5. Aux Funérailles.

 

Homélie aux funérailles du Père Damien.         26.02.79

 

Mes frères,

 

A cette heure où nous sommes réunis pour célébrer l'Eucharistie avant de confier à la terre de Saint Rémy la dépouille mortelle de notre Père Damien, vous attendez sans doute de moi une Parole de Vie ?

Extraire de mon propre fond une telle Parole n’est pas possible. Ces Paroles sont le monopole de Celui qui seul peut dire : Les Paroles que je dis sont Esprit et elles sont Vie. Je vais donc lui demander de poser sur mes lèvres ce que vous attendez de celui qui parmi vous tient la place du Christ.

 

Avant hier, samedi, au cours de l’Office des Vigiles, alors que j’avais encore dans les yeux l’image de notre Père Damien étendu sur son lit funèbre en clinique, cette Parole de Qohélet est tombée dans mon oreille : Au jour de ta vigueur juvénile, souviens-toi de ton Créateur. Et de suite, je l’ai mise en rapport avec cette recommandation de Saint Benoît : Le moine doit avoir la mort suspendue devant les yeux chaque jour de sa vie. 4,55.

Or, si Saint Benoît dit cela, ce n’est pas pour nous terroriser. J’y vois plutôt une glose de cette parole de Qohélet. Les deux nous tracent le chemin sur lequel nous invite à marcher celui qui est notre Créateur, celui dont le nom est Amour.

Dès notre naissance, il y a en nous tout une efflorescence, puis à un moment donné, quand nous ne le savons pas, voici que s’installe dans notre corps un processus imperceptible mais irréversible de dégradation, qui nous conduit jusqu’à ce terme, cette issue que nous appelons la mort. Mais en même temps, à mesure que notre être extérieur ainsi se détériore, à l’intérieur de nous naît un nouvel être, notre être éternel, qui se renforce de jour en jour, celui-là auquel est promise la vie perdurable, cette vie qu’il goûtera dans un corps ressuscité et spiritualisé, un corps semblable au corps du Fils de Dieu.

 

Mes frères, tout cela c’est l’œuvre de notre Créateur dont le nom est Amour. Et c’est de cela que nous devons nous souvenir dès notre jeunesse, et c’est cela que nous devons avoir sous les yeux à chaque instant de notre vie. Oui, Dieu est amour ! Et le cri de l’Amour, ne l’entendez-vous pas ? C’est un cri d'une force terrible, il ébranle le ciel et la terre. Et ce cri de l’Amour c’est : Tu ne mourras pas ! Et celui qui lance ce cri, c’est l’Amour, c’est Dieu lui-même.

Dès l’instant où il nous a posé dans l’existence, il ne peut pas admettre que nous disparaissions de devant sa face. Ce cri est tellement puissant qu’il a forcé Dieu à descendre en personne parmi les hommes. Il a voulu être l’un de nous ; il a voulu partager tous les aléas, toutes les souffrances de notre vie, il a même voulu goûter la mort et une mort atroce. Mais pour Lui ce n’était pas un terme.

Il a voulu en devenant homme, récapituler toute l’humanité en sa personne, en la délivrant de cet esclavage du péché qui nous traîne à sa suite pendant toute notre vie. Il a voulu nous délivrer pour ce donner à nous, pour nous rendre semblable à lui et nous faire goûter enfin son bonheur, et cela en ressuscitant d’entre les morts.

 

Mes frères, cette espérance, que nous le sachions ou non, elle est enracinée au plus profond de notre être. J'irais même jusqu’à dire qu’il n'est pas nécessaire d’y croire, tellement c’est quelque chose qui est en nous. C’est en nous l’Amour de Dieu qui nous crée, qui nous sauve quasiment malgré nous. Car encore une fois, le cri de l’Amour c’est : Tu ne mourras pas ! Mais prenons garde tout de même !

N’allons pas maintenant nous laisser emporter par notre imagination. Chassons loin de nous tous ces essais de réduction mythologique. La mort est un mystère. Même si elle débouche sur cette résurrection, elle est un mystère devant lequel nous devons tenir, garder un silence de profond respect. Et puis, la mort nous le savons, elle est un drame. Elle est un drame parce que elle est habitée par le péché, ce péché qui est dans nos cœurs et qui nous ronge presque malgré nous.

Dans cette Eucharistie, dans toute Eucharistie, nous vivons mystérieusement ce passage continu en nous de la mort à la Vie. Le Christ, nous l’avons entendu, a détruit la mort. Il l’a détruite en chacun de nous. Mais il l’a détruite en déposant en nous son corps et son sang. Et lorsque nous recevons le corps et le sang du Christ, nous ne le recevons pas seulement pour nous-mêmes, nous le recevons aussi pour tous les hommes, même pour ceux qui n’ont jamais, qui ne connaîtrons jamais le Christ. Notre solidarité va jusque là, mes frères, ne l’oublions jamais.

 

Et alors maintenant, nous allons avec notre Père Damien, manifester, chanter notre reconnaissance à notre créateur et à notre sauveur. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, maintenant le Père Damien, lui, il est de l’autre côté de ce voile ténu qui nous sépare du Royaume de Dieu. Mais lui, maintenant, il voit et il sait ce que nous autres nous croyons et nous espérons encore. Et je l’entends nous dire ce que le Christ a dit par la bouche d’Abraham :

Ecoutez les prophètes, écoutez les apôtres, écoutez-moi, faites-moi confiance, et là où je suis, je vous le promets, vous aussi vous serez un jour, car je vous aime. Et si vous êtes aimés, jamais vous ne verrez la mort, même si vous devez passer par ce tunnel effrayant que vous appelez, vous, la mort.

 

Mes frères, le Christ ressuscité qui dans quelques instants va se fondre en nous, va s’assimiler à notre propre chair, il est notre force et aussi notre victoire définitive sur la mort. Et un jour, nous le savons, nous nous retrouverons tous dans le Royaume. Le Père Damien y est déjà entré, nous l’y suivrons et à ce moment là, tous ensemble, nous serons dans la joie, la joie de voir Dieu, la joie de le remercier et la joie alors de nous aimer parfaitement tous, en lui qui est l’Amour.

 

Veillée pour le frère Bernardin.                   06.10.81

 

Mes frères,

 

Frère Bernardin nous a quittés comme il a vécu, en silence, sans bruit, sans causer d'embarras. Sa spiritualité était simple et robuste à l'image de sa personne : faire la volonté de Dieu exprimée par la bouche de son Abbé - travailler, faire son travail avec cœur, avec soin. Le faire parce que c'est la volonté de Dieu et que Dieu attend que la besogne qu'il nous confie soit achevée, qu'elle soit digne de lui, qu'elle réjouisse ses yeux et son cœur. Et le frère Bernardin ne regardait pas à sa peine lorsqu’il s’agissait de travailler pour le plaisir de Dieu. Et il fécondait tout par la prière.

           

Mes frères, il avait ramassé sa vie spirituelle dans l'essentiel de la vocation monastique. Et cet essentiel, il l'a conservé fidèlement jusqu'à son dernier jour malgré le poids

du grand âge, malgré le fardeau de lourds et douloureux handicaps. Frère Bernardin n'était pas un geignard. Il minimisait ses malaises et reprenait la route avec un courage toujours jeune.

Il n'était pas de ces vieillards qui idéalisent le temps de leur jeunesse et qui dans le présent ne voient que décadence et ruine. Non, il était foncièrement optimiste et il savait faire confiance à ses supérieurs, à ses frères, aux jeunes qu'il aimait et qui le lui rendaient bien. Il était un ancien vers lequel on pouvait lever le regard pour trouver un exemple, pour puiser encouragement dans les moments difficiles. Il était de la même trempe que nos autres anciens que je veux encore une fois féliciter et remercier.

 

Frère Bernardin a dû lutter contre lui-même. Il avait un caractère entier, naturellement dur. Et le rude labeur de la culture et de l'étable n'était pas fait pour adoucir, pour amollir ce tempérament. Mais la grâce du ciel a travaillé avec le frère Bernardin. Si bien que le meilleur a pris le dessus en lui. Et cette grâce a fait de lui un homme affable, bienveillant, serviable, souriant, celui que nous avons connu dans les dernières années.

Mais je le répète, mes frères, ce fut le fruit d'un dur combat. Car on n'arrive pas à un tel degré de détachement et d'abandon sans beaucoup souffrir et sans beaucoup combattre. Frère Bernardin est un témoignage de la victoire remportée par l'amour dans un frère qui a eu, qui s'est livré sans réserve à cet amour. Le Christ l'a vraiment pris au mot et il a voulu, il a osé le conformer à sa passion. Nous savons combien les trois, quatre dernières années de frère Bernardin ont été terribles pour lui, ce qu'il a souffert dans ses membres, ce qu'il a souffert dans son âme.

Mais il est demeuré inébranlablement fidèle. Il n'a jamais repris sa parole. Et je dois dire que pendant toute la période où j'ai assumé cette mission d'Abbé, je n'ai pas entendu de sa bouche une seule parole de plainte. Je le vois encore dans cette clinique où il était immobilisé, où il était torturé par le mal. Toujours accueillant, accueillant à moi-même, accueillant à ceux qui venaient le saluer, accueillant au personnel de la clinique. Et toujours facile pour notre frère Martin qui pendant plus de 6 semaines l'a soigné si bien que le frère Bernardin ne pouvait presque plus se priver de ce dévouement.

 

Mes frères, je suis persuadé que le Christ, déjà dès maintenant, commence à introduire notre frère Bernardin dans sa lumière et dans sa gloire. Notre communauté doit beaucoup à frère Bernardin. Il a été parmi nous une source de paix et il demeure pour nous un modèle. Au nom de nous tous, en mon nom personnel je le remercie et je lui promets que nous lui restons unis dans la prière.

Une prière pour lui, afin que Dieu lui ouvre pleinement ses joies, ces joies débordantes de la vision dans la lumière. Et puis aussi pour nous, afin que le règne de Dieu s'établisse en nos cœurs comme il s'est établi dans le cœur de notre frère.

 

Homélie : Funérailles de Frère Bernardin.       07.10.81

 

La mort, pour le moine, n'est plus un spectre qui terrorise et paralyse. La mort a été vaincue, domptée, apprivoisée. Elle est devenue compagne de chaque instant, portail d'espérance pour le cœur réconcilié. Pour moi vivre c'est le Christ, et mourir m'est un avantage.

Aujourd'hui, il n'est plus d'autres morts que celle du Christ. En elle, toutes les morts sont récapitulées et transfigurées. Cette certitude est notre force et notre joie. Elle nous donne une liberté que rien ne peut entraver. Elle nous permet de tout affronter.

Ce convivium avec la mort prend dans le contexte monastique le nom de vigilance. Le moine est un veilleur. Il écoute, il regarde, il attend, il prie. Le Christ est si proche. Un simple voile ténu, à peine une brume imperceptible le sépare de moi. Et déjà j’entrevois sa silhouette et j’entends sa voix enchanteresse murmurer à l’oreille de mon cœur : Viens !

 

Alors, mes frères, pourquoi ne pas faire de suite l'apprentissage de la mort ? N'est-ce pas la grande tâche monastique : mourir à sa volonté, à son jugement, à ses désirs, à ses convoitises, à ses projets pour entrer dès maintenant dans le monde nouveau que le Seigneur a préparé pour ceux qui savent lui ouvrir un crédit absolu.

Frère Bernardin était un de ces pécheurs, des pécheurs qui bien souvent s'affalent frappés, blessés, mais jamais terrassés. Car la force du Christ les relève et les guérit. Cette force qui déploie l'éventail de ses énergies dans la faiblesse.

Mes frères, nous en avons un exemple. Notre frère Bernardin à lutté, il a persévéré avec ténacité, avec fidélité pendant 68 ans. Et Dieu, finalement, lui a rendu la candeur de ces petits auxquels sont promises les joies du Royaume.

 

La toute dernière lecture qu'a faite notre frère Bernardin est une méditation sur l'universelle Royauté du Christ. Il a tenu jusqu'au terme de sa vie le ton que Dieu lui a donné au moment où il l'a invité à Saint Rémy pour militer sous les étendards du Christ le vrai Roi. Et nous savons, mes frères, combien il est difficile de tenir le ton.

A présent, Dieu commence à lui remettre la récompense promise au serviteur fidèle. Ce que l'œil n'a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qu’il aime.

 

Mes frères, l'Eucharistie est présence du Royaume de Dieu accompli au delà de l'eschaton, au delà du dernier jour. Nous sommes déjà, déjà avec le frère Bernardin tous ensemble en compagnie de Marie notre Mère, des Anges, des Saints, dans la lumière de la résurrection. C'est cela l'Eucharistie. Que cette vision de foi demeure notre consolation et notre espérance aujourd'hui et à jamais.

                                                                                                Amen.

 

Homélie aux funérailles du Père Albert.          04.01.83

 

Mes frères,

 

Il me semble entendre la voix de Dieu et la voix de Père Albert entremêlées mais non confondues nous  lançant ­un appel, presque un chant, pour nous exhorter à l'allégresse, pour nous recommander la vigilance. Et ces voix nous disent que les projets de Dieu sont grandioses, à la mesure de sa toute puissance et de son amour sans borne.

Ses projets, Dieu les laisse tomber sur nous pour qu'ils s'emparent de nous, pour qu'ils disloquent nos plans trop étriqués et qu'ils nous ouvrent à des capacités nouvelles, immenses, divines. Père Albert, auprès du Christ ressuscité, est entré en possession de la plénitude de ses moyens et de ses ressources.

Il ne m'est pas possible de parler de lui au passé comme s'il était disparu, absent. Non, le Père Albert est ici, présent parmi nous. Non pas dans son corps charnel, certes, mais dans son corps spirituel. Et il participe à notre Eucharistie. Et c'est lui, soyez-en sûrs, qui me glisse dans l'oreille les paroles que je vous adresse.

 

Père Albert aime à présent Saint-Rémy, chacun de ses frères, chacun de ses amis, d'un amour qui a atteint une dimension nouvelle, qui a reçu un tonus nouveau, cette nouveauté de l'Esprit qui est manifestation de la vérité totale et présence active de l'éternité.

Père Albert a été emmené par Dieu au soir du dernier jour de l'année. J'y vois, mes frères, un signe prophétique auquel je vous demande d'être attentif. Dieu veut nous signifier par là que Père Albert avait terminé avec honneur sa mission ici-bas, qu'il était parvenu à sa maturité spirituelle, humaine même et qu'il était temps pour Dieu de venir le cueillir comme un fruit.

Et c'est vrai! Dieu l'a détaché de cette terre en un instant et tous nos efforts pour le retenir parmi nous se sont avérés vains. Au soir du dernier jour de l'année, Dieu apposait ainsi sur la vie de père Albert le sceau de l'authenticité et de la paix.

Au cours de cette soirée, la dernière, pendant la dernière heure, Père Albert recouvrait une âme d'enfant. Les paroles qui sortaient de sa bouche n'étaient plus que paroles de sérénité, de reconnaissance, d'abandon. Et celui qui les entendait et qui les recueillait, sentait que déjà le Père Albert entrait dans le Royaume de Dieu.

Mes frères, maintenant Père Albert voit, il sait et il comprend. Les dernières purifications opèrent en lui. Il nous convie à partager son bonheur. Il nous en fait don. Et il nous recommande la vigilance, l'éveil à l'amour qui nous presse de toute part et qui maintenant s'empare de lui.

Puisse, mes frères, cette eucharistie nous unir à lui dans l'action de grâce et une communion qui est déjà prémices de vie éternelle.

 

                                                                                                               Amen.

 

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Veillée pour le frère André.                       24.02.84

 

Mes frères,

 

Le 9 Novembre dernier notre Frère André attaqué par un mal mystérieux devait entrer en clinique. Son organisme débilité par une très grave opération et miné par un cancer latent avait pris en dégoût toute nourriture. Il ne lui était plus possible de s'alimenter lui qui pourtant était connu comme ayant un excellent appétit. Il en avait besoin d'ailleurs de cette nourriture car, comme vous le savez, il se dépensait sans compter dans le travail.

A Sainte Ode, ce Centre Hospitalier créé et équipé pour soigner ces hommes meurtris, blessés dans leur cœur, dans leur âme par des années de captivité ou de déportation, en ce Centre unique en Belgique, il a reçu les soins les plus éclairés et les plus dévoués. Ce fut pendant des semaines une lutte continuelle entre les puissances de mort et une équipe de sauveteurs. Et finalement, Frère André a succombé, non pas à la maladie qui le rongeait, mais à un accident cardiaque.

Il avait le pressentiment de sa fin prochaine. Spontanément il avait demandé la grâce des derniers sacrements. Je me suis rendu auprès de lui et je lui ai une nouvelle fois conféré le Sacrement des Malades. Mais nous avons conscience que c'était pour la dernière fois. Et je lui ai donné une dernière absolution.

 

En Frère André bouillonnait une énorme énergie vitale. C'est un homme qui ne pouvait rester inactif, un travailleur exemplaire qui ne reculait pas devant la difficulté. Il achevait son travail jusque dans les derniers détails. Et par tous les temps, il était dehors. Mais attention, il n'était pas obnubilé par ce travail. Il n'en faisait pas une idole. Dès qu'il était rentré, on le voyait à sa place au scriptorium plongé dans la lecture d'un livre simple et pieux. Et bien souvent aussi, on le retrouvait à l'église. Il était présent, fidèlement présent aux plus importants Offices de chaque journée.

Il avait les qualités et les défauts de sa Gaume natale : la fierté, l'intrépidité, une certaine violence et rudesse. Cela se voyait dans sa démarche, ça s'entendait dans sa voix. Mais en dessous de cela, dans le fond, il était resté un grand enfant. Il fallait l'apprivoiser à la manière du Christ en l'acceptant tel qu'il était.

 

Ce qu'il a eu toujours aussi, c'est un profond respect pour son Abbé. Sur ce point-là, je pense qu'il n'était pas possible de le prendre en défaut. Lorsqu'il se présentait dans le bureau de l'Abbé, lorsqu' il devait lui parler quelque part, dans un parloir ou même au lieu du travail, n'importe où, spontanément il enlevait sa calotte car il en portait une à cause des froids et des intempéries qu'il devait affronter.

Oui, il y avait chez frère André quelque chose d'attirant et de beau, une simplicité, une pureté que n'avait pu entamer les épreuves de la vie. Car il avait dû beaucoup souffrir dans sa vie. Une enfance très dure et puis le travail très jeune. Et enfin les années de guerre. Je rappelle qu'il a été déporté et comme il ne travaillait pas à la mode de ceux qui l'avaient conduit jusque là, il a séjourné tout un temps dans un camp de concentration. Enfin on l'a tout de même libéré.

Il a pu rentrer. Mais alors, il a bien eu soin de ne pas y retourner. Il a fait le réfractaire. Il s'est caché. Il a failli mourir. On a lancé des grenades derrière lui. Il a échappé. Et voilà! Je vous assure qu'il n'a pas eu la vie facile.

 

Il est arrivé ici ayant déjà atteint l'âge de cinquante ans. Il s'est bien intégré dans sa vie de convers. Il a rendu à notre communauté de grands services. Jusque peu avant sa première maladie qui a nécessité cette grave intervention chirurgicale, il était encore au soutirage plaçant des casiers sur les palettes. Il faut se dire qu'il lui passait alors une affaire de 1500 à 1700 casiers entre les bras. Chacun pèse une quinzaine de kilos. Faites le compte !

Il était très fort physiquement et aussi, il faut le dire, moralement. Il était foncièrement bon et c'est pourquoi il ne pouvait résister à l'amour et à la bonté qu'on lui témoignait. Il accueillait avec une profonde soumission les remarques que l'on devait lui adresser.

Mais voilà, le Christ l'aimait ainsi. Je l'aimais de la même façon. Je pense que nous tous nous l'estimions et nous l'aimions. Il le savait. On lui a encore rendu visite hier. Il n'oubliait jamais de demander qu'on remette son bon souvenir à tous ses frères. Maintenant le Christ l'a purifié par la maladie et la souffrance. Il lui a épargné le pire : le dépérissement et la déchéance.

 

Et maintenant, frère André est auprès de ce Christ qu'il cherchait et qu'il aimait. Il est rassasié de bonheur. Certes, sa purification n'est pas encore achevée. Quand peut-on dire qu'on sera parfaitement pur en face de Dieu. Mais ça ne fait rien, lui qui ne parvenait plus à s'alimenter, maintenant, nous le savons, il se nourrit a satiété de lumière et de paix.

Et j'espère que nous le reverrons bientôt ! Vous savez, c'est ce bientôt de Saint Benoît. Aussi longtemps que puisse durer une vie ici sur terre, c'est tellement court. Pour Saint Benoît, c'est un déjà, c'est un bientôt. Et dans notre vie contemplative, au moment où la lumière commence à se montrer - ô, ce n'est pas la lumière fossile de l'explosion initiale - non, c'est la lumière de Dieu, c'est notre Dieu, c'est notre Christ qui est lumière. Et lorsqu'il commence à apparaître à nos yeux, nous savons mieux que jamais ce que signifie ce bientôt et ce déjà de Saint Benoît.

Eh bien, un tout petit espace de temps nous sépare encore de notre frère André. Et avec lui, nous serons pour l'éternité dans cette lumière, attablés à une table où nous dégusterons le corps et le sang mystique, mystérieux de l'Agneau immolé qui nous donnera la Vie Eternelle, la propre vie de Dieu pour une éternité de bonheur.

 

                                                                                                                            Amen.

 

Homélie aux funérailles de frère André.         25.02.84

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Frère André a connu une expérience tragique et sublime qui a valeur d'exemple et d'avertissement pour chacun d'entre nous. Cette expérience, la voici : Il a rassemblé en lui mystiquement mais réellement la création tout entière. Et cette création, en lui, a lutté avec une énergie farouche contre les puissances de dégradation qui cherchaient à le détruire, à l'anéantir. Et elle criait, elle criait sa souffrance par la bouche, par les yeux, par les gestes de frère André.

Cependant, plus bas que la chair, dans des profondeurs invisibles et inaccessibles brûlait inextinguible la flamme de l'espérance. Frère André savait, et la création avec lui, que les souffrances de ce temps présent ne sont rien à côté de la gloire qui allait se révéler en lui au jour voulu par Dieu.

Et voici que ce jour est arrivé... Dans les douleurs naissait un homme nouveau, le véritable André dans son être d'éternité. Le corps spirituel se façonnait, construit à partir de l'amour reçu et donné dans le courant d'une longue vie.

 

Frère André avait tout quitté pour suivre le Christ, pour vivre dans un amour plus entier. Il avait déjà un certain âge lorsqu'il est venu frapper à la porte de notre monastère. Mais depuis longtemps le désir du don total le hantait. Il a vécu parmi nous pendant plus de vingt années, travaillant courageusement, priant simplement, sérieusement. Et dans le secret, Dieu le purifiait et l'enrichissait.

C'était merveilleux de voir frère André s'adoucir, s'amollir, s'abandonner dans une candeur à travers laquelle l'enfant transparaissait. Ses dernières paroles, Jeudi soir, au moment où les frères lui avaient rendu une dernière visite étaient des mots de remerciement, de gratitude, de reconnaissance.

Les souffrances des dernières années ont conduit frère André là où Dieu l'attendait, dans un désert où il ne restait rien que la confiance et l'espérance. Et ainsi frère André réalisait pleinement sa vocation : être configuré au Christ par sa vie et par sa mort. Et le Christ a remporté en lui une nouvelle et grande victoire. Aujourd'hui, la création est plus près de sa pleine et finale rédemption.

 

Mes frères, frère André restera pour nous un exemple, un exemple de simplicité, de loyauté, de franchise ; un exemple aussi de courage dans la souffrance ; un exemple de respect pour Dieu, pour ses supérieurs. Il sera pour nous un fidèle compagnon jusqu'à ce que nous le revoyions dans la Lumière et que pour jamais nous soyons ensemble afin de chanter avec la création libérée et transfigurée, chanter pour l'éternité les louanges de notre Dieu et de notre Christ.

 

                                                                                        Amen.

 

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Homélie : Eucharistie pour Victor Bauwens.      24.09.84

            Pourquoi toute cette souffrance ?

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Mes frères,

 

Le Christ vient de donner une réponse à la question qui a traversé l'esprit de beaucoup de monde ces derniers temps : pourquoi toute cette souffrance chez un homme aussi bon que Victor ? Oui, pourquoi ?

Victor n'avait au cœur qu'un seul souci - il me l'a dit un nombre incalculable de fois au cours des 15 années qu'il a passé parmi nous - son souci unique était de faire en tout la volonté de Dieu, de suivre partout le Christ, partout où il le conduirait. Et le Christ l'a pris au mot !

          Il l'a associé à sa passion au long d'un calvaire qui a duré trois ans. Nous ne pouvons imaginer la masse énorme de souffrances que Victor a endurée. Certes, il a eu des moments de relâche, mais ils étaient si brefs. Et toujours il y avait sourde, lancinante, présente jour et nuit une douleur qui le rongeait et qui le détruisait.

 

Et Victor est resté fidèle jusqu'au bout ! Il a eu jusqu'en ces derniers jours uniquement le souci des autres, ce qui pouvait leur faire plaisir. Il parvenait toujours à s'oublier. Et le Christ, lui, a été fidèle à sa promesse. Il a pris Victor, et il l'a emmené là où le Christ est maintenant dans sa gloire de ressuscité. J'en suis certain et je le vois, Victor est dans la lumière auprès du Christ et il connaît enfin un bonheur sans limite.

Dans la vie de Victor, il y a une fécondité cachée qui apparaîtra un jour, au jour voulu par Dieu. Il a tout donné. Il s'est dépouillé de tout. Il a même donné sa vie. Il ne garda rien pour lui. Et maintenant, au moment de son décès, il ne lui restait rien, à peine une chemise une chemise propre pour le vêtir. Il n'a jamais regardé à sa peine. Il est et il restera l'image de l'innocent, de l'homme sans malice, du juste frappé, torturé, exactement à l'image du Christ.

En Victor apparaît dans toute sa clarté le mystère de la Rédemption, cette mystérieuse substitution où la charge du péché, du crime, repose sur un innocent qui l'accepte sans trop comprendre souvent, et qui la vit et qui, en même temps délivre les autres, tous les autres. Devant une telle beauté, mes frères, les défauts trop humains de Victor s'évanouissent. Ne les regardons pas !

 

Et maintenant, Victor est dans la lumière de Dieu. Il comprend que les souffrances de ce monde sont sans commune mesure avec la gloire qui se prépare en nous et qui se révèle à nos yeux émerveillés lorsqu’enfin nous découvrons Dieu notre Créateur, notre Dieu qui est amour.

Et Victor nous laisse un message d'espérance et d'encouragement : nous ne devons pas vivre pour nous mais pour nos frères. Voilà notre véritable raison d'être : vivre les uns pour les autres en nous oubliant totalement. Et puis, tout endurer, tout, plutôt que de faillir à l'amour. C'est cela qui anéantit toute puissance de mal.

Ne jamais céder et ne jamais s'abandonner à un geste, à une parole, même à une pensée qui serait dirigée contre l'amour. O, je sais que ce n'est pas facile. C'est même humainement impossible. Mais permettons au Christ de revivre en nous cette beauté, ce mystère, ce salut.

 

Et enfin, nous comprenons avec Victor que notre véritable patrie, elle n'est pas ici, elle est auprès du Christ dans la lumière. Et c'est là que nous allons être emportés au cours de cette Eucharistie. Et tous ensembles avec Victor nous remercierons et nous bénirons notre Dieu.

 

             Amen.

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Homélie : Funérailles de Père Ambroise.         03.09.86

 

Frères et sœurs,

 

Nous avons vécu des journées et des nuits d'une intensité extraordinaire. Nous avons pu, grâce à l'amour que Dieu nous porte, contempler et admirer la mort d'un juste. Aussi, en cet instant, ce n'est pas le deuil, la désolation qui doivent emplir notre cœur, mais une vibrante action de grâce.

Père Ambroise a obtenu ce qu'il désirait ardemment depuis des semaines : voir se dénouer tous les liens de cette chair afin d'entièrement être avec le Christ son Seigneur. Père Ambroise était encore parmi nous, mais par l'élan de son désir, il était déjà chez Dieu. Il était encore gisant sur cette terre, mais en réalité il était déjà entré dans le ciel.      Nous le savions, nous l'observions, et c'était pour nous une consolation et un encouragement.

Jamais la moindre plainte n'est montée sur ses lèvres, jamais un geste d'impatience, jamais une exigence, mais toujours invariablement le sourire et un mot de remerciement. Je ne l'ai pas quitté une seule fois sans qu'il ne m'ait remercié pour la petite visite que je lui avais rendue. Et il en était ainsi pour chacun, nous pouvons en rendre témoignage. Et surtout pour ceux qui l'ont soigné, qui l'ont veillé avec tant de dévouement, tant d'amour, tant d'affection.

         

Voici près de trente ans que Père Ambroise a été frappé d'un mal qui rongeait son ossature, son squelette. Et il a été infirme jusqu'à la fin. Ce furent, nous le savons, de longs séjours en hôpital, des jours et des nuits passés dans un lit, dans une coquille, enfermé dans un corset. Il est entré dans un total dépouillement, dans la pauvreté, dans la dépendance.

Au lieu de pouvoir travailler avec ses frères comme il aimait tellement, ce furent des petites occupations, nous le savons, des napperons, des hiboux, de la tapisserie. Mais cela, il le faisait avec un amour, avec un soin qui nous étonnait. Il le faisait pour faire plaisir à son Christ auquel il s'était donné, pour faire plaisir aussi aux autres. Il distribuait ainsi avec joie tout ce qui était sorti de ses doigts.

Et le Père Ambroise s'était abandonné ainsi à la déroutante volonté de Dieu. C'était son passage à lui. Il fallait qu'à son tour il mourût par une partie de son être afin de goûter tout de suite le bonheur d'être avec Dieu. Si bien que la mort physique n'est plus que la traduction à notre niveau à nous d'un état qui était déjà là présent, et que nous sentions, et auquel nous communions de tout notre être.

 

Vous le savez aussi, mes frères, au cours de ces longues années de maladie, jamais le Père Ambroise n'eût une parole de révolte, ni d'amertume. Et pourtant il a dû tellement souffrir dans sa chair et dans son cœur. Il me reste un souhait à exprimer : c'est que nous puissions marcher sur ses traces, traverser comme lui tous les tunnels, ne nous étonner de rien car Dieu peut tout nous demander.

Je sais qu'il y en a ici qui doivent supporter de très dures épreuves dans leur cœur et aussi dans leur corps. Mais qu'ils prennent confiance, rien n'est perdu. Un jour tout est récupéré, tout est transformé, tout est transfiguré. Il suffit de se laisser conduire par ces chemins étranges, par ces chemins humainement fous, mais qui sont suprême sagesse. Nous le verrons plus tard.

Et ainsi nous connaîtrons de suite, si nous suivons cette route sur laquelle nous a précédé Père Ambroise, nous connaîtrons à notre tour le bienfait d'une vraie charité et d'une immense paix.

 

Maintenant nous avons auprès de Dieu un ambassadeur puissant. Car si Père Ambroise ­n'a rien refusé à Dieu sur cette terre, Dieu ne pourra rien lui refuser maintenant qu'il l'a pris auprès de lui. Et Père Ambroise, là-bas, puissant aujourd'hui auprès du Christ et auprès de Marie notre Mère, il demandera pour nous, pour nous tous, pour chacun d'entre-nous, pour notre communauté, il demandera le meilleur.

Mes frères, nous allons avancer dans notre célébration Eucharistique et nous communierons au Corps du Christ. Et en même temps, nous communierons à la joie et au bonheur actuel de notre Père Ambroise. Il est en cet instant avec nous, bien réellement et bien vivant. Je le vois avec son sourire, je le vois avec son amour.

Laissons-nous illuminer par sa présence et, revêtus de lumière, marchons jusqu'au jour où Dieu jugera que nous l'avons suffisamment aimé ici bas et que nous pouvons maintenant avec Père Ambroise et tous les saints le contempler face à face pour jamais.

                                                                                                         Amen.

 

Homélie : Funérailles de Frère Jules.            24.01.87

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Si aujourd'hui nous pouvons respirer librement, nous le devons à des hommes de la trempe de notre Frère Jules. En 14-18 et en 40-45, ils ont donné leur vie pour s'opposer à la tyrannie et à ses horreurs. Beaucoup n'en sont pas revenus. Beaucoup portent de douloureuses cicatrices dans leur cœur et dans leur chair. Il me plait de leur rendre hommage, de leur dire notre reconnaissance et leur fierté.

Frère Jules, pour sa part, a jugé qu'il devait aller plus loin encore. Grenadier un jour, grenadier toujours. Il est passé du service d'un roi terrestre faillible, limité dans ses pouvoirs, au service du Grand et véritable Roi, le Christ Jésus notre Dieu, lui dont le pouvoir ne s'étend pas sur un territoire circonscrit à l'intérieur de frontières, mais sur l'univers entier; lui qui en est le créateur et le rédempteur ; lui qui le conduit patiemment vers une perfection, vers un sommet où Dieu sera tout en la moindre des choses.

Et Frère Jules est monté en première ligne pour engager la lutte contre les puissances diaboliques, contre les vices qui rongent le cœur. Comme en 1914 il a tout quitté, mais cette fois sans retour : maison, père, mère, frères, sœurs, tout. Et il a suivi le Christ. Et il s'est lancé dans la bataille avec une intrépidité jamais démentie.

Le grand ennemi des hommes, c'est le péché, le péché qui fait le siège des cœurs, qui emprisonne les hommes dans leur égoïsme, qui les aveugle et qui les dresse les uns contre les autres.

 

Et le monastère est un champ de bataille où on résiste au péché et où on fini par le vaincre. Et l'arme invincible qui procure cette victoire, c'est l'obéissance humble, confiante aux ordres du Christ, à ses instructions, à ses directives.

Et le trophée de la victoire, c'est un cœur pur, un cœur débordant de bienveillance, d'amour, de paix ; un cœur dans lequel n'entre plus la moindre trace de méchanceté, un cœur ouvert, un cœur accueillant, un cœur qui se donne, un cœur qui vit pour les autres.

Et au-delà, au terme plutôt, se trouve les prémices de la vie éternelle dans la lumière qui est Dieu, et cela dès cette vie. A ce moment on est grand vainqueur et on entraîne toute l'humanité avec soi.

Frères et sœurs, tel fut le propos de Frère Jules et telle sera sa gloire pour jamais. C'est un exemple, un encouragement pour nous qui sommes des chrétiens, des disciples du Christ, pour nous qui plus spécialement à l'exemple de Frère Jules avons décidé de suivre le Christ jusque dans la mort. Frère Jules demeure avec nous comme un porte-étendard. Il a vaincu et nous vaincrons avec lui.

 

                                                                                                         Amen.

 

 

Homélie : Funérailles du Frère Paul.              07.07.89

 

Frères et soeurs dans le Christ,

 

N'entendez-vous pas frère Paul nous parler ? Durant toute sa vie monastique, il a gardé le silence dans l'assemblée. Mais aujourd'hui qu'il a franchi le seuil de la vie véritable, il a droit à la parole. Et il use de ce droit avec autorité, avec puissance, avec persuasion. Qu'a-t-il donc à nous dire de précieux, de définitif ?

Ecoutons-le avec respect, avec avidité. Il nous dit que la vérité ne se trouve pas dans l'accumulation des richesses, des honneurs, de la science, du prestige. Elle ne se trouve pas dans la gloire de la réussi te, ni dans la pétulance des plaisirs. Il proclame bien haut que la vérité définitive se trouve dans le dépouillement de l'amour et dans la transparence de la gratuité.

          Ce qui se voit, ce qui se possède n'a pas de consistance réelle. C'est du provisoire. C'est destiné à se dégrader et à s'évanouir. Par contre, ce qui ne se voit pas, l'univers de lumière, la gloire du Christ ressuscité et celle des saints, l'avenir qui nous attend et qui est déjà le nôtre aujourd'hui si nous le voulons, voilà l'unique réel concret, l'impérissable, l'éternel.

 

Maintenant frère Paul le sait d'un savoir absolu. Il en porte témoignage et il nous invite à nous convertir définitivement de l'illusion à la vérité. Nous avons vu frère Paul s'abandonner paisiblement à l'emprise de cette vérité. Dieu l'a insensiblement détaché de tout. Il n'a pas connu les angoisses ni les déchirements qui précèdent l'heure du décès.

Ne possédant plus rien, s'étant oublié jusqu'au bout, il était entièrement disponible. Je vais mourir, me disait-il voici deux ou trois jours seulement. Il me le disait calmement et sans peur. A présent, mes frères, nous contemplons son corps inanimé. Mais lui, il est dans la lumière du Christ ressuscité et c'est de ce lieu béni qu'il nous parle.

Frères et soeurs, oui, notre vie chrétienne doit être le reflet de la vie même de notre Dieu, notre Dieu qui est amour, qui est lumière et qui est beauté. Ainsi, aucune distance n'existera entre frère Paul et nous. Là où il est, là où nous sommes, nous serons déjà ensembles dans la lumière de la vie.

 

                                                                                                     Amen.

 

Homélie : Funérailles de Frère François.         19.02.90

 

Frères et sœurs,

 

Permettez-moi de laisser parler mon cœur, d'être devant vous celui qui dans l'Esprit Saint vous présentera le frère François vêtu de son vêtement d'éternité. On entre dans le Royaume de Dieu avec son poids de charité, avec lui seul. Tout le reste est laissé dehors, tout le reste est inutile.

Ecoutez l'amour qui était dans le cœur de frère François. Il y est encore aujourd'hui, élargi dans des proportions immenses. Je vais rapporter trois faits dont j'ai été avec bonheur le premier témoin.

D'abord, voici longtemps déjà, frère François m'a dit qu'il espérait pouvoir tenir dans son emploi jusqu'au jour où le frère Philippe aurait terminé ses études et serait en mesure de prendre le relais.

 

Mes frères, nous savons ce qui est arrivé. Par amour de sa communauté, dans un souci constant d'assurer la jonction, dans le souci de ne mettre personne dans l'embarras, frère François a travaillé jusqu'à la limite de ses forces. Il a donné sa vie pour que nous puissions vivre en sécurité. Entré en clinique, il a subi deux graves opérations chirurgicales. Alors, sentant ses forces déclinés inexorablement, il a exprimé le désir de rentrer au monastère afin de pouvoir mourir au milieu des frères.

Frère François avait conscience que la vie véritable se trouve à l'intérieur du Corpus monasterii. Il savait intuitivement qu'à travers le Corps que nous formons, il était greffé sur la personne du Christ ressuscité et qu'ainsi il possédait déjà les arrhes de la vie impérissable. Son désir a été exaucé, il est mort parmi nous entouré de notre prière.

 

Enfin, voici le plus beau de tout. Voici un geste extrêmement rare, précieux entre tous, qui m'a beaucoup ému et touché. Je ne l'avais jamais entendu, uniquement avec le frère François. Ecoutez bien !

Le mardi 6 février, alors qu'il était encore relativement bien. Il n'était pas alité et circulait encore à l'extérieur dans une voiturette. Il m'a demandé de venir auprès de lui et alors, quand nous étions tous les deux l'un à la face de l'autre, il m'a demandé la permission de pouvoir partir, de pouvoir mourir. Et je la lui ai donnée de tout cœur. Il m'en a remercié, heureux.

Mes frères, nous voyons ainsi que le frère François a été obéissant jusqu'à la mort, jusqu'à demander l'autorisation de mourir. Il l'a demandée à celui qui dans le monastère à ses yeux tenait la place du Christ. Il ne voulait pas s'en aller sans avoir reçu cette permission de celui auquel il avait donné sa vie.

 

Eh bien, mes frères, c'est là quelque chose qui est extrêmement beau. C'est, je puis dire, le couronnement de la vie de frère François qui toute son existence n'a eu qu'un seul souci : vivre dans la volonté de Dieu. Il l'a fait à sa façon, certes, mais c'était toujours son souci. Combien de fois n'est-il pas venu auprès de moi pour me demander si c'était bien cela que Dieu attendait de lui ? Nous avons là, mes frères, le véritable frère François.

Il est donc parti, il nous a quittés enveloppé dans la volonté de Dieu, drapé dans la lumière et dans la paix qu'est le Christ. C'est le frère François secret qui, durant toute sa vie monastique, s'est nourri de la volonté de Dieu et de ses vouloirs. Le Christ vient de nous rappeler que nous devons être toujours en tenue de service, que nous devons l'attendre à chaque instant de notre existence.

C'est ce qu'a fait le frère François. Et lorsqu'il a vu le Christ s'approcher de lui, il lui a demandé la faveur de pouvoir être emporté par lui, de pouvoir partir avec lui au séjour de la lumière.

 

Frère François était un homme auquel il ne fallait pas demander deux fois un service. Il était très compétent dans son emploi. Et lorsqu’il fallait dans un point ou l'autre un service, un dépannage, il était là dans les minutes qui suivaient. Et jamais il ne s'est plaint, jamais il n'a été excédé, énervé. Pourtant, que ne lui a-t-on pas demandé comme services ? Voilà pourquoi, mes frères, cette célébration doit être celle d'une action de grâce et d'un réconfort.

En offrant le sacrifice eucharistique pour frère François, nous prierons aussi pour nous-mêmes. Nous demanderons aux trois Personnes de la Sainte Trinité de nous accorder de vivre et de mourir comme le frère François dans l'abandon à l'amour du Christ et de nos frères. Et puisse le Christ Seigneur nous réunir un jour tous ensemble dans la Lumière de sa vie et de son Royaume.                                                  

                                                                                                               Amen.

 

Homélie : Funérailles de Fr. Bonaventure        06.10.92

 

Frères et Sœurs,

 

Bonaventure, le nom d'un saint et prestigieux évêque franciscain du Moyen Age, un homme que l'Eglise a élevé au rang des Docteurs ; Bonaventure, le nom d'un humble frère trappiste qui, pendant plus de cinquante ans, a vécu fidèlement son engagement dans une modeste Abbaye.

Remarquons ceci : frère Bonaventure a été introduit dans la lumière de la création nouvelle le jour de la fête de Saint François et un dimanche. Il me semble à travers ces coïncidences entendre un message que Dieu nous adresse par l'entremise de notre frère qui devient ainsi un prophète pour chacun d'entre nous.

Nous allons ensemble essayer de décrypter ce message, cette parole qui est pleine de mystère. N'oublions pas que Dieu nous parle à travers les événements qui se rapprochent, qui se touchent, qui s'éloignent et qui sont porteur d'une vie qu'il nous offre. Et c'est à nous de la saisir, de la comprendre, de l'accueillir et de l'assimiler.

 

Frère Bonaventure - dont le nom signifie : promis au bonheur - n'était pas un intellectuel de haut vol comme son illustre patron. Il n'a pas eu accès aux sphères réservées de la philosophie, de la théologie, de l'exégèse, du droit.

Non, toute sa vie a été celle d'un homme simple, d'un naïf dans le bon sens du terme, naïf de cette naïveté qui est celle même de Dieu, une naïveté qui fait confiance à priori, qui parfois est étonnée, peut-être blessée, mais qui toujours reprend vie. Car une telle disposition ne vient pas de la nature charnelle, mais elle vient d'une inspiration que Dieu verse avec abondance dans un cœur qui le cherche.

Frère Bonaventure a mené la vie d'un homme heureux, d'un homme aussi profondément fidèle, et heureux précisément à cause de sa fidélité. Car Dieu ne déçoit jamais. C'est nous qui parfois nous faisons de Dieu une certaine idée et nous réduisons alors notre Dieu au rang d'une idole dont nous attendons tout. Mais quand on s'est donné à l'amour et qu'on y demeure fidèle, on ne peut qu'être heureux.

 

Et c'est pourquoi les portes de l'éternité lui ont été ouvertes par un autre pauvre que nous connaissons tous. Elles lui ont été ouvertes par Saint François d'Assise qui, lui aussi, a osé faire confiance et qui n'a jamais repris le don qu'il avait fait de lui-même au Christ.

Et c'est parce que frère Bonaventure est resté pauvre, qu'il est resté un petit, que sans le savoir il a été introduit au cœur d'une connaissance mystérieuse que les études les plus poussées ne peuvent absolument pas conférer.

Rappelons-nous ce que le Christ vient de nous dire. Je te rends grâce, a-t-il dit, je te rends grâce, ô mon Père, d'avoir révélé aux tout petits ce que tu as caché aux sages et aux savants. Cette indicible connaissance de Dieu, frère Bonaventure l'a reçue tout au long d'une vie de fidélité, une vie sans prétention, une vie toute entière nourrie de la volonté divine et d'une prière assidue.

 

Il n'est donc pas étonnant qu'il soit entré dans la lumière le jour même où nous célébrions la résurrection du Seigneur. Il nous est dit par là que frère Bonaventure connaît déjà de quelque manière la joie immense de la transfiguration. Son pauvre corps charnel qui a tant souffert ces dernières semaines, son pauvre corps charnel va être livré à la terre, mais son corps spirituel est déjà tout resplendissant de beauté. Le Christ auquel il s'est donné a le pouvoir de transformer notre corps nouveau en un corps semblable au sien, son corps de ressuscité, son corps de transfiguré.

Notre frère nous délivre un message extrêmement précieux et le voici. Il nous dit que l'essentiel est précisément là dans ce passage obligé par la mort corporelle pour accéder à la vie impérissable ; que tout de nous, à toute heure, en toute circonstance doit être orienté vers cette heure-là, vers cette heure dont le Christ veut faire une apothéose.

 

Frères et sœurs, notre eucharistie sera donc aujourd'hui ce qu'elle doit être, une action de grâce au nom de frère Bonaventure et en notre nom à nous. Et puis, nous cultiverons chacun pour notre part la ferme espérance d'arriver un jour là où est entré maintenant notre frère. N'allons pas nous imaginer qu'il est séparé de nous, jamais il ne nous a été aussi proche que maintenant.

Et cette proximité, il va la maintenir, il va la cultiver amoureusement, il va l'affermir jusqu'à ce que nos yeux s'ouvrant finalement eux aussi à la lumière, nous le reconnaissions. Il était là qui nous attendait et qui toujours nous aimait. Voilà notre espérance ! Nous allons l'entretenir en nous dès maintenant et chaque jour.

                                                                                                Amen.

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Homélie : Funérailles de frère Bernard.         21.11.92

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

Par une disposition admirable de la Providence, Dieu a rappelé à lui notre frère Bernard en la fête de Sainte Mechtilde et, son corps est rendu à la terre aujourd'hui en la fête de la Présentation de la Vierge Marie au temple. Il y a là une parole prophétique dont nous allons, si vous le voulez bien, contempler la beauté durant quelques instants.

Mechtilde, une moniale cistercienne du 13° siècle, au moment où notre Abbaye de Saint Rémy était ici fondée, est entrée au monastère à l'âge de sept ans. Or le petit Louis Duculot n'était guère plus âgé quand il entrait au Juvénat des Frères des Ecoles Chrétiennes.

Et tout comme Mechtilde, il est resté fidèle jusqu'au bout, jusqu'à la mort, une fidélité qui a duré 60 ans, une fidélité qui a été consacrée par une demande qu'il avait faite et dont ses infirmières se souviennent. Il avait demandé que l'on récita à son oreille une prière, une ultime prière, même s'il paraissait avoir perdu connaissance. Sa fidélité a été jusque là.

 

Et voici que le jour où nous célébrons la fête de la présentation de Marie au temple, nous le confions à la miséricorde de Dieu. Or, la présentation de Marie au temple nous rappelle le don entier, irrévocable, qu'elle fit de tout son être à Dieu à l'aube de sa vie consciente. C'est donc elle qui aujourd'hui accueille notre frère Bernard qui l'a si bien suivie et imitée.

Frère Bernard a toujours été tenaillé par le désir d'une vie contemplative à l'école du grand Saint dont il devait un jour porter le nom. Déjà dans les loisirs que lui ménageait autrefois sa vie d'enseignant, il scrutait les écrits de notre bienheureux Père, il se laissait imprégner par leur esprit et en cela il rejoignait Sainte Mechtilde qui, elle, partait à la recherche de Dieu sur les sentiers que lui ouvrait Saint Bernard.

Et ce fut, vous le comprenez bien, pour notre frère Bernard, une joie de se trouver enfin dans le lieu où il aspirait depuis toujours. En 1945 déjà, il s'était présenté pour la première fois au noviciat de notre monastère et il avait failli y rester. Mais Dieu voyait pour lui un chemin plus long, le meilleur certainement.

 

Vous savez que Dieu n'entre pas nécessairement à l'intérieur de nos désirs, c'est plutôt nous qui devons nous ouvrir à son désir à lui. Il a sur chacun de nous un projet qui est un projet d'amour. Et l'art spirituel, l'art humain tout court consiste à entrer avec confiance à l'intérieur de ce projet et de se laisser façonner par lui car, ce qu'il veut réaliser, c'est un chef d'œuvre. Il veut faire de chacun de nous, comme il a fait de frère Bernard, une image de ce qu'il est.

Au moment où nous devons trépasser, c'est à dire où nous devons passer à travers une sorte de tunnel bien obscur, certes, mais qui débouche tout de même sur la lumière qui est Dieu, à ce moment là nous abandonnons absolument tout. Il ne nous reste que l'image à laquelle nous avons collaboré, cette image de Dieu en nous. Et c'est à ce moment que nous recevons notre véritable nom, notre nom d'éternité. Et nous devons croire, nous le savons déjà peut-être par quelque expérience personnelle, que ce nom est notre véritable bonheur.

 

Et maintenant, frères et sœurs, tout est accompli pour notre frère Bernard et beaucoup reste encore à faire pour nous. Mais où que nous soyons, dans le monastère ou bien dans le monde, nous savons que maintenant nous avons auprès de Dieu un appui et sous nos yeux un exemple, exemple de fidélité, exemple de don de soi qui n'a jamais été repris.

Eh bien, frères et sœurs, ne l'oublions pas. Il faudrait que nous puissions recueillir dans notre cœur le dernier message que nous transmet notre frère Bernard, et il le fait par ma bouche, j'en ai bien conscience. Et ce message, le voici : C'est que nous fassions confiance à l'amour.

L'amour est Dieu, l'amour n'est pas une qualité de Dieu à côté d'autres. Non, Dieu est amour et celui qui demeure dans l'amour, il demeure en Dieu et Dieu demeure en lui et, d'une certaine manière, il est déjà ressuscité des morts car là où est le Christ, là il est déjà, comme il vient de nous le dire lui-même.

 

Eh bien ce message, accueillons-le avec confiance. Cette eucharistie de funérailles nous aidera à mieux le comprendre, à mieux l'assimiler. Elle nous donnera le courage de prendre un risque, le risque de nous perdre afin de connaître la joie de la petite résurrection, la joie d'aimer, la joie de croire que les hommes sont bons, la joie de les faire passer grâce à la vie qui bouillonne en nous, de les faire passer d'une vie toute centrée, toute crispée sur soi dans la  ……., de les faire passer dans l'au-delà de l'amour.

Voilà ce que frère Bernard nous dit aujourd'hui. Et ce message, nous l'emporterons fidèlement et nous aurons bien garde de ne jamais l'oublier.

                                                                                                                             Amen.

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Homélie : Funérailles de Frère Bruno            24.02.95.

 

            Il est le chemin, la vérité et la vie.

 

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

            La vie chrétienne, et plus spécialement la vie monastique, est un pèlerinage long, patient, vers ce que le Christ lui-même appelle le Royaume. Il vient encore de nous le préciser. C'est Lui qui est le chemin, la vérité et la vie. Personne ne peut aller vers le Père, c'est à dire vers le Royaume, sans passer par Lui.

 

            Ce Royaume est tout proche et pourtant nous ne pouvons l'atteindre qu'au terme d'une recherche qui semble ne pas avoir de fin. C'est que pour entrer dans ce lieu béni situé au cœur même de la Trinité, il est nécessaire de revêtir un vêtement de noce d'une blancheur immaculée.

            Ce travail de perfection, l'Esprit seul peut l'opérer. Pour lui, la durée ne compte pas, elle n'entre pas en ligne de compte. A l'échelle de Dieu, elle représente à peine un éclair ; à notre échelle à nous, elle s'étend sur une vie. Mais ce qui compte, c'est d'arriver.

 

            Or, frère Bruno est arrivé et nous aimerions qu'il nous le dise. Hélas, il est muet et nous devons encore et toujours continuer dans la foi, nous cantonner en elle. Mais la foi, nous le savons, est une participation à la connaissance que Dieu a de lui-même et de son projet. Nous sommes donc à l'abri et, ce que nous serons, c'est ce qu'il est.

            Notre célébration, cette Eucharistie sont tout ensemble une proclamation et un appel. Nous proclamons notre espérance d'arriver bientôt à notre tour et, nous appelons sur nous comme sur frère Bruno la puissance d'un Amour qui répare tout et qui construit tout. Oui, l'Amour a toujours le dernier mot. Il l'a eu dans son dialogue avec frère Bruno.

 

            Frère Bruno était un homme foncièrement bon, sans la moindre malice, un tantinet naïf, faisant naturellement confiance. Nous savons qu'il aimait la propreté sur lui et autour de lui. Il aimait la beauté, le déploiement des fastes liturgiques. Combien de fois n'est-il pas venu me remercier à l'issue d'une cérémonie dans laquelle il était entré de tout son cœur et de toute sa voix. Or, il avait une voix comme aucun d'entre nous ne possède. Il chantait bien.

 

            A présent, il contemple des beautés autrement enthousiasmantes. Ah ! Si nous pouvions seulement avoir déjà le cœur suffisamment pur pour percevoir un peu ce que lui-même contemple à présent ; nous en serions rassasiés.

            Tout ce qui peut se trouver dans le monde nous paraîtrait, non pas quelque chose à laisser de côté, mais nous paraîtrait pour ce que c'est vraiment, un miroir dans lequel il nous est possible de regarder la beauté du Créateur, la beauté du Rédempteur et surtout la beauté de la Lumière et de l'Amour. Car le monde est une parabole, le monde est un langage et il nous faut des oreilles pures et des yeux purs pour entendre ce chant et décrypter cette Parole.

 

            Au temps de son âge mûr, frère Bruno déployait tout son talent encore et toujours au service de la liturgie. Il était un ébéniste de valeur et il se trouve encore ici des meubles qu'il a fabriqués et dans lesquels il mettait tout son savoir et tout son cœur. Il était modeste et n'en tirait pas vanité.

            Un détail encore, jusqu'à ses derniers jours, il avait perdu la vue mais il n'avait pas perdu la voix, il aimait dans sa chambre de vieillard chanter des strophes latines en l'honneur du Saint Sacrement.

            Il avait connu l'épreuve très jeune. A plusieurs reprises il m'a raconté que sa maman était tombée d'une plate-forme et qu'elle était morte alors qu'il était encore tout jeune. Il aimait sa mère, il avait pour elle une vénération, une sorte de culte et il la priait. Et lorsqu'il en parlait - il était déjà très âgé - il redevenait le petit enfant qui croit en l'amour parce que il l'avait expérimenté à travers le cœur de sa maman.

           

            Et le frère Bruno s'est éteint doucement. Il a été cueilli comme un fruit succulent. Nous allons maintenant confier à la terre sa dépouille, mais nous savons que le meilleur de lui est dans la lumière de Dieu où il nous attend pour nous partager toute sa joie.

                                                                                                                                 Amen.

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Homélie aux funérailles de Frère Benoît.        18.04.95.

            Une faveur de Dieu.

 

Frères et sœurs,

 

            On oserait peut-être imaginer qu'un grand saint rêve un jour d'abandonner derrière lui ...?... ...?... pour se plonger définitivement dans la lumière de la résurrection, et cela un jour de Pâques ? Mais Dieu ne suit pas les linéaments des raisonnements humains. Ses réactions sont toujours imprévues, toujours déroutantes.

C'est à un humble et pauvre frère d'une petite Abbaye quasi inconnue qu'il a réservé la faveur inouïe de mourir au matin du jour de Pâques. Qu'avait donc fait notre frère Benoît pour mériter une telle faveur ? Rien, absolument rien ! Notre Dieu est amour et, c'est dans la gratuité qu'il dispense à qui il veut ses dons les plus riches.

            La mort de frère Benoît a ...?... ...?... ...?... ; je pense à celui d'Enoch, à celui du prophète Elie disparu au regard des hommes. C'est en un instant, presque dans un soupir qu'il a été emporté.

 

            Vous savez que frère Benoît était plutôt taiseux de nature. Son érudition et sa culture étaient très grandes mais il était peu disert en ce domaine. Il n'étalait pas son savoir. Il n'a jamais eu l'occasion de dispenser un enseignement.

            Et voici qu'au moment de partir, il nous laisse un message d'une beauté saisissante, un message non-verbal. Ce sont les paroles de ce genre qui sont les plus éloquentes à condition de pouvoir les décrypter.

            Or ici, ce que frère Benoît nous a dit vraiment ...?... de prophétie. Il me semble entendre Marie-Madeleine rapporter aux disciples cette parole remarquable du Christ : Va trouver mes frères pour leur dire : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.

           

Frère Benoît était un membre du Christ, un membre sans doute privilégié pour avoir reçu une grâce aussi belle. Et c'est lui aussi qui nous dit : Je monte vers mon Père qui est aussi le vôtre, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu. Et là, je vous attends. Je vous montre le chemin, n'ayez jamais peur !

            Frère Benoît sentait venir sa fin, il ne s'en cachait pas. Il n'en était pas effrayé. On aurait dit qu'il entendait une voix secrète qui l'appelait. Il a ainsi en un moment parcouru un long chemin. Vous savez, dans l'univers de Dieu, les unités de mesure ne correspondent pas aux nôtres. C'est pourquoi nous ne devons pas avoir crainte de regarder ce qui arrive parfois en un instant.

            C'est toute l'éternité qui se condense à ce que nous pourrions, nous, chiffrer en secondes. Et c'est à ce moment-là bien souvent que se définit tout un destin. C'est comme un fruit qui tombe, comme une fleur qu'on vient cueillir.

           

Oui, ce fut là le privilège d'un ...?... car frère Benoît était un poète, le privilège d'un ...?... qui planait déjà ailleurs tout en restant encore ici provisoirement parmi nous. Le fil a été soudain tranché et, ce fut pour frère Benoît l'immersion définitive dans la vie.

            Et la vie, ne l'oublions pas, ce n'est pas le prolongement de ce que nous connaissons ici, mais en mieux. Non, la vie est la personne même du Seigneur Jésus ressuscité. Et c'est à l'intérieur de cette vie que frère Benoît s'est soudainement retrouvé, cette vie qu'il espérait, cette vie qu'il attendait, cette vie qui déjà insensiblement prenait possession de lui.

            Il nous laisse un testament d'espérance et de joie, retenons-le précieusement ! Et ce testament, le voici : out est gagné d'avance parce que nous sommes follement aimés, parce que nous sommes enfants de Dieu et fils de la résurrection.

           

Voilà une des facettes du non-verbal qu'il nous a gestué au moment de son décès. Et cette Eucharistie nous le chante à l'envie. Il me l'a dit à plusieurs reprises ces derniers temps : être privé de l'Eucharistie, pour lui, c'était dur. Il sentait, il savait que là était la source de la vie éternelle, mais il y participait à sa manière par son désir, par son espérance et aussi par sa nostalgie.

            Oui, Dieu est plus grand que notre cœur et il nous comble toujours au-delà de nos espérances. Frère Benoît est dans la lumière. Il nous y prépare une place et nous pouvons lui faire confiance.

                                                                                  Amen.

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Homélie : Funérailles de Frère Julien.          03.06.97

            S’attacher au Seigneur !

 

Frères et sœurs,

 

            Le départ d’un frère vers la plénitude du Royaume nous replace chaque fois devant la pureté et l’exigence de notre vie chrétienne et monastique. Nous n’avons pas de demeure permanente ici bas sur cette terre traversée par tant de souffrances, de gémissements et de pleurs.

            Nous allons ensemble en cortège vers la cité nouvelle dont le Seigneur jésus est la lumière et la joie. Une porte s’ouvre et nous sommes accueillis, recueillis, fêtés par le Seigneur lui-même et par la multitude des saints.

            Cette porte, nous l’appelons la mort dans notre langage humain diminué d’audace, paralysé par une peur que nous devons bousculer, que nous devons jeter loin de nous.

 

            Pour comprendre cette merveille, pour comprendre ce mystère, il faut tourner le dos à la sagesse étriquée de ce monde et s’agréger au peuple des humbles et tous petits. Le Seigneur vient de nous le dire, il a rendu grâce au Père d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux petits qui s’avancent vers lui sans prétention aucune.

 

            C’est le geste qu’a posé le frère Julien en venant au monastère et en y persévérant durant plus de soixante années jusqu’au seuil de l’éternité. Il a fait confiance à la voix du Christ. Il a cru à la douceur et à l’humilité de son Seigneur et il a trouvé le repos. Mais ne nous y trompons pas, ce n’était pas un repos de paresse, mais c’était déjà le repos d’une victoire, la victoire de la foi et de l’espérance, la victoire de l’amour qui à travers bien des vissicitudes est toujours resté ouvert aux vouloirs imprévisibles de Dieu.

 

            S’attacher au Seigneur Jésus et le suivre avec fidélité, c’est le fait des âmes fortes, des âmes bien trempées comme celle de frère Julien. Pour suivre le Seigneur, il faut apprendre à renoncer à soi, à se dépouiller pour les autres, à aimer encore et toujours. Il faut croire en l’incomparable noblesse de l’homme. Il faut reconnaître en chacun le visage caché du Christ Sauveur.

            Il faut donc s’ouvrir à une lumière qui, par des moyens qui lui sont propres, qui sont bien souvent déroutants, qui purifie le cœur de tout égoïsme, de toute malice et lui donne un regard de pureté qui permet de reconnaître Dieu toujours et partout. Alors tout devient facile à porter, tout devient léger selon la parole encourageante que nous venons d’entendre tomber de la bouche de Jésus.

            Oui, son joug est doux et son fardeau léger à condition, encore une fois, que nous osions prendre le risque de croire et de nous ouvrir à ce qu’il nous propose, à ce qu’il nous offre. Car Dieu dans la personne du Seigneur Jésus est pure offrande, il est pur don, pure communication. Il ne veut qu’une seule chose, nous prendre avec lui là où il est. Cela peut durer longtemps, non parce que nous serions récalcitrants, mais parce qu’il n’achève jamais de purifier un cœur car il veut produire un chef-d’œuvre dont il pourra être fier pour jamais. Alors, il prend son temps.

 

            Et ainsi, frère Julien a traversé toutes les étapes de la vie spirituelle, toutes les étapes de son pèlerinage sans jamais dire non. Je l’ai connu bien longtemps, et c’est vrai ! Sur ses lèvres, je n’ai jamais entendu non, ce fut toujours oui. Il est passé d’un emploi à l’autre la main toujours dans celle de Dieu et, il ne la lâcha pas. Et finalement, il avait un cœur d’enfant même sous des dehors parfois un peu brusques.

 

            Je me souviens des heures vécues avec lui devant une cuve de fromage, lui d’un côté et moi en face de lui. Nos bras étaient plongés jusqu’aux coudes dans le caillé qu’il fallait lentement travailler, qu’il fallait lentement transformer en fromage. Et nous étions dans l’humidité d’une cave faiblement éclairée.

            J’étais tout jeune, j’étais tout nouveau ici et il m’apparaissait comme un ancien , un ancien respectable dont il fallait recueillir les avis avec reconnaissance. Et il me partageait son expérience, son savoir sans rien retenir pour lui. Et aujourd’hui encore, je lui en suis reconnaissant.

 

            Maintenant nous avons là-bas dans la lumière, nous avons au cœur de la véritable Jérusalem, nous avons un frère et un ami qui nous attend, qui nous protège, qui nous garde et qui nous aide.

            Avançons donc avec confiance vers la porte que lui a franchie, cette porte, je le rappelle, que nous appelons la mort ! Mais à l’intérieur de cette porte qui s’ouvre devant nous, il y a le Seigneur Jésus qui nous a dit : Moi, je suis la porte, qui entre par moi jamais ne périra !

           

            Eh bien, frères et sœurs, cette porte qui est le Seigneur Jésus lui-même dans sa beauté, dans son amour, eh bien, confions-nous à elle et attendons avec confiance l’heure, l’instant où elle s’ouvrira devant nous. Comme nous le recommande Saint Benoît, préparons-nous chaque jour à cet instant. Tenons les yeux fixés sur cette porte. Et lorsqu’elle s’ouvrira, ce sera pour nous un émerveillement sans fin.

                                                                                        Amen.

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Homélie : Funérailles du Fr. Ghislain.            12.06.89

 

Mes frères,

 

Chaque soir, avant d'entendre la lecture de Notre Règle, nous demandons au Seigneur de nous accorder une nuit paisible et une sainte mort. Frère Ghislain a été exaucé au-delà de toutes ses espérances.

Le Seigneur est venu le chercher au cours de l'Office des Laudes, dimanche. Il a permis qu'il s'endorme paisiblement dans la paix le jour où au milieu de ses frères il célébrait la résurrection du Christ. Et maintenant, il est dans la lumière de Dieu et dans la joie.

La vocation contemplative, il la vit maintenant en plénitude et il nous encourage à la fidélité, au don de soi, à la confiance, à l'exercice d'une charité sincère : L'Ecriture vient de nous le rappeler: nous sommes créés pour une existence impérissable car Dieu nous a voulu à son image. Et rien ne peut nous séparer de l'amour que nous porte Dieu en la personne du Christ Jésus.

Nous ne pouvons................................ 

 

                                                                                 Panne de courant

 

Veillée pour le frère Bernardin.                   06.10.81

 

Mes frères,

 

Frère Bernardin nous a quittés comme il a vécu, en silence, sans bruit, sans causer d'embarras. Sa spiritualité était simple et robuste à l'image de sa personne : faire la volonté de Dieu exprimée par la bouche de son Abbé - travailler, faire son travail avec cœur, avec soin. Le faire parce que c'est la volonté de Dieu et que Dieu attend que la besogne qu'il nous confie soit achevée, qu'elle soit digne de lui, qu'elle réjouisse ses yeux et son cœur. Et le frère Bernardin ne regardait pas à sa peine lorsqu’il s’agissait de travailler pour le plaisir de Dieu. Et il fécondait tout par la prière.

           

Mes frères, il avait ramassé sa vie spirituelle dans l'essentiel de la vocation monastique. Et cet essentiel, il l'a conservé fidèlement jusqu'à son dernier jour malgré le poids

du grand âge, malgré le fardeau de lourds et douloureux handicaps. Frère Bernardin n'était pas un geignard. Il minimisait ses malaises et reprenait la route avec un courage toujours jeune.

Il n'était pas de ces vieillards qui idéalisent le temps de leur jeunesse et qui dans le présent ne voient que décadence et ruine. Non, il était foncièrement optimiste et il savait faire confiance à ses supérieurs, à ses frères, aux jeunes qu'il aimait et qui le lui rendaient bien. Il était un ancien vers lequel on pouvait lever le regard pour trouver un exemple, pour puiser encouragement dans les moments difficiles. Il était de la même trempe que nos autres anciens que je veux encore une fois féliciter et remercier.

 

Frère Bernardin a dû lutter contre lui-même. Il avait un caractère entier, naturellement dur. Et le rude labeur de la culture et de l'étable n'était pas fait pour adoucir, pour amollir ce tempérament. Mais la grâce du ciel a travaillé avec le frère Bernardin. Si bien que le meilleur a pris le dessus en lui. Et cette grâce a fait de lui un homme affable, bienveillant, serviable, souriant, celui que nous avons connu dans les dernières années.

Mais je le répète, mes frères, ce fut le fruit d'un dur combat. Car on n'arrive pas à un tel degré de détachement et d'abandon sans beaucoup souffrir et sans beaucoup combattre. Frère Bernardin est un témoignage de la victoire remportée par l'amour dans un frère qui a eu, qui s'est livré sans réserve à cet amour. Le Christ l'a vraiment pris au mot et il a voulu, il a osé le conformer à sa passion. Nous savons combien les trois, quatre dernières années de frère Bernardin ont été terribles pour lui, ce qu'il a souffert dans ses membres, ce qu'il a souffert dans son âme.

Mais il est demeuré inébranlablement fidèle. Il n'a jamais repris sa parole. Et je dois dire que pendant toute la période où j'ai assumé cette mission d'Abbé, je n'ai pas entendu de sa bouche une seule parole de plainte. Je le vois encore dans cette clinique où il était immobilisé, où il était torturé par le mal. Toujours accueillant, accueillant à moi-même, accueillant à ceux qui venaient le saluer, accueillant au personnel de la clinique. Et toujours facile pour notre frère Martin qui pendant plus de 6 semaines l'a soigné si bien que le frère Bernardin ne pouvait presque plus se priver de ce dévouement.

 

Mes frères, je suis persuadé que le Christ, déjà dès maintenant, commence à introduire notre frère Bernardin dans sa lumière et dans sa gloire. Notre communauté doit beaucoup à frère Bernardin. Il a été parmi nous une source de paix et il demeure pour nous un modèle. Au nom de nous tous, en mon nom personnel je le remercie et je lui promets que nous lui restons unis dans la prière.

Une prière pour lui, afin que Dieu lui ouvre pleinement ses joies, ces joies débordantes de la vision dans la lumière. Et puis aussi pour nous, afin que le règne de Dieu s'établisse en nos cœurs comme il s'est établi dans le cœur de notre frère.

 

Homélie : Funérailles de Frère Bernardin.       07.10.81

 

La mort, pour le moine, n'est plus un spectre qui terrorise et paralyse. La mort a été vaincue, domptée, apprivoisée. Elle est devenue compagne de chaque instant, portail d'espérance pour le cœur réconcilié. Pour moi vivre c'est le Christ, et mourir m'est un avantage.

Aujourd'hui, il n'est plus d'autres morts que celle du Christ. En elle, toutes les morts sont récapitulées et transfigurées. Cette certitude est notre force et notre joie. Elle nous donne une liberté que rien ne peut entraver. Elle nous permet de tout affronter.

Ce convivium avec la mort prend dans le contexte monastique le nom de vigilance. Le moine est un veilleur. Il écoute, il regarde, il attend, il prie. Le Christ est si proche. Un simple voile ténu, à peine une brume imperceptible le sépare de moi. Et déjà j’entrevois sa silhouette et j’entends sa voix enchanteresse murmurer à l’oreille de mon cœur : Viens !

 

Alors, mes frères, pourquoi ne pas faire de suite l'apprentissage de la mort ? N'est-ce pas la grande tâche monastique : mourir à sa volonté, à son jugement, à ses désirs, à ses convoitises, à ses projets pour entrer dès maintenant dans le monde nouveau que le Seigneur a préparé pour ceux qui savent lui ouvrir un crédit absolu.

Frère Bernardin était un de ces pécheurs, des pécheurs qui bien souvent s'affalent frappés, blessés, mais jamais terrassés. Car la force du Christ les relève et les guérit. Cette force qui déploie l'éventail de ses énergies dans la faiblesse.

Mes frères, nous en avons un exemple. Notre frère Bernardin à lutté, il a persévéré avec ténacité, avec fidélité pendant 68 ans. Et Dieu, finalement, lui a rendu la candeur de ces petits auxquels sont promises les joies du Royaume.

 

La toute dernière lecture qu'a faite notre frère Bernardin est une méditation sur l'universelle Royauté du Christ. Il a tenu jusqu'au terme de sa vie le ton que Dieu lui a donné au moment où il l'a invité à Saint Rémy pour militer sous les étendards du Christ le vrai Roi. Et nous savons, mes frères, combien il est difficile de tenir le ton.

A présent, Dieu commence à lui remettre la récompense promise au serviteur fidèle. Ce que l'œil n'a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qu’il aime.

 

Mes frères, l'Eucharistie est présence du Royaume de Dieu accompli au delà de l'eschaton, au delà du dernier jour. Nous sommes déjà, déjà avec le frère Bernardin tous ensemble en compagnie de Marie notre Mère, des Anges, des Saints, dans la lumière de la résurrection. C'est cela l'Eucharistie. Que cette vision de foi demeure notre consolation et notre espérance aujourd'hui et à jamais.

                                                                                                Amen.

 

Homélie : Funérailles de Père Ambroise.         03.09.86

 

Frères et sœurs,

 

Nous avons vécu des journées et des nuits d'une intensité extraordinaire. Nous avons pu, grâce à l'amour que Dieu nous porte, contempler et admirer la mort d'un juste. Aussi, en cet instant, ce n'est pas le deuil, la désolation qui doivent emplir notre cœur, mais une vibrante action de grâce.

Père Ambroise a obtenu ce qu'il désirait ardemment depuis des semaines : voir se dénouer tous les liens de cette chair afin d'entièrement être avec le Christ son Seigneur. Père Ambroise était encore parmi nous, mais par l'élan de son désir, il était déjà chez Dieu. Il était encore gisant sur cette terre, mais en réalité il était déjà entré dans le ciel.      Nous le savions, nous l'observions, et c'était pour nous une consolation et un encouragement.

Jamais la moindre plainte n'est montée sur ses lèvres, jamais un geste d'impatience, jamais une exigence, mais toujours invariablement le sourire et un mot de remerciement. Je ne l'ai pas quitté une seule fois sans qu'il ne m'ait remercié pour la petite visite que je lui avais rendue. Et il en était ainsi pour chacun, nous pouvons en rendre témoignage. Et surtout pour ceux qui l'ont soigné, qui l'ont veillé avec tant de dévouement, tant d'amour, tant d'affection.

         

Voici près de trente ans que Père Ambroise a été frappé d'un mal qui rongeait son ossature, son squelette. Et il a été infirme jusqu'à la fin. Ce furent, nous le savons, de longs séjours en hôpital, des jours et des nuits passés dans un lit, dans une coquille, enfermé dans un corset. Il est entré dans un total dépouillement, dans la pauvreté, dans la dépendance.

Au lieu de pouvoir travailler avec ses frères comme il aimait tellement, ce furent des petites occupations, nous le savons, des napperons, des hiboux, de la tapisserie. Mais cela, il le faisait avec un amour, avec un soin qui nous étonnait. Il le faisait pour faire plaisir à son Christ auquel il s'était donné, pour faire plaisir aussi aux autres. Il distribuait ainsi avec joie tout ce qui était sorti de ses doigts.

Et le Père Ambroise s'était abandonné ainsi à la déroutante volonté de Dieu. C'était son passage à lui. Il fallait qu'à son tour il mourût par une partie de son être afin de goûter tout de suite le bonheur d'être avec Dieu. Si bien que la mort physique n'est plus que la traduction à notre niveau à nous d'un état qui était déjà là présent, et que nous sentions, et auquel nous communions de tout notre être.

 

Vous le savez aussi, mes frères, au cours de ces longues années de maladie, jamais le Père Ambroise n'eût une parole de révolte, ni d'amertume. Et pourtant il a dû tellement souffrir dans sa chair et dans son cœur. Il me reste un souhait à exprimer : c'est que nous puissions marcher sur ses traces, traverser comme lui tous les tunnels, ne nous étonner de rien car Dieu peut tout nous demander.

Je sais qu'il y en a ici qui doivent supporter de très dures épreuves dans leur cœur et aussi dans leur corps. Mais qu'ils prennent confiance, rien n'est perdu. Un jour tout est récupéré, tout est transformé, tout est transfiguré. Il suffit de se laisser conduire par ces chemins étranges, par ces chemins humainement fous, mais qui sont suprême sagesse. Nous le verrons plus tard.

Et ainsi nous connaîtrons de suite, si nous suivons cette route sur laquelle nous a précédé Père Ambroise, nous connaîtrons à notre tour le bienfait d'une vraie charité et d'une immense paix.

 

Maintenant nous avons auprès de Dieu un ambassadeur puissant. Car si Père Ambroise ­n'a rien refusé à Dieu sur cette terre, Dieu ne pourra rien lui refuser maintenant qu'il l'a pris auprès de lui. Et Père Ambroise, là-bas, puissant aujourd'hui auprès du Christ et auprès de Marie notre Mère, il demandera pour nous, pour nous tous, pour chacun d'entre-nous, pour notre communauté, il demandera le meilleur.

Mes frères, nous allons avancer dans notre célébration Eucharistique et nous communierons au Corps du Christ. Et en même temps, nous communierons à la joie et au bonheur actuel de notre Père Ambroise. Il est en cet instant avec nous, bien réellement et bien vivant. Je le vois avec son sourire, je le vois avec son amour.

Laissons-nous illuminer par sa présence et, revêtus de lumière, marchons jusqu'au jour où Dieu jugera que nous l'avons suffisamment aimé ici bas et que nous pouvons maintenant avec Père Ambroise et tous les saints le contempler face à face pour jamais.

                                                                                                         Amen.

 

Homélie : Funérailles de Fr. Bonaventure        06.10.92

 

Frères et Sœurs,

 

Bonaventure, le nom d'un saint et prestigieux évêque franciscain du Moyen Age, un homme que l'Eglise a élevé au rang des Docteurs ; Bonaventure, le nom d'un humble frère trappiste qui, pendant plus de cinquante ans, a vécu fidèlement son engagement dans une modeste Abbaye.

Remarquons ceci : frère Bonaventure a été introduit dans la lumière de la création nouvelle le jour de la fête de Saint François et un dimanche. Il me semble à travers ces coïncidences entendre un message que Dieu nous adresse par l'entremise de notre frère qui devient ainsi un prophète pour chacun d'entre nous.

Nous allons ensemble essayer de décrypter ce message, cette parole qui est pleine de mystère. N'oublions pas que Dieu nous parle à travers les événements qui se rapprochent, qui se touchent, qui s'éloignent et qui sont porteur d'une vie qu'il nous offre. Et c'est à nous de la saisir, de la comprendre, de l'accueillir et de l'assimiler.

 

Frère Bonaventure - dont le nom signifie : promis au bonheur - n'était pas un intellectuel de haut vol comme son illustre patron. Il n'a pas eu accès aux sphères réservées de la philosophie, de la théologie, de l'exégèse, du droit.

Non, toute sa vie a été celle d'un homme simple, d'un naïf dans le bon sens du terme, naïf de cette naïveté qui est celle même de Dieu, une naïveté qui fait confiance à priori, qui parfois est étonnée, peut-être blessée, mais qui toujours reprend vie. Car une telle disposition ne vient pas de la nature charnelle, mais elle vient d'une inspiration que Dieu verse avec abondance dans un cœur qui le cherche.

Frère Bonaventure a mené la vie d'un homme heureux, d'un homme aussi profondément fidèle, et heureux précisément à cause de sa fidélité. Car Dieu ne déçoit jamais. C'est nous qui parfois nous faisons de Dieu une certaine idée et nous réduisons alors notre Dieu au rang d'une idole dont nous attendons tout. Mais quand on s'est donné à l'amour et qu'on y demeure fidèle, on ne peut qu'être heureux.

 

Et c'est pourquoi les portes de l'éternité lui ont été ouvertes par un autre pauvre que nous connaissons tous. Elles lui ont été ouvertes par Saint François d'Assise qui, lui aussi, a osé faire confiance et qui n'a jamais repris le don qu'il avait fait de lui-même au Christ.

Et c'est parce que frère Bonaventure est resté pauvre, qu'il est resté un petit, que sans le savoir il a été introduit au cœur d'une connaissance mystérieuse que les études les plus poussées ne peuvent absolument pas conférer.

Rappelons-nous ce que le Christ vient de nous dire. Je te rends grâce, a-t-il dit, je te rends grâce, ô mon Père, d'avoir révélé aux tout petits ce que tu as caché aux sages et aux savants. Cette indicible connaissance de Dieu, frère Bonaventure l'a reçue tout au long d'une vie de fidélité, une vie sans prétention, une vie toute entière nourrie de la volonté divine et d'une prière assidue.

 

Il n'est donc pas étonnant qu'il soit entré dans la lumière le jour même où nous célébrions la résurrection du Seigneur. Il nous est dit par là que frère Bonaventure connaît déjà de quelque manière la joie immense de la transfiguration. Son pauvre corps charnel qui a tant souffert ces dernières semaines, son pauvre corps charnel va être livré à la terre, mais son corps spirituel est déjà tout resplendissant de beauté. Le Christ auquel il s'est donné a le pouvoir de transformer notre corps nouveau en un corps semblable au sien, son corps de ressuscité, son corps de transfiguré.

Notre frère nous délivre un message extrêmement précieux et le voici. Il nous dit que l'essentiel est précisément là dans ce passage obligé par la mort corporelle pour accéder à la vie impérissable ; que tout de nous, à toute heure, en toute circonstance doit être orienté vers cette heure-là, vers cette heure dont le Christ veut faire une apothéose.

 

Frères et sœurs, notre eucharistie sera donc aujourd'hui ce qu'elle doit être, une action de grâce au nom de frère Bonaventure et en notre nom à nous. Et puis, nous cultiverons chacun pour notre part la ferme espérance d'arriver un jour là où est entré maintenant notre frère. N'allons pas nous imaginer qu'il est séparé de nous, jamais il ne nous a été aussi proche que maintenant.

Et cette proximité, il va la maintenir, il va la cultiver amoureusement, il va l'affermir jusqu'à ce que nos yeux s'ouvrant finalement eux aussi à la lumière, nous le reconnaissions. Il était là qui nous attendait et qui toujours nous aimait. Voilà notre espérance ! Nous allons l'entretenir en nous dès maintenant et chaque jour.

                                                                                                Amen.

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Homélie : Funérailles de frère Gérard.         28.11.96*

            Le jour de notre définitive naissance !

 

Frères et sœurs,

 

            Le décès de notre frère Gérard a été une irruption dans notre monde de convoitise, de suspicion et de peur. Il a été, dis-je, l’irruption d’un autre univers, un univers de lumière, de réconciliation et de paix ; l’irruption d’un univers qui est une personne, la personne du Seigneur Jésus ressuscité d’entre les morts, la personne de l’amour, la personne qui est une plénitude de beauté et de vie, qui est notre présent et notre avenir.

            N’est-ce pas le portrait de notre frère Gérard que nous avons vu se dessiner sous la touche du Seigneur ? Il a été doux, il a été pacifique, il a été pur. Il a été pauvre si bien que le Royaume de Dieu était devenu son univers, sa patrie, longtemps avant que le Christ vienne le chercher pour le prendre tout entier auprès de lui.

 

            Lorsque je contemplais et admirais le port majestueux de frère Gérard sur sa couche mortuaire, j’ai compris, j’ai vu et j’ai senti que la mort corporelle n’est pas cette chose effrayante que forge notre imaginaire blessé. Non, elle n’est pas cela : elle est une sœur très chère, elle est aussi une amie de chaque jour, elle est une compagne toujours désirable.

            Saint François nous l’a chanté et Saint Benoît ne nous dit pas autre chose. Nous devons ouvrir les portes et les fenêtres de notre cœur à une joie que rien ne peut nous ravir, cette joie que le Christ nous a léguée au moment où lui-même allait franchir le portail de cette mort.

 

            La mort corporelle, longuement, patiemment préparée jour après jour, année après année, est l’acte le plus riche de notre existence terrestre. Tout de nous doit monter insensiblement vers cette heure ultime qui sera l’épanouissement de notre être le plus secret, qui sera notre dies natalis, le jour de notre naissance vraie, définitive naissance qui sera l’accomplissement total de notre vocation d’homme.

            C’est l’heure où la vie divine submerge tout et nous engloutit en elle. Elle nous engloutit tels que nous sommes, avec nos manquements, avec nos défaillances, avec nos erreurs. Elle nous engloutit dans l’amour et elle nous métamorphose en un instant ; un instant qui à l’échelle de notre durée peut paraître long mais qui, au regard de l’amour, est instantané. Car cette vie qui nous engloutit, c’est la personne de l’amour dans toute l’épaisseur de son mystère.

 

            Alors, frères et sœurs, pourquoi ne pas anticiper cette heure en permettant à l’Esprit Saint d’anéantir en nous toutes formes d’égoïsme ; de faire de notre cœur un sanctuaire ouvert à tous : un cœur sans frontières, un cœur sans barrières, un cœur où chacun se sait en sécurité.

            Mais pour cela, nous devons prendre le risque, le pari de la pauvreté, du dépouillement, de l’oubli de soi ; nous devons oser croire que l’amour peut suffire, que l’amour seul suffit.

            Frères et sœurs, à la suite des premiers Pères de la vie monastique, ces géants ou ces pauvres des déserts d’Egypte et de Palestine, à la suite de ces hommes qui les premiers ont tout abandonné pour le Christ, à la suite aussi de Saint François…- n’oublions pas qu’il a rendu le dernier soupir dans un lieu qui est consacré à Saint François -…frère Gérard s’est engagé sans fin sur la voie du dépouillement. Il ne possédait plus rien, mais absolument rien. Et aujourd’hui, il nous invite silencieusement à le suivre.

 

            La vie éternelle, frères et sœurs, n’est pas donnée en une fois. Elle est une croissante lente, très lente. A la manière d’une plante, elle se fraie une route à travers une foule d’obstacles. Mais elle finit toujours par l’emporter. Frère Gérard a fait cette expérience et il l’a réussie avec l’aide quotidienne de Dieu.

            Car n’allons pas nous imaginer que frère Gérard a toujours été tel que nous l’avons connu ces dernières années. Il est entré au monastère à l’âge de quinze ans et il y est resté bien fidèlement pendant soixante sept ans. A l’âge de quinze, seize ans, mais on aime encore jouer, on aime encore jouer des tours et, il ne s’en privait pas.     

Les anciens, très anciens qui l’ont connu tout jeune et qui reposent maintenant dans notre cimetière, m’ont raconté les tours qu’il jouait aux autres ici dans le monastère. Mais on l’aimait déjà et on ne s’en offusquait pas. Et petit à petit, lentement, l’Esprit l’a façonné, l’Esprit l’a transformé et transfiguré jusqu’à en faire un pauvre auquel le Royaume de Dieu était déjà donné dès maintenant.

 

            Nous venons d’entendre l’Apôtre nous dire que le dernier ennemi que le Christ détruirait serait la mort. Il s’agit bien sûr de la mort spirituelle, de cette mort qui pourrait à jamais nous séparer et de Dieu, et des autres. Cela c’est l’enfer : être prisonnier de son esseulement et sans cesse étouffer sans pouvoir y échapper. C’est cette mort-là qui sera pour jamais détruite. Nous y échappons dès maintenant quand nous laissons l’amour transfigurer notre vie.

            Tel est le programme que le frère Gérard nous propose. Au moment oµ il s’est séparé corporellement de nous, mais jamais spirituellement. Il a poussé … ? … mesure, il a poussé la charité jusqu’à un degré héroïque. Eh bien, il nous a précédé et, de tout notre cœur à notre tour, osons répondre oui à ce programme que nous propose le Seigneur Jésus.

 

            Il est une personne à laquelle le frère Gérard avait donné toute sa confiance et qui l’a beaucoup aidé au cours de son cheminement. C’est la Vierge Marie, cette créature toute simple , toute pauvre, cette créature qui n’avait rien au niveau des hommes pour être attirante, mais qui au regard de Dieu pour jamais était la plus belle de toutes les créatures.

            Eh bien à notre tour, confions-nous à elle car elle est devenue notre mère. Elle est bien réellement notre mère. Et si nous lui ouvrons notre cœur comme à une véritable mère, elle nous conduira jusqu’où elle a conduit le frère Gérard, là où nous devons aller puisque nous sommes des chrétiens, puisque nous sommes des hommes aimés de Dieu et frères du Christ.

 

                                                                                   Amen.

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Homélie : Funérailles de frère Gérard.         28.11.96*

            Le jour de notre définitive naissance !

 

Frères et sœurs,

 

            Le décès de notre frère Gérard a été une irruption dans notre monde de convoitise, de suspicion et de peur. Il a été, dis-je, l’irruption d’un autre univers, un univers de lumière, de réconciliation et de paix ; l’irruption d’un univers qui est une personne, la personne du Seigneur Jésus ressuscité d’entre les morts, la personne de l’amour, la personne qui est une plénitude de beauté et de vie, qui est notre présent et notre avenir.

            N’est-ce pas le portrait de notre frère Gérard que nous avons vu se dessiner sous la touche du Seigneur ? Il a été doux, il a été pacifique, il a été pur. Il a été pauvre si bien que le Royaume de Dieu était devenu son univers, sa patrie, longtemps avant que le Christ vienne le chercher pour le prendre tout entier auprès de lui.

 

            Lorsque je contemplais et admirais le port majestueux de frère Gérard sur sa couche mortuaire, j’ai compris, j’ai vu et j’ai senti que la mort corporelle n’est pas cette chose effrayante que forge notre imaginaire blessé. Non, elle n’est pas cela : elle est une sœur très chère, elle est aussi une amie de chaque jour, elle est une compagne toujours désirable.

            Saint François nous l’a chanté et Saint Benoît ne nous dit pas autre chose. Nous devons ouvrir les portes et les fenêtres de notre cœur à une joie que rien ne peut nous ravir, cette joie que le Christ nous a léguée au moment où lui-même allait franchir le portail de cette mort.

 

            La mort corporelle, longuement, patiemment préparée jour après jour, année après année, est l’acte le plus riche de notre existence terrestre. Tout de nous doit monter insensiblement vers cette heure ultime qui sera l’épanouissement de notre être le plus secret, qui sera notre dies natalis, le jour de notre naissance vraie, définitive naissance qui sera l’accomplissement total de notre vocation d’homme.

            C’est l’heure où la vie divine submerge tout et nous engloutit en elle. Elle nous engloutit tels que nous sommes, avec nos manquements, avec nos défaillances, avec nos erreurs. Elle nous engloutit dans l’amour et elle nous métamorphose en un instant ; un instant qui à l’échelle de notre durée peut paraître long mais qui, au regard de l’amour, est instantané. Car cette vie qui nous engloutit, c’est la personne de l’amour dans toute l’épaisseur de son mystère.

 

            Alors, frères et sœurs, pourquoi ne pas anticiper cette heure en permettant à l’Esprit Saint d’anéantir en nous toutes formes d’égoïsme ; de faire de notre cœur un sanctuaire ouvert à tous : un cœur sans frontières, un cœur sans barrières, un cœur où chacun se sait en sécurité.

            Mais pour cela, nous devons prendre le risque, le pari de la pauvreté, du dépouillement, de l’oubli de soi ; nous devons oser croire que l’amour peut suffire, que l’amour seul suffit.

            Frères et sœurs, à la suite des premiers Pères de la vie monastique, ces géants ou ces pauvres des déserts d’Egypte et de Palestine, à la suite de ces hommes qui les premiers ont tout abandonné pour le Christ, à la suite aussi de Saint François…- n’oublions pas qu’il a rendu le dernier soupir dans un lieu qui est consacré à Saint François -…frère Gérard s’est engagé sans fin sur la voie du dépouillement. Il ne possédait plus rien, mais absolument rien. Et aujourd’hui, il nous invite silencieusement à le suivre.

 

            La vie éternelle, frères et sœurs, n’est pas donnée en une fois. Elle est une croissante lente, très lente. A la manière d’une plante, elle se fraie une route à travers une foule d’obstacles. Mais elle finit toujours par l’emporter. Frère Gérard a fait cette expérience et il l’a réussie avec l’aide quotidienne de Dieu.

            Car n’allons pas nous imaginer que frère Gérard a toujours été tel que nous l’avons connu ces dernières années. Il est entré au monastère à l’âge de quinze ans et il y est resté bien fidèlement pendant soixante sept ans. A l’âge de quinze, seize ans, mais on aime encore jouer, on aime encore jouer des tours et, il ne s’en privait pas.      Les anciens, très anciens qui l’ont connu tout jeune et qui reposent maintenant dans notre cimetière, m’ont raconté les tours qu’il jouait aux autres ici dans le monastère. Mais on l’aimait déjà et on ne s’en offusquait pas. Et petit à petit, lentement, l’Esprit l’a façonné, l’Esprit l’a transformé et transfiguré jusqu’à en faire un pauvre auquel le Royaume de Dieu était déjà donné dès maintenant.

 

            Nous venons d’entendre l’Apôtre nous dire que le dernier ennemi que le Christ détruirait serait la mort. Il s’agit bien sûr de la mort spirituelle, de cette mort qui pourrait à jamais nous séparer et de Dieu, et des autres. Cela c’est l’enfer : être prisonnier de son esseulement et sans cesse étouffer sans pouvoir y échapper. C’est cette mort-là qui sera pour jamais détruite. Nous y échappons dès maintenant quand nous laissons l’amour transfigurer notre vie.

            Tel est le programme que le frère Gérard nous propose. Au moment oµ il s’est séparé corporellement de nous, mais jamais spirituellement. Il a poussé … ? … mesure, il a poussé la charité jusqu’à un degré héroïque. Eh bien, il nous a précédé et, de tout notre cœur à notre tour, osons répondre oui à ce programme que nous propose le Seigneur Jésus.

 

            Il est une personne à laquelle le frère Gérard avait donné toute sa confiance et qui l’a beaucoup aidé au cours de son cheminement. C’est la Vierge Marie, cette créature toute simple , toute pauvre, cette créature qui n’avait rien au niveau des hommes pour être attirante, mais qui au regard de Dieu pour jamais était la plus belle de toutes les créatures.

            Eh bien à notre tour, confions-nous à elle car elle est devenue notre mère. Elle est bien réellement notre mère. Et si nous lui ouvrons notre cœur comme à une véritable mère, elle nous conduira jusqu’où elle a conduit le frère Gérard, là où nous devons aller puisque nous sommes des chrétiens, puisque nous sommes des hommes aimés de Dieu et frères du Christ.

 

                                                                                   Amen.

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Table des matières

5. Aux Funérailles. 1

Homélie aux funérailles du Père Damien.         26.02.79. 1

Veillée pour le frère Bernardin.                   06.10.81. 2

Homélie : Funérailles de Frère Bernardin.       07.10.81. 4

Homélie aux funérailles du Père Albert.          04.01.83. 5

Veillée pour le frère André.                       24.02.84. 5

Homélie aux funérailles de frère André.         25.02.84. 7

Homélie : Eucharistie pour Victor Bauwens.      24.09.84. 8

Pourquoi toute cette souffrance ?. 8

Homélie : Funérailles de Père Ambroise.         03.09.86. 9

Homélie : Funérailles de Frère Jules.            24.01.87. 11

Homélie : Funérailles du Frère Paul.              07.07.89. 12

Homélie : Funérailles de Frère François.         19.02.90. 13

Homélie : Funérailles de Fr. Bonaventure        06.10.92. 14

Homélie : Funérailles de frère Bernard.         21.11.92. 16

Homélie : Funérailles de Frère Bruno            24.02.95. 17

Il est le chemin, la vérité et la vie. 17

Homélie aux funérailles de Frère Benoît.        18.04.95. 19

Une faveur de Dieu. 19

Homélie : Funérailles de Frère Julien.          03.06.97. 20

S’attacher au Seigneur ! 20

Homélie : Funérailles du Fr. Ghislain.            12.06.89. 22

Homélie : Funérailles de Père Ambroise.         03.09.86. 24

Homélie : Funérailles de frère Gérard.         28.11.96*. 27

Le jour de notre définitive naissance ! 27