir avec le Christ un seul esprit. Dans cette maison, on se livre à un combat implacable contre les forces dissolvantes et dispersantes de l'égoïsme. Dans cette maison s'abritent des hommes qui ont voué une fidélité indéfectible à l'Eglise.

Excellence, vous qui êtes un successeur des Apôtres, vous qui êtes pour nous sur cette terre Namur-Luxembourg le Christ lui-même, vous êtes ici chez vous, et vous le serez toujours.

 

La tâche de Pasteur n'est pas facile. Nous le savons déjà par Athanase. Elle n'est pas plus aisée aujourd'hui, plus malaisée peut-être encore dans ce monde en désarroi ? Je n'ai pas de conseils à vous donner. Permettez-moi une simple suggestion :

De temps en temps, si possible chaque jour, pensez à votre monastère de Saint Rémy. Il y a ici pour vous-mêmes, pour vos collaborateurs, pour tous ceux qui vous sont confiés, un foyer de lumière et une réserve de forces. N'ayez pas peur d'y recourir ! N'ayez pas peur d'y puiser, elles sont à votre disposition.

Nous sommes dans l'année jubilaire de Saint Benoît. Nous venons de célébrer le 750° anniversaire de notre Abbaye, consacrée dès le premier instant à Marie la Mère de Dieu dont nous célébrons aujourd'hui la Conception Immaculée. Ouvrons donc bien larges les ­portes de notre cœur à la confiance.

 

Et maintenant surtout, n'oublions pas de remercier Dieu pour les grâces qu'Il nous fait. Remercions-le pour cette journée, pour cette rencontre, pour ce repas qui nous a réunis dans l'amour et l'espérance.

 

Chapitre : Prise d’habit de frère Philippe.       24.12.82

 

Philippe, mon frère,

 

Voici enfin levé en cette veille de Noël le jour auquel vous espériez avec un telle ardeur. Et je dois vous dire que pour nous, c'est aussi une heureuse journée. Vous allez recevoir un habit qui trahira aux yeux de tous le désir qui fait frémir votre cœur et qui le consume devenir un amant passionné du Christ Jésus notre Seigneur, notre Dieu.

Ne rien, absolument rien lui préférer, ni ici-bas, ni dans le monde à venir, ni pour l'éternité. Et ambitionner d'être à la fin de votre route un seul esprit avec lui.

Mais je vous préviens: sur votre chemin vous rencontrerez des ennemis. Et les plus dangereux sont déjà présents en vous : ces passions, ces vices, ces pensées qui surgissent des cavernes obscures de votre cœur. Ce sont des ennemis féroces ! Ils ne connaissent aucune pitié et ils feront tout pour vous empêcher de réaliser votre idéal.

 

Mais soyez rassuré ! Vous avez à votre disposition ­- Saint Benoît vient de vous le redire - un armement d'une puissance invincible : les armes fortes et nobles de l'obéissance. Elles sont nobles parce que le Christ lui-même n'a pas voulu en connaître d'autres. Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort. Et c'est pourquoi il a vaincu. Et son Père lui a donné le Nom qui est au dessus de tout nom et l'a souverainement exalté. Voilà ce que vous devez faire vous-même à sa suite ! Et ces armes, elles sont fortes parce qu'elles sont divines et qu'elles anéantissent la source même du mal : l'égoïsme.

Et d'ailleurs, dans cette communauté qui vous accueille, vous ne serez pas seul. Vous vivrez en coude à coude fraternel avec des compagnons qui, comme vous, luttent, travaillent, espèrent. Avec eux vous porterez le poids de la chaleur et du froid. Avec eux, vous chanterez vos joies et vos peines. Vous les aimerez tous et chacun d'une charité humble et sincère et vous ne vous étonnerez pas de leurs défaits, car vous allez faire l'expérience de votre propre faiblesse.

Et c'est une découverte salutaire, car avec la grâce du Christ Jésus, dans cette découverte même, vous gravirez lentement les échelons de cet escalier mystérieux qui vous conduit vers Dieu en vous faisant descendre dans l'humilité. Et au sommet de cette échelle, vous goûterez enfin, ayant chassé toute crainte, la charité parfaite. Et votre cœur dilaté connaîtra un bonheur dont pour l'instant encore, ce que vous sentez n'est qu'une approche tellement faible : le bonheur qui se trouve dans le cœur de Dieu, la joie et la paix que seul le Christ peut vous donner.

 

Et votre vie deviendra féconde. Elle s'étendra mystérieusement mais certainement dans l'invisible au monde entier en commençant par ceux que vous avez quitté, par ceux que vous avez rencontré, par ceux que vous aimez. Mais vous serez à ce moment-là sur la terre un autre Christ. Et votre vocation d'homme, et votre vocation de chrétien et de moine sera achevée.

Voilà, mon frère, le programme qui vous est présenté aujourd'hui. Est-ce que vous êtes disposé à y souscrire ? Etes-vous disposé à mettre tout en œuvre pour le réaliser ? Voulez-vous aujourd'hui vous éveiller à cette grande espérance ?

           

Vœux solennels du frère Jean-François.         01.11.83

Exhortation.

 

Mon frère Jean-François,

 

Au terme d'une attente longue et patiente vous voici arrivé à l'heure où vous allez vous donner entièrement et irrévocablement au Christ notre Dieu qui vous appelle à partager son dessein. Il veut vous travailler, vous façonner, opérer en votre être une métamorphose totale afin que vous deveniez avec lui un seul esprit, que ce ne soit plus vous qui viviez, mais lui en vous. Et que les hommes lorsqu'ils vous regarderont, reconnaissent dans vos traits son visage à lui. Et c'est là un travail de longue haleine.

Vous vous en doutez et vous le savez. Mais vous allez vous y prêter car tout au fond de votre être une voix vous dit, la sienne, qu'il prépare pour vous, à votre intention, son bonheur à lui. Et ce bonheur, il vous l'offre comme un diamant aux facettes sans nombre. Il vient d'en faire miroiter quelques unes sous vos yeux. Mais aujourd'hui, je voudrais en détacher une, celle qui depuis l'origine a fait l'enchantement de nos Pères dans la vie monastique : Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu.

 

Votre labeur dans ce monastère va consister essentiellement à vous laisser purifier le cœur par le Christ auquel vous vous livrez. Lui seul peut réaliser ce prodige. Votre cœur deviendra d'une transparence, d'une limpidité, d'une luminosité parfaite si bien que la lumière de Dieu pourra librement jouer en lui, s'y réfracter, et en rayonner jusqu'aux confins de l'univers. Et de votre cœur purifié ne sortiront plus que bienveillance, amour, paix, une puissance de création et de rédemption qui sera celle même de Dieu.

Mais pour en arriver là, vous devez y mettre du vôtre. Le Christ attend votre collaboration, une coopération sans réticence car vous avez pour lui une confiance totale sans aucune réserve. Il attend que vous soyez activement à ses côtés sous la touche délicate de l'Esprit, de son Esprit à Lui.

En d'autres termes vous allez obéir, c'est à dire écouter avec attention et répondre avec empressement, avec diligence. Et pour entendre distinctement le léger murmure de l'Esprit, vous ferez le silence en vous et autour de vous. Car dès maintenant, vous ne vous appartiendrez plus. Vous appartiendrez au Christ, vous appartiendrez à la Trinité Sainte et vous appartiendrez à vos frères, pour leur joie à eux tous et pour votre joie à vous.

 

Et le cœur pur, vous l'avez entendu de la bouche même du Christ, jouit d'un privilège étonnant : la vision de Dieu. Mais comment voir Dieu dès cette vie ? Le cœur pur installe son habitation dans la lumière de Dieu. Là, il fixe son lieu de stabilité éternelle. Et dans cette lumière, il devient lumière lui-même. Il devient soleil.

Et à ce moment-là, il commence à percevoir la lumière de Dieu et il entre dans un bonheur qui est déjà une prélibation de la vie éternelle. Il expérimente l'univers de la résurrection.   Voilà, mon frère, le sommet de la vie monastique ! C'est là que vous êtes attendu.

Et vous allez y marcher en compagnie de frères qui partagent avec vous le même idéal. Avec eux, jour après jour, vous travaillerez de vos mains pour gagner votre pain. Vous chanterez les louanges de votre Créateur, de votre Rédempteur. Vous implorerez sa miséricorde pour les fautes qui vous échapperont encore.

Vous creuserez la Parole de Dieu pour mieux le connaître, lui qui vous aime et vous appelle. Vous lutterez contre les vices de la chair et des pensées et vous gravirez la rude échelle de l'humilité. Mais vous savez qu’à ces hauteurs vous entrerez dans l'immensité de la charité parfaite et que votre cœur dilaté ne pourra plus se retenir de courir …….. ?...........cette lumière qu'il commencera à saisir.

 

Et sur cette route, vous rencontrerez l'immense foule des saints, ceux même que nous fêtons aujourd'hui. Et à leur tête la Vierge Marie, la Mère de Dieu et votre Mère, celle que les Pères de Cîteaux appelaient leur Dame et leur Reine. Vous ne serez donc jamais esseulé. Vous ne serez jamais abandonné. Mais entrant dans cette immense caravane qui est déjà entrée pour une bonne part là où vous allez, il vous suffira de vous laisser conduire, presque de vous laisser porter.

Et avec eux tous vous goûterez ce pourquoi vous êtes appelé, c'est à dire la joie de devenir un fils de Dieu, de participer à la nature même de Dieu, de l'aider en lui-même, de l'aider en vos frères, de l'aider en tous ceux que vous rencontrerez. Et ce que vous espérez sera réalisé.

 

Table des matières

1. Vie Monastique. 1

Bénédiction Abbatiale de Dom Hubert.           17.01.78. 1

Un cri de foi ! 1

Entrée au Noviciat du Frère Jean-François.     12.11.78. 1

Admonition du Père Abbé : 1

Vœux solennels du frère Jean-François.         01.11.83. 3

Exhortation. 3

Retraite annuelle. 4

Homélie du dimanche.                             16.03.80. 4

Jos 5,9a,10-12.  *  2° Cor 5,17-21.  *  Luc 15,1-3,11-32. 4

Homélie du Lundi.                                   17.03.80. 5

Michée 7, 7-9.  *  Jean 9, 1-41. 5

Homélie du mardi.                                  18.03.80. 6

Ez 47,1-9,12.  *  Jean 5,1-16. 6

Homélie du mercredi.                              19.03.80. 7

2 Sam 7,4-5a,12-l4a,16.  *  Rm 4, 13,16-18,22.  *  Mt 1, 16,18-2l,24a. 7

Homélie du jeudi.                                   20.03.80. 8

Ex 32, 7-14. *  Jn 5, 31-47. 8

Homélie du vendredi.                              21.03.80*. 10

Gen, 12 ,1-40.  *  Col, 3 ,12-17.  *  Jn, 17,20-26. 10

Fin de la retraite. 11

Clôture de l’année de Saint Benoît.              21.03.81*. 11

1. Introduction à l'Eucharistie. 11

2. Homélie. 11

Homélie : Vêture du Frère Jean.                25.05.80*. 12

Vœux solennels du frère Joseph.                 16.05.82. 13

1. Introduction à l’Eucharistie : 13

2. Homélie : 13

Homélie : Fête de Saint Benoît.                 11.07.82*. 15

Radicalité et absolu ! 15

Homélie : Fête de Saint Benoît.                  11.07.85. 15

L’hommage de notre gratitude. 15

Homélie : Fête de Saint Benoît.                  11.07.89. 16

Je suis parmi vous comme celui qui sert. 16

Homélie : Fête de Saint Benoît.            11.07.96. 17

L’humanité de Saint Benoît. 17

Homélie : Fête de la Transfiguration.          07.08.94*. 19

Opposer la muraille de l’amour à la haine. 19

Fête de l’Assomption de la Vierge Marie.        15.08.83. 20

Prise d’habit de Louis. 20

Homélie : Vœux solennels de frère Jean.        26.05.85. 22

Homélie : Fête de Saint Benoît.                  11.07.85. 23

L’hommage de notre gratitude. 23

Homélie : Fête de Saint Benoît.           11.07.93. 24

Le moine ne sait pas attendre ! 24

Frères et sœurs dans le Christ, 24

Amen. 25

________________________________________________________________________. 25

Homélie : Fête de Saint Benoît.            11.07.96. 25

L’humanité de Saint Benoît. 25

Homélie : Fête de la Transfiguration.          07.08.94*. 27

Opposer la muraille de l’amour à la haine. 27

Admonition : Vœux temporaires.                  15.08.85. 28

Premiers vœux des frères Guerric et Philippe. 28

Homélie : Fête de Saint Bernard.                20.08.85. 30

Nous devons devenir Sagesse ! 30

Homélie : Visite du Métropolite Penthalemon.             12.06.90. 31

Homélie : Jubilé de frère Julien.                                             13.06.96. 32

60 années de vie religieuse. 32

Homélie : Vœux solennels.                         19.08.90. 33

750 ans de l’Abbaye N.-D. de Saint Rémy.     01.10.80. 34

Allocution de Dom Hubert à la fin du dîner. 34

Homélie : Jubilé du frère Bonaventure.         01.10.88*. 35

Entrée au Noviciat du Frère Jean-François.     12.11.78. 36

Admonition du Père Abbé : 36

Une journée avec Monseigneur Mathen.         08.12.80*. 38

Allocution de Dom Hubert après le dîner. 38

Chapitre : Prise d’habit de frère Philippe.       24.12.82. 39

Vœux solennels du frère Jean-François.         01.11.83. 40

Exhortation. 40

 

 

 



[1] Semaine de la retraite annuelle de 1980.