Les Dimanches Ordinaires

 

 

Homélie : 2° dim. B.                             20.01.85*

 

      Etre appelé par notre vrai nom.

­

Mes frères,

 

Si nous voulons pénétrer dans les arcanes de la Parole de Dieu, en explorer les recoins les plus secrets, nous devons tenir en main une lampe allumée. Et cette lampe, c'est la résurrection du Christ Jésus notre Seigneur.

Les Apôtres, en effet, nous ont présenté la vie, l'enseignement, la personne du Christ sous le choc et dans la lumière de cet événement extraordinaire, merveilleux, que fut la résurrection de cet homme avec lequel ils avaient passé tant d'années, vécu de si prodigieuses aventures.

Mes frères, ne l'oublions pas, le christianisme, ce n'est pas un système idéologique, ce n'est pas un code de morale personnel ou social. Le christianisme est une personne vivante, rayonnante, présente, celle du Christ ressuscité d'entre les morts. Certes, nous ne pouvons pas imaginer ni même concevoir ce que représente réellement cette résurrection. Mais au fond de nous, nous le pressentons. Car cette même puissance agit déjà et exerce jusque dans notre corps sa puissance de transfiguration.

 

Et cette personne du Christ ressuscité, elle domine l'histoire. C'est déjà elle qui, mystiquement, sous le couvert de l'obscurité, appelait le petit Samuel. Et nous admirons chez cet enfant la promptitude de la réponse, l'élan qui le porte de tout son être vers la voix qui énonce son nom.

Ah mes frères, être appelé par Dieu selon son nom, le nom nouveau qui est nous dans notre beauté ! Il me semble entendre Saint Benoît nous dire que cette obéissance empressée, généreuse, aimante, est l'âme, la passion qui possède son disciple. Et nous trouvons le même réflexe chez les Apôtres. Ils voient, ils entendent, ils suivent. Et jamais, ils ne sont revenus sur ce premier mouvement.

Il y a là quelque chose de déroutant, d'étrange, de mystérieux ; ça ne relève pas de la logique humaine. Mais ces hommes avaient vu dans la personne du Christ déjà une lueur, une lumière qui les frappait et qui les attirait, qui les attachait indissolublement à la personne du Christ. Et cette lumière, c'était déjà la résurrection qui travaillait le corps, l'âme et l'esprit de cet homme Jésus. Ils sentaient, ces Apôtres, que là se trouvait l'origine et la fin de tout.

 

Et Pierre, celui sur lequel tout allait se construire, dira un jour à son Rabbi : Mais où irions-nous maintenant que nous te connaissons ? C'est toi qui as les paroles de la vie éternelle. Pierre aussi savait déjà confusément, mais avec une certitude qui ne trompe pas, que lui, uni à ce Christ, participerait à un événement qui ne pourrait être que cette résurrection d'entre les morts.

Mes frères, l'Apôtre Paul, qui a fait la même expérience, nous a dit que nous étions destinés à devenir un seul esprit, et même un seul corps avec le Christ ressuscité. C'est là notre destinée à tous. Et nous comprenons ainsi que nous sommes de race noble, de race divine. C'est la propre vie du Christ, c'est la propre vie de Dieu qui circule en nous. Et nous devons nous conduire en conséquence. Il ne nous est pas permis d'appartenir à quelqu'un d'autre qu'à lui.

Mes frères, nous allons permettre à cette force de la résurrection de nous travailler. Nous laisserons grandir en nous notre foi jusqu'à ce qu'elle s'illumine et commence à capter cette lumière du Christ ressuscité dans laquelle se trouve l'avant-goût de la vie éternelle et la certitude que nous vivrons avec lui déjà dès maintenant et pour l'éternité.

                                                                                        Amen.

 

Homélie: 2° dim. B.                               17.01.88

      1S 3,3b-10.19    1Co 6,13b-15a.17-20    Jn 1,14a.12a

 

Mes frères,

 

La Liturgie délivre sans cesse des messages à notre adresse. Sa voix, qui est la voix même du Christ, ne cesse de retentir à nos oreilles, la nuit comme le jour. Avons-nous, dès que nous l'apercevons, la réaction spontanée, confiante du petit Samuel ? Mais peut-être, cette voix, ne la connaissons-­nous pas encore ? Ou bien, peut-être ne sommes-nous pas des enfants ?

 

Cette voix nous dit que pour entrer dans le Royaume de Dieu, dans ce Royaume où la voix sans cesse module les chants les plus beaux, il faut d'abord redevenir un petit enfant.

Cette voix, dès qu'elle retentit dans notre monde, quand elle retentit à travers notre liturgie, elle brise la carapace des apparences superficielles pour nous révéler le cœur du réel, sa face d'éternité à laquelle nous sommes mystérieusement accordés.

Parfois cela nous fait peur, car la révélation de Dieu et de son univers, lorsqu'elle se produit maintenant, elle nous invite à la conversion, elle nous invite à retourner en arrière ou, plutôt à aller vers l'avant à l'intérieur de ce que Dieu nous demande, afin que nous retrouvions notre véritable jeunesse, que nous soyons à nouveau de petits enfants.

Voyez ce que cette Parole nous dit ce matin : Un homme se promène dans la foule le long du Jourdain. Rien ne le distingue des autres sauf sa réserve, sa dignité, la limpidité de ses yeux. Un seul pourtant le reconnaît, c'est Jean le baptiste. Jean le Prophète au regard si pur, tellement pur qu'il voit derrière la chair de cet homme une présence, celle-là même du Fils de Dieu.

Et il peut dire tout haut : Voilà l'Agneau de Dieu. C'est lui qui porte et qui enlève le péché du monde. Il est plus qu'un homme, il est le Fils de Dieu. Il est Dieu lui-même avec nous, parmi nous. Non pas pour nous écraser, mais pour nous délivrer, nous libérer, nous sauver, nous donner sa propre vie.

Et instantanément, toute l'Histoire d'Israël resurgit, toute l'Histoire du monde depuis l'origine avec ses péchés, avec ses malheurs, mais aussi avec ses espoirs. Et deux disciples de Jean entendent. Jean avait pourtant une multitude de disciples, mais parmi eux, deux seulement entendent !

 

Ils suivent celui que Jean a désigné comme l'Agneau de Dieu. Ils suivent parce qu'ils croient. Les premiers maillons se soudent, les premiers maillons d'une chaîne qui n'aura pas de bout. Un sommet est atteint, un tournant est pris dans l'Histoire. Ce ne sera jamais plus comme avant.

Et nous, mes frères, l'homme que nous rencontrons sur notre route, le frère avec lequel nous vivons, voyons-nous en eux le Temple de l'Esprit, le Temple de Dieu ? Sommes-nous en admiration devant eux ? Sommes-nous prêts à donner notre vie pour eux ?

Membre du Christ, demeure du Christ, Temple de l'Esprit, voilà leur réel d'éternité, voilà leur vérité dans sa beauté. Si nous sommes de vrais contemplatifs, c'est ce que nous voyons dans chacun des hommes qui croisent notre route.

 

Aujourd'hui encore, mes frères, vous le voyez, la Parole de Dieu nous secoue. Elle essaye de nous ouvrir les yeux. Dans quelques instants nous allons monter vers l'autel où le Christ se donnera à nous une fois encore. Il prendra sur lui tout ce que nous sommes, notre misère, notre faiblesse, et il va tout revêtir de sa force, sa force qui est dénuement suprême, car il va nous vider de nous pour prendre notre place et nous entraîner dans son amour à Lui. Nous ne vivrons plus pour nous, nous vivrons pour lui et nous vivrons pour les autres.

Mes frères, lorsque nous descendrons de l'autel, nous emporterons une espérance, une certitude, celle-là même que je viens d'évoquer. Nous appartenons à Dieu, nous appartenons aux autres. Nous sommes membres d'un seul Corps, nous sommes membres les uns des autres. Notre destin est lié, nous sommes solidaires, nous sommes en communion.

Et devenant ainsi tous ensembles un seul esprit, nous deviendrons non seulement personnellement mais tous ensembles, un Temple de Dieu. Et il y aura une présence de Dieu, une présence de la Rédemption sur notre terre.

 

Voilà, mes frères, notre idéal chrétien, notre idéal monastique, ce pourquoi nous avons été appelés à cette vie par notre baptême, par notre consécration. Essayons d'y demeurer fidèles et ouvrons notre cœur tout grand à une confiance d'enfant, que nous puissions dire comme le petit Samuel : Tu m'as appelé, voilà, que veux-tu de moi ?

                                                                                                       Amen.

 

 

Homélie : 4° dim.A.                                01.02.81       

      Les Béatitudes, la chartre fondamentale de notre vie.

               Sophonie 2,3 ; 3,12-13 * 1Co 1,26-31 * Mt 5,1-12

 

Mes frères,

 

Les Paroles de Béatitudes sorties de la bouche du Christ, et l'illustration que nous en a donné l'Apôtre Paul nous laisse pressentir, si nous voulons être attentifs et sincères, une hérésie qui serpente au fond de notre cœur. Cette hérésie est la première en date, la plus terrible, la plus pernicieuse. Il s'en est fallu d'un rien pour que l'Eglise en fut pervertie et peut-être blessée à mort ?

Si elle a été muselée, c'est en bonne partie à cause de la présence silencieuse, parfois turbulente, toujours scandaleuse de la gens monastique dont la vie s'opposait radicalement aux prétentions des hérésiarques.       Et cette hérésie, c'est l'arianisme qui nie la divinité du Seigneur Jésus. Des ariens affichés, il ne s'en trouve peut-être plus aujourd'hui ? Mais ne sommes-nous pas peut-être encore plus ou moins infectés dans les replis de notre conduite ? Comment le savoir ? C'est très simple !

Il suffit de nous poser une question : Les Béatitudes proclamées par le Christ, sont-elles la charte fondamentale de notre vie ? Comme le demande l'Apôtre Paul : est-ce un honneur pour nous d'être des fous, des faibles, des riens au jugement du monde ? Si nous pouvons répondre par l'affirmative, alors l'arianisme n'a pas de place en nous.

 

Seul en effet le Christ, à condition qu'il soit Dieu, a le droit de jeter bas d'un coup tout ce qui fait l'orgueil et la joie des hommes, à savoir : la puissance, la richesse, la gloire, le prestige, les plaisirs, et proposer sa personne à lui, Jésus. En unique objectif le partage de sa vie, de sa nature divine avec, je le répète, en contrepartie un dénuement absolu de tout ce qui éveille le halètement du désir chez les hommes, et qui mobilise la fleur de leurs énergies.

Mes frères, aujourd'hui le Christ nous soumet à une épreuve de vérité. Prenons chacune de ses paroles : Heureux les pauvres - ­Heureux les doux - Heureux ceux qui pleurent - Heureux les miséricordieux - Heureux les purs - Heureux ceux qui souffrent...

Chacune de ces Paroles, dressons-la en face de nous et voyons si notre vie en est le miroir fidèle,  et si au contraire nous ne sommes pas un bloc opaque, inerte, étranger ?

Et nous voyons au premier coup d'œil si le Christ est vraiment pour nous le Dieu que nous suivons avec une totale confiance jusque dans l'humainement absurde, ou bien s'il est seulement un homme, rien qu'un homme, pas plus, auquel nous prêtons une oreille distraite ?

 

Mes frères, cette épreuve de vérité, n'ayons pas peur de la subir ! Les visionnaires de l'Ancienne Alliance pressentaient qui était Dieu. Le Prophète Sophonie vient de nous le redire : le Dieu qui se plait uniquement en compagnie des humbles, des pauvres, des laissés pour rien. L'Apôtre Paul n'a jamais fait que crier qui était le Christ ! Et le Christ lui-même se présente à nous dans l'abrupt de ses Paroles et de son être divin. Nos ancêtres dans la vie monastique ont cru. Ils n'étaient pas des ariens.

Mes frères, nous refuserons de l'être. Et nous le refuserons en conformant notre vie le plus parfaitement possible à ce que le Christ notre Dieu nous propose aujourd'hui. Et ainsi, partageant ce que lui-même a vécu, en le suivant s'il le faut jusqu'à la croix, nous sommes certains de pouvoir un jour partager sa vie à jamais.

                                                                                                                  Amen.

 

Homélie : 5° dim.B.                                07.02.82

      Le souci des autres.

 

Job, mes frères, le connaissons-nous ? L'avons-nous déjà rencontré ? Avons-nous vu sa photo quelque part ? Les nuits de cauchemar, une vie dépourvue de tout espoir, n'est-ce pas le sort d'une bonne partie de l'humanité aujourd'hui ? Et je ne pense pas seulement au lamentable cortège des populations privées du minimum vital. Je pense aussi à ces misères sans nom que nous côtoyons peut-être chaque jour.

Elles se trahissent dans le regard. Elle se signale par la démarche. Mais avons-nous des yeux ? Notre cœur a-t-il des yeux pour voir, pour remarquer ? Ou bien se dissimule-t-il prudemment derrière la graisse de son bien-être ?

Mes frères, le souci des autres devrait nous dévorer, être notre tourment constant, ne nous laisser aucun repos. Il n'est pas possible de goûter un vrai bonheur sans être jeter hors de soi pour le partager avec les autres. Attention à cette illusoire béatitude qui nous enfermerait en nous-mêmes! Le réveil pourrait être terrible !

 

Comme Pierre, nous devons nous faire tout à tous, aller aux autres, surtout aux plus démunis. Etre les serviteurs des plus humbles, des plus faibles. Ne plus vivre pour nous-mêmes mais vivre pour les autres. Ce décentrement est paradoxalement la source d'une paix qui dépasse tout sentiment et l'origine d'un salut contagieux comme une épidémie.

L'annonce de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ, la Bonne Nouvelle d'un amour qui serait le partage de tous les hommes, n'est-ce pas la nécessité de l'heure ? Si on se méfie des paroles, on ne résiste pas aux gestes d'amour. Et cette Bonne Nouvelle, elle doit se révéler dans une vie donnée.

Les gestes d'amour sont habités par l'Esprit de Dieu. Et à l'Esprit de Dieu il n'est pas possible de présenter, d'opposer une résistance qui dure longtemps ; cet Esprit qui reposait sur la Personne du Christ, qui lui donnait d'opérer des miracles et qui lui a insufflé la force d'aimer jusqu'au bout, jusqu'à en mourir.

 

Mes frères, des hommes meurent physiquement, psychiquement, spirituellement faute de n'être pas aimés et pis encore, de ne pas aimer. Le non-amour, c'est la mort et l'enfer. Le Christ n'est pas indifférent à la souffrance, au spectacle de la souffrance, pas plus aujourd'hui qu'il ne l'était au jour de son existence terrestre. Mais voilà, aujourd'hui, il désire que ses sentiments de compassion se révèlent, se manifestent à travers notre cœur.

Si nous répondons à son attente, alors nous signons la vérité du nom que nous portons, le beau nom de chrétien. Et nous élargissons les frontières du Royaume de Dieu, de ce Royaume de justice et d'amour. Ce message, mes frères, le Christ nous le transmet aujourd'hui. Il le fait avec la confiance qui l'habite. Il connaît notre faiblesse. Il a pris la mesure de notre lâcheté. Mais malgré tout, il nous confie cette mission.

Immergé dans l'Eucharistie et possédant en nous-mêmes sa vie à lui, nous aurons le courage de répondre par un acquiescement généreux.

 

                                                                                                         Amen.

 

Homélie : 5° dim. C.                              06.02.83

      Témoin du Christ.

               Is. 6, 1-8  *  1Co. 15, 1-11  *  Lc. 5, 1-11

 

Mes frères,

 

Que ce soit Isaïe, Paul ou Pierre et ses compagnons, il est question d'appel, de message à transmettre, de mission à assumer. On voit Dieu. On l'entend. On ne peut plus se séparer de Lui. On n'a plus au cœur qu'un désir, qu'une passion : s'attacher inconditionnellement à son vouloir, le suivre partout où Il voudra. La découverte de Dieu en lui-même dans la Personne du Christ Jésus produit un ébranlement qui bouleverse tout une existence. On appelle cela la conversion. Un homme nouveau naît de l'ancien.

Et c'est fini de la banalité du quotidien. Le Christ Dieu devenu homme, le Christ Rédempteur et Créateur est vu agissant partout et toujours. Il est contemplé attendant, suscitant la collaboration d'ouvriers qu'il a tout spécialement choisis et formés. C'est là l'Opus Divinum, cette œuvre grandiose que Dieu a conçue dès avant l'éternité et qu'il conduit avec persévérance à son exécution.

L'Apôtre Paul nous dit brièvement en quoi elle consiste cette Œuvre. Dieu dans la Personne du Christ entre à l'intérieur du péché des hommes. Il goûte leur mort. Et cette mort, il la vainc en ressuscitant. O, ce n'est pas un retour à la vie, ce n'est pas une régression vers un passé ? Non, c'est un bon en avant vers une vie autre, nouvelle : la vie divine, la vie éternelle incorruptible qui transparaît à travers la chair, la nouvelle chair du Christ.

 

Une ère, oui, absolument nouvelle est ouverte pour l'humanité. Et sa beauté nous est révélée par le même Christ apparaissant à ses amis, à ses frères. Cette métamorphose de l'humanité à partir de la Personne du Christ doit s'étendre comme une saine contagion et refluer jusqu'aux origines du monde. Et les agents propagateurs en sont les transfigurés qui ont vu et qui ont cru.

Comme Isaïe, ils perçoivent la splendeur de la divinité. Et l'impureté de leurs lèvres et de leur cœur est consumée au feu de l'Esprit. Comme l'Apôtre Paul ils sont terrassés par l'aveuglante lumière qui coule du visage du Christ ressuscité. Comme Simon et ses compagnons, ils admirent stupéfaits les merveilles de l'Amour.

 

Mes frères, est-ce que il n'en est déjà pas ainsi quelque peu pour nous ? En germe du moins... Notre vie ne nous appartient plus. Le Christ nous a appelés et nous l'avons suivi abandonnant tout. C'est à notre tour d'être témoins, et un jour, si Dieu le permet, si cela entre dans son projet, de devenir prophète et thaumaturge.

Le champ de notre action, mes frères, c'est l'invisible de Dieu. O, puissions-nous y demeurer fidèle afin que par nous la gloire de Dieu transparaisse, qu'elle s'impose aux regards des hommes et que nous puissions ainsi travailler avec le Christ au salut d'une multitude.

 

                                                                                                           Amen.

 

Homélie : 5° dim. B.                               07.02.88

Jb 7, 1-4.6-7   *   1 Co 9, 16-19.22-23   *   Mc 1, 29-39

 

Mes frères,

 

Le Seigneur Jésus n'était pas une apparence d'homme, une sorte de fantôme mut par la divinité. Non, il était un véritable homme comme vous et moi. Le Pape Jean-Paul II nous l'a rappelé dans une de ses dernières instructions hebdomadaires. Et hier soir encore, nous avons entendu le Cardinal Ratzinger nous le dire.

Il est besoin de le répéter aujourd'hui car la Personne du Christ s'évapore dans l'esprit de certains. On oublie cette incarnation qui définit la réalité de notre vocation d'immortalité. La chair n'est pas faite pour être anéantie. Elle est faite pour être ressuscitée et être transfigurée.

C'est le Seigneur Jésus qui nous apporte cette vérité par son existence même. S'il a voulu devenir homme, connaître tous nos besoins, c'est afin de nous montrer la route et de nous dire l'endroit où il nous attendait.

 

Il a connu toutes nos misères, la faim, la soif, les travaux, la fatigue, les soucis, les nuits de cauchemar comme Job. Il a fait ses journées de mercenaire. Il a aspiré après un peu d'ombre. Il peut donc nous comprendre, nous entendre. Il est venu pour nous sauver, pour nous tirer de tous nos gouffres, pour nous asseoir auprès de lui, chez lui, partageant en tout sa condition de ressuscité.

Mais s'il est un homme véritable, l'homme par excellence, le modèle de ce que nous sommes appelés à devenir, c'est parce qu'il est d'abord Dieu. Quand nous le voyons agir, c'est Dieu qui agit, Dieu qui a quelque chose à nous dire. Il veut nous apporter une bonne nouvelle qui devrait nous soulever d'enthousiasme, bouleverser nos vues, chasser pour jamais de nos cœurs tout penchant mauvais.

Il nous annonce, et il le fait encore aujourd'hui par son Eglise, par ses Apôtres, par ses prophètes, il nous annonce que le Royaume de Dieu est parmi nous. Nos cœurs, nos regards doivent se diriger vers ce Royaume. Et ce Royaume de Dieu, c'est Dieu lui-même dans sa lumière et dans sa paix, c'est le Seigneur Jésus avec son amour, sa bienveillance, son accueil sans limite.

 

Le Royaume de Dieu est une Personne, comme la Paix est une Personne, comme la Lumière est une Personne. Et lorsqu'on a reçu de Dieu la grâce d'être accordé à ce Royaume, donc de le voir, il n'est plus possible que notre vie continue à se détériorer, à s'enliser. Non, elle s'en va, elle est partie, elle est ailleurs. Elle franchit toutes les barrières et elle est là où elle doit aller, c'est à dire en Dieu.

Les miracles que Jésus sème sur ses pas, les maladies qu'il guérit, les possessions diaboliques qu'il anéantit sont des paroles qui ouvrent à d'autres libérations et à d'autres guérisons. Elles sont le signe que Dieu est avec nous, qu'il entend nous métamorphoser, nous engloutir dans sa propre vie.

Longtemps avant l'Apôtre Paul, il s'est fait tout à tous afin de les sauver tous. Il s'est fait l'un de nous pour que nous puissions devenir ce qu'il est.

 

Mes frères, tout le monde courait derrière Jésus, tout le monde cherchait Jésus. Les intentions n'étaient peut-être pas très pures ? Mais ça ne fait rien, il y avait une sorte d'instinct qui guidait les gens, qui leur disait : Là est la vérité, là est l'amour, là est la solution.

Qu'il en soit encore ainsi, du moins pour nous, mes frères. Nous serons alors des apôtres à notre place. Nous serons des petites lumières, des étincelles de ce Royaume de Dieu. Et là où nous serons, cela ne sera jamais plus comme c'était avant. Voilà notre mission, mes frères. Nous allons maintenant chanter notre foi, nous allons dire notre espérance et notre amour.

                                                                                                     Amen.

 

Homélie du 6° dim.B.                              11.02.79

Le lépreux.                             

      Mc 1, 40-45.

 

Mes frères,

 

Comme nous le donne à entendre l'Apôtre Paul, qui est fier d'avoir le Christ comme modèle, le Christ n'a jamais cherché ce qui lui était avantageux, mais bien plutôt ce qui était utile aux autres, aux hommes, à nous.

Pour comprendre cette position du Christ par rapport à lui-même et par rapport aux hommes, nous ne devons jamais oublier qu'il était un homme comme nous, soumis aux multiples besoins, aux multiples sollicitations de la nature humaine.

La tentation a mordu sur son cœur exactement comme elle mord sur le nôtre. Seulement, lui n'a jamais consenti tandis que nous, nous emboîtons si facilement le pas. Le séducteur, le tentateur ne trouvait aucune complicité en lui ; en nous, par contre, il perçoit déjà comme une attente une invitation, un appel.

 

Aujourd'hui, nous rencontrons un lépreux. Il est couvert de plaies, ses vêtements sont en lambeaux, son visage est voilé. Il pousse des cris, il est répugnant, il provoque le dégoût. Il habite dans des lieux déserts en compagnie du démon dont il est devenu la sombre image. De lui ne sort que l'impur, le souillé. Il est exactement le contre-pied de ce que Saint Paul attend du chrétien : faire tout pour la gloire de Dieu, rayonner cette gloire de Dieu et aux regards des hommes être lumière.

Tout ce que touche le chrétien, devrait devenir lumineux, beau, attrayant. Il ne pourrait en être autrement puisque c'est à travers lui que le Christ fait briller sa lumière, cette lumière qui nimbe l'être de Dieu. Mes frères, nous sommes des chrétiens, en est-il ainsi de nous ?

 

Il est extraordinaire ce Jésus qui croise la route du lépreux. Il peut tout se permettre car il n'est que pureté parfaite, pureté telle qu'elle consume sur le champ tout ce qu'elle approche : toute lèpre, tout péché, toute laideur. Il ne peut en être autrement, mes frères, encore une fois, et il est bien regrettable qu'il n'en soit pas de même pour nous. La lumière lorsqu' elle parait, elle troue, elle annule les ténèbres. Ainsi en va-t-il du Christ, ainsi devrait-il en aller des chrétiens.

Dans le texte original, nous voyons un détail qui ne parait pas dans la traduction qui nous est présentée. L'Evangéliste reprend mot pour mot, à propos de Jésus, la prescription qui établit le sort du lépreux : habiter hors du camp, hors de la ville, à l'écart dans un endroit désert. Nous voyons donc Jésus fixer son habitat dans un lieu réservé aux impurs, aux souillés, aux excommuniés, à ceux que la société rejette. Il le fixe dans un endroit qu'habitent les démons.

 

Nous verrons plus tard que les foules qui se précipitent maintenant pour aller chercher Jésus jusque dans ces endroits maudits, nous verrons cette même foule qui plus tard va se précipiter aussi dans les déserts afin d'y rencontrer le Christ et là aussi y affronter l'impureté et le démon. Et les foules les suivent, ce sera le début de la vie monastique.

C'est aussi dans cet épisode de Jésus et du lépreux. Si Jésus n'avait pas fixé sa demeure là où habitait le lépreux, sa route n'aurait pas croisé celle du lépreux. Si Jésus n'avait pas choisi de devenir péché, sa route ne croiserait jamais la nôtre. C'est le prélude de ce qui arrivera un jour : la Vie, qu'il est se laisse engloutir par la mort afin de détruire cette mort par l'intérieur, en la faisant éclater. C'est cette merveille que le lépreux guéri va déjà diffuser partout. C'est cela la Bonne Nouvelle !

 

Mes frères, lorsqu'au contact de Jésus notre cœur souillé sera à son tour guéri de sa lèpre, nous aussi, nous ne pourrons plus nous contenir. Et si vous le permettez, je vais terminer sur un appel, cet appel qui se trouvait sans cesse sur les lèvres des premiers chrétiens, appel qui devrait toujours retentir au fond de notre cœur : Viens Seigneur Jésus, et fait vite !                                                                                                              Amen.

                                                                                                         

 

 

Homélie du 6° Dim.C.                              17.02.80

      Les Béatitudes.  

 

Mes frères,

 

Si nous voulons capter dans sa source le sens de ces Paroles que vient de nous adresser le Christ, le Prophète et l'Apôtre, nous devons par un effort de cet organe surnaturel qu'est la foi nous hisser à la hauteur de la vision qui est celle même de Dieu. Le Christ est Dieu, ne l'oublions pas ! C'est Dieu qui nous parle par sa bouche. C'est lui qui a ouvert les yeux du prophète. C'est lui, c'est sa lumière à lui qui soudainement s'est emparée de Paul aux portes de Damas, et qui lui a découvert le sens ultime de toute chose.

Mes frères, essayons de rester à ce niveau de vision qui est celui même de Dieu ! Alors nous voyons que, en réalité, sous les apparences qui frappent nos sens et qui aiguillonnent notre intellect, tout est déjà joué. Dans le Christ ressuscité, car c'est de cela qu'il s’agit, dans le Christ ressuscité, non seulement l'heure dernière est déjà présente, mais même ce qui vient après. Dans le Christ ressuscité, nous sommes déjà entrés eschatologiquement, mystérieusement, mystiquement, dans la création nouvelle, celle dans laquelle Dieu est tout en toute chose. C'est déjà arrivé, c'est déjà réalisé. La résurrection du Christ, c'est l'irruption du Divin dans l'humain, mais c'es aussi l'assomption de tout l'humain dans le divin.

 

Le résultat, mes frères, c'est que les lois rationnelles qui régissent le comportement purement humain - celui de l'homme psychique ou de l'homme animal, comme dit l'Apôtre - ces lois sont bouleversées, elles sont inversées. Maintenant : Heureux les pauvres ! Heureux les affamés ! Heureux les désolés ! Heureux les persécutés, les méprisés ! Mais malheur aux possédants, malheur aux fêtards ! Malheur aux repus ! Malheur à ceux qu'on félicite et qu'on acclame partout !

Mes frères, voici maintenant les lois qui doivent régir le comportement de l'homme qui veut arriver vite - recto cursu, comme dit Saint Benoît, 73,14, - ­au terme de sa vocation d'homme. Oh, ce n'est pas là un manifeste révolutionnaire, ce n'est pas non plus l'éloge du paupérisme, du misérabilisme ou du dolorisme. Il s’agit de bien autre chose.

C'est une médication choc que le Christ veut nous appliquer, qu'il nous applique d'ailleurs aujourd'hui même pour nous rappeler au réel. Nous nous endormons si facilement dans les délices, ou nous nous révoltons si facilement contre les âpretés de la vie d'aujourd'hui. Mais nous ne voyons pas que derrière les apparences nous sommes déjà entrés là où nous allons, là où nous devrons aller.

 

Et c'est ainsi que la séquence des paradoxes que le Christ vient de nous proposer, elle agit, elle peut agir si nous nous laissons faire, à la façon d'un séisme qui ébranle tout, qui secoue tout. Les prodromes sont déjà perceptibles loin, très loin dans les paroles du Prophète. Mais l'Apôtre Paul qui a vraiment été renversé, même physiquement, par ce séisme, il en situe l'épicentre dans le fait de la résurrection du Christ.

Pour nous aujourd'hui chrétiens, il faut bien le dire avec regrets, presque avec larmes, la résurrection du Christ est un thème théologique, un thème de réflexion mais ça ne pénètre pas notre vie. Que le Christ soit ressuscité ou non, ça ne change rien, dira-t-on ! Si ça change tout ! Mais à condition que nous nous laissions pénétrer par cette force qui vient de la résurrection du Christ, qui nous habite, qui nous travaille et qui veut nous transformer.

 

Mes frères, le moine, c'est un homme qui a reçu de Dieu la grâce, le don, de vivre déjà maintenant dans l'au-delà du temps, dans l'état qui sera celui de l'homme après la résurrection. Il y est transporté par cette puissance de résurrection qui l'habite et qui agit en lui. Et alors, il commence à voir les choses tout autrement. Il se réjouit comme ne se réjouissant pas ! Il pleure comme ne pleurant pas ! Il commerce comme ne commerçant pas ! Il use de ce monde comme n’en usant pas ! Car pour lui la figure, l'apparence de ce monde est déjà en train de passer, elle est déjà passée, il est déjà au-delà.

Mes frères, pouvons-nous nous dire que nous vivons déjà habituellement à ce niveau ? Je pense que ce serait très prétentieux que de l'affirmer ! Mais enfin nous y aspirons et nous savons très bien que nous y allons, que nous y sommes portés, transportés.

 

L'Eucharistie, dans laquelle nous sommes engagés maintenant, elle est la présence invisible mais malgré tout fulgurante de cet au-delà à l'intérieur de notre monde d'hommes. Elle est la présence de Dieu parmi nous. Elle est la présence panifiée, si je puis m'exprimer ainsi, la présence matérialisée du Christ ressuscité parmi nous. Elle est cette force qui agit en nous et qui tantôt va entrer en nous, et va nous prendre en elle pour nous travailler, pour nous transformer, pour nous métamorphoser, pour nous transfigurer.

Si nous pouvions nous ouvrir tellement qu'elle soit mais alors entièrement libre de faire en nous ce qu'elle veut à la sortie de cette Eucharistie ; mais nous serions là où se trouvait l'Apôtre Paul. Et notre vie ne serait plus, à travers toutes les épreuves qui ne nous seraient pas épargnées d'ailleurs, elle ne serait plus déjà que témoignage pour tous nos frères les hommes de cette présence parmi nous de la vie qui nous attend, de notre vie de ressuscité.

L'Apôtre Paul nous le dit bien, mes frères : Si le Christ n'est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. Et d'ailleurs, ceux qui sont hors de l'Eglise et qui voient comment nous vivons, ne se privent pas de nous le rappeler...surtout dans notre Occident ici qui vit trop bien, trop matériellement bien.

 

Mes frères, essayons donc pour notre part, ici, puisque c'est à cela que Dieu nous a appelés, essayons de nous rendre de plus en plus transparent à cette puissance de lumière qui vient du Christ, ici parmi nous, qui va entrer en nous dans l'Eucharistie et qui va nous prendre en Lui pour que nous soyons chacun dans notre milieu, chacun pour nos frères, pour tous ceux que nous rencontrerons, que nous soyons les témoins de ce que Dieu veut faire, de ce qu'il a préparé pour chacun d'entre nous.

                                                                                                                        Amen.

 

 

 

Homélie : 6° Dim. B.                             17.02.85

 

      Notre lèpre ?

 

Mes frères,

         

Ne sommes-nous pas tous des lépreux ? Pour nous en convaincre, il suffit de nous regarder sans complaisance. Nous devrions tous être pure lumière, resplendissement de la beauté de Dieu. Ne sommes-nous pas créés à son image ? Lorsqu'on nous voit, ne devrait-on pas reconnaître Dieu ? Pouvons-nous, chacun, faire nôtre cette parole de l’Apôtre Paul : Prenez modèle sur moi, mon modèle à moi, c'est le Christ.

 

Mes frères, entre ce que Dieu voit de nous dans son projet et ce que nous sommes dans notre vie concrète, il y a une disharmonie, un déséquilibre. Et c'est là notre lèpre. Nous vivons en portant au fond de notre être la blessure de notre péché, de ce péché. Mais il y a en même temps un besoin immense, lancinant de guérison.

Or, un seul peut nous guérir, un seul peut nous rendre notre pureté première. C'est Dieu, lui qui nous a créés et qui est capable de nous créer à nouveau. Et Dieu a voulu devenir homme comme nous afin d’avoir des mains et de pouvoir nous toucher. Il est nécessaire en effet, pour que nous puissions recouvrer notre beauté originelle, d'un attouchement divin.

O, il est quasi imperceptible tellement il est doux, mais il est indispensable, et il est bien réel. C'est la main du Christ ressuscité qui nous touche spirituellement et physiquement. C'est un spirituel incarné, transfiguré, comme tout ce que fait le Christ aujourd'hui. Et le contact entre la main du Christ et notre chair malade, il se fait à l'intérieur de ce qu'on appelle l'obéissance.

 

C'est pourquoi notre obéissance, si elle était confiante, entière, s'il y avait en nous un abandon parfait à cet attouchement divin, nous recouvririons instantanément la pureté de notre cœur. Mais Dieu ne veut pas nous guérir sans nous. Si bien que notre guérison, la restitution de l'image divine en nous, elle dépend de la qualité de notre obéissance.

Mes frères, le contact avec la réalité divine, l'attouchement de la main du Christ, il devient incandescent à l'intérieur de l'Eucharistie. Nous devons le savoir et nous devons l'accepter.

Mes frères, notre avenir repose entre nos mains. Ayons donc la lucidité de choisir ce qui nous convient, de croire en cet amour de Dieu pour nous, en cette volonté de Dieu qui veut positivement nous guérir.

 

Et si nous pouvons ainsi avec une confiance nouvelle, nous abandonner à son vouloir, nous accepter d'abord tel que nous sommes avec notre lèpre, à ce moment-là nous pourrons nous rendre vers Lui et Il pourra déployer en nous sa puissance et son amour.

Mes frères, son bras n'est pas trop court aujourd'hui. Sa main est toujours là. Elle nous touche. Laissons-nous travailler par elle, et notre santé et notre vie seront pour nous à jamais.

                                                                                                  Amen.

 

 

Homélie : 6° dim. A.                               15.02.87

      La Sagesse nouvelle.

               Si 15, 15-20 * 1Co 2, 6-10 * Mt 5, 17-37.

              

Mes frères,

 

Voici bien la Sagesse nouvelle. Le Christ nous la rappelle. Ses paroles sont catégoriques. Elles ne souffrent aucune réplique. Il attend de nous que nous soyons purifiés à la racine de notre être, que nous soyons métamorphosés en fils de Dieu vivant et agissant en tout et partout comme leur père qui est amour, lumière, gratuité, sécurité. Il nous propose cette Sagesse.

 

Et pour que nous puissions en devenir possesseurs, il met à notre disposition sa Loi, c'est à dire tous les actes concrets qui tapissent notre journée et qui sont réponses à ses offres, à sa volonté. Et ces actes nous introduisent dans l'être même de Dieu. Cet être de Dieu prend possession de nous. Il nous élève. Il nous transforme. Il nous revêt de cette Sagesse que le monde ne peut comprendre, que le monde dans sa carnalité ne peut recevoir. Il ne la soupçonne même pas.

Et nous pouvons descendre dans notre agir jusqu'aux touches les plus délicates de notre sentiment. Tout doit venir du fond de notre cœur. Rien ne peut être formalisme extérieur qui nous donnerait une conscience en réalité fausse.

Cette vigilance sur nous-mêmes n'est possible que si notre cœur est déjà par le désir, par l'espérance, aux près de Dieu, hors de ce monde de convoitises, de cupidités, de susceptibilités. Comme nous le dit le Siracide, Dieu a placé devant nous l'eau et le feu, la vie et la mort. A nous de choisir, à nous de tendre la main et de prendre, de saisir ce qui nous plait.

 

Mes frères, il faut du courage, un grand courage pour se dégager de toute sagesse mondaine, pour se dire qu'il existe un au-delà de ce que les yeux voient, de ce que les oreilles entendent, de ce que le cœur imagine, pour s'abandonner à l'Esprit, pour tout lâcher et se lancer dans le vide d'une errance humainement folle. Mais au terme, car il y a un terme, au terme c'est la résurrection en Dieu et la vie incorruptible.

Le Christ nous donne quelques exemples du radicalisme exigé de nous. Il aurait pu les multiplier, mais ce n'est pas nécessaire. Nous avons compris que nous devons agir, que nous devons vivre comme lui, que c'est son Esprit qui doit triompher en nous.

Allons-nous, mes frères, opter pour cette Sagesse nouvelle et paraître sots aux yeux du monde ? Eh bien nous le ferons. Notre présence ici en cette eucharistie est déjà un acquiescement à tout ce que le Christ nous propose. Nous le ferons. Nous choisirons d'être au côté du Christ, de la Vierge Marie, des Saints dans le Royaume qui est à notre portée, dans le Royaume où la volonté de Dieu nous introduit déjà, le Royaume qui est lumineux de cette Sagesse nouvelle.

                                                                                                                             Amen.

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Homélie : 8° dimanche. A.                        25.02.90

               Evangile : Mt 6, 24-34.

 

Mes frères,

 

Le Seigneur Jésus n'entend pas nous recommander l'insouciance, l'imprévoyance, l'imprudence. Il sait que les hommes ont besoin de sécurités matérielles et psychologiques. Il a été, il est encore un homme véritable, sainement équilibré et non pas une espèce de bohème désincarné.

Comme nous, il a dû travailler, organiser, planifier, prévoir. Ce qu'il nous demande aujourd'hui, c'est d'opérer un choix, de faire le bon choix. D'un côté il y a Dieu qui est amour, et de l'autre côté il y a l'argent qui est un monstre et un ogre.

Impossible de servir les deux en même temps. Pourquoi ? Nous allons le voir. Il faut se décider. De notre choix dépend la qualité de notre vie et notre avenir d'éternité.

 

Choisir Dieu, c'est entrer dans son amour, c'est construire son existence sur lui, sur l'amour qu'il est. Cela suppose chez l'homme une attitude de foi, de confiance, d'ouverture, de remise de soi et d'accueil. Cela suppose un regard limpide, un cœur bien né, une certaine audace qui s'appelle la foi.

Nous devons donner la priorité à un autre qui est Dieu ou qui est le frère en qui est Dieu. Nous devons nous prêter à un décentrement, à une sorte d'extase qui dilate notre être, notre cœur à l'infini. C'est cela, mes frères, construire sa vie sur Dieu qui est amour. En fait, on vit à la manière de Dieu et on entre dans son Royaume. Et Dieu qui est tout à la fois et Père et Mère, comble son bien-aimé quand il dort.

 

Mais choisir l'argent, c'est construire son existence sur l'égocentrisme. En pratique, on nie la présence de Dieu, on nie son existence, on nie son amour, on nie l'Amour. En fait, on ne se confie qu'à soi-même.

On a confiance uniquement en soi, en son intelligence, en son ingéniosité, en son astuce. Et l'autre n'est plus un frère, il est un concurrent quand il ne devient pas un adversaire ou un ennemi.

On vit retranché en soi comme dans une forteresse. Et tout au fond, on est habité par la peur. Le monde n'est plus un lieu de rencontre et d'amitié, il n'est plus un jardin où on converse avec Dieu, il devient un terrain de conflit, de rivalité, de guerre et de haine. Et finalement l'air devient irrespirable. On s'asphyxie, on se ronge, on ne vit plus.

 

Mes frères, le Christ Jésus nous conseille de nous ouvrir à l'amour qui est Dieu. Il nous conseille de nous arracher à la séduction de fausses richesses qui ne procurent qu'une sécurité illusoire. Mais pour ne pas nous décourager, il le fait sur un mode paradoxal et plaisant mais sérieux tout de même.

Si nous l'écoutions, mes frères, notre terre deviendrait vite un espace, l'espace de son Royaume à Lui, et tous les hommes seraient heureux. Puisse l'oreille de notre cœur s'ouvrir largement à sa Parole !        

                                                                                                Amen.

 

Homélie : 9° dimanche. C.                                 04.06.89

Nous sommes des païens convertis.

       1R 8, 41-43 * Ga 1, 1-2.6-10 * Lc 7, 1-10

 

Mes frères,

 

Le centurion de l'armée romaine était un étranger. Il était un ennemi aux yeux des purs d'Israël. Il n'a pas saisi l'occasion de la maladie de son esclave pour s'approcher de Jésus, pour le voir, pour lui parler. Mais sa foi, son amour sincère, total, a obtenu le miracle.

A l'autre extrémité, voyons le roi Hérode qui brûle d'envie de voir le Seigneur. Et il l'a soudain devant lui, enchaîné. Il fait tout ce qu'il peut pour obtenir un miracle et n'obtient pas même une parole, pas même un regard.

Mes frères, le contraste est saisissant. Rappelons-nous que nous-mêmes, nous sommes des païens convertis. Nous ne sommes pas du peuple d'Israël. Nous avons été greffés sur la souche sainte de ce peuple. Et maintenant nous recevons la vie divine à travers notre Christ qui lui-même est le fleuron de la race d'Israël.

 

Nous savons aujourd'hui que le temple dans lequel le Seigneur attend d'être rencontré, d'être prié, d'être contemplé, c'est le corps du Seigneur Jésus, ce corps que les hommes ont tenté de détruire mais que son Père a ressuscité d'entre les morts. Dieu veut nous dire par là aujourd'hui que tous les hommes sont appelés à le connaître, tous sont invités à entrer en relation avec lui, tous sans aucune exception. N'allons pas ici doser des mérites.

Des mérites, nous n'en avons pas. Devant Dieu, nous sommes tous des pécheurs. Et pourtant Il est amour et il n'est pas loin de chacun d'entre nous. C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être. Et à tous, il offre son amour et la communion à sa propre vie. Voilà le cœur de la Bonne Nouvelle : nous sommes appelés à réaliser notre destinée d'homme en devenant des fils de Dieu.

Mais alors, pourquoi tant de misères, tant de crimes, tant de souffrances dans notre monde ? Parce que nous ne parvenons pas à nous dégager de l'animalité. En d'autres termes, nous restons des idolâtres invétérés. Rappelons-nous que nous sommes originellement des païens et une bonne partie de notre être l'est resté.

 

Nous n'en finissons pas de nous convertir des images et des apparences à la réalité, de l'égoïsme à la charité. Le malheur vient de ce que chacun vit pour soi. Nous sacrifions tout à l'idole de notre moi et nous en devenons aveugles, sourds et paralysés.

La délivrance se trouve dans la décrispation, dans le décentrement. Ce mouvement de nature extatique se nomme la foi. Elle est une remise de soi à un autre qui est Dieu, Dieu présent dans la personne de son Fils Jésus, le Christ ressuscité d'entre les morts.

Cette remise de soi dans la confiance fut le geste du centurion romain, un geste de salut, et pour son esclave, et pour lui-même et pour toute sa maison, et Dieu sait, pour nous peut-être encore aujourd'hui. Mais ce geste, il ne suffit pas de le poser une fois, il faut aussi le maintenir, il faut y persévérer.

 

Les Galates, qui étaient aussi des païens, eux, mais fraîchement convertis, avaient accueilli la Bonne Nouvelle avec enthousiasme. Mais la chair avait été la plus forte et ils regardaient avec envie vers le plus sensible, vers le plus commode, vers le plus facile. Il faut sans cesse lutter contre la tentation du repliement sur soi.

Mes frères, dans un monde en voie de paganisation croissante, on dirait qu'il s'opère un mouvement de retour, un mouvement de reflux vers l'arrière. Dans ce monde, le rôle du chrétien est de dire par toute sa conduite que l'avenir se trouve dans la personne du Seigneur Jésus ressuscité. Et pour cela, il nous suffit d'aimer vraiment en actes, en paroles, en pensées.

Tout commence dans le cœur, dans la pensée, dans le regard que nous posons sur les autres, sur les événements, sur les situations. Il suffit de mettre en œuvre tout simplement notre foi et cela humblement, sans étalage, sans forfanterie.

Et dans ces conditions, nous serons ce que nos frères les hommes attendent de nous. Nous serons pour eux, devant eux, une lueur d'espérance.      

                                                                                                                 Amen.

 

Homélie : 11° dimanche ordinaire – B.           12.06.88

Ez. 17, 22-24  *  2 Co. 5, 6-10  *  Mc. 4, 26-34

 

Mes frères,

 

Jésus nous rappelle que le Royaume de Dieu est le fruit en nous et autour de nous d'une longue, d'une patiente maturation. Il est une réalité omniprésente dont la perception hélas bien souvent, trop souvent, nous échappe.

Pour le découvrir, pour le voir, il faut avoir reçu des yeux nouveaux, des yeux de lumière adaptés à sa beauté. Le Royaume de Dieu n'est pas une chose, il est une Personne avec laquelle il nous est proposé d'entrer en communion. C'est la Personne de notre Dieu qui est amour.

Cette Personne prend possession de nous humblement, avec un respect infini. Elle n'attend de nous qu'une seule réponse, un accueil : nous laisser aimer, accepter de devenir autres, renoncer à toutes formes de possession, d'égoïsme.

 

Mais en attendant, le péché nous maintient en exil. Mais nous savons qu'une force nous travaille. L'énergie divine, celle même de l'amour agit en nous nuit et jour. Sa puissance est irrésistible et elle aura finalement raison de nos résistances, de nos peurs, de nos fautes.

L'idéal, naturellement, est de collaborer avec elle, d'entrer dans son mouvement, de se laisser emporter, de se laisser porter par elle. Ce travail confiant devrait être notre seule ambition : plaire au Seigneur, comme dit Saint Paul, entrer dans ses moindres vouloirs qui sont tous accroissements de vie.

 

Mes frères, si nous voulons être attentifs, nous remarquerons que la création toute entière est une immense Parabole qui nous répète sans fin que Dieu est amour, qui nous invite inlassablement à entrer dans un projet qui est résurrection et transfiguration.

Si seulement nous pouvions le comprendre! Mais nous sommes trop souvent distraits. Nous nous arrêtons à l'épiderme. Nous ne pénétrons pas au cœur des choses, et nous ne rencontrons pas le Logos de Dieu, le Verbe de Dieu qui est là présent, qui crée, qui agit et qui fait tout pour nous qui sommes la fleur de sa création.

Certes, il y a encore bien des laideurs et bien des horreurs dans cette création. Mais reconnaissons-le humblement : si le monde est à ce point défiguré, c'est à cause de notre malice. Nous nous comportons comme des êtres autosuffisants, comme de petits tyrans.

 

O, si nous pouvions nous oublier, nous perdre tout à fait dans le cœur des autres! A ce moment-là, la création retrouverait sa splendeur et les moindres choses pourraient librement chanter la gloire de leur Créateur. Mais d'abord, nous devons permettre à Dieu, permettre au Christ, permettre à l'Esprit Saint de remettre de l'ordre en nous afin que finalement la beauté soit partout seule souveraine.

Mes frères, efforçons-nous donc dans toute la mesure du possible d'être témoins fidèles de cet amour par une conduite inspirée de lui. O, je sais que ce n'est pas facile. Nous sommes tellement fragiles. Nous trébuchons sur le moindre petit caillou. Mais notre Dieu est miséricorde. C'est peut-être là le plus beau nom de son amour. Il a voulu revêtir notre nature pour en prendre sa vraie mesure et pour savoir qu'il n'est pas tellement simple d'être un homme.

 

Mais si vraiment, sincèrement, en dépit de notre faiblesse, nous nous ouvrons à Dieu, nous nous ouvrons à son amour, à ce moment-là le Royaume de Dieu apparaîtra au regard des hommes pour ce qu'il est vraiment, et les hommes seront silencieusement interpellés.

Tant d'hommes aujourd'hui sont dans l'ignorance des choses de Dieu. Puissent-ils découvrir en nous, en nous regardant, en vivant à nos côtés, un appel et une promesse.

                                                                                                      Amen.

 

Homélie : 12° dimanche de l’année B.                                19.06.94.

      Une créature nouvelle ?

          

            Jb 38, 1...11 * Co 5, 14-17 * Mc 4, 35-41

 

 

Frères et sœurs,

 

            Soyons sur nos gardes, ne nous endormons pas ! N’allons pas imaginer qu’à partir de cette tempête apaisée par un seul mot de Jésus notre foi chrétienne nous permettra, nous accordera l’évanouissement des bourrasques, des ouragans qui peuvent d’un instant à l’autre s’abattre sur l’embarcation de notre vie.

            Il s’agit de bien autre chose. Il s’agit de ce que l’œil n’a pas vu, de ce que l’oreille n’a pas entendu, de ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, de ce que Dieu a préparé pour ceux qu’il aime.

 

            L’Apôtre vient de nous le préciser. L’appartenance inconditionnelle au Seigneur Jésus, l’accueil confiant, généreux de sa vie en nous fait de nous une créature nouvelle. Mais qu’est-ce qu’une créature nouvelle ?

            Prenons garde encore ! Il ne s’agit pas d’une sorte de régénération de notre nature humaine, une sorte de perfection physique et morale qui nous rendrait impassible aux événements.

            Certes, à force de concentration, d’ascèse, de renoncement on peut arriver à une sorte d’impassibilité. Il y en a qui s’y emploie et qui y arrive et qui ainsi peuvent d’une certaine manière se mettent à l’abri des coups du sort. Mais sachons-le, on est encore et toujours emprisonné à l’intérieur des frontières étriquées de notre condition mortelle.

 

            Une créature nouvelle est bien autre chose. C’est un homme -  une femme - entré de son vivant dans la lumière de la résurrection. Pour un tel homme, l’Apôtre vient de nous l’affirmer avec force, le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né.

            On ne connaît plus personne ni rien à la manière humaine. On voit, on comprend, on aime, on agit à la manière de Dieu. Ce n’est plus nous qui vivons, c’est le Christ qui vit en nous. Notre vie n’est plus centrée sur nous, elle est centrée sur lui que nous reconnaissons partout.

            Un tel homme ne va pas opérer des miracles, bien au contraire ! La plupart du temps il passera totalement inaperçu, mais en lui le projet de Dieu sera accompli, la création sera achevée et le monde entier en sera secrètement bouleversé.

 

            Non, Dieu n’est pas indifférent à ce qui se passe sur notre terre. Les médias nous inondent de nouvelles catastrophiques dans tous les domaines. C’est à en prendre peur. Et Dieu là-dedans alors ?

            Non, il n’est pas absent, il n’est pas indifférent. Il nous semble qu’il sommeille, mais non, il veille. Il avance, il cherche un homme - ne fut-ce qu’un seul -qui accepte de collaborer avec lui à la rénovation du monde.

            Grâce à un tel homme devenu avec Lui un seul esprit, il peut garder en main le gouvernement du monde quelque soient les apparences contraires.

 

            Frères et sœurs, si chaque chrétien - et nous sommes nous, ici, des chrétiens, des disciples du Christ - si chaque chrétien répondait à l’attente de Dieu  et consentait à s’ouvrir à son amour, le monde en serait métamorphosé. La création nouvelle finirait par tout submerger et il n’y aurait même plus de tempête(?).

            Hélas, nous en sommes bien loin. Et pourtant, n’est-il pas possible pour chacun d’entre nous de croire, d’aimer, chacun dans son petit cercle, chacun à sa place, chacun dans son milieu ? N’est-il pas possible de se laisser emporter par des pensées de bienveillance, des pensées de douceurs, des pensées de charité ? N’est-il pas possible qu’ainsi la vérité toute entière tienne le gouvernail de notre vie ?

 

            Voilà ce qui nous est proposé aujourd’hui ! O, puissions-nous, chacun pour notre part, offrir au monde ce cadeau merveilleux, le cadeau d’un homme, le cadeau d’une femme qui ose croire en Dieu, qui ose ouvrir son cœur. Oui, ce cadeau, nous pouvons l’offrir. J’irais même plus loin, nous le faisons.

                                                                                          Amen.

 

Homélie : 13° Dimanche B.                        01.07.79

      Sg 1, 13-24 * 2Cor 8, 7-15 * Mc 5, 21-43.

 

Mes frères,

 

Nous venons de proclamer que la Parole de Dieu est vie et vérité. Nous ne sommes pas réunis dans cette église pour nous laisser bercer et assoupir à son doux ronronnement. Nous sommes venus pour nous exposer tout nu à sa brûlure, à son martèlement, à sa morsure. Si elle nous brûle, c'est pour nous purifier ; si elle nous martèle, c'est pour nous remodeler ; si elle nous mord, c'est pour nous tenir éveillé. Elle veut, en effet, nous éveiller à notre véritable destinée, et elle veut nous mettre à l'abri d'un certain cérébralisme soporifiant.

Aujourd'hui elle gravite autour d'un centre qui est le centre par excellence : la vie. Les manifestations de la vie, nous les observons en nous, autour de nous : manifestations physiques, psychologiques, spirituelles. Mais nous en sommes toujours à l'enveloppe, à la surface. Il nous est demandé aujourd'hui de pénétrer jusqu'au cœur, jusqu'à la source de cette vie. Et cette source est une personne, elle est un homme, l'homme qui a osé dire parce qu'il avait le droit de le dire : Moi, je suis la vie, quiconque mange ma chair et boit mon sang, celui-là jamais ne goûtera la mort.

 

Mes frères, si vous le voulez, nous allons essayer de progresser quelque peu vers ce centre. Et d'abord nous arrêter à deux signes que nous présente le récit Evangélique, signes qui nous conduisent bien au-delà d'eux-mêmes.

Nous avons d'abord une femme qui perd sa substance vitale, son sang, et cela depuis douze ans, depuis la naissance d'une fille qui n'est pas sa fille à elle. Et cette fille, elle vient, elle, de perdre la vie à l'âge de douze ans, au moment de ses premiers flux de sang.

Eh bien, mes frères, si l'Evangéliste s'attarde sur ce chiffre de douze ans, sur cette coïncidence que pour nous nous jugerions, voila, fruit d’un pur hasard, c'est pour nous montrer que le sort de cette femme et de cette fille étrangère l'une à l'autre était en fait étroitement lié dans la vie et dans la mort. Et par là, l'Esprit de Dieu veut nous montrer qu'à ce

niveau, nous sommes tous solidaires. Et j'irais même plus loin, que nous sommes tous responsables les uns des autres.

 

Avançons encore un peu plus loin. Le Livre de la Sagesse nous dit que Dieu a doté l'homme d'une existence impérissable parce que, dit-il, il l'a rendu semblable à lui ; parce que pouvons-nous dire aujourd'hui, il nous a rendu participant de sa propre nature dans le Christ, dont nous sommes les membres.

Mais comment cela se fait-il ? Le récit Evangélique nous l'insinue encore. Pour donner la vie, Jésus Dieu Incarné se vide de lui-même. Au moment où la femme se sent guérie, Jésus, lui, a conscience qu'une force est sortie de lui, une force l'a quitté.

Et ça nous montre, mes frères, que le Christ, que Dieu donne la vie, sa propre vie à l'humanité entière, à chacun d'entre nous, parce que il s'est tellement vidé de lui-même qu'il est entré dans la mort, cette mort qui est le fanion du péché ; et le péché qui est, lui, le refus de la vie véritable.

 

Et maintenant, mes frères, approchons de ce centre. Nous en approchons si nous avons compris que pour vivre et pour donner la vie, nous devons nous vider de nous-mêmes. Nous devons chaque jour accepter mille morts, pour que à partir de nous la vie se transmette, et ainsi de proche en proche gagne l'humanité entière, gagne l’univers jusqu’à ce que Dieu devienne tout en tous.

Et si aujourd’hui nous participons à l'Eucharistie, dans ce geste nous marquons publiquement que nous donnons notre accord plein et entier à cette stratégie divine de conquête du monde, par la mort mystique de chacun d'entre nous.

 

Mes frères, lorsque le Verbe de Dieu incarné sera en nous, il nous ­donnera la force de pouvoir ainsi tout abandonné, pour que triomphe la Vie Eternelle. Et lorsque nous ferons cela, n'allons pas nous imaginer que nous faisons quelque chose d'extraordinaire. Non, mes frères, nous faisons tout simplement notre devoir de chrétien. Et je suis certain que Dieu en nous, nous donnera la force, l'humilité, et le courage de l'accomplir jusqu'au bout.

 

Amen.

 

 

Homélie du 13° dimanche, année C.              26.06.83

      Marcher à la suite du Christ.                             

1R 19, 16b.19-21 * Ga 5,1.13-18 * Lc 9, 51-62

 

Marcher à la suite du Christ, mes frères, n'est-ce pas ce que nous avons choisi de faire? N'est-ce pas la raison de notre présence dans ce monastère ? Les conditions, nous les connaissons : nous renier nous-mêmes, renoncer à faire notre vie, accepter de la perdre, ne plus regarder en arrière mais avoir le regard fasciné par ce Christ qui nous appelle et que nous suivons partout où il nous conduit.

Nous savons que ce n'est pas pour notre perte, que c'est pour entrer avec lui dans son Royaume et entraîner à notre suite les autres hommes. Lorsque quelqu'un accepte de renoncer à tout pour ainsi marcher sur une route nouvelle, une route périlleuse, une route où parfois on n'est pas accepté, s'il renonce à laisser s'emparer de lui la colère qui pourrait détruire, s'il accepte de mettre a mort son égoïsme sous toutes ses formes, il se produit comme un agglutinement en lui, une cristallisation en lui d'un univers humain.

Une collectivité d'homme est comme rassemblée en lui et avec lui avance vers un salut qui n'est pas provisoire mais qui est définitif, car il est entré pour toujours dans le Royaume où Dieu est le Maître.

 

Mes frères, il y a pour cet homme alors, et pour tous ceux qui vivent avec lui, une surrection dans une vie nouvelle. Ce n'est pas le passé en mieux. Non, c'est la nouveauté dont nous parle Saint Paul, où la Loi est transcendée, où c'est la pleine liberté. Non pas la licence pour que reprennent vigueur les fruits mauvais, détestables de l'égoïsme, mais pour que transparaissent et triomphent les fruits de l'Esprit qui sont bonté, amour, accueil.

Mes frères, c'est si simple et c'est si beau ! C'est la vie véritable incorruptible en Dieu et pour Dieu. L'eau que nous avons reçue, il y a un instant je le rappelais, nous a greffés sur le Christ et déjà comme chrétien nous engage dans cette direction. Il suffirait de se laisser porter, de se laisser purifier et transformer pour que la merveille promise par le Christ s'opère sans obstacle. Oui, incorporé au Christ, devenu fils de Dieu à part entière nous connaissons alors la joie sans mélange de la communion dans l'Esprit.

On se découvre uni à tous et à chacun, non dans une plate uniformité, mais au sein d'une diversité qui met, qui expose dans un délicat relief les qualités, les traits les plus personnels. On découvre sa véritable identité et on devient vraiment la fleur que Dieu portait comme un rêve dans son cœur.

 

Il n'existe plus aucune opposition entre les hommes. Il n'y a plus de Samaritain ni de Juif, mais on est partout chez soi parce que on est partout chez eux. Et tous les hommes sont devenus des frères. On ne voit plus qu'une harmonieuse complémentarité au sein de laquelle les richesses de chacun sont le bien de tous. Et tout cela parce que nous avons revêtu le Christ.

Et si je peux me permettre une expression quelque peu triviale mais combien éloquente, combien évocatrice : c'est comme si nous vivions dans sa peau. L'Apôtre Paul nous le dit encore quelque part de façon plus prenante : Ce n'est plus nous qui vivons mais c'est le Christ qui vit en nous, lui cette fois dans notre peau à nous.

Cela avait déjà été anticipé et comme inauguré chez le Prophète Elie lorsqu'il jetait vers Elisée son manteau, qu'il allait lui abandonner au moment où il serait enlevé auprès de Dieu dans le char de feu. Ce simple geste avait suffit pour arracher Elisée à sa petite vie tranquille de paysan pour le muer en un homme de l'Esprit ne vivant plus que de Dieu et pour Dieu.

 

Mes frères, que ne se produit-il pas alors en infiniment mieux quand le Fils de Dieu lui-même nous revêt de son être. C'est à cela que nous sommes appelés. Et dès que ce dépouillement de nous et cette vêture du Christ s'est opérée, tout devient possible dans ce monde et dans l'autre. L'Eucharistie que nous allons partager renouvelle ce don prodigieux de l'amour. Ouvrons-nous à lui sans aucune réticence afin que le Christ puisse faire de chacun d'entre nous d'autre lui-même.

                                                                                                            Amen.

 

Homélie : 13° dimanche – Année C.                                          28.06.92*

      Libre ou esclave ?

            1R 19, 16…21  *  Ga 5, 1…18  *  Lc 9, 51-62

 

Mes frères,

 

Les paroles que nous venons d'entendre sont toutes paroles de Dieu et elles ont bien de quoi nous secouer, nous donner le frisson. Et pourtant, elles sont la porte de la liberté, de la vraie liberté. Dieu, en effet, ne nous appelle pas pour nous asservir mais pour dilater notre cœur, nous faire participer à sa propre vie, nous faire entrer dans tout ce qu'il est et partager avec nous sa propre liberté.

Car la liberté ne consiste pas à faire arbitrairement ce qu'on veut. Non, faire ce qu'on veut ainsi à l'aveuglette, c'est être tout simplement l'esclave de ses instincts, de ses pulsions, de ses égoïsmes et même de ses angoisses. Non, la vraie liberté, c'est d'être possédé par l'amour, c'est d'être devenu amour jusque dans les cellules de sa chair, c'est vivre hors de soi dans les espaces immenses de la création nouvelle, c'est d'être emporté là où Dieu vit, où tous les saints sont groupés autour de lui et chantent sa louange. Etre libre, c'est sentir vibrer dans son cœur les accents toujours jeunes de la vie éternelle.

 

Voilà, mes frères, ce qui nous est promis aujourd'hui derrière le voile un peu rude de toutes ces paroles. La liberté est, dans le fond, la récompense d'une vie chrétienne pleinement vécue. Et la vie chrétienne, c'est une vie en union parfaite avec le Christ Jésus.

Et cette union va si loin que ce n'est plus nous qui vivons, mais que c'est lui qui vit en nous. Mais à ce moment-là, nous nous reconnaissons vraiment tels que nous sommes car notre personnalité n'est pas fondue dans la sienne. Non, elle est portée à son sommet.

La vraie liberté dans cette union au Seigneur Jésus est donc le corollaire d'une dépossession totale, d'un plongeon sans retour dans le rien. Il s'agit dans la pratique de suivre le Christ partout, en tout sans jamais regarder en arrière. Il y en a-t-il ici qui ont eu l'occasion de travailler avec une charrue à un bras ? Ils savent très bien, ceux-là, que si on lâche du regard la trace du cheval, si on commence à regarder en arrière, on est perdu.

 

Mes frères, nous devons suivre la trace du Christ et elle s'imprime dans notre vie à toute heure. Nous ne devons jamais la quitter des yeux et alors nous ne courons pas le risque de rater l'entrée dans le Royaume de Dieu.

Oui, suivre le Christ, c'est accepter à l'avance tous les risques. Non pas des risques pendant quelques jours, mais des risques jusqu'à la fin de ses jours. Mais attention, ces risques sont des risques heureux car il n'est rien de plus rassurant, de plus réconfortant, de plus pacifiant que de tomber à tout moment dans les bras de notre Christ.

Suivre le Christ, c'est aussi renoncer à l'avance à toutes les sécurités charnelles. Mais que sont-elles, ces sécurités, au regard de cette puissance qui prend possession de nous, et qui nous porte, et qui nous rend de plus en plus libre, et qui nous fait franchir tous les obstacles. C'est aussi ne plus vivre pour soi mais pour lui et pour sa cause. Et il n'est rien de plus noble ici bas et pour l'éternité.

 

Mes frères, l'amour et la confiance doivent être tellement puissant qu’ils maîtrisent et brisent en nous tous les réflexes d’inquiétude et de peur. Mais attention, il ne peut y avoir de demi-mesure et de compromission. C’est tout ou rien !

Voyez déjà Elie et Elysée : Elie lance son manteau vers Elysée. C’est le fameux manteau qui allait un jour tomber du char de feu et qu’Elysée allait ramasser. Et ce manteau allait lui permettre de devenir le successeur d’Elie. Et voilà ce que déjà maintenant Elie nous propose.

Elysée court vers Elie, mais il a un instant de recul. Il hésite, il pense aux siens et à tout ce qu’il va devoir laisser. Et Elie lui réplique : Bon, retourne  chez toi, je n’ai rien fait, c’est rompu entre nous. Et heureusement, Elysée se reprend. Il sacrifie, il détruit, il brûle tout et le donne, et il part.

 

Mes frères, notre destinée chrétienne dépend aussi parfois d’un seul instant : ou nous choisissons pour, ou nous choisissons contre. Et ce radicalisme est encore bien plus terrible lorsqu’il s’agit du Christ. Celui qui met la main à la charrue et qui regarde en arrière, il n’est pas fait pour le Royaume de Dieu. Encore une fois, c’est le Christ tout entier ou rien du tout.

Mes frères, nous nous trouvons en face du mystère de Pâques. Pour entrer dans la vie véritable, pour connaître la vraie liberté, il faut passer par la mort à soi, à ses idées, à ses vouloirs. Et Dieu nous présente le marché, à nous de choisir.

O mes frères, puissions-nous toujours choisir la vie.

                                                                                                                Amen.

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Homélie : 14° dimanche – B.                                     07.07.85

      Naïveté et candeur de notre Dieu.

 

Mes frères,

 

Admirons la naïveté, la candeur de notre Dieu et sachons qu'il n'a pas changé et qu'il ne changera jamais. Il s'étonne de l'incrédulité à laquelle il se heurte chez les siens. Et pourtant, il avait derrière lui déjà une longue expérience depuis les débuts de l'humanité.

Mais voilà, notre Dieu est incorrigible parce qu'il est amour. Il aime tellement sa créature. Il a préparé pour elle un bonheur tellement extraordinaire, le sien propre, qu'il est surpris et peiné si sa créature discute, si elle ergote, si elle refuse, si elle est choquée.

 

Mes frères, Nazareth est présent partout aujourd'hui dans le monde et jusqu'à l'intérieur de notre cœur. Mais ça ne doit pas nous pousser vers la désespérance, bien au contraire. Car Jésus nous a dit qu'il était venu parmi nous non pas pour les biens portants, mais pour les malades. Reconnaissons humblement que nous sommes tous des malades.

Et remarquons aussi que c'est à Nazareth qu'il a rencontré le sommet absolu de la foi et de la confiance en Marie, celle qui était devenue sa mère. Et voyez le paradoxe de l'agir divin : c'est dans la boue de l'incrédulité que Dieu cache la perle de la foi. Cet agir de notre Dieu est vraiment déroutant !

Mais c'est une constante chez lui, et l'Apôtre Paul le sait. Il en a fait l'expérience. La puissance de Dieu, elle trouve toute sa mesure à l'intérieur de la faiblesse. La sainteté ne se trouve pas dans un état de perfection humaine à la manière païenne. Non, elle est de nature divine. Il est donc nécessaire que nous nous vidions de nous-mêmes pour laisser en nous toute la place à Dieu afin qu'il puisse manifester en nous la beauté et la puissance de sa lumière.

 

Mes frères, comprenons bien que la passerelle qui nous conduit vers Dieu, c'est l'humilité. Le chemin qui nous guide vers lui, c'est l'obéissance. Cela signifie disparaître à nos propres yeux afin de nous perdre en lui ; lui ouvrir l'abîme de notre faiblesse, la totalité de notre impuissance pour qu'il puisse jouer en nous et par la force de son amour nous transfigurer en un autre lui-même.

Mes frères, nous n'aurons pas un visage dur ni un cœur obstiné, mais nous ferons au Christ la joie de croire en son amour, en sa puissance, en sa personne. Il nous a appelés à le suivre, eh bien, nous le suivrons et notre fidélité sera notre force. Nous savons qu'à travers tout ce qui nous arrive - nous sommes des pécheurs, ne l'oublions pas - donc à travers même nos péchés quotidiens, il est à l'œuvre.

Et il nous prépare un trésor qui n'est autre que lui-même, qui n'est autre que son visage, qui n'est autre que sa lumière. Et, comme je le disais hier soir, nous obtiendrons de lui autant que ce que nous espérons, et même infiniment au-delà.

 

                                                                                                  Amen.

 

Homélie : 14° dimanche ordinaire. Année B.    03.07.88

               Ez. 2, 2-5  *  2Co. 12, 7-10  *  Mc. 6, 1-10

 

Mes frères,

 

Ce que nous venons d'entendre est terrible. Je me demande si l'Evangéliste n'aurait pas finement dessiné notre portrait ? Le Seigneur Jésus vit au milieu de nous, en nous, en chacun des hommes que nous rencontrons. Or, quelle est notre réaction ?

Eh bien, nous n'en avons aucune ! Nous ne reconnaissons pas le Seigneur. Nous ne le voyons pas. Nous l'ignorons. Nous passons à côté de lui. Nous vivons coupé de lui, coupé de sa vie.

Ne sommes-nous pas des chrétiens, des êtres choisis, privilégiés ? Nous devrions avoir un certain regard, un regard de qualité qui ne s'arrête pas au visible charnel, mais qui voit la vérité profonde sous le voile des apparences. Dans notre conduite, sommes-nous motivés, guidés par la foi ?

 

Les habitants de Nazareth auraient dû être fiers de leur prophète. Ils étaient bassement jaloux. La jalousie rend aveugle ; pire, elle déforme la réalité, elle la salit. Les visages durs, les cœurs obstinés, dont nous parle le Prophète Ezéchiel, ne viennent-ils pas d'un défaut d'ouverture à la vérité des choses, d'un défaut de bienveillance, d'amour, de confiance en l'autre ?

La solution à cette situation ne serait-elle pas dans la reconnaissance et l'acceptation de nos propres limites ? Le regard de bienveillance à poser sur les autres ne commencerait-il pas par un regard de bienveillance à poser sur soi ?

L'Apôtre Paul était fier de ses faiblesses. Il savait, le Christ le lui avait dit, que sous elles se dissimulaient la présence et la force même de Dieu. Et que ne se cache-t-il pas sous les défauts de nos frères, sous les défauts des hommes qui nous entourent ? Ne sont-ils pas tous et chacun temple de l'Esprit ?

 

Dieu nous adresse aujourd'hui une Parole qui doit nous secouer. Nous vivons dans un monde toujours plus mélangé. L'exotique parcourt nos rues. Il force même l'entrée de nos maisons.

Nous serons chrétiens, présence de Dieu pour ce monde par la qualité, par l'humilité de notre regard, par l'ouverture de notre cœur, par l'optimisme de nos jugements. Alors, nous reconnaîtrons partout le Christ, nous vivrons sans cesse avec lui, et nous serons pour tous porteurs de joie, de paix et de réconciliation.

                                                                                                                          Amen.

 

Homélie : 14° dimanche ordinaire – C.           09.07.89

      La création nouvelle.

               Is. 66, 10-14  *  Ga. 6, 14-18  *  Lc. 10, 1-12.17-20

 

Mes frères,

 

Le cœur du message divin recueilli en ce dimanche se trouve tout entier dans cette petite et merveilleuse expression de l'Apôtre Paul. Ce qui importe, ce qui compte, c'est la création nouvelle. Cette création nouvelle attendue depuis toujours, la voici soudainement présente dans la Personne du Christ Jésus, Dieu avec nous pour jamais.

Comment ne pas être au comble de la joie ? Nos espérances les plus folles se réalisent pour nous sous nos yeux, dans notre cœur, dans tout notre être. Qu'est donc cette création nouvelle sinon notre assomption en Dieu, notre résurrection en cours, notre divinisation.

Il se produit alors un arrachement à la pesanteur terrestre, à l'opacité du charnel. On se retrouve dans une sorte de vide à l'intérieur duquel on possède tout car on est chez Dieu et on lui devient semblable. On commence à vivre et à regarder autrement. On sent, on sait qu'on a franchi l'impossible et qu'on a vaincu la mort. Et la paix coule comme un fleuve, comme un torrent débordant et elle emporte toujours plus loin à l'intérieur des espaces Trinitaires.

 

Mes frères, la nouvelle création, c'est la participation consciente, éveillée, constante à la propre vie de Dieu. C'est cela le règne de Dieu parmi nous. C'est cette beauté que les Apôtres ont annoncé, c'est cette beauté que les chrétiens doivent proclamer. Non pas en paroles, mais par toute leur vie, ils doivent être des êtres transformés, des êtres qui obéissent non plus aux lois de la chair mais aux lois de l'Esprit, des hommes libres, des hommes heureux de vivre, des hommes qui rayonnent la lumière.

La création nouvelle, voilà ce qui est proposé aux hommes. A nous, chrétiens, de le proposer aux hommes, de l'accueillir. Mais pour que notre message soit crédible, il est nécessaire que nous soyons vraiment une création nouvelle. Il ne s'agit pas d'apparences ni d'une comédie mais d'une réalité ontologique d'ordre surnaturel. Notre nouvelle naissance sous l'action de l'Esprit Saint doit se traduire à l'extérieur par un comportement nouveau.

Nous devons avoir écrasé toutes les puissances de l'ennemi, ses serpents et ses scorpions qui se remuaient à l'intérieur de nous, qui essayaient de nous mordre et de nous maîtriser. Donc, plus d'égoïsme, plus de malice, plus de critique, plus de mensonge, plus de colère, mais bien au contraire la vérité, la transparence, la bienveillance, le don de soi, la charité. Tels sont les fruits de la création nouvelle.

 

Mes frères, c'est à partir du cœur de l'homme transformé que l'univers entier sera peu à peu métamorphosé. Ne nous décourageons jamais. Nous ne savons pas ce qui se passe dans l'invisible. Et nous le savons, les choses visibles sont destinées à disparaître tandis que l'invisible, lui, est éternel, impérissable. Le cœur de chacun est une ville qui s'ouvre ou qui se ferme à la parole de vie.

Mes frères, nous ouvrirons le nôtre bien largement, toujours, toujours plus largement pour ne jamais encourir la malédiction de Sodome, mais surtout pour connaître la joie ineffable de la métamorphose en Dieu. Ce n'est pas une joie qui ressort des réalités de ce monde.

Tous les hommes courent derrière la joie. Ils la cherchent dans les plaisirs, dans les divertissements. Ils la cherchent, oui, là où ils ne la trouveront pas, où ils ne trouveront qu'une petite joie éphémère qui laisse par après un goût de regret car elle s'est évanouie. Mais la joie qui nous est promise est celle même de Dieu et - encore une fois - cela est éternel. Elle comble le cœur et jamais elle ne s'en écarte.

 

Mes frères, que notre unique soucis soit donc de toujours coller à la volonté de Dieu car c'est notre union à cette volonté qui permet l'entrée en nous de la vie divine, qui permet notre croissance en Dieu et notre plein épanouissement jusqu'à notre taille adulte. Et ainsi, nous serons les prémices sur terre de cette création nouvelle. Et peu à peu, le projet de Dieu, passant par nous, par chaque chrétien, se réalisera jusqu'au jour - dont nous ne connaissons pas la date - où Dieu se fera finalement tout en toute chose.

                                                                                             Amen.

 

Homélie : 14° dimanche ordinaire. Année B.    07.07.91

Quelle est la qualité de notre regard ?

Ez. 2,2-5 * 2Co. 12,7-10 * Mc. 6,1-6 *

 

Mes frères,

 

Si nous avons été attentifs à la Parole qui vient d'être proclamée, nous aurons perçu que tout dans notre existence quotidienne dépend de la qualité de notre regard. Il y a en nous un double regard.

D'abord le tout premier, un regard animal qui glisse à la superficie des choses et qui ne va pas plus loin. Il juge, il décide, il classe, il opère des synthèses, mais il ne peut pas davantage.

Il y a aussi un autre regard. C'est un regard que j'ose qualifier de divin car c'est le regard des enfants de Dieu. Et ce regard perce le voile des apparences. Il pénètre à l'intérieur des êtres, non pas pour fouiller, non pas pour épier, mais pour aimer.

 

Le Seigneur Jésus a fait l'expérience à ses dépens du regard animal qui se posait sur lui. Il s'en étonnait. Il en a souffert. Il en était comme paralysé. Il en perdait ses moyens. Il ne pouvait rien faire.

Oui, un tel regard est un regard homicide, il ne permet pas aux hommes d'être ce qu'ils sont. Au contraire, il les enferme dans des préjugés qui vraiment les conduisent aux portes d'une véritable mort.

 

Par contre le second regard, le regard des enfants de Dieu, est un regard vrai, un regard d'amour, un regard de confiance, un regard d'accueil et il ne peut procéder que d'un cœur pur, d'un cœur qui lui-­même s'est ouvert, qui s'est livré à l'Esprit et qui est devenu parfaitement transparent à la lumière qui l'habite. Et cette lumière passe dans le regard et elle permet d'aller au-delà de ce que le regard animal perçoit.       

De ce regard, mes frères, les hommes ont besoin. Ils l'attendent de nous pour oser croire en eux-mêmes, pour oser espérer dans la vie. Permettez-moi cette définition : le chrétien est un homme auquel le Christ a donné ses propres yeux. Ce sont des yeux qui permettent, je le répète, qui permettent aux hommes de vivre.

Car un homme ne peut pas vivre s'il n'a pas confiance en lui. Et s'il n'a pas confiance en lui, il ne peut donner sa confiance aux autres. Si bien que fatalement il diminue et finit par disparaître.

 

Les habitants de Nazareth au regard animal croyaient connaître Jésus. N'avait-il pas vécu trente ans au milieu d'eux. Ils savaient tout de lui. Ils connaissaient ses moindres démarches, ses moindres défauts. Ils connaissaient ses qualités aussi. Ils n'avaient plus rien à apprendre à son sujet.

Et voici qu'ils trouvent devant eux un homme nouveau, un homme inconnu et, ils s'en offusquent. Au fond d'eux-mêmes habitait une secrète jalousie qui les aveuglait. Ils faisaient les étonnés, mais en réalité ils en riaient.

Tels sont les hommes, mes frères, quand ils sont pris au piège de leur regard animal, au piège de leur mesquinerie.

 

Pour échapper à cette mesquinerie, nous devons, mes frères, cultiver nos facultés d'admiration. Elles dilatent le cœur et elles constituent en nous nos racines divines. Dieu est par excellence le grand admiratif. Il s'émerveille devant la moindre beauté, devant le plus petit acte d'amour.

Il l'a dit : Si vous avez donné, ne fut-ce qu'une fois, un verre d'eau à un de ces petits qui en ont besoin, cela vous sera rendu. Dieu ne peut pas oublier l'amour qu'il a une fois perçu. Il ne peut faire qu'admirer.

Par contre, le visage dur, le cœur obstiné dont nous parle le prophète sont le fait d'hommes repliés sur eux-mêmes. Ils se sont barricadés dans leur égoïsme et ils sont rongés par la peur. L'amour est un risque, mes frères, et ce risque, ils refusent de le prendre !

 

Pourtant aimer, c'est par un regard d'accueil s'ouvrir à l'autre et lui permettre de prendre en nous toute la place. Là se trouve le cœur du risque, c'est de céder la place à d'autres à l'intérieur de l'amour.

Mais si ce risque on le court, si on le prend, alors il s'opère un véritable miracle, le miracle du …?... qui se crée et d'une mutuelle transfiguration. Car l'homme ne peut véritablement vivre que s'il s'est ouvert aux autres, si ce n'est plus lui qui vit, mais si c'est l'autre qui vit en lui, à commencer par le tout premier qui est le Seigneur Jésus.

N'oublions jamais, mes frères, que lorsque nous accueillons l'autre dans notre cœur, c'est le Seigneur lui-même qui vient en nous. C'est lui que nous accueillons et c'est Lui alors qui nous rend autre, qui nous transfigure.

 

L'inimaginable puissance de l'amour peut alors déployer en nous ses virtualités et cela à l'intérieur de notre faiblesse. L'Apôtre nous l'a rappelé, nous pouvons lui faire confiance. Et nous pouvons alors, si nous sommes fidèles, entrer dès ici-bas dans la vie incorruptible.

Oui, mes frères, ne l'oublions jamais, tout, absolument tout se décide dans le regard, soit la mort, soit la vie. Demandons au Seigneur de fortifier en nous ses propres yeux de manière à ce que toujours nous choisissions la vie et qu'ainsi nous puissions la donner aux autres.

                                                                                                Amen.

 

Homélie : 15° dimanche ordinaire année C.     13.07.80*

Le bon samaritain. Lc 10, 25-37.

 

Mes frères,

 

La parabole du bon Samaritain tire au jour un de nos complexes les mieux enracinés : le besoin d'autojustification. Nous voulons à tout prix nous montrer à nous-mêmes et démontrer aux autres que nous sommes des hommes justes. Nous faisons ce que nous avons à faire, tout ce qui nous est demandé, et nous n'avons rien à nous reprocher, et nous avons droit à la juste et belle gratification de la vie éternelle.

Au départ, naturellement, notre intention est droite. Nous avons répondu à l'appel de Dieu. Nous sommes venus pour chercher Dieu. Nous espérons bien le trouver. Et à ce moment dans la contemplation de son visage, déguster longuement la vie impérissable.

 

            Il y a pourtant de suite quelque part une déviance et je lui verrais un double visage. D'abord une erreur de jugement sur la nature de la vie éternelle. Nous rampons au ras du sol et nous ne désirons que l'assouvissement de nos petits désirs terrestres. Nous nous imaginons alors être comblés.

Et puis, il y a en nous une prétention insoutenable, celle d'escamoter la durée. C'est tout de suite que nous avons besoin de ce bonheur. Et volontiers nous userions de ce que j'appellerais des moyens magiques pour le faire descendre du ciel ou le faire monter de la terre, mais qu'il soit là à notre disposition immédiatement, sans effort.

 

Mes frères, nos Pères de la vie monastique, eux, ne s'y trompaient pas. Et nous devons toujours revenir à leur exemple et à leur enseignement. Ils savaient qu'ils seraient en possession de la vie éternelle le jour où ils seraient entièrement divinisés. Et c'est pourquoi ils se livraient au doigt de l'Esprit. Et déjà ils se sentaient devenir lumière et amour. Tout homme vivait en eux ; eux vivaient en tout homme à la manière du Christ qui emplit tout de sa présence et de sa force.

Car nous devons toujours remonter jusqu'au Christ dont nous sommes les membres et nous laisser imprégner de sa Parole créante et transformante, cette Parole qu'il est, lui, dans sa chair ressuscitée et eucharistiée. Et cette Parole, elle n'est pas loin de nous. Elle sourd sans fin au plus secret de notre cœur. Elle est musique et séduction, elle est poème et beauté, tout à la fois inaudible et perceptible, infiniment fragile et toute puissante. C'est elle qui est la vie éternelle, elle par qui tout a été créé, elle qui porte tout, elle qui nous transfigure si nous avons assez de foi que pour nous laisser agir.

 

Mes frères, nous comprenons pourquoi Saint Benoît demande à son disciple une seule chose: d'être écoutant. Ecouter, attendre, patienter, c'est à dire obéir et suivre patiemment. Voilà la route qu'il nous demande d'emprunter, voilà la route sur laquelle il nous précède, et derrière lui une multitude d'hommes qui ont cru. C'est cette route qui va nous conduire jusqu'à la véritable vie. Alors nous serons devenus des fils de Dieu et le prochain de tout homme !

 

                                                                                                               Amen.

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Homélie : 15° dimanche ordinaire. A.           12.07.81*

      La parabole du semeur : Parole de Dieu.

       Mt. 13, 1-23

 

Mes frères,

 

Pendant que j'écoutais le Christ nous exposer le sens de sa Parabole, une interrogation se levait en moi : qui est cet homme dont il parle ? Ne serait-ce pas moi ? Mon cœur est-il une terre bonne, riche, généreuse, féconde, bien défrichée, avide de produire ? Ou bien est-il encore un chantier avec des coins durs comme du béton d'autoroute, des endroits encombrés de cailloux, des bas-côtés hérissés de broussailles ?

Il est sans doute un peu de tout cela à la fois. Et si j'ai été appelé dans le monastère, c'est pour que le glaive, le feu et l'eau de l'Esprit de sainteté défoncent mon cœur, l'amollissent, le rendent ouvert, accueillant, disponible à la Parole de vie. Car la Parole de Dieu nous est dispensée à toute heure du jour et même de la nuit. Et cette Parole de Dieu est le plus grand des trésors qui se puisse concevoir ou imaginer.

Elle est en effet messagère du vouloir divin qui est amour. Et elle est porteuse de vie divine, d'une vie qui doit s'emparer de mon cœur, qui doit me transfigurer et faire de moi un fils de Dieu jouissant de toutes les prérogatives de son Père.

 

Et cette Parole de Dieu est souverainement efficace, même au cœur de son échec, même lorsqu'elle tombe sur le béton de mon indifférence, dans les pierres de mon égoïsme ou dans les ronces de mes convoitises. Elle est toujours triomphante car elle est habitée par la folie de la croix, la folie explosive de la croix, cette croix qui est tout ensemble échec suprême et victoire absolue.

D'ailleurs, tout au fond de notre subconscient veille une complicité secrète avec la Parole : l'Esprit de sainteté qui crie en nous comme il gémit dans toute la création. Et cet Esprit, de l'intérieur, fait craquer lentement les parois du refus et du néant. Et lorsque nous pénétrons dans le mystère Eucharistique, nous établissons une liaison entre la Parole et l'Esprit. Et notre cœur fait un bon en avant vers cette pureté qu'il espère acquérir.

Mes frères, puissions-nous obtenir des yeux qui voient, des oreilles qui entendent. Puissions-nous devenir des hommes éprouvés, des cœurs sur lesquels tombera un rayon de la joie de Dieu, dans la réalisation de son dessein de salut, de joie et de paix.

 

                                                                                                            Amen.

 

Homélie : 15° dimanche ordinaire année C.     13.07.80*

Le bon samaritain. Lc 10, 25-37.

 

Mes frères,

 

La parabole du bon Samaritain tire au jour un de nos complexes les mieux enracinés : le besoin d'autojustification. Nous voulons à tout prix nous montrer à nous-mêmes et démontrer aux autres que nous sommes des hommes justes. Nous faisons ce que nous avons à faire, tout ce qui nous est demandé, et nous n'avons rien à nous reprocher, et nous avons droit à la juste et belle gratification de la vie éternelle.

Au départ, naturellement, notre intention est droite. Nous avons répondu à l'appel de Dieu. Nous sommes venus pour chercher Dieu. Nous espérons bien le trouver. Et à ce moment dans la contemplation de son visage, déguster longuement la vie impérissable.

 

            Il y a pourtant de suite quelque part une déviance et je lui verrais un double visage. D'abord une erreur de jugement sur la nature de la vie éternelle. Nous rampons au ras du sol et nous ne désirons que l'assouvissement de nos petits désirs terrestres. Nous nous imaginons alors être comblés.

Et puis, il y a en nous une prétention insoutenable, celle d'escamoter la durée. C'est tout de suite que nous avons besoin de ce bonheur. Et volontiers nous userions de ce que j'appellerais des moyens magiques pour le faire descendre du ciel ou le faire monter de la terre, mais qu'il soit là à notre disposition immédiatement, sans effort.

 

Mes frères, nos Pères de la vie monastique, eux, ne s'y trompaient pas. Et nous devons toujours revenir à leur exemple et à leur enseignement. Ils savaient qu'ils seraient en possession de la vie éternelle le jour où ils seraient entièrement divinisés. Et c'est pourquoi ils se livraient au doigt de l'Esprit. Et déjà ils se sentaient devenir lumière et amour. Tout homme vivait en eux ; eux vivaient en tout homme à la manière du Christ qui emplit tout de sa présence et de sa force.

Car nous devons toujours remonter jusqu'au Christ dont nous sommes les membres et nous laisser imprégner de sa Parole créante et transformante, cette Parole qu'il est, lui, dans sa chair ressuscitée et eucharistiée. Et cette Parole, elle n'est pas loin de nous. Elle sourd sans fin au plus secret de notre cœur. Elle est musique et séduction, elle est poème et beauté, tout à la fois inaudible et perceptible, infiniment fragile et toute puissante. C'est elle qui est la vie éternelle, elle par qui tout a été créé, elle qui porte tout, elle qui nous transfigure si nous avons assez de foi que pour nous laisser agir.

 

Mes frères, nous comprenons pourquoi Saint Benoît demande à son disciple une seule chose: d'être écoutant. Ecouter, attendre, patienter, c'est à dire obéir et suivre patiemment. Voilà la route qu'il nous demande d'emprunter, voilà la route sur laquelle il nous précède, et derrière lui une multitude d'hommes qui ont cru. C'est cette route qui va nous conduire jusqu'à la véritable vie. Alors nous serons devenus des fils de Dieu et le prochain de tout homme !

 

                                                                                                               Amen.

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Homélie : 15° dimanche ordinaire. A.           12.07.81*

      La parabole du semeur : Parole de Dieu.

       Mt. 13, 1-23

 

Mes frères,

 

Pendant que j'écoutais le Christ nous exposer le sens de sa Parabole, une interrogation se levait en moi : qui est cet homme dont il parle ? Ne serait-ce pas moi ? Mon cœur est-il une terre bonne, riche, généreuse, féconde, bien défrichée, avide de produire ? Ou bien est-il encore un chantier avec des coins durs comme du béton d'autoroute, des endroits encombrés de cailloux, des bas-côtés hérissés de broussailles ?

Il est sans doute un peu de tout cela à la fois. Et si j'ai été appelé dans le monastère, c'est pour que le glaive, le feu et l'eau de l'Esprit de sainteté défoncent mon cœur, l'amollissent, le rendent ouvert, accueillant, disponible à la Parole de vie. Car la Parole de Dieu nous est dispensée à toute heure du jour et même de la nuit. Et cette Parole de Dieu est le plus grand des trésors qui se puisse concevoir ou imaginer.

Elle est en effet messagère du vouloir divin qui est amour. Et elle est porteuse de vie divine, d'une vie qui doit s'emparer de mon cœur, qui doit me transfigurer et faire de moi un fils de Dieu jouissant de toutes les prérogatives de son Père.

 

Et cette Parole de Dieu est souverainement efficace, même au cœur de son échec, même lorsqu'elle tombe sur le béton de mon indifférence, dans les pierres de mon égoïsme ou dans les ronces de mes convoitises. Elle est toujours triomphante car elle est habitée par la folie de la croix, la folie explosive de la croix, cette croix qui est tout ensemble échec suprême et victoire absolue.

D'ailleurs, tout au fond de notre subconscient veille une complicité secrète avec la Parole : l'Esprit de sainteté qui crie en nous comme il gémit dans toute la création. Et cet Esprit, de l'intérieur, fait craquer lentement les parois du refus et du néant. Et lorsque nous pénétrons dans le mystère Eucharistique, nous établissons une liaison entre la Parole et l'Esprit. Et notre cœur fait un bon en avant vers cette pureté qu'il espère acquérir.

Mes frères, puissions-nous obtenir des yeux qui voient, des oreilles qui entendent. Puissions-nous devenir des hommes éprouvés, des cœurs sur lesquels tombera un rayon de la joie de Dieu, dans la réalisation de son dessein de salut, de joie et de paix.

 

                                                                                                            Amen.

 

Homélie : 15° dimanche ordinaire. A.            15.07.90

      Se mettre en travers du projet de Dieu.

          Is 55, 10-11  *  Rom 8, 18-23  *  Mt 13, 1-23

 

Mes frères,

 

Nous venons d'entendre de la bouche du Christ une parole sévère, c'est le moins qu'on puisse en dire. Il y a des hommes qui se mettent en travers du projet de Dieu. Ils n'en veulent pas, absolument pas. Ils se bouchent les oreilles et les yeux. Ils ne veulent pas entendre, ils ne veulent pas voir. C'est leurs idées qu'ils veulent suivre, c'est leurs projets qu'ils désirent réaliser. Et ils se lancent à corps perdu dans leurs illusions et ils se précipitent dans leur néant.

Heureusement tous les hommes ne sont pas tels. Il en est qui ont des oreilles et des yeux bien en place. Ils les tiennent grands ouverts. Ils sont avides d'entendre, de voir, de connaître, de comprendre. Non pas pour s'encombrer le cerveau et le cœur, ce serait passer d'une illusion dans l'autre.

Non, ils veulent sortir d'eux-mêmes. Ils veulent partir à la suite de Dieu. Et de tels hommes n'ont peur de rien. Ils sont destinés à devenir des géants dans le Royaume de Dieu, des lumières dans la création nouvelle.

 

Mes frères, l'Apôtre de son côté vient de nous dire que l'homme a des responsabilités non seulement à l'endroit de lui-même, mais aussi à l'endroit de la création. Nous sommes la conscience du cosmos. Nous sommes l'oreille, l'œil, le cœur de l'univers matériel.

En nous, la création est arrivée au seuil d'une métamorphose totale. Le créateur lui-même s'est fait créature et il invite chacun d'entre nous à le suivre sur la route de la transfiguration qui fera de nous des dieux, et de l'univers un palais de lumière. La création aspire de toutes ses forces à voir cette manifestation des fils de Dieu. Elle passe par une sorte d'enfantement dont nous sommes les fruits.

A nous, mes frères, d'accepter cette vie nouvelle, cette vie divine en tenant ouverts nos yeux et nos oreilles, en faisant nôtre jusqu'au bout par obéissance, une obéissance de chaque instant, le projet d'amour de notre Dieu.

 

Car Dieu, s'il s'est lancé dans l'aventure de la création, c'est pour qu'il y ait des créatures intelligentes, des créatures douées de volonté, de liberté, qui soient ouvertes à Lui et qui aient ainsi le bonheur inimaginable de participer à sa vie.

Mes frères, c'est la création toute entière qui attend car nous sommes, je le répète, nous sommes son cœur. Mais de toute façon, sachons-le bien, le projet de Dieu s'accomplira. L'homme peut freiner son avancée, il ne peut l'arrêter, il ne peut lui faire échec. S'il ne se réalise pas par nous, il se réalisera par d'autres et nous, nous serons là à pleurer, mais ce sera trop tard.

Mes frères, nous avons conscience de notre responsabilité et nous ne mettrons pas la patience de Dieu à l'épreuve. Ouvrons donc bien large notre cœur à la semence qu'est sa parole. C'est dans cette intention que nous sommes venus au monastère, c'est pour cette mission que nous avons été baptisés. Ainsi le projet de Dieu s'achèvera en nous, par nous pour sa gloire, pour le salut du monde et pour notre joie.

                                                                                                Amen.

 

Homélie : 16° dimanche, année B.               20.07.97*

      Proche ou loin de Dieu !

 

            Jer. 23, 1-6 * Eph. 2, 13-18 * Mc. 6, 30-34

 

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

            Nous venons de l’entendre de la bouche de l’Apôtre : il y a ceux qui sont loin et il y a ceux qui sont proches ; il y a les familiers de Dieu, et nous en sommes puisque nous sommes ici réunis, et il y a ceux qui ne connaissent pas Dieu.

 

            Le Seigneur Jésus par sa mort sur la croix et sa résurrection a balayé tout cela. L’importance n’est pas d’être proche ou loin, l’important c’est d’être un homme nouveau, un homme nouveau en lui, un membre de son corps, un membre qui vit de son Esprit, qui ne réagit plus à la façon du monde, mais qui possède un cœur plein de tendresse et qui réagit à la manière de Dieu.

 

            Le mystère de la réunion de tous les hommes en un seul corps se déploie à travers les siècles et il est encore présent et agissant aujourd’hui. Il y a l’histoire visible que l’on peut comptabiliser au jour le jour et il y a une histoire invisible que façonne l’Esprit Saint dans le secret des cœurs.

            La première, l’histoire visible, est fugitive et elle s’effacera à la fin des temps. La seconde par contre, elle est inébranlable et elle apparaîtra un jour avec le Christ en pleine lumière. Et nous serons éblouis par sa beauté. Nous sommes les artisans de l’une  et de l’autre, surtout nous les chrétiens qui avons reçu la grâce de savoir. Laissons donc agir en nous la puissance de l’Esprit Saint et devenons des hommes nouveaux, des hommes vraiment nouveaux.

 

            L’Apôtre nous dit aussi quelque part : Quiconque est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Alors je le répète : Soyons-le ! Nous devons donc laisser les sentiments du Seigneur Jésus nous envahir et nous transformer en colonnes de vérité et de justice, en foyers d’amour, en sources d’espérance, en réserves inépuisables de douceur et de patience.

 

            Nous venons de l’entendre, nous venons de le voir, de le contempler dans la petite péricope évangélique qui nous est rapportée ce matin. Le Seigneur n’est pas un bourreau de travail, il n’est pas un despote sans pitié qui exige l’impossible de ses sujets. Voyons ! Les apôtres ont parcouru le pays deux par deux. Ils ont enseigné, ils ont guéri et maintenant les voici de retour et ils racontent tout ce qu’ils ont vécu.

            Et ils sont fatigués ! Le Seigneur le remarque : il le voit sur leurs visages, il l’entend au son de leurs voix. Et que fait-il ? Il va les charger d’une nouvelle mission ? Loin de là ! Il leur conseille une période de repos et il les emmène avec lui à l’écart de tous. Il est urgent d’annoncer le Royaume de Dieu, mais pour Jésus, ne l’oublions jamais frères et sœurs, les besoins de l’homme sont prioritaires.

            Et quand ils arrivent à destination, ils aperçoivent une grande foule qui les attend, des milliers et des milliers. Jésus ne l’avait pas prévu, mais il ne s’impatiente pas. Il est remué jusqu’au plus profond de ses entrailles car ces gens sont là devant lui comme un troupeau sans berger. Ils ne savent où aller. Ils ne trouvent aucune nourriture, personne ne s’occupe d’eux. Et alors, que fait Jésus ?

 

            Remarquons un détail magnifique qui lance un éclair sur les profondeurs cachées du cœur de notre Dieu : Jésus s’expose seul. Il met ses apôtres à l’abri ; il leur assure, il leur permet le repos dont ils ont besoin. Et lui, tout seul, il instruit longuement cette foule apeurée, cette foule affamée.

            Il instruit longuement ces gens avides d’une parole qui leur ouvrira les portes de la vie éternelle. Car c’est de cela que nous avons besoin, pouvoir enfin vivre en plénitude, librement, non pas en faisant ce que nous voulons, mais en étant enfouis, ensevelis dans l’amour de notre Dieu qui, lui, est la parfaite liberté.

 

            Frères et sœurs, Dieu est notre Père. Et il est un Père attentif aux besoins de chacun, un Père compatissant, désireux de nous partager sa vie. Ne lui imputons jamais rien de mauvais. La source du mal, le mal est chez nous, il n’est pas chez lui. Alors pour notre part, faisons notre possible pour devenir des hommes nouveaux, des hommes dans lesquels auront triomphé les sentiments qui habitaient le cœur du Seigneur Jésus.

            Lui qui était dans la  condition de Dieu, il s’est vidé de lui-même, il n’a pas revendiqué les honneurs auxquels il avait droit, mais il est devenu le plus humble de tous les hommes. Il s’est abaissé, il s’est rendu obéissant jusqu’à mourir pour chacun de ses hommes, pour chacune de ses créatures.

 

            Voilà, frères et sœurs, le modèle d’un homme nouveau ! Essayons de croire en cette beauté. Demandons chaque jour que grandissent en nous la foi, l’espérance et la charité, c’est le thème de l’oraison d’aujourd’hui. Que ce désir, ce besoin soit ancré dans notre chair : devenir en tout point l’image ici sur notre terre, l’image du Seigneur jésus. Et alors, nous pourrons être les uns pour les autres de véritables bergers.

                                                                                                                  Amen.

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Homélie : 17° dimanche ordinaire. Année A.    29.07.84

      Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu.

 

Mes frères,

 

Une parole de l’Apôtre Paul a accroché mon attention. La voici : Tout, nous a-t-il dit, tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu. Il nous lance au visage cette affirmation sur un ton qui ne souffre aucune contradiction. Et il utilise un mot qui est quelque peu différent de celui que nous avons dans notre traduction. Tout, il l'exprime par un pluriel.

Et cela signifie les hommes, toutes les choses, tout ce qui remue, tout ce vit, tout ce qui arrive, tout les événements, tout ce qui tombe sur nous, tout ce qui nous abat, tout ce qui nous écrase, tout aussi ce qui nous exalte.

La totalité de l'existence, tout cela est orienté par Dieu vers le bien de ceux qui l'aiment. Il n’y a aucune exception et cela peut aller très loin...Car nous pouvons nous trouver dans des situations humainement impossibles. Nous pouvons être réduits à l'état de vermisseau jusqu'à la fin de nos jours. N'empêche, dit Saint Paul, cela même contribue à votre bien.

 

Je suis certain qu'il avait sous les yeux le tableau de son Christ, de son aimé mourant tordu de douleur sur une croix. Ce n'était plus un homme, ce n'était plus qu'un ver. Et pourtant il savait lui, Paul, le bien qui en avait surgit. Mais qu'est-ce donc ce bien ? Il nous le dit encore :

C'est notre métamorphose à l'intérieur du Royaume de Dieu. Devenir parfaitement conforme à l'image de Dieu qu'est le Christ Jésus et participer ainsi à la gloire et au propre bonheur de Dieu.

Et ce projet grandiose se réalise à travers tout jusqu'à notre parfaite naissance à cet état nouveau. Et ce projet est conçu, il est conduit, il est animé par Dieu qui est amour. Et absolument rien ne peut s'y opposer, ne peut empêcher son succès.

           

Et un peu plus loin Paul à des paroles qui sont vraiment extraordinaires. Il nous dit : Qui pourra nous séparer de l'amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, le danger, la mort…En tout cela nous sommes plus que vainqueurs à cause de Celui qui nous a aimés.

J'ai confiance que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni l'abîme, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur.

Mes frères, pour oser dire, écrire des choses pareilles, il faut les avoir vécues, sinon on n'a pas le droit. On n'a pas le droit de les prononcer et de les proposer à d'autres si soi-même on ne les connaît pas par expérience, et si on n'en a pas extrait tout le suc divin qui s'y trouve, si on n'est pas soi-même devenu amour, devenu UN avec ce Christ qui est l'amour de Dieu.

 

Voilà, mes frères, le bien qui nous est proposé. Et Paul utilise encore ici un mot qui a été rendu par contribuer mais duquel nous avons tiré notre vocable synergie. C'est un vocable de la physique moderne, c'est un vocable de l'économie moderne. Et nous savons qu'il désigne tous ces innombrables courants, toutes ces forces, toutes ces énergies que Dieu ramasse, qu'il unifie en un et qu'il dirige toute vers la réalisation d'un seul but, son projet. Voilà, mes frères, nous sommes, nous, au centre, au cœur de ce projet. Et alors ?

Eh bien nous comprenons maintenant que nous avons là le trésor pour lequel nous devons tout sacrifier. Et la collaboration active, intelligente à ce projet de Dieu, mais c'est la sagesse suprême que nous devons demander. Mais nous ne sommes en ce domaine que des enfants. Nous n'avons pas d'intelligence. Mais si nous demandons à Dieu l'Esprit pour pouvoir pénétrer à l'intérieur de son projet et nous couler en lui, à ce moment-là, Dieu ne nous refuse pas ce que nous lui demandons.

Mais cela ne nous est pas donné en une fois. Cela nous est donné peu à peu dans la mesure où notre cœur dégagé de tous biens illusoires, étrangers, est capable de le recevoir, ce bien suprême.

 

Mes frères, nous avons, nous, renoncés à tout. Pour cette perle, pour ce trésor, nous avons tout vendu. Nous sommes même vendus nous-mêmes à la volonté de Dieu. Ne laissons jamais faiblir notre foi ni notre amour. Paul vient de nous le rappeler : tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu.

Dans cette Eucharistie, nous allons recevoir les prémices de cette gloire qui nous est destinée. Ne relâchons jamais notre confiance. Et ce qui nous a été promis, nous le recevrons de suite déjà en prémices dans la mesure où notre cœur s'ouvre et où notre confiance grandit.

                                                                                 

                                                                                                                                  Amen.

 

Homélie : 17° dimanche ordinaire. C.           20.07.86*

      Le Maître de l’impossible.

 

Mes frères,

 

Dieu est pour jamais le Maître de l'impossible, cet impossible qui se construit, qui se façonne sous le voile de l'apparente banalité des choses. Il possède en effet une puissance de rayonnement capable de forcer l'Histoire à prendre un cours nouveau.

L'Art spirituel consiste à jouer avec l'impossible, à le faire surgir comme si on était soi-même le doigt de Dieu. Et l'impossible offert à l'homme, l'impossible offert à chacun d'entre nous, c'est de transcender notre propre nature charnelle, la transformer, la transfigurer, devenir fils de Dieu connaissant les trois Personnes Divines.

C'est l'aboutissement logique de la parole adressée à Abraham par le mystérieux voyageur : Je reviendrai dans un an, et alors Sarah aura un fils. Oui, un fils, une multitude de fils, une infinité de fils qui seront tous mes fils. Et ces fils seront récapitulés en un seul Fils sorti, lui, de mon sein.

 

Mes frères, le Christ, lui qui est le fils, UN en lui-même, multiple en ses membres, il est ici présent, lui l'espérance de la gloire, lui en qui s'opère notre métamorphose.

Mes frères, ce mystère est tellement beau, il est tellement séduisant qu'il est des hommes qui vont sacrifier tout pour être saisis par ce mystère et être travaillés par lui. Ils sont tendus vers l'avant d'une tension qui est un attrait irrésistible. Ils sont attirés par cette beauté, par ce fils, par ces trois, par cet impossible qui doit prendre forme en leur cœur, en leur corps et en leur esprit.

Une femme riche d'une intuition spirituelle unique l’avait compris. Le Christ était entré chez elle, Lui la Source et le sommet de toute vie, de tout bonheur. Et cette femme, Marie, était assise à ses pieds, le dévorant du regard, buvant ses paroles, hors d'elle-même. L'univers tout entier avait disparu pour elle car elle avait percé le voile des apparences et elle voyait Dieu en la personne de Jésus qui était entré chez elle.

 

Et elle avait été introduite chez Dieu. Elle était avec Dieu, devenue étrangère au monde et à ses contingences. Et voilà que l'impossible prenait corps en elle. Elle le savait, c'était définitif. Cette part magnifique ne lui serait jamais enlevée. Elle était comme une fleur ouvrant sa corolle au soleil et devenant parfum. Et un soir de souper, ce parfum, elle le verserait tout entier sur les pieds de ce Jésus, de ce Dieu avec elle, de ce Dieu avec nous.

Mes frères, en Marie, en Abraham, en l'Apôtre Paul, reconnaissons-nous notre expérience ? Si oui, nous sommes mille fois heureux. Si non, hâtons-nous de l'accueillir, car elle est toute proche.

                                                                                                    Amen.

 

Homélie : 18° dimanche ordinaire. A.           02.08.87

      L’expérience du Christ.

 

Mes frères,

 

Dès qu'on a rencontré le Christ, il n'est plus possible de se séparer de lui. Il apporte tout. Il comble, il rassasie l'âme et l'esprit, et même le corps. Il est la vie éternelle. Lorsque on demeure branché sur lui, on permet à cette vie d'envahir l'être entier, d'en rejoindre la source et de l'emmener, de l'emporter à l'intérieur de toute plénitude, cette plénitude qui est la Trinité, Trinité qui n'est que lumière et amour.

Cette expérience, mes frères, est à la portée de tout être humain à condition cependant que ce soit vraiment le Christ Jésus que l'on ait rencontré et non pas une quelconque projection des désirs montant, se manifestant à partir des profondeurs de l'inconscient.

Prenons garde aussi ! On ne s'attache pas au Christ pour faire des expériences. Lui-même se dérobe de suite aux gourmands, aux prétentieux, aux riches. On le suit pour se recevoir de Lui, pour accomplir en Lui sa destinée d'homme, pour achever en lui la vocation divine inscrite à la source de notre être.

 

L'épisode Evangélique relaté aujourd'hui doit être ainsi entendu avec les oreilles du cœur. Le chrétien est toujours de quelque façon un homme qui se retire avec Jésus au désert.

La visée de son cœur n'est pas une implantation dans le monde de l'avoir, de la possession, de la puissance, du pouvoir. Elle va au-delà. Elle tend vers une communion universelle dans la gratuité de l'accueil et du don. Le lieu du chrétien, son habitat, c'est le cœur même du Christ, c'est la puissante et nourrissante lumière de l'amour.

En partageant le pain et les poissons, c'est son cœur, c'est sa personne que Jésus donnait sans réserve. Ce geste est éternel : il est aujourd'hui, il sera de demain comme il était d'hier. Et le Christ attend que nous-mêmes donnions ainsi à son exemple, à sa suite, notre vie à nos frères les hommes, sans réticence, sans hésitation, sans recul.

 

On comprend alors la joie triomphale de l'Apôtre : rien jamais ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus. Et il accumule à plaisir tout ce qui pourrait être obstacle. Mais tout cela il le balaye d'un geste, d'un souffle, d'un regard. Tout cela n'est rien. Dès qu'on est greffé sur le Christ, on est vainqueur du monde. Le croyons-nous, mes frères ?

Sommes-nous assez lucides pour ouvrir notre main, notre bouche, notre cœur à cette eau qu'est Dieu, qu'est l'Esprit de Dieu, pour l'ouvrir au lait, au vin, aux viandes succulentes que Dieu entend nous donner ? Il n'attend que notre consentement. L'Eucharistie, mais c'est son corps, c'est sa chair, c'est son cœur, c'est sa divinité, c'est tout lui, c'est tout Dieu, c'est toute l'éternité qui entre en nous et qui nous transfigure. Mes frères, le croyons-nous ?

Sommes-nous prêts à faire de notre être le lieu d'une théophanie de la gratuité, car tout cela, Dieu nous le donne gratuitement ? Sur un autre registre, acceptons-nous de vivre sous le regard de celui qui nous connaît vraiment tels que nous sommes ? Mes frères, restons sur cette question. Notre réponse définira la qualité de notre vie.

                                                                                                   Amen.

 

Homélie : 18° dimanche ordinaire : C.           02.08.92

      Revêtez votre être nouveau !

               Qo 1,2 ; 2,21-23  *  Col 3,1……11  *  Lc 12,13-21

 

Mes frères,

 

Ces paroles sont des paroles que nous préférerions peut-être ne pas entendre. Mais attention ! Elles ne sont pas paroles d'homme, elles ne flattent pas nos intérêts, nos ambitions, nos calculs. Elles vont à l'encontre de ce que nous recherchons instinctivement: les richesses, les honneurs, les plaisirs. Elles nous dépassent, elles bousculent nos illusions. Elles nous placent devant la vérité et elles attendent notre réponse.

Elles sont paroles de Dieu. Elles veulent notre véritable bien, ce bien qui nous accompagnera dans l'au-delà, ce bien qui dès ici bas - si nous le recevons - nous garantira un bonheur sans mélange. Vanité des vanités ! Vapeur, évanescence, néant absolu ! Cette nuit même on te redemande ta vie.

Telle, mes frères, est la question première et dernière. Nous n'y échapperons pas. Mais alors, oui, chacun est affronté à sa propre conscience. Puissions-nous ne pas lui imposer silence !

 

L'Apôtre nous propose une solution à notre portée,  oui, à notre portée parce que nous sommes des chrétiens, parce que nous sommes greffés sur la personne du Christ ressuscité. L'Apôtre nous ouvre les yeux sur des réalités cachées au regard de la chair.

Vous êtes morts, nous dit-il, mieux encore vous êtes déjà ressuscités. Prenez-en conscience, le but de votre vie, il est en haut, il n'est pas sur cette terre. Revêtez donc votre être nouveau, lui qui est étranger à toute forme de cupidité, de mensonge, de malice.

 

Mes frères, il s'agit en pratique de mourir à notre égoïsme, de nous ouvrir à Dieu, de nous ouvrir aux autres. En un mot, il suffit d'aimer à la manière de Dieu, gratuitement, inlassablement, lumineusement.

Cette mort mystique qui nous est promise et que nous devons accueillir, cette mort nous arrache à la mort physique. En effet, elle lui enlève son dard venimeux si bien qu'elle devient inoffensive ; mieux encore, elle en fait pour nous une sœur, comme chantait si bien François d'Assise.

 

Mes frères, si nous acceptons de mourir à nous-mêmes, si nous acceptons de nous laisser prendre par la main et d'être introduits dans le Royaume de Dieu dès maintenant, si nous acceptons de ressusciter d'entre ces désirs qui sans cesse torturent notre cœur et qui nous conduisent à rien, si nous acceptons tout cela, à ce moment-là nous goûtons les prémices de la vie impérissable.

Voilà, mes frères, ce qui nous est proposé ce dimanche. Puissions-nous accueillir avec confiance, avec foi les paroles du Christ, les paroles de l'Ecclésiaste; puissions-nous les laisser porter en notre cœur tout le fruit dont elles sont prégnantes. Et à ce moment-là, je pense que notre vie prendra une coloration nouvelle. Elle sera ce qu'elle doit être et chacun d'entre nous sera pour les autres une lumière, un exemple, un encouragement.

                                                                                                       Amen.

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Homélie : 20° dimanche ordinaire – B.          14.08.88*

Prov. 9, 1-6  *  Eph. 5, 15-20  *  Jn. 6, 51-58

 

Mes frères,

 

Tous les êtres humains depuis l'heure de leur naissance sont dominés, guidés à leur insu par l'instinct le plus féroce qui soit, à savoir l’instinct de mort. Cet instinct revêt une multitude de formes, mais il est foncièrement ambivalent. L'homme travaille, entreprend, s'agite, s'amuse, se divertit uniquement pour éloigner de lui le spectre de la mort. Mais en même temps cette mort exerce sur lui une fascination terrible. Or, tout cela se passe dans le subconscient, heureusement ! Et finalement l'échéance est là et la mort l'emporte.

 

Mes frères, que faut-il faire pour connaître enfin la liberté, une vraie joie de vivre ? Le Christ nous l'apprend aujourd'hui. Le lieu de la vie éternelle, de la victoire totale sur les forces de mort, c'est lui dans sa chair d'homme. Cela peut paraître impossible, incroyable. Quand il l'annonça pour la première fois, les auditeurs se récrièrent et bon nombre de ses disciples l'abandonnèrent. C'était trop dur à porter. Et pourtant, il leur offrait le salut.

Ces paroles, si nous y regardons d'un peu plus près, sont parfaitement logiques quand on sait qui est Jésus. Il est la Parole de Dieu, il est Dieu lui-même. C'est lui qui a créé le cosmos. C'est lui qui est la vie dans la vérité et dans sa plénitude. Si nous nous laissons assimiler à lui en recevant sa chair en nous, c'est nous qui devenons semblable à lui. Nous passons de la mort à la vie et nous avons vaincu l'instinct de mort.

Nous devons toujours tenir en main les deux bouts de la chair : d’un côté l'instinct de mort, et de l'autre côté la vie éternelle; et nous convertir à la foi, non pas en un dogme abstrait quelconque, mais à la foi en cet homme Jésus qui est Dieu.

 

Saint Benoît recommande à ses disciples d'avoir la mort sous les yeux chaque jour en toute lucidité. Il ne dit pas cela pour nous livrer à son pouvoir, mais pour nous donner l'occasion de la vaincre. Et nous en serons vainqueurs si nous recevons en nous avec une foi éveillée le corps et le sang du Christ Jésus transfiguré.

Mes frères, si nous agissons ainsi - mais je le répète, dans une foi éveillée, vivante, attentive, vigilante - si nous faisons ainsi, nous cessons de vivre comme des insensés, des hommes dominés et nous commençons à vivre comme des sages, comme des hommes libres. Si bien que, comme nous le recommande l'Apôtre, nous pouvons à tout moment rendre grâce à Dieu notre Père qui nous fait passer de la mort à la vie.

Voilà ce que l'Eglise nous annonce aujourd'hui ! Cette proclamation, mes frères, ne la laissons pas passer au-dessus de nous. Faisons-là nôtre. Prenons-là dans notre cœur. Laissons-là mûrir. Et devenant de plus en plus nous-mêmes parce que devenant de plus en plus fils de Dieu, nous connaîtrons enfin la liberté des enfants de Dieu, et à travers nous, et grâce à nous, quelque chose sera changé dans le monde. La mort aura reculé et la vie divine aura progressé.

                                                                                                             Amen.

 

Homélie du 21° dimanche ordinaire. A.          23.08.81

      Connaître Jésus-Christ.

       Is 22, 19-23 * Rm 11, 33-36 * Mt 16, 13-20

 

Mes frères,

 

Connaître Jésus Christ par l'intérieur de lui-même, en participant à sa vie, en devenant avec lui un seul Esprit, voilà l'accomplissement parfait de toute destinée humaine. Cette connaissance vraie du Christ Jésus est la vie éternelle. A cette connaissance il nous pousse lorsqu'il demande à chacun d'entre nous : Pour vous, qui suis-je ?

Nous venons d'entendre la réponse de l'Apôtre Pierre : Tu es le Messie, le Fils du Dieu Vivant. Cette réponse renferme toute la Christologie et même toute la théologie. Elle contient l'investigation patiente de nos Pères dans la foi. Elle nourrit la contemplation d'une foule innombrable de saints. Elle met en branle l'enthousiasme, la louange des chœurs célestes.

Mais le Christ attend de nous une réponse personnelle : Qui suis-je pour toi ? Oui, qui est le Christ pour moi ? Est-il mon Dieu ? Pour moi, est-il mon Dieu devenu chair, crucifié, mort, ressuscité, glorifié pour tous les hommes et pour moi aussi ? Est-il TOUT pour moi ? Est-il celui pour lequel j'ai tout perdu, celui-là en lequel je me perds afin d'être trouvé vivant non plus de ma vie à moi, mais de sa vie à lui ?

 

Mais revenons à la réponse de l'Apôtre Simon Pierre. Cette réponse doit nous pénétrer. Elle doit travailler en nous parce qu’elle révèle une conversion, un retournement complet de vie. Elle confirme un engagement de tout l'être au service d'un amour qui se veut absolu. Et elle dévoile l'amorce d'une métamorphose sous l'action délicate et combien respectueuse de l'Esprit Saint.

Aussi, cette réponse, elle a d'un coup soulevé la joie de Jésus qui n'a pu se contenir et qui a proclamé bienheureux cet homme qui était parvenu à échapper aux étroitesses de la chair pour s'ouvrir à l'action tonifiante du Père, du Père de l'univers, du Père de Jésus Christ, ce Père qui par son Esprit l'introduisait à l'intérieur de la Vie Trinitaire.

Et voilà que Pierre se voit de suite confier des pouvoirs exorbitants et une charge écrasante. Il va devoir porter sans broncher le poids d'un édifice qui va se construire, un édifice qui deviendra le temple de Dieu, le Corps Mystique de celui dont la tête est là présente devant lui, le poids de l'Eglise entière qui, au terme, enfermera toute l'humanité. Ce n'est possible, uniquement parce que le rocher unique Jésus lui-même, habitera cet homme pauvre mais ouvert, cet homme qui va devenir la pierre.

 

Mes frères, la destinée de ce simple pêcheur de Galilée, elle ouvre des horizons merveilleux sur notre destinée à chacun d'entre nous. Dès l'instant où nous entrons dans la connaissance vrai de Jésus, nous recevons à notre tour un nom nouveau, notre nom d'éternité. Et ce nom est toujours attaché à une mission qui nous renvoie à nos frères. Si bien que nous sommes identiques à notre mission.

Et cette mission est extatique et nous fait sortir de nous à mesure qu'elle nous fait entrer dans la plénitude de Dieu. Nous ne vivons plus pour nous, nous vivons pour les autres. Et c'est cela notre nom nouveau, mais un nom personnel. Ce nom, nous sommes seuls à le connaître avec celui qui l'imprime en nous. Et la multitude, la multiplicité de ces noms écrit un Grand Nom, le nom de Jésus le Christ, le Fils du Dieu Vivant.

Mes frères, le mystère de la véritable connaissance de Jésus le Christ, de notre nom nouveau, de notre mission, nous le vivons dans l'Eucharistie. Ce nom, cette mission, cette connaissance doivent nous soulever, nous rendre plus léger, nous donner une âme qui va transparaître à travers les pores de notre chair et qui va au loin dans l'invisible rayonner cette vie nouvelle.

 

Tout cela, mes frères, l'Eucharistie nous l'apporte. Aller dans la paix du Christ, c'est être revêtu d'une force divine pour la vie éternelle en faveur de tous les hommes. Oui, la Sagesse de Dieu est vraiment insondable. Ce que nous avons à faire, c'est de nous ouvrir à elle et en elle de découvrir notre véritable identité, et enfin pouvoir vivre en plénitude. Que cette Sagesse sois bénie à jamais !

 

                                                                                                             Amen.

 

Homélie : 21° Dimanche ordinaire – C.           24.08.86

Dieu est l’Amour.

 

Mes frères,

 

Nous savons que Dieu est amour. Nous le savons parce qu'Il nous l'a dit. L'amour n'est pas chez Dieu un attribut parmi d'autres. L'amour est l'essence même de son être. Dieu n'est qu'amour, don, gratuité, épanchement sans réserve. Et il est, à cause de cela, humilité, renoncement, dépouillement, pauvreté sans fond.

Voilà, mes frères, qui est notre Dieu. Il est amour et pourtant il a des paroles extrêmement dures. Nous venons de les entendre, elles sonnent encore à nos oreilles : Retirez-vous de moi, je ne sais pas d'où vous êtes. Là où vous serez, dehors, il y aura des pleurs, des grincements de dents. Et ce sera pour vous.

Mes frères, Dieu est tellement amour qu'il va jusqu'à nous parler en pleine clarté le langage de la vérité. Ce serait atroce pour Dieu lui-même si nous venions à nous installer en dehors de l'amour. L'image, la ressemblance de Dieu en nous, c'est l'amour. Et cette image, il veut la protéger, la garantir, éventuellement la réparer afin qu'elle ne subisse aucun dommage.

 

C'est pourquoi il nous corrige, c'est pourquoi il nous fait la leçon. Il ne veut pas nous effrayer. Non, il veut nous placer en face de notre vérité et de nos responsabilités. Il veut que nous prenions nous-mêmes en nos mains le sort de notre vie. Nous ne devons pas dire que nous sommes trop faibles pour cela. Non, son amour est là pour nous porter, pour nous fortifier, pour nous éclairer.

Mais nous devons passer par une porte étroite pour entrer dans le domaine de l'amour, pour entrer dans le Royaume de Dieu et nous installer à sa table. Et cette porte étroite, c'est l'oubli de soi. Pour aimer mon frère, je dois d'abord l'accepter tel qu'il est, tel que Dieu dans son amour l'a voulu, tel qu'il me le présente. Je l'accepte tel qu'il est et pour cela, je renonce à mon jugement sur lui, un jugement qui monte la plupart du temps de mon fond d'égoïsme.

Je renonce, je m'oublie et je porte sur lui un regard nouveau. Je demande à Dieu qui est amour de me donner ses yeux à lui. Et alors, je peux vraiment aimer mon frère. Et dans la demeure de l'amour, dans ce domaine de lumière, il n’y a aucune discrimination d'ordre racial ou religieux, aucune distinction de classe ou de culture.

 

Nous serons étonnés, mes frères, de voir des hommes et des femmes venus de tous les horizons, de l'Orient et de l'Occident, du nord et du midi, prendre place au festin du Royaume. Ils y trouveront leur place, car ils seront tous de la parenté de Dieu, car ils auront été habités par l'amour.

Mes frères, ne laissons pas la porte se refermer devant nous. Soyons aussi de la famille de Dieu. Et pour cela, aimons-nous les uns les autres sans limite.

                                                                                                                          Amen.

 

Homélie : 21°dimanche * Année A.        22.08.93.

      Le regard de la foi.

 

          Is. 22,19-23 * Rm. 11,33-36 * Mt. 16,13-2O *

 

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

            Le Seigneur Jésus nous a rappelé fort opportunément qu’il existe deux types de regard. Il y a le regard des hommes, comme il dit, le regard des hommes emprisonnés dans le corset étriqué de leurs raisonnements trop sages et trop humains.

            Ces hommes ne considèrent que l’apparence. Ils sont incapables de percer le voile, de découvrir l’au-delà, de comprendre l’indicible. Pour ces hommes, Jésus est un simple prophète, un prophète comme les autres, un prophète parmi les autres.

 

            Aujourd’hui, des chrétiens, des hommes et des femmes qui portent l’étiquette de chrétien vont dire : « C’est un fondateur de religion comme les autres, comme Bouddha, comme Moïse, comme Mahomet. Il n’a rien fait de plus ». Mais çà, c’est le regard de certain homme ! Jésus vient de l’évoquer.

            Mais il est un autre regard, le regard d’un cœur éclairé par l’Esprit de Dieu. Ce regard traverse le visible pour atteindre l’invisible. Et pour lui, cet invisible est la première réalité, finalement la seule réalité en ce sens que c’est d’elle dont dépend l’univers dans sa totalité.

            Pour un tel regard, Jésus est le Messie, Jésus est le Fils de Dieu, Jésus est Dieu dans une chair d’homme ; Jésus est la voie, la vérité et la vie, l’alpha et l’omega, le commencement et la fin de toutes choses ; Jésus est le créateur, le juge et le sauveur du monde.

 

            Ce second regard, est le regard de la foi. Il est - comme on nous l’a dit dernièrement à propos de Saint Bernard - il est une grâce d’étonnement, une grâce d’émerveillement. Il n’est pas seulement adhésion intellectuelle, mais il est don confiant, sans retour, de la personne entière à Dieu reconnu dans le Seigneur Jésus.

            Certes, chez un homme habité par un tel regard, il y aura encore, comme chez l’Apôtre Pierre, des lâchetés, des erreurs, des fautes, des péchés. Mais le fond demeure stable. Cet homme peut dire comme l’Apôtre Pierre : Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime.

 

            Une telle foi arrache l’homme à l’attraction de la chair.  Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, dira Jésus à Pierre. Cette foi arrache l’homme à l’attraction de la chair et du sang et elle le projette sur l’orbite du divin. Cet homme, alors, commence à connaître le véritable bonheur quoiqu’il arrive.

            Il peut être tenaillé, déchiré par des amoncellements de peines et de souffrances, la partie la meilleure de lui n’est jamais atteinte. Là est ancré, là est enraciné pour jamais le véritable bonheur, celui de la vie éternelle ; car cet homme est possédé par Dieu et il possède Dieu. Et il est devenu avec Dieu un seul esprit. Il est hors de portée du jugement des autres hommes. Par contre, lui-même peut juger de tout. Dieu se sert de lui pour lier et pour délier.

 

            Oui, frères et sœurs, comme l’Apôtre Paul vient de nous le chanter les chemins de Dieu sont impénétrables et les décisions de Dieu sont insondables. Nous devons les accueillir et les embrasser telles qu’elles sont sans interférer nos raisonnements trop humains.

            Puissions-nous chacun pour notre part recevoir cette grâce d’un regard qui voit l’invisible, cette grâce de la foi véritable, de la remise de soi totale, définitive à la personne du Seigneur Jésus, à Dieu reconnu, vu, contemplé dans la personne du Seigneur.

            Et alors, cette foi nous rendra stable comme un piquet qu’on enfonce dans un sol ferme.

                                                                                                   Amen.

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Homélie : 22° dimanche ordinaire * année C.    03.09.89

      Une oreille qui écoute.

       Si 3,17-18.20.28-29 * He 12,18-19.22-24 * Lc 14,1a.7-14.

 

Mes frères,

 

Nous venons d'entendre de la bouche du Siracide une parole qui vaut son pesant d'or : L'idéal du Sage, c'est une oreille qui écoute.

Avoir une oreille qui écoute, c'est rester toute sa vie dans la position du disciple, de celui qui se tait car il a tout à apprendre. Le sage fait silence en lui et il demeure attentif aux murmures de l'Esprit qui lui parle par les hommes, par les événements, qui lui chante une mélodie absolument merveilleuse dans le secret de sa conscience.

 

Mes frères, l'idéal du Sage, l'idéal du moine, c'est d'être un écoutant, c'est se nourrir de la Parole de Dieu, de Dieu lui-même. C'est se modeler sur cette Parole jusqu'à devenir présence même de Dieu sur cette terre.

Or Dieu, nous l'expérimentons, est l'être le plus effacé, le plus humble qui soit. Il ne s'impose pas, il cède toute la place, il se fait comme inexistant. Quand il s'est présenté aux hommes sous les traits de Jésus, personne ne l'a reconnu. On a fait de lui tout ce qu'on a voulu jusqu'à le rejeter et le tuer.

Quand il nous conseille aujourd'hui de nous mettre à la dernière place, il nous invite tout simplement à l'imiter, à prendre place à côté de lui. Etre un écoutant, c'est donc se mettre le dernier, c'est vouloir ressembler à Dieu jusqu'au bout.

 

Mes frères, quand on en arrive là, du même coup on dépose toute ambition, toute convoitise. On n'attend plus rien des hommes. On a placé toute son espérance en Dieu et en son amour.

L'homme en effet est décevant. Dieu seul peut combler le désir de notre cœur. Lui seul peut étancher notre soif, apaiser notre faim. C'est pourquoi le sage se nourrit de la Parole de Dieu et de ses vouloirs, à la dernière place auprès de Dieu.

Rappelons-nous Marie de Béthanie assise aux pieds de Jésus et buvant ses paroles. Nous savons jusqu'où ce geste, cette écoute l'a conduite, jusqu'à ce fameux soir où elle a versé sur les pieds de Jésus un parfum d'un prix inabordable, ce qui a permis à Jésus d'aller lui-même jusqu'au bout de sa mission.

 

Mes frères, écouter Dieu, c'est devenir en quelque sorte son complice - j'emploie ce mot pour ne pas dire son collaborateur - car il évoque l'image de deux êtres qui sont impliqués l'un dans l'autre et qui ne peuvent plus faire qu'une seule chose toujours ensembles, à savoir aimer et se donner.

Se nourrir de la parole de Dieu, c'est se nourrir de gratuité. Et celui-là ressuscite déjà d'entre les morts car, comme je l'ai dit voici un instant, il devient semblable à Dieu.

Mes frères, la logique divine est déroutante, mais elle est si belle et si féconde. Nous sommes des chrétiens. Puissions-nous faire nôtre cette logique, en vivre, la répandre, et à partir d'elle construire un monde nouveau, image du monde à venir.

                                                                                                         Amen.

 

 

Homélie : 23° dimanche ordinaire. A.            09.09.84

      Le Christ est parmi nous.

 

Mes frères,

 

La dernière parole que le Christ vient de nous adresser devrait nous inonder de joie et nous emplir d'une force invincible : Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, moi je suis au milieu d'eux. Le Christ est donc ici parmi nous qui sommes rassemblés en son nom. Il est présent dans son corps de ressuscité, de transfiguré, de glorifié.

 

Mes frères, notre sanctuaire est vraiment la porte du ciel. Il est la certitude absolue d'une éternité de gloire pour chacun d'entre nous. Mais nous découvrons en même temps notre devoir, un devoir impérieux mais si beau. Nous sommes les familiers de Dieu, nous sommes de race divine et notre noblesse nous oblige à un comportement nouveau.

Il ne nous est plus possible de vivre comme des hommes poussés en tous sens par leurs passions égoïstes. Nous avons une Loi, la Loi de notre Christ : l'amour. L'Apôtre Paul nous dit que nous ne sommes redevables que d'une dette les uns envers les autres, celle de l'amour. Et nos frères ont toujours le droit d'exiger de nous le payement de cette dette. Nous ne devons pas nous y dérober.

Aimer son frère, c'est lui donner la chance de vivre. Le meilleur moyen de corriger quelqu'un de ses erreurs, de ses vices, ce n'est pas de lui adresser des reproches cinglants, mais c'est de faire croître en lui la santé spirituelle en prenant sur nous sa faute, et en aimant ce frère dans le secret du cœur et par des actes concrets de bienveillance.

 

Nous ne devons pas avoir peur de souffrir pour nos frères et même de souffrir par eux. Lorsqu'ils s'en prennent à nous, c'est un cri d'appel qu'ils nous adressent, un appel au secours. Et nous devons toujours y répondre par l'amour. Le Christ notre chef, notre Roi nous en a donné l'exemple. Alors que nous étions pécheurs, que nous lui étions hostiles, il nous a aimés jusqu'au bout jusqu'à mourir. Et maintenant nous devons, nous aussi, exposer notre vie pour nos frères.

Oui, le Christ est au milieu de nous. Il vit en nous. Il va se donner en nourriture, il va nous donner à partager sa chair et son sang. Nous allons être réunis dans un même corps, le sien. Il nous sera alors facile de nous rencontrer, de nous aimer et de nous sauver ensemble.

Oui, mes frères, n'ayons pas peur de devenir un dans le Christ. Nous recevrons alors le gage d'une éternité de bonheur. Nous serons ensembles pour jamais et rien ne pourra nous séparer car notre vie commune, ce sera l'amour pour toujours. Oui, mes frères, je sais bien que nous sommes revêtus de faiblesse. Nous aurons encore à lutter pour que l'amour triomphe dans notre cœur.

Mais nous sommes en ce lieu pour cela. Je le rappelle, nous sommes ici chez Dieu. Le Christ est présent au milieu de nous. Et si nous nous mettons d'accord - il vient de nous le dire - pour demander une chose en son nom, il nous l'accordera.

Mes frères, chacun dans notre cœur demandons les uns pour les autres la grande grâce de pouvoir vraiment aimer.

                                                                                               Amen.

 

Homélie : 23° dimanche ordinaire. Année B.    04.09.88

      Effata !

       Is 35,4-7  *  Jc 2,1-5  *  Mc 7,31-37

 

Mes frères,

 

La péricope évangélique que nous venons d'entendre est un des rares endroits où l'écrivain sacré a tenu à conserver un terme original Araméen : effata ! Ce n'est pas sans raison. A l'intérieur de ce verbe vibre, bruisse tout un mouvement, toute une vie. Nous devons en contempler les allées et venues ; nous devons entendre les bruits, les paroles, les silences.

Effata signifie bien "ouvre-toi", mais dans un sens infiniment plus large que notre pauvre et cartésienne langue française. La langue hébraïque est une langue de poètes, une langue de créateurs. Effata signifie ouvrir. On ouvre une porte pour accueillir un hôte. On ouvre son cœur pour y accueillir son frère ; on ouvre son cœur pour que Dieu puisse en faire son palais.

On ouvre la bouche pour prononcer une parole de sagesse, pour louer les grandeurs de notre Dieu. On ouvre la main en un geste de bienfaisance. On ouvre l'oreille pour accueillir la révélation du mystère, pour écouter les monitions du Seigneur. Et on ouvre la boucle d'une ceinture pour rendre la liberté.

 

Voyons maintenant le Seigneur Jésus. Il se retire à l'écart dans la solitude. Il évoque par là la solitude de Dieu au jour de la création. Puis, il pose des gestes prophétiques. Il met les doigts dans l'oreille de l'infirme. Il dépose de sa salive sur la langue. Il lève les yeux au ciel. Il pousse un soupir.

Voyons loin, mes frères, très loin et très large. Nous sommes avec Jésus aux premiers temps de la création nouvelle. Dieu, en lui, reprend à la base son œuvre abîmée par le péché. Si bien que dans cet homme, dans cet infirme, c'est l'humanité entière qui est déjà restituée à sa condition première.

L'homme est fait pour écouter Dieu, pour se nourrir de sa Parole et de sa volonté, pour devenir un fils de Dieu parfait, pour devenir l'image de ce que Dieu est, le miroir sans buée qui renvoie à Dieu sa propre figure. L'homme est fait pour répondre à Dieu dans un élan de tout son être, par la louange de son cœur. L'homme est donc tout entier écoute et parole.

 

Jésus pose des gestes, une série de gestes que j'ai évoqués il y a un instant. Il veut par là nous faire comprendre que c'est par le moyen des contingences matérielles quotidiennes que Dieu nous soigne et nous guérit. La loi de l'Incarnation joue pour nous à tout moment. C'est une des motivations de notre obéissance. Lorsque nous entrons dans les vouloirs amoureux de notre Dieu, la santé même de Dieu vient en nous et rétablit l'ordre originel.

Si bien qu’au terme, lorsque nous sommes guéris, tout est ouvert en nous et autour de nous pour nous. Nous jouissons de la Sainte liberté des enfants de Dieu, et le monde entier en est transformé. Tous les hommes sont reconnus comme frères et la seule richesse qu'ils partagent généreusement est celle du Royaume.

Mes frères, je le sais, le chemin est long pour arriver jusque là. Mais si nous permettons à Dieu de réaliser ce prodige en nous, ce sera quelque chose de définitif qui aura changé dans l'univers. C'est pourquoi, mes frères, prêtons-nous en toute confiance à l'agir de notre Christ et à sa compassion.

                                                                                                       Amen.

 

Homélie : 23° dimanche ordinaire. Année C.     06.09.92

      Adopter le tout de Dieu.

       Sg 9, 13-18 * Phm 9b-10.12-17 * Le 14, 25-33

 

Mes frères,

 

Nous venons de l'entendre : on peut faire route avec Jésus et ne pas être son disciple. La qualité de disciple exige un plus qui est un absolu de préférence. Mais attention, les paroles de Jésus sont piégées si on les entend dans un sens bassement charnel. Elles doivent être comprises dans leur sens spirituel profond. Et ce sens, le voici :

Adopter le tout de Jésus en devenant son disciple, c'est adopter le tout de Dieu et entrer dans une logique nouvelle qui, ne l'oublions jamais, est celle d'un amour poussé à son extrême. Devenir disciple de Jésus, c'est entrer à l'école de l'amour, ce qui entraîne la mort à toute forme de possession et d'égoïsme. Le disciple de Jésus est donc appelé à être le témoin d'un amour qui est Dieu lui-même.

Il opère ainsi un échange merveilleux auquel tout le monde gagne, lui d'abord et puis ses proches qui ne sont plus aimés pour ce qu'ils apportent. Ils sont aimés gratuitement pour eux-mêmes tels qu'ils sont et tels qu'ils seront et cela, dans un respect, dans une délicatesse qui les valorise, qui les épanoui, qui leur donne un bonheur insoupçonné, un bonheur qui est déjà l'avant-goût du bonheur qui nous unira tous lorsque après la résurrection nous serons ensemble dans la création nouvelle.

 

Tout est donc affaire d'équilibre, de discrétion, de choix dans une lumière qui est Dieu lui-même habitant le cœur et lui inspirant le meilleur. C'est une entreprise magnifique, mais il s'agit de bien réfléchir avant de s'y engager. L'enjeu en effet est énorme. Il ne s'agit pas en effet de lâcher prise après s'être engagé. Il faut aller jusqu'au bout du don de soi, jusqu'au bout de l'amour.

C'est le sens de la parabole de la tour inachevée et du roi qui part en guerre. Il faut s'asseoir, il faut calculer, il faut s'informer, il faut prendre conseil, il faut prier et puis alors, en toute lucidité poser un choix qui sera de par sa nature irrévocable. Mieux vaut ne pas commencer que de caler en route.

On ne peut jouer à la légère avec les siens, avec soi-même, avec Dieu en fin de compte. Et même si au terme on expérimente une métamorphose extraordinaire en soi et rayonnant à partir de soi sur les autres, il y a au départ un renoncement à tout qui est une véritable ..?. Inutile donc de se lancer dans une telle aventure si on n'y est pas nettement appelé. Il existe aujourd'hui des situations extrêmes comme les persécutions ouvertes ou occultes  que connaissent certains chrétiens, tant de chrétiens même en divers pays. Pour eux, vous le comprenez, les paroles du Christ sont brûlantes comme une fournaise.

 

Eh bien, mes frères, au cours de cette Eucharistie, demandons au Seigneur de nous donner la grâce de vivre chacun à notre place la vérité de notre foi.

                                                                                                                             Amen.

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Homélie : 25°Dim.A.                              16.07.78

La Parole du Royaume.                

    * Is. 55, 10-11 * Rm. 8, 18-23 * Mt. 13, 1-23.

 

Mes frères,

 

Il a été question de la Parole de Dieu. Mais prenons bien garde ! Il y a la Parole et il y a nous. Restons modestement, humblement à notre place. La Parole du Royaume n'est pas un objet que nous pouvons serrer sous la lentille de notre acuité intellectuelle ou spirituelle pour en scruter les détails, ou pour en apercevoir l'aspérité ou le creux qui nous permettra de nous l’approprier, de la maîtriser, de l'utiliser.

Non, la Parole du Royaume n'est pas un objet à notre disposition. Elle n'est même pas objectivable. Elle est une Personne qui se présente à nous, a notre cœur, une Personne qui ne s'impose pas. Elle n'est ni autoritaire, ni tyrannique. Elle n'est rien qu'Amour et beauté et, elle désire nous combler. Si nous pouvions comprendre ce que ce mot signifie, nous combler, lorsqu'il vient de la part de Dieu ! Et nous n'avons qu'une chose à faire : nous ouvrir, l'accueillir et nous donner.

 

Or, le Christ vient de nous adresser des Paroles extrêmement dures. Habituellement on les passe sous silence, on saute directement de la Parabole à son interprétation. Or il vient de nous dire, entre les deux, que le Royaume de Dieu n'était pas accessible à tout le monde. Pour entrer dans le Royaume, il faut avoir des pieds, des yeux et des oreilles.

Il faut avoir des yeux pour en admirer la douce Lumière, la vivifiante Lumière. Il faut des oreilles pour en capter les messages et aussi l'arrière fond musical. Il faut des pieds pour en parcourir, pour en explorer les multiples détours, pour en recueillir toutes les surprises.

Or, je n'ai ni pieds, ni oreilles, ni yeux, si je suis un servant des idoles. C'est à dire, si au lieu de me laisser attirer par ce Royaume dans lequel je suis invité, je me laisse plutôt séduire par ma propre image que je projette partout. Et je deviens semblable à ces objets sans vie. Elles ont des yeux et ne voient point ! Elles ont des oreilles et n'entendent pas ! Elles ont des pieds et elles ne marchent pas !

 

Devenu un servant des idoles, je me rends moi-même incapable de voir, d'entendre et de marcher. Je suis inadapté à cet Univers du Royaume qui d'ailleurs, au fond, ne m'intéresse pas ! Il n'intéresse pas mon autosuffisance. Je trouve mon ciel en moi et c'est la mort ! C'est cela la mort éternelle, rien d'autre !

La Parole du Royaume, comme le dit Jésus, est déposée en nous comme une semence, une semence qui doit pousser ses racines, se développer et prendre toute la place. Et c'est cela qui est tellement dur ! On comprend alors qu'il faille souffrir les douleurs d'un laborieux enfantement, car la Parole doit occuper toute la place.

Et alors, le chercheur de Dieu, l'amant de cette Parole, crie à la fois de désir et de peine. Et à travers ses cris, c'est la création entière qui gémit et qui espère. Elle espère car la venue au monde d'un fils de Dieu achevé, l'apparition au monde d'un nouveau Christ, est une victoire sans prix pour l'humanité et aussi pour le cosmos matériel tout entier. Que devons-nous faire finalement, nous dont le cœur est toujours encombré de pierres et de ronces, nous dont le cœur est toujours séduit par les idoles ?

 

Mes frères, le mieux est de nous livrer tout simplement, tels que nous sommes, à cette Parole de Dieu. Elle est infiniment plus puissante que toutes les formes de paralysie, de cécité, de surdité ! Elle nous en a donné de multiples preuves, elle qui est descendue plus bas que tout nos refus pour, à travers la mort même, faire surgir la vie impérissable.

Mes frères, nous sommes venus dans le monastère où nous avons été baptisés pour être ainsi ouverts, livrés à la Parole. Et si nous sommes fidèles au jour le jour - j'en ai confiance - nous entendrons, il nous sera dit à nous aussi cette merveilleuse Parole : Heureux vos yeux, ils voient ; Heureuses vos oreilles, elles entendent.

                                                                                                          Amen.

 

Homélie : 25° dimanche – année B.               19.09.82

      Les paradoxes du Royaume. [1]

Sg 2, 12.17-20  *  Jc 3, 16-4, 3  *  Mc 9, 30-37

 

……………………….il est vivant aujourd'hui. Et alors, ne serait-il pas possible de le suivre ? Ce que faisaient les apôtres, n'est-ce pas réalisable aujourd'hui pour nous ? N'est-ce pas la folle ambition de la vie monastique ? Mais ne serait-ce pas aussi se condamner à bien souvent ne rien comprendre ? Pour suivre le Christ Jésus, il faut tout déposer. Il faut opérer un retournement complet. Judas n'y a pas réussi, et nous savons ce qui lui en a coûté...

Le Royaume de Dieu, mes frères, ce n'est pas notre monde actuel en mieux, en parfait, en plus que parfait. Non, ce n'est rien de ce monde. C'est autre chose. C'est une nouveauté absolue. Ce que l'œil de l'homme n'a pas vu, ce que son oreille n'a jamais entendu, ce qui jamais n'est monté à son cœur, voilà le Royaume de Dieu !

N'allons pas chercher nos points de référence dans ce que nous voyons maintenant partout autour de nous. Ne sublimons pas ça à un nouveau transcendant. Non, le Royaume de   Dieu est autre, il est nouveau.

            En voici un exemple, nous l'entendons de la bouche du Christ : Celui qui veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. C'est une règle qu'il est impossible d'enfreindre. Voici donc notre échelle de valeur renversée. Le Christ lui-même est venu non pas pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en faveur de la multitude des hommes... et la donner sur une croix en y étant cloué par ses mains et ses pieds.

 

Mes frères, cela n'est pas du folklore religieux. Et le moine s'engage à vivre ainsi la tête en bas. Au lieu de dominer, de commander, de régenter, il va obéir. Il va devenir le serviteur de Dieu, de ses frères, de tous les hommes. Il va entrer dans la totalité de la vie en apprenant à mourir. Cela exige une lucidité implacable !

Dans la lettre de l'Apôtre Saint Jacques, nous devons nous voir comme dans un miroir. On dirait que cette lettre a été écrite hier pour nous, qu'elle nous a été remise ce matin et que nous en prenons connaissance. Tous ces instincts qui foisonnent sur l'égoïsme, ne les sentons-nous pas bouillonner en nous ? Toutes ces convoitises qui nous mènent au désordre et à des actions malfaisantes ?

Serions-nous meilleurs que les Apôtres, eux qui s'abandonnaient à ces instincts lorsque sur la route ils discutaient entre eux, qu’ils se disputaient pour savoir lequel parmi eux était le plus grand ?

 

Mes frères, de ces Apôtres encore si bassement humains, le Christ a fait des témoins, des martyrs et des saints. Ce qu'il a réalisé pour eux, il veut, il désire le réussir en nous. Et il nous en donne le gage aujourd'hui encore. Dans l'Eucharistie, il va s'unir à nous dans son état d'immolation et de glorification, devenir chair de notre chair, sang de notre sang, pour nous permettre de vivre de sa vie et de devenir en tout semblable à ce qu'il a été, à comprendre, à entrer dans les paradoxes de son Royaume et à les faire nôtres sans restriction.

Mes frères, nous serons un jour aussi les premiers parce qu’avec le Christ et en, lui nous aurons vécu au pied de tous les hommes.

                                                                                                     Amen.

 

Homélie : 25°Dimanche – Année B.              25.09.94.

      Choisir la vraie vie !

            

Nb 11, 25-29 * Jc 5, 1-6 * Mc 9, 38-43.45.47-48

 

Frères et sœurs,

 

            Le Seigneur Jésus utilise aujourd’hui des paradoxes percutants pour enflammer l’imagination et éveiller nos consciences : couper sa main, couper son pied, arracher son œil, jeter à la mer avec une meule au cou l’homme qui fait tomber les autres.

            Il s’agit de sauver sa vie et celle des autres, surtout la vie des petits qui croient, qui font confiance, qui suivent celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Il s’agit d’écarter toute occasion de chute. Le péché, ne serait-il pas une parole, un geste, une corvée parfois qui précipite hors de la vie et qui fait tomber là où jamais on n’aurait voulu aller ?

 

            Nous l’avons entendu, le Christ est formel. On peut amonceler les richesses matérielles, on peut multiplier les assurances de toute nature, on peut connaître toutes les jouissances possibles, on finira un jour par se trouver face à la mort et à la remise des comptes.

            Le Christ nous secoue et nous dit, mieux encore, il nous crie : « Choisissez la vraie vie, celle qui n’a pas de fin. Choisissez la vie que Moi je suis ! ». Car, il y a-t-il une vie en dehors de l’amour ? Il y a-t-il une vie en dehors de Dieu ?

            Nous sommes tous d’accord. Nous ne demandons pas mieux de recevoir en nous cette vie. Mais ce n’est pas facile, reconnaissons-le ! Les séductions sont tellement nombreuses et puissantes, et le courage nous fait si souvent défaut. Ce n’est pas rien de se séparer de son œil, de sa main, de son pied ; ce n’est pas rien de se séparer de soi et de donner la préférence aux autres.

           

C’est pourtant ce que Jésus a fait et, c’est pourquoi il a le droit de parler. Il s’est vidé de sa condition divine et il s’est fait l’esclave du monde entier. Il n’a pas reculé devant la mort, et quelle mort, la mort sur une croix .O, il ne nous en demandera jamais autant !

            Mais lorsque nous renonçons à nous-mêmes, est-ce que nous ne vivons pas une petite mort qui pour nous est grande? Le péché, c’est se choisir soi, c’est se refermer sur soi, mais alors c’est finalement attirer sur soi la malédiction et le malheur. L’Apôtre vient de nous le dire. Prenons tout de même bien garde !

 

            Ne laissons pas nos vêtements là quelque part, oubliés dans un placard ou une garde-robe alors qu’il est des hommes, des femmes, des enfants qui n’ont rien pour se mettre, ou presque rien à porter, lorsque l’hiver approche !

            Ne laissons pas dormir nos capitaux bien placés quelque part alors qu’il y a tant et tant de besoins criants partout. Il ne faut pas courir bien loin, c’est à notre porte ici au monastère. Nous ne le savons que trop, chaque jour au moins une dizaine d’appels arrivent par la poste, par appel téléphonique et parfois pour des besoins extrêmement criant, urgents. Et il faut répondre, le devoir est là !

 

 

            Oui, il y a pour nous, si nous voulons vraiment vivre, il n’y a qu’une seule issue : c’est parier sur l’amour, risquer tout sur l’amour. Car l’amour, ce n’est pas quelque chose, ce n’est pas un beau sentiment. L’amour, c’est la personne même de Dieu. Et parier sur l’amour, c’est construire sa vie sur Dieu.

            Il s’agit donc de se séparer de notre égoïsme et de partager dans la gratuité. Les chrétiens devraient tous être des prophètes comme Moïse le souhaitait déjà pour le peuple d’Israël.

 

            Etre prophète, c’est avoir toujours sur les lèvres des paroles de bienveillance, des paroles de conciliation, des paroles de compassion, des mots qui pansent les blessures, des mots qui jettent de l’eau sur les petits incendies qui s’allument.

            Etre prophète, c’est avoir un regard de lumière, un regard qui laisse filtrer Dieu lui-même, l’Esprit qui veut s’emparer de chacun pour le métamorphoser.

 

            Voilà, frères et sœurs, ce qui nous est proposé en ce jour ! Et le Christ nous dit que ce que vous partagez vous introduit au cœur de cette beauté. Veillons à ne jamais en sortir ! Et alors, tous et chacun nous entrerons en possession de la vie éternelle, nous ne serons pour personne l’occasion de chute.

            Au contraire, nous serons des guides. Il suffira de regarder vers nous pour savoir comment il faut faire, pour connaître la sécurité et ainsi construire dès maintenant ce Royaume de joie et de lumière qui nous est promis et dans lequel nous sommes déjà établis par cette Eucharistie qui nous unit, qui nous rassemble en un seul Corps.

                                                                                                                                 Amen.

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Homélie : 26° dimanche ordinaire – B.           29.09.85

      Tous prophètes !

 

Mes frères,

 

Le souhait jaillit du cœur de Moïse se réalisera un jour lorsque paraîtra le monde à venir. Il sera même dépassé à l'infini. Ce n'est pas seulement Israël qui sera un peuple de prophètes, mais l'humanité entière.

Nous sommes créés, en effet, pour participer à la nature de Dieu, pour être animés par son Esprit, pour devenir en lui pure lumière. C'est pourquoi nous devons être heureux lorsque quelqu'un parmi nous, ou loin de nous, se voit saisi par l'Esprit, transformé, transfiguré par lui.

Un tel homme devient pour ses frères prémices de vie éternelle. Il est le témoignage de ce qui est promis à chacun, de ce que chacun recevra au jour où Dieu le décidera.

 

Mes frères, il est deux choses dont nous ne devons jamais douter : tout est possible à Dieu. L'amour de Dieu pour tous les hommes est un absolu. Il y a en chaque homme, en chacun d'entre eux une capacité d'accueil qui est là, toujours ouverte. La vertu chrétienne par excellence est donc l'espérance.

Nous ne devons jamais douter des autres. Nous ne devons jamais douter de nous. Nous ne devons jamais douter de Dieu. Tout, en effet, peut être attendu de Dieu et des hommes.

Mes frères, c'est là pour nous une immense consolation. Nous rencontrons en effet dans notre vie tellement d'obstacles, tellement de difficultés, que nous pourrions perdre cœur. Mais cela ne peut pas arriver, car il y a quelqu'un qui est plus grand que notre cœur, notre Dieu, dont l'Esprit plane au-dessus de nous. Cet Esprit qui nous prend sous son ombre et qui nous protège, et à notre insu, nous travaille et nous transforme.

 

Mes frères, la sainteté transcende tellement notre nature que rien ne peut lui faire obstacle, ni les déficiences morales, ni les péchés, ni les oppositions….  absolument rien ! Nous devons bien savoir, être pénétrés d'une évidence, ­pour moi c'est une évidence - le scandale le plus dangereux, c'est d'étouffer ou d'éteindre dans l'homme cette soif de dépassement qui le tenaille, ce besoin qu'il a de croire en quelqu'un qui, ultimement, est toujours Dieu. Peut-être le malheur le plus grand qui puisse survenir à quelqu'un, c'est d'être déçu d'un autre.

Mes frères, il y a là pour nous, pour chacun d'entre nous, une grande responsabilité que nous devons regarder en face et que nous devons assumer. Porter les autres, cela veut dire se donner à eux. C'est répondre à quelque chose qu'ils attendent, qu'ils ne savent peut-être pas formuler. Et puis, ne jamais nous retirer quoi qu'il arrive.

Notre présence silencieuse dans le monde doit être ainsi un appel dirigé vers Dieu et vers les hommes. Vers Dieu, pour que son projet d'amour s'accomplisse en nous et dans les autres. Et vers les hommes, afin qu'ils gardent confiance toujours, même à travers les plus profondes obscurités.

 

Nous avons entendu les paroles du Christ. Elles sont vraiment dures. Il a parlé de scandale. Il a parlé de se mutiler si nécessaire plutôt que de tomber là où jamais de sang froid on ne voudrait aller. Naturellement ce sont là des hyperboles, mais ce ne sont pas des exagérations, car il y a des choses, il y a des êtres auxquels nous semblons être attachés plus qu'à notre propre vie.

Mes frères, nous devons entrer ainsi dans un dépouillement qui ne laisse devant nous que cette vision de Dieu et du bonheur qui nous attend en lui...mais pas un bonheur égoïste, pas seulement nous, mais tous ceux que nous porterons dans notre cœur. Et ceux que nous porterons dans notre cœur, c'est tous les hommes sans aucune exception.

Le sacrifice du Christ auquel nous allons prendre part va nous permettre de vaincre nos peurs, de vaincre ce qui en nous pourrait freiner le don que nous faisons de notre personne à Dieu et à nos frères. Et ainsi unis dans un même corps, celui du Christ, animés tous d'un même esprit, nous pourrons continuer à croître jusqu’a ce que nous ayons atteint notre taille parfaite de plénitude, de vie divine en chacun d'entre nous. Car personne, encore une fois, ne peut être laissé de côté.

 

                                                                                                         Amen.

 

Homélie : 26° dimanche ordinaire – B.           25.09.88

       Que l’Esprit vienne à notre secours          

Nb Il, 25-29 * Jc 5,1-6 * Mc 9, 38-48

 

Mes frères,

 

L'enseignement du Christ doit toujours être écouté dans la perspective du monde à venir. Dieu n'a pas assumé notre nature de faiblesse et de péché pour nous aider à satisfaire nos désirs de réussites terrestres et de bonheur à court terme, mais pour nous arracher à la pesanteur de la chair, pour nous entraîner avec lui dans son univers jusqu'au centre de la vie, de la lumière et de l'amour qui est le cœur de la Trinité.

 

Pour Lui et pour nous, l'enjeu est crucial. Il nous faut choisir à toute heure entre sa volonté qui est amour et notre volonté qui est égoïsme. Le choix peut être extrêmement dur. Le Christ ne craint pas d'user de paradoxes que l'on peut qualifier d'effrayants : couper sa main, couper son pied, arracher son œil... Et celui qui voudrait empêcher de bien choisir, il vaudrait mieux le jeter à la mer.

 

Mes frères, livrés à la pente de notre nature, nous tendrons volontiers notre main vers le plus facile et le plus agréable. Notre cœur penchera vers la richesse, le luxe, les honneurs, les plaisirs. Mais malheur à nous, s'exclame l'Apôtre, tout cela n'est que buée. Au terme, fatalement c'est la ruine !

Il est donc nécessaire que vienne à notre secours celui qui en Dieu est l'amour et la force, l'Esprit Saint en personne. C'est pourquoi nous devons toujours implorer le secours de notre Dieu, une telle prière est toujours exaucée. Mais attention, il ne faut pas l'implorer - je le rappelle - pour réussir dans nos entreprises d'ici-bas.

Il faut l'implorer pour réussir dans son entreprise à lui qui est de nous transfigurer, de nous donner sa propre vie, de nous introduire jusqu'à l'intérieur de son Royaume dès maintenant. Alors, nous pouvons être les uns pour les autres des phares qui indiquent la route à suivre et qui disent bien haut que pour Dieu rien n'est impossible lorsqu'il s'agit de sanctifier un homme.

 

Le jour de notre confirmation, nous avons reçu l'Esprit Saint. Nous sommes devenus le Temple de l'Esprit, la demeure de Dieu. Il s'agit donc pour nous, tout simplement, de lui abandonner la direction de notre vie jusqu'à ce que nous devenions d'authentiques spirituels, des pneumatophores qui voient à chaque moment Dieu qui à travers les épreuves nous conduit vers la certitude de la vie éternelle.

Mes frères, cette vie éternelle, c'est l'amour. Lorsque nous aimons, c'est à dire lorsque nous renonçons à nos désirs charnels, à notre appétit de jouissance et de puissance, lorsque nous nous oublions pour les autres, lorsque nous nous donnons aux autres sans rien retenir pour nous, lorsque nous sommes dans une entière disponibilité dans un service qui ne se reprend pas, à ce moment-là, l'amour est en nous. Ce n'est plus nous qui vivons, c'est le Christ qui a triomphé en nous avec son esprit et nous sommes déjà entrés à l'intérieur de son Royaume.

Le Christ nous rappelle aujourd'hui que nous devons construire notre vie sur sa Personne et aider nos frères à en faire autant. Telle est notre vocation de chrétien. Puissions-nous toujours y rester fidèles avec la grâce de notre Dieu.

 

                                                                                                   Amen.

 

Homélie : 26° dimanche ordinaire. A.            30.09.90

      De quel côté es-tu ?

       Ez. 18, 25-28  *  Ph. 2, 1-11  *  Mt. 21, 28-32

 

Mes frères,

 

Aujourd'hui, Dieu entend nous bousculer, nous jeter hors de nos fausses sécurités. Sa Parole, nous venons de l'entendre, cette Parole est sans rémission. Elle fouille notre cœur et elle le pousse à se poser cette question : de quel côté es-tu ? Du côté des gens de bien ou du côté des gens de rien ? Du côté de ceux qui disent oui et qui ne font pas ou du côté de ceux qui disent je n'en veux pas mais qui font ?

En fait, mes frères, le Christ vient de nous présenter une anticipation du jugement qu'il portera un jour sur le monde, qu'il porte déjà d'ailleurs. C'est comme une répétition générale de ce qui nous attend chacun personnellement. Les uns seront accueillis dans la vie, les autres seront précipités dans la mort. Oui, mes frères, de quel côté sommes-nous ?

Il s'agit d'abord de nous situer, de nous enraciner dans la vérité de ce que nous sommes. Or, qui que nous soyons, nous sommes enfoncés dans le péché. En nous travaille une force qui nous fait nous replier sur nous-mêmes, une force qui nous ferme aux autres et à Dieu.

 

Chacun de nous se protège à l'intérieur d'une forteresse. Et cette forteresse finit par nous étouffer. Une peur viscérale nous habite et nous paralyse et nous n'osons pas prendre le risque d'aimer vraiment car aimer, c'est donner sa vie. Et donner sa vie, et bien mes frères, reconnaissons-le, de cela nous avons peur.

Pour nous en sortir, il y a une chose à faire. Nous devons porter sur nous-mêmes et sur les autres un regard nouveau, le regard que Dieu a déposé en nous le jour où il a pris possession de notre être. Ce regard, c'est le sien.

Seulement nous devons là encore une fois poser un geste qui serait celui d'enlever le bandeau que nous avons placé sur ces yeux nouveaux justement pour ne pas qu'ils voient. Et bien, enlevons ce bandeau, il ne nous arrivera aucun mal, bien au contraire !

 

En quoi va alors consister ce regard ? Eh bien, tout bonnement, tout simplement, nous allons nous mettre à notre place et cette place sera la dernière. Nous estimerons que les autres ne sont pas plus mauvais que nous et qu'ils sont même bien meilleurs.

Et à cette dernière place, nous aurons la chance d’y retrouver Dieu lui-même en la personne du Christ, lui qui était l'ami de tout ce que la société juive de l'époque comptait de plus répugnant : les publicains, c'est à dire les collecteurs d'impôts, disons - attention ! Ils ne sont plus ça aujourd'hui, mais à l'époque ils l'étaient - les escrocs, et puis les prostituées. Et Jésus était leur ami.

Mais pourquoi était-il leur ami ? Il les aimait parce que personne ne les aimait, parce qu’il ne pouvait pas supporter de les voir croupir dans leur esseulement, dans leur misère et dans leur péché. Ces hommes, ces femmes, comment ont-ils réagi ? Mais ils ont tellement été surpris qu’ils se sont laissé aimer et renaître à la vie.

 

Ce qui nous est demandé, mes frères, c'est de croire que l’amour est plus puissant que la mort et plus puissant que le péché, que notre péché et que la tendresse est la porte de la conversion. C'est à l'intérieur de cette foi que nous rencontrerons l'espérance et que nous commencerons à briser le cercle de nos peurs et de nos esclavages.

Pour plus de sécurité, mes frères, notre sécurité de demain mais aussi notre sécurité d'aujourd'hui, plaçons-nous toujours du côté de ceux qui ont besoin de conversion. L'aventure de la sainteté n'est autre qu'une descente lucide dans les profondeurs de son péché. C'est cela qu'on appellera l'humilité.

Et le Christ, en descendant au plus profond de l'obéissance jusqu'à en mourir, il n'a fait que de se vêtir de tout le péché. Il est devenu le péché et il a poussé la logique jusqu'au bout. Il s'est abaissé, il en est mort même biologiquement mort. Mais à ce moment, il ne pouvait pas aller plus loin à l'intérieur de l'amour et Dieu, son Père, l'a repris. Il lui a rendu la vie, une vie autre, une vie nouvelle, une vie de transfiguration. Il l'a ressuscité et il lui a donné le nom devant lequel tout doit fléchir.

 

Mes frères, si nous suivons le Christ jusque là, nous serons nous aussi vêtu de ce nom et notre péché sera volatilisé. Mes frères, ayons donc le courage de nous exposer à la lumière de Dieu et d'attendre d'elle une pureté nouvelle. Cette lumière de Dieu, nous le savons, c'est la lumière de l'Esprit.

Cette lumière est omniprésente. Nous vivons en elle et il suffit de ne pas nous dérober mais de nous exposer comme on expose un linge au soleil pour devenir immaculé de la propre pureté de notre Dieu.

C'est le plus grand plaisir que nous puissions faire à notre Christ, lui qui nous aime tels que nous sommes, qui nous aime à perte de vue, qui nous a aimés jusqu'au bout.        

                                                                                        Amen.

 

Homélie : 26° Dimanche – Année A.            29.09.96*

      Prendre la place des derniers !

 

              Ez 18, 25-28  *  Ph 2, 1-11  *  Mt 21, 28-32

 

 

Frères et sœurs,

 

            Aujourd’hui encore, nous pouvons admirer une des faces les plus belles et des plus étranges de notre Dieu. Il ne cessera jamais de nous dérouter. Acceptons-le tel qu’il est et n’essayons pas de comprendre ; ou plutôt, efforçons-nous de lui ressembler : c’est à dire ouvrons notre cœur à sa vie, ouvrons nos yeux à sa beauté, laissons-nous transformer par lui.

            Et alors, finalement nous comprendrons, nous verrons comme il voit, nous jugerons comme il juge ; nous ne verrons plus à la manière des hommes, nous ne jugerons plus à la manière des hommes. Car les hommes sont tellement différents de lui : ils ont la dent longue, la mémoire tenace et ils classent les gens selon des catégories qui ne sont pas vraies.

            Dieu, lui, n’a pas de mémoire. Il oublie, il pardonne, il nous rend notre virginité originelle. C’est toujours comme si nous sortions tout pur de ses mains. Il ne peut en être autrement puisque il est l’amour. Et l’amour est une justice qui va infiniment plus loin que la justice.

 

            Quand donc serons-nous ce que nous sommes, c’est à dire d’autres lui-même ? L’Apôtre ne s’y trompe pas. Il nous conseille, il nous enjoint de changer, de convertir notre cœur ; il nous demande d’accepter en nous le mystère de Dieu, le mystère du Seigneur Jésus dans toute son amplitude, dans son tragique et dans sa beauté.

 

            Nous devons recevoir à l’intérieur de notre corps, à l’intérieur de notre cœur, de notre âme et de notre vie, nous devons recevoir une vie différente de la nôtre, une vie autre, une vie qui n’obéit plus aux classifications tellement étriquées des hommes, ces hommes qui sont habités par la peur, par le besoin de se voir, des hommes qui se protègent les uns des autres. Dieu, lui, ne se protège jamais.

            Nous devons nous laisser entraîner dans ce mouvement, dans ce dépouillement qui crée en nous un vide, un espace, un espace sans frontières, un espace sans murailles, un espace ouvert à tous les hommes. Nous devons lui permettre de créer en nous une place pour nos frères, nous devons accepter de leur céder toute la place.

 

            Nous ne devons plus vivre pour nous mais nous devons renoncer à nos ambitions, à nos aises, à nos soifs de puissance. Nous devons vivre pour les autres. Nous devons devenir comme Dieu : pure ouverture, pur accueil et pur amour. Nous devons apprendre à écouter, à accueillir, à nous offrir, à obéir.

            C’est une sorte de mort, oui, une mort à nous-mêmes. Et c’est dur, c’est même très dur mais c’est la porte de la liberté, c’est la porte de la vie, d’une vie inimaginable à l’homme égoïste et peureux. C’est l’entrée dans la vie divine jusqu’au plus intime du cœur de Dieu.

 

            Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. Cette parole nous est adressée à nous aujourd’hui. Il est si facile d’écouter la Parole de Dieu, mes frères, comme ayant été prononcée un jour bien lointain à des personnes inconnues. Mais non, elle nous frappe en plein visage aujourd’hui même.

            Alors, prenons la place des derniers, mettons-nous à notre place, à notre place de pécheur et ainsi, personne ne pourra nous précéder dans le Royaume de Dieu.

 

            Alors, frères et sœurs, quand nous aurons pris la mesure exacte de notre misère, alors chanteront en nous la tendresse et la pitié, l’humilité, la préférence donnée aux autres. Ce sera en nous l’accueil universel, l’absence de jugement, l’admiration devant la flamme qui brille dans un secret, à l’insu de tous sauf de Dieu et de nous qui serons devenus comme Dieu.

 

            Frères et sœurs, c’est en devenant le premier repenti que nous saurons avec certitude que les autres, tous les autres emprunteront le même chemin que nous. Et ce chemin nous conduit à l’intérieur d’un univers nouveau, un univers où on est chez soi pour toujours et où on peut librement être aimé et aimer.

            N’ayons donc pas peur ! Acceptons de recevoir en nous le mystère de l’amour dans toute son amplitude. C’est à cela que nous sommes appelés, nous qui nous glorifions de notre appartenance au Christ.

                                                                                    Amen.

 

N.B.  Absence du Père Abbé pendant tout le mois d’octobre pour cause de Chapitre Général….

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Homélie : 26° dimanche ordinaire. B.     29.09.97*

      Faire le bon choix !

 

            Nb 11, 25-29  *  Jc 5, 1-6  *  Mc 9, 38…48

 

 

Frères et sœurs,

 

            Les paroles que nous venons d’entendre, qu’elles soient du Seigneur Jésus ou de l’Apôtre Jacques, ont de quoi nous secouer. Nous ont-elles atteints ? Nous ont-elles touchés ? Nous portent-elles à la réflexion ?

 

            Pour les comprendre dans leur sens profond et pour en expérimenter vraiment toute la puissance, nous devons les distiller dans la lumière toute crue de notre destinée ultime. La mort biologique ne marquera pas le terme de notre existence. Nous sommes promis autant que nous sommes à la vie même de Dieu au cœur de son mystère, au creux de l’amour qu’il est.

            Si nous sommes ici ce dimanche, c’est parce que nous le croyons, c’est parce que le Seigneur ressuscité est au centre de nos vies. Mais nous sommes des êtres instables, fragiles et nous pourrions très bien nous assoupir, nous endormir, nous laisser distraire et même nous laisser tenter par des valeurs purement terrestres. Nous avons besoin sans arrêt d’être tenus en éveil.

 

            L’esprit est subtil, il est enthousiaste mais la chair est faible. Et c’est pourquoi aujourd’hui le Seigneur Jésus veut nous éveiller. De même l’Apôtre Jacques avec son tempérament, lui, frappe encore plus fort. Il nous invective.

            Mais en contrepoint de ces malédictions, car ce sont d’authentiques malédictions, nous voyons se dessiner le portrait du véritable disciple. Depuis l’irruption de l’Esprit Saint sur la toute première Eglise, nous sommes devenus un peuple de prophètes et le souhait de Moïse s’est réalisé.

 

            Chaque chrétien, oui, devrait être un prophète pour son temps. U prophète, c’est à dire un homme habité par l’Esprit Saint ; un homme vivant sous la motion de l’amour et non pas entraîné par les pulsions de ses convoitises ; un homme juste en toutes ses voies et non pas un individu tortueux dans toute sa conduite ; un homme doux, patient, miséricordieux, compatissant et non pas un être dur et intraitable, un être injuste.

 

            Nous devons, chacun à notre place, être une apparition, une révélation du Royaume de Dieu. Nos contemporains ont plus que jamais besoin de repères fiables qui leur rappellent leur vérité d’homme, leur véritable vocation. Oui, leur vocation d’homme appelé à un autre bonheur que le bonheur qui peut être distillé en eux par l’assouvissement de leurs désirs.

            Nous devrions être des hommes, des femmes possédant en elles la clef d’un autre univers, un univers où régneraient la vérité, l’amour et la justice. Et cette clef, nous devrions pouvoir la distribuer à tout le monde. Mais hélas, il y en aura toujours qui refuseront car ils préfèrent une autre clef. Mais cette autre clef leur ouvre les portes d’un esclavage dont ils ne pourront malheureusement pas sortir seul.

            On a parfois l’impression que notre monde se meurt d’inanition spirituelle. Il y a trop de misères, trop de crimes, trop de souffrances, trop de malheurs aussi, trop de corruption. Nous en sommes abreuvés presque chaque jour. Nous apprenons des choses qui nous étonnent, des choses qui parfois nous font peur, des choses qui, à la limite, nous feraient douter de tout le monde.

 

            Mais alors, nous du moins, nous qui nous glorifions d’être des disciples du Christ, nous qui avons reçu le germe de l’Esprit Saint, nous, soyons du moins dans notre petit cercle, notre cercle familial, notre cercle professionnel, notre cercle communautaire, soyons du moins des hommes, des femmes de droiture, de vérité, d’honnêteté et de lumière.

            Soyons des personnes sur lesquelles on peut s’appuyer, des personnes sur lesquelles on peut construire. Oui, essayons d’être cela et, de proche en proche tout peut changer car la contagion du bien est plus puissante que la contagion du mal.

 

            Le Christ nous charge aujourd’hui de prendre des options cruciales. Il nous le dit : mieux vaut sacrifier son œil, mieux vaut sacrifier sa main, mieux vaut sacrifier son pied si tout cela nous entraîne vers le mal, si tout cela nous pousse sur une route dont le fond s’enfonce, dont l’extrémité se perd dans les profondeurs de la géhenne !

            N’allons pas naturellement nous éborgner, nous amputer ! Mais s’il y a des choses qui nous paraissent extrêmement précieuses mais qui nous sont absolument pernicieuses, n’ayons pas peur de nous en séparer. Nous en serons plus libres, nous en serons plus beaux, nous en serons plus vrais. Et un avenir, un véritable avenir s’ouvrira devant nous, pour nous et pour tous les hommes.

            Oui, faisons le bon choix, le choix de la vie de Dieu en nous, le choix de l’amour inconditionnel, le choix de la communion des saints !

 

            Et pour en revenir aux invectives de l’Apôtre Jacques, la justice sociale est solidement établie dans nos sociétés occidentales, c’est vrai ! Mais elle est toujours perfectible. Il y a des hommes qui s’y attellent chaque jour pour qu’il y ait sans cesse une croissance de la justice dans notre société.

            Mais il y a une justice au-delà de toute justice, et c’est l’amour. Et cet amour doit se manifester à travers nous par de petits gestes de rien du tout qui ne nous coûtent rien : un sourire, un regard, une parole qui font comprendre aux autres qu’ils sont nos frères. Et n’oublions pas qu’il y a une immensité de régions où l’arbitraire et le despotisme règnent encore en maître.

 

            Mais si nous sommes ce que nous devons être, c’est à dire de véritables disciples du Christ, des enfants de Dieu, des prophètes du Royaume, à partir de nous, dans l’invisible, il se passera quelque chose à l’extrémité de la terre. Nous ne le verrons peut-être pas maintenant ? Mais un jour, lorsque nous aurons atteint en toute réalité le Royaume de Dieu, nous contemplerons le bien qui se fait à partir de quelques petites personnes qui vivent dans la vérité de leur vocation chrétienne.

            Ces jours-ci, nous allons célébrer, nous rappeler cette petite fille qui fut la plus grande sainte des temps modernes : Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Elle disait : la petite chose que je fais, le petit pas que je fais a un retentissement à l’autre bout du monde. Elle le savait, elle le vivait.

 

            Eh bien, frères et sœurs, que cet exemple nous encourage et que la puissance de la résurrection agissant en chacun de nous puisse finalement chasser bien loin toutes les injustices.

                                                                                    Amen.

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Homélie : 27° dimanche ordinaire, A.           04.10.81*

Les vignerons homicides, aujourd’hui !

               Mt 21, 33-43

 

Mes frères,

 

Quand nous entendons la Parabole des vignerons homicides nous faisons un saut en arrière dans le temps. Nous la rapportons exclusivement aux contemporains de Jésus, à ces Juifs qui s'écriaient : Ah si nous avions vécu à l’époque de nos pères, jamais nous n'aurions mis à mort les prophètes. Et nous ne pensons guère à nous ! Nous sommes spectateurs d'un affrontement qui se joue à l'extérieur de nous, qui nous est étranger. Et nous continuons notre route la conscience en paix.

 

Aujourd'hui, si vous le voulez, arrêtons-nous quelques instants. Ouvrons l'oreille de notre cœur à la Parole de Dieu et demandons-nous si nous avons les mains pures en cette affaire ? L'univers et ses richesses appartiennent à Dieu qui ne cesse de les créer, de les embellir. Il veut en faire le temple de sa gloire, la révélation de son nom mystérieux. Il nous en a confié la gestion afin que nous, les chrétiens, nous préparions la place pour son Royaume, ce Royaume qu'il veut fonder dans cet univers.

Le monde matériel dans sa fleur qui est l'homme est appelé à devenir participant à sa vie à lui, Dieu. Connaître Dieu comme il se connaît, l'aimer de l'amour dont il s'aime, devenir avec lui un seul esprit pour l'éternité : voilà le projet de Dieu !

 

D'un intendant, on attend qu'il apporte les fruits espérés tous au plus beaux, au plus succulents. Des fruits dont la saveur délectera le palais de Dieu et celui des hommes. Fruits de vérité dans la conformité de notre agir au vouloir divin, fruits d'amour dans le don sans réserve de notre personne à nos frères quels qu'ils soient, fruits de justice dans une ouverture aux besoins matériels, moraux, spirituels de tous, fruits de paix dans un partage qui enrichit et qui plénifie. Voici les fruits que Dieu attend des vignerons, des chrétiens, de nous à qui il a confié le plan de son choix, nous l'Israël de Dieu, nous qui sommes le rêve de son cœur.

Hélas, mes frères, nous savons ce qu'il en est dans la réalité et comment, de quelle façon les chrétiens répondent à ce rêve de Dieu. Mon intention n'est pas de semer la culpabilisation dans les cœurs, mais de réveiller notre conscience, de la sensibiliser à l'appel que Dieu nous lance aujourd'hui.

La cupidité, l'égoïsme est un monstre capable de tous les crimes. Dans le frère écarté, dans l'homme méprisé, rejeté, c'est le Christ qui est à nouveau assassiné. On reconnaîtra que nous sommes chrétiens, que nous sommes disciples du Christ, si nous avons de l'amour les uns pour les autres. Et l'amour consiste à donner notre vie les uns pour les autres et à recevoir la vie les uns des autres.

Mes frères, si ces dispositions habitent notre cœur, notre Eucharistie sera vraie et son rayonnement atteindra jusqu'aux limites extrêmes de l'espace et du temps.

 

                                                                                                            Amen.

 

Homélie : 27° dimanche ordinaire. Année A.    07.10.84

      Produire du fruit.

 

Mes frères,

 

Ils sont terribles les derniers mots que le Christ vient de faire retentir à nos oreilles. Ils sont tombés comme un couperet de guillotine. Nous ne pouvons y échapper : le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple lui fera produire le fruit !

 

Mes frères, ne pensons pas trop vite aux autres, ce serait facile. Opérons plutôt un retour sur nous-mêmes et regardons avec lucidité dans le miroir de ces paroles. Nous avons été choisis. Dieu nous a plantés sur un coteau opulent. Il nous a protégés d'une clôture. Il veille sur nous avec un cœur attentif et aimant, et il attend de nous des fruits succulents : tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qu'on appelle vertu.

Si nous ne répondons pas à ses espérances, nous savons maintenant ce qui va nous arriver. Nous serons détruits, piétinés, ravagés. L'avertissement est clair. Prenons-le au sérieux, très au sérieux. Ne voyons-nous déjà pas dans le monde ce qu'il se passa aujourd'hui. Il se produit des invasions subreptices. Et fatalement, le jour n'est peut-être pas tellement loin où nous serons mis à la porte de chez nous ?

 

Mes frères, il existe pourtant d'autres ravageurs bien plus dangereux. Ce sont les passions tapies dans l'abîme de notre cœur. Elles sont là, prêtes à s'éveiller et à nous réduire en esclavage et à nous emmener dans les ténèbres du malheur.

Oui, toutes ces passions, nous les connaissons que trop bien. Nous parvenons à les tenir à distance, avec la grâce de notre Dieu certes. Mais attention tout de même ! Si nous négligeons d'entretenir la vigne de notre cœur, elles auront vite fait de reprendre le dessus.

Pourquoi ? Mais parce que Dieu nous aura laissé aller. Il aura interdit à la pluie de pleuvoir sur nous. Et nous allons redevenir le sol pierreux, inculte et infertile que nous étions au moment où il nous a appelés.

 

Et pourtant, ne l'oublions pas, Dieu est amour. Il veut conduire à la plénitude du bonheur et de la paix. Il ne demande rien d'impossible. Il a mis à notre disposition l'arsenal de sa force. Et ses armes, elles sont parfaitement adaptées à notre état de faiblesse et de misère, et elles sont d'une efficacité absolue. Elles portent le nom merveilleux d'humilité.

Oui, l'humilité, en nous enracinant dans la vérité sur nous-mêmes et sur Dieu, elle nous donne l'audace, l'audace de nous installer dans une confiance qui ose tout, la confiance en ce Dieu qui nous aime. Mais, aussitôt qu'on a confiance en lui, on ne sait plus le rejeter.

On ne sait plus refuser ce qu'il nous offre. On ne sait plus empêcher aux fleurs et aux fruits de grandir. Car nous avons été greffés - oh, c'est cela que Dieu veut achever - greffés sur sa propre vie. Et le fruit qu'il veut voir grandir en nous, c'est cette vie, la sienne, triomphant dans notre cœur purifié.

 

Mes frères, n'ayons donc aucune inquiétude, aucun souci, sauf un, celui de répondre toujours avec empressement, de toute notre force à ce que lui nous demande. Et ce n'est pas difficile ! Car, dès qu'on entre dans sa volonté, on goûte très vite la douceur et la force de ce Dieu qui nous habite. L'Eucharistie, nous allons ensemble la partager. C'est lui-même qui de nouveau va descendre dans notre cœur pour s'en emparer, pour le transformer.

Mes frères, oui Dieu, le Christ vient de nous adresser des paroles très dures. Mais ce n'est pas pour nous effrayer, c'est pour nous tenir en éveil. C'est pour nous apprendre à demeurer tranquille dans la chaleur et la lumière de son amour afin que jamais nous ne nous égarions mais que, ensemble, nous avancions avec persévérance sur les routes de son Royaume.

                                                                                      Amen.

 

Homélie : 28° dimanche ordinaire – année C.    11.10.92

      Le mécanisme de la Foi.

2R 5, 14-17  *  2Tm 2, 8-13  *  Lc 17, 11-19

 

Mes frères,

 

Ce qui est évoqué aujourd'hui, c'est la valeur unique, la valeur sur éminente de la foi. Nous voyons cette foi à l'œuvre chez le païen Naamân le Syrien et chez un étranger, un samaritain dont nous ignorons tout.

Mais ayons confiance, nous le connaîtrons lorsque à notre tour nous entrerons dans le Royaume de la foi, ce Royaume dont la clef est la foi. Oui, et Naamân, et le samaritain ont été guéris de la lèpre, la lèpre de la chair mais aussi certainement la lèpre du péché.

Oui, mes frères, la foi est le remède universel, le remède absolu. Elle purifie l'être entier en le rendant semblable à Dieu. C'est elle qui nous branche sur Dieu et qui permet à la vie divine de passer de Dieu en nous.

 

Nous allons voir, si vous le voulez bien, le mécanisme de la foi. Il y a une personne, Dieu ou Jésus, plus précisément Dieu dans la personne du Seigneur Jésus. Accueillir leur parole, c'est accueillir eux, c'est s'attacher à eux.                                                                                                                                                                                                             

Mais attention ! Accueillir, ce n'est pas laisser le son de leurs paroles frapper le tympan de nos oreilles. Non, c'est faire confiance à cette parole, c'est la laisser entrer dans notre cœur et nous refaçonner à son image.

Alors, cette communion qui s'établit entre Dieu et nous produit dans notre cœur des effets merveilleux. Elle y apporte la lumière jusque dans les recoins les plus obscurs. Et cette lumière, c'est celle de l'Esprit-Saint, c'est la propre lumière de Dieu car, au terme, notre cœur doit devenir lui-même un foyer de lumière.

 

La propre vie de Dieu déferle en nous sans compter, car Dieu est généreux. Nous autres, les hommes, nous enfermons toujours notre générosité dans des limites. C'est une quasi fatalité liée à notre nature limitée ; mais chez Dieu il n'en est pas ainsi, sa générosité est sans fin.

Si bien que la divinisation s'opère en nous et nous transfigure. Car c'est cela le terme de notre destin, nous devons devenir des enfants de Dieu, nous devons devenir pleinement les enfants de Dieu que nous sommes déjà. Ce n'est plus nous qui devons vivre, c'est Dieu qui doit vivre en nous, et par nous, et à travers nous.

Et finalement, lorsque cette métamorphose s'est opérée, l'amour règne en souverain dans nos moindres pensées, dans nos moindres gestes, dans nos moindres paroles.

 

Mes frères, les deux guérisons qui nous sont rapportées aujourd'hui sont le symbole de la guérison du cœur et de sa métamorphose. Mais attention ! Il doit s'agir de la véritable foi et non pas d'une croyance quelconque. Attention encore ! La foi n'est pas un paratonnerre, elle n'est pas une garantie, elle n'est pas un brevet de réussite dans cette vie.

Non, la foi est participation à l'être de Dieu et, il nous est demandé de nous abandonner tout entier à cette participation qui, naturellement, risque de bouleverser beaucoup de choses en nous. Car Dieu s'attaque à notre égoïsme et il ira jusqu'à le détruire.

La véritable foi est donc celle qui s'exprime dans nos actions. Mes actes à l'endroit de mon prochain trahissent la qualité de ma foi. Si je crois vraiment dans le Christ, ses paroles à lui, son agir à lui à travers ses paroles sera le moteur de ma vie. C'est elles qui vont guider, orienter mes pensées, mes paroles et mes œuvres.

 

Ce ne sera donc plus des motivations purement charnelles, purement humaines, des motivations d'ambition, de besoins et de désirs qui vont lancer ma vie vers l'avant. Non, ce sera la Parole de Dieu, ce sera son amour. Ses paroles finiront par s'inscrire en moi au point que je deviendrai une parole vivante.

Il y a en effet une sorte d'enregistrement qui s'opère à l'intérieur de la personne qui croit. Ce n'est peut-être pas conscient, ce n'est même pas possible que ce soit toujours conscient, mais cela s'exprime, cela s'inscrit, cela s'imprime dans les moindres actions.

C'est de ce qui sort du cœur que l'on reconnaît l'homme. Eh bien, il ne peut plus sortir du cœur que des paroles de pacification, de réconciliation, des paroles de concordes et des paroles d'amour. Ce sont là les fruits de la véritable foi. On devient alors un relais de vie divine pour les autres.

 

Mes frères, il n'y a aucun avantage à retirer de la foi, sinon un seul, celui d'une gratuité toujours plus étendue, toujours plus belle. La foi est gratuite. Elle est reçue gratuitement et elle éveille dans le cœur la gratuité. On aime pour aimer sans attendre de contrepartie.

Mes frères, dans cette optique, l'autre, le frère que je reconnais en tout homme sera toujours le premier. Je le ferai toujours passer avant moi fut-ce à mon détriment. L'intention qui m'habitera sera toujours ­comme c'était le cas pour l'Apôtre Paul, il vient encore de nous le dire, ­sera toujours de le conduire à l'extase de la résurrection.

Car finalement, il n'y a que cela qui compte : la vie éternelle dans un cœur nouveau, dans un corps nouveau. Et cette foi doit se nourrir. Et elle se nourrira dans un attachement toujours plus grand à la personne du Seigneur Jésus, à chacune de ses volonté exprimées jour par jour à travers ce qui m'est demandé.

 

Mes frères, c'est le Seigneur, c'est son mystère, c'est sa gloire de ressuscité que nous recevons avec l'Eucharistie aujourd'hui. Alors, demandons-lui d'éveiller en nous une foi toujours plus vigoureuse, toujours plus vraie, toujours plus vivante, toujours plus donnée de manière à ce qu'elle se saisisse de nous et qu'elle aille jusqu'au bout de son agir qui est un agir de transfiguration.

                                                                                                       Amen.

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Homélie : 28°dimanche * Année A.              11.10.93.

      Le vêtement de noce.

            Is. 25, 6-9 * Ph. 4, 12-2O * Mt. 22, 1-14 *

 

Frères et sœurs,

 

            La parabole que le Seigneur Jésus vient de confier à l’attention de notre cœur se termine de façon inquiétante. Il y a là un mystère et nous allons avec une prudence extrême essayer d’en percer le sens afin que notre ligne de conduite en direction du Royaume de Dieu ne heurte pas contre un obstacle imprévu.

            Voilà donc un homme qui, pour la seule et unique raison qu’il ne porte pas le vêtement de noce, est jeté dehors dans la nuit. Ses pieds et ses mains sont liés. Il ne lui reste qu’à périr à moins que quelqu’un ne lui porte secours. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il y a certainement une réponse à donner.

 

            Nous l’avons entendu : tous les hommes rencontrés au hasard des chemins, tous sans distinction de leur qualité sont introduits dans la salle de noce. Ils n’ont subi aucun examen à l’entrée. Tous, bons et mauvais sont confondus. Cependant, avant de pénétrer dans cette salle, chacun a reçu un vêtement de noce, un vêtement identique qu’il a dû enfiler sur ses habits.

            Ce vêtement ne permet pas de reconnaître les riches, les pauvres, les jeunes, les vieux ; tous sont habillés de la même façon. Et ce qu’il y a derrière ce vêtement est le secret du Roi seul. Les meilleurs, les moins bons, les canailles sont tous les mêmes ; impossible de les reconnaître, de les classer, tous sont sur le même pied.

            Voyez, frères et sœurs, dans le Royaume de Dieu, il n’y a pas de préséance ; les premiers sont les derniers et les derniers sont les premiers. Les plateaux de la balance sont toujours en équilibre.

 

            Mais quel peut donc bien être ce vêtement de noce qui rend tous les hommes égaux dans le Royaume de Dieu ? Eh bien, ce vêtement, c’est la miséricorde de Dieu, cette miséricorde dont sont revêtus tous les hommes au moment d’entrer chez Dieu. Dieu est amour et il revêt de sa miséricorde tous ses enfants qu’il accueille chez lui. Reconnaissons-le !

            Nous l’avons reconnu au seuil de cette Eucharistie ; en avons-nous bien pris conscience ? C’est peut-être le moment maintenant ?  Nous sommes tous pétris de péché, les uns plus, les autres moins, mais personne n’y échappe que nous en ayons conscience ou non.

            Les pécheurs, eux, ne s’en aperçoivent même pas ; le saint, par contre, en a les yeux brûlés. Mais tous finalement nous nous retrouvons solidaires, tous nous nous voyons dans notre vérité. Aucun d’entre nous ne peut se juger supérieur aux autres. Nous devons tous être contents, être heureux les uns des autres.

 

            La miséricorde de Dieu est la parure de chacun. Lorsqu’un homme est vêtu de cette miséricorde de Dieu, cette miséricorde qui est pure lumière, qui est pur amour, eh bien, il est devenu beau de la propre beauté de Dieu.

            Et lorsque nous regardons les autres, nous devons avoir le regard assez pur pour reconnaître cette miséricorde dont ils sont vêtus. Le Royaume de Dieu n’est pas pour demain. Le Royaume de Dieu est parmi vous, nous a dit le Christ. Il est parmi nous maintenant ; et c’est pourquoi tous, dès maintenant, nous sommes ornés de cette miséricorde de Dieu.

            Ainsi, nous pouvons tous nous nourrir de cette parure, être heureux les uns des autres, être fiers les uns des autres. Oui, et le festin auquel nous sommes invités ainsi jour après jour est plantureux ; le prophète nous l’a dit. Et la réalité dépasse encore le rêve.

 

            Vous comprenez, frères et sœurs, nous devons nous laisser aimer ; et nous devons aimer. Seul cet amour gratuit, cet amour qui est de Dieu lui-même, peut nous épanouir, peut nous faire oublier quantité de malheurs qui nous poursuivent peut-être ; et tout au fond de notre cœur, cet amour distille une véritable paix. Mais souvent tout se décide dans le regard qui est porté sur nous.

            Mais il y a aussi l’homme jeté dehors ? De quoi s’agit-il ? Quel est donc cet homme ? Eh bien, c’est l’homme qui s’est fié à ses propres mérites, c’est l’homme assuré de sa valeur morale personnelle. Il ne doit rien à personne. Il est naturellement beau et se pare de ses bonnes œuvres. Il se rengorge.

            C’est le pharisien d’une autre parabole qui se tenait à l’avant dans le temple, juste devant Dieu, et qui disait : « Moi je fais ceci, moi je fais cela ; moi je ne suis pas comme celui-là. Dans le fond, Dieu, tu dois être fier de moi ». Vous comprenez : cet homme n’avait pas besoin dans son esprit du vêtement de noce, ses propres habits lui suffisaient. Il était paré de tout le bien qu’il faisait.

 

            Eh bien, nous sommes là en présence d’un faux saint. C’est le type même de la fausse sainteté. Le saint faux qui n’a besoin de rien ni de personne, il n’a que faire de la miséricorde de Dieu. La miséricorde de Dieu, ce n’est pas pour lui.

            Eh bien Dieu, lui, ne l’entend pas ainsi. Il ne permet pas qu’on s’élève au-dessus des autres. Pour lui, c’est intolérable. Et alors un tel homme, cet homme orgueilleux, cet homme plein de lui-même, il est jeté dehors, il est mis à la porte.

            Il est réduit à rien. Il est dans l’obscurité jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il ne vaut pas mieux que les autres, qu’il est un misérable comme les autres et qu’il demande à grands cris d’être lui aussi vêtu de miséricorde.

 

            Alors, si vous le voulez bien, posons-nous chacun une dernière question : de quel côté sommes-nous ? Et ici, je pense que chacun doit répondre pour soi.

                                                                                                                             Amen.

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Homélie : 29° Dimanche ordinaire – C.          22.10.95.

      Le Salut par la Foi.

               Ex. 17, 8-13 * 2Tm. 3,14- 4,2 * Lc. 18, 1- 8.

 

Frères et sœurs,

 

            Le fil conducteur qui traverse aujourd’hui la Parole de Dieu, c’est le Salut par la Foi. Mais que faut-il entendre par le Salut ? Il nous est dit qu’il est une délivrance, une délivrance d’ennemis sans pitié, une délivrance de la bêtise et du mal, une délivrance de l’injustice omniprésente.

            Le salut, c’est le surgissement d’un monde où chacun pourra enfin respirer librement ; un monde où régneront la concorde, le respect mutuel, la justice, l’entraide ; un monde où on n’entendra plus ni pleurs ni gémissements, ni cris, ni détresses ; un monde où toutes les larmes seront définitivement exclues.

 

            Frères et sœurs, tout vrai chrétien travaille à l’avènement de ce monde. Mais entendons-nous bien, il y travaille d’abord et surtout en travaillant à sa propre conversion. Et pour y parvenir, il s’appuie sur la foi en Dieu qui est amour, sur la présence du Christ ressuscité d’entre les morts. Ce n’est pas un travail simple !

            C’est un travail qui saisit toute notre vie jusqu’au plus intime de notre être, c’est un travail qui est un retournement de notre vision. Nous devons implorer sans cesse le Seigneur qu’il nous donne ses propres yeux, ses propres oreilles, son propre cœur afin que nous puissions tous et chacun être réverbération de ce qu’il est.

            Et alors, la justice s’installera sur la terre et nous serons dans un monde où enfin il sera possible de respirer.

 

            Mais ne nous faisons pas d’illusions ! Chacun pour sa part doit revivre l’aventure d’Israël : une marche épuisante dans un désert sans fin, l’arrivée à un point de faiblesse extrême. C’est cela qu’en hébreux signifie refidîm. Les mains n’ont plus de force, refidîm.

            Et alors, il faut subir les assauts d’ennemis cruels : des ennemis qui sont en nous, des passions déchaînées ; les ennemis qui sont alentours de nous, tous les démons cachés. Et un jour nous découvrons que nous sommes démunis de tout même si nos coffres sont pleins d’argent.

            En face, des forces sont postées qui cherchent à nous engloutir, des forces qui ne respectent rien ni personne. Nous sommes sans secours comme l’aveugle, seuls, perdus, noyés dans une injustice.

 

            Encore une fois, frères et sœurs, prenons-en conscience ! Ces puissances maléfiques, elles sont en nous. Elles sont dans notre cœur, dans notre chair, dans notre esprit. Elles nous conduisent là où nous ne voudrions jamais aller. Le bien que je veux, il ne m’est pas possible de le faire, disait déjà l’Apôtre, et le mal qui me répugne, voilà ce que je fais!

            Le salut, la délivrance, la victoire sont dans la foi en celui qui a donné sa vie pour nous. Mais encore, qu’est-ce que la foi ? Ce n’est pas seulement l’adhésion à un crédo, elle est bien autre chose. Il s’agit de rester fermement accroché à Dieu, accroché au Christ ressuscité, accroché à la fine pointe de notre ..?… Le monde nouveau, le monde de lumière, c’est Lui et rien que Lui !

            Les .. ? .. .. ? .. crier vers lui, le suivre où il nous conduit, c’est accueillir en soi sa propre vie, c’est devenir ce qu’il est, c’est chasser le mal de notre cœur, c’est entrer dans la vérité qui rend libre.

 

            Les mains de Moïse sont restées fermes, solides jusqu’au coucher du soleil. La veuve n’a pas cessé d’exiger son droit. Et nous-mêmes, frères et sœurs, nous ne devons .. ? .. ni jour, ni nuit, jusqu’à ce que le Christ nous ait fait justice, qu’il nous ait délivrés de nos démons, qu’il ait fait de nous des flambeaux de lumière, des foyers d’amour, des centres de justice.

            Vous savez, il existe une justice qui va plus loin que la justice. Et cette justice-là, c’est l’amour. Gardons-nous de porter des jugements hâtifs. Dieu est amour et sa justice, il nous l’offre. Nous devons la prendre en nous et, à ce moment-là, il y aura dans le monde quelque chose qui aura changé.

            Ce sera nous d’abord et, autour de nous, dans notre cercle familial, dans notre cercle professionnel, le cercle de notre communauté monastique, de notre communauté familiale ou chrétienne.

 

            Frères et sœurs, il faut que le Fils de l’homme trouve en nous cette foi qu’il attend et qui force l’impossible. Il a terminé sa parabole sur cette question : « Mais le Fils de l’homme quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

            Nous devons lui répondre, il est ici présent parmi nous : « Oui, cette foi, tu la trouveras, elle est déjà dans mon cœur. Mais je t‘en prie, nourris-la, fortifie-la pour qu’elle devienne cette foi que tu attends !

            Frères et sœurs, quand il en sera ainsi, nous serons pour les autres les témoins du Salut, les témoins du nouveau monde déjà présent.

                                                                                                 Amen.

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Homélie : 30° Dimanche ordinaire. C.            26.10.86

      Le pharisien et le publicain.

 

Mes frères,

 

Le terme de toute vie humaine est la rencontre de Dieu en vue d'une transformation qui fera de chaque homme une réplique parfaite de ce que Dieu est en lui-même. Une telle métamorphose, vous le savez, est absolument en dehors de nos capacités naturelles. C'est un cadeau que nous devons recevoir de Dieu, un trésor qu'il dépose sur nos mains tendues vers lui, nos pauvres mains blessées, salies, les mains d'hommes petits, misérables, pécheurs.

Jésus nous rappelle cette vérité dans une belle petite parabole très connue. Il met en scène deux hommes qui montent au temple pour prier. L'un est zélateur de Dieu et du peuple. Il est irréprochable et il le sait. C'est le pharisien. Le second est un collaborateur de l'occupant romain, un exploiteur de ses frères. C'est un voyou et il le sait. C'est le publicain.

Ils se tiennent tous les deux devant Dieu, tels qu'ils sont ou tels qu'ils pensent être. Et le jugement de Dieu tombe inexorable. Nous l'avons entendu. Nous le connaissons. Nous savons lequel des deux est proclamé juste.

 

Mes frères, retenons d'abord ceci : ce n'est pas une collection de vertus qui nous rapproche de Dieu. Ce n'est pas une masse de péchés qui nous en éloigne. Le tribunal de Dieu obéit à des lois qui ne sont pas celles de nos cours humaines. Dieu est Amour.

Il n'attend pas que nous lui présentions de brillants états de service. Il n'attend qu'une seule chose : que nous ouvrions notre cœur, notre cœur tel qu'il est pour qu'il puisse y déverser la plénitude de sa vie et de son être. Il attend conjointement que nous ouvrions aussi notre cœur à tous les hommes quels qu'ils soient, sans distinction.

Mes frères, le monastère est une école où on apprend l'art sublime d'une telle ouverture dans une consciente humilité. Notre pauvreté est notre seule et vraie richesse. Le Sage vient encore de nous le rappeler : la prière du pauvre traverse les cieux, et Dieu n'attend qu'elle pour nous combler.

Laissons donc chanter en nous la prière du publicain. Elle charme l'oreille de Dieu. Elle captive son cœur. Elle nous obtient tout. Seigneur, prends pitié du pécheur que je suis, me voici dans ma vérité. Dieu maintenant peut venir à moi, et ma vie est gagnée.

                                                                                                      Amen.

 

Homélie : 30° dimanche ordinaire. Année A.    25.10.87

      La question d’un pharisien.

 

Mes frères

           

Un homme, un Pharisien, un Docteur en Droit Rabbinique pose une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve. Ne prêtons à cet homme aucune intention malveillante, Dieu lui-même n'a-t-il pas mis à l'épreuve notre Père Abraham.

Le collègue de ce Pharisien et lui-même n'avaient au cœur qu'un unique souci : connaître la volonté de Dieu jusque dans le détail, s'en nourrir, devenir avec elle un seul corps. Et cet homme et ses amis veulent savoir qui est ce jeune Rabbi sorti de l'obscure bourgade de Nazareth. Ils sont intrigués. Peut-on lui faire confiance ? Ils vont tester sa valeur.

Il lui pose donc la question cruciale : des 613 commandements de la Thora, quel est le plus grand ? Cet homme est droit, il est sincère. Un autre Evangéliste nous dit qu'il applaudit à la réponse de Jésus qui, lui-même, le félicite et lui dit qu'il était tout proche du Royaume de Dieu.

 

Mes frères, sommes-nous aussi ouverts que ce Pharisien ? Avons-nous à cœur de poser la même question ? C'est d'elle pourtant que dépend tout notre avenir. Eh bien, le Pharisien l'a posée pour nous et la réponse qu'il reçoit s'adresse à nous aussi bien qu'à lui. Ecoutons-­là encore une fois !

" Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements sont suspendus toute la Loi et tous les Prophètes. "

Si nous devions éplucher chacune de ces Paroles, mes frères, nous n'en finirions pas. Je pense, personnellement, que toute notre éternité se passera à être en admiration devant elle. Jamais nous ne pourrons les comprendre entièrement, jamais nous ne pourrons parfaitement nous y adapter. Il faudra que indéfiniment s'élargisse notre être, s'élargisse notre cœur, notre âme, notre esprit afin d'entrer dans cette plénitude d'amour.

 

Je vais m'arrêter deux minutes seulement au premier de ces mots merveilleux « tu aimeras ». Et remarquons d'abord que Dieu ne s'adresse pas à un interlocuteur abstrait, à un interlocuteur objet. Non, il s'adresse à un TU, à un vis-à-vis qu'il regarde dans les yeux. Et ce TU, c'est moi, c'est vous, c'est chacun d'entre nous. Il nous est impossible de nous dérober. Nous sommes vraiment le dos au mur. Et à ce TU, il est prescrit d'aimer : tu aimeras. Ce n'est pas une recommandation, c'est un ordre, une exigence.

            Mes frères, lorsque Dieu commande quelque chose, et si nous n'y obéissons pas, si nous n'écoutons pas, malheur à nous. Tu aimeras signifie donc que tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons, tout ce que nous pensons doit procéder de l'amour et retourner à lui.

Il importe absolument que l'amour soit l'origine et le terme de notre agir le plus concret, le plus secret, et cela non seulement dans nos relations avec Dieu, mais aussi et d'abord dans nos relations avec nos frères. Car comment pourrais-­je aimer Dieu que je ne vois pas si je n'aime pas mon frère que je vois.

 

Mes frères, nous sommes donc en présence d'une exigence absolue de justice en tous domaines : le privé, le familial, le professionnel, le social, le politique. Rien n'échappe à cette exigence de l'amour. Il n'y a pas à en sortir, si je suis un chrétien, je dois être dans le monde une révélation de Dieu dans sa compassion, dans sa miséricorde, dans sa bonté.

Et nous, aujourd'hui, nous sommes encore mieux placés que ce Pharisien pour comprendre. Nous savons - cela vient encore de nous être dit dans le Capitule de Tierce - que Dieu est amour. Aimer de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, c'est donc goûter les prémices de la résurrection, c'est devenir ce que Dieu est lui-même, et cela par grâce ! Qui demeure dans l'amour, demeure en Dieu, et Dieu en lui. Saint Bernard nous a dit que la mesure d'aimer Dieu, c'est de l'aimer sans mesure. Et le Christ renchérit en disant que la mesure de l'amour du frère, c'est de donner sa vie pour lui. Mes frères, puisse cette démesure de l'amour devenir et rester pour jamais la norme de notre vie.

                                                                                                 Amen.

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Homélie : 30° dimanche ordinaire – Année B.   23.10.88

Jésus Fils de David, aie pitié de nous !

Jer 31, 7-9  *  Heb 5, 1-6  *  Mc 10,46-52

 

Mes frères,

 

Ce cri déchirant du mendiant aveugle ne devrait-il pas jaillir de notre cœur à tout instant, de nuit comme de jour, même durant notre sommeil ? Connaissons-nous seulement l'étendue de notre malheur, le besoin urgent que nous avons d'être pris en pitié ? Car nous sommes des aveugles impuissants, paralysés. Les yeux de notre cœur sont enténébrés par les passions, les désirs, les péchés.

          Nous ne voyons rien. Nous ne faisons rien de valable. Nous ne savons où nous allons. Et le pis de tout, c'est que nous nous imaginons être quelqu'un. Nous devons absolument demander au Seigneur Jésus des yeux nouveaux, des yeux clairs, des yeux purs, des yeux qui nous permettent de voir la vraie lumière et de réussir notre vocation d'homme.

Car si notre cœur est obscur, si nous regardons les hommes et les choses d'une manière charnelle, nous devenons vite cyniques, durs, injustes. Nous sommes alors des agents de destruction et nous accroissons la masse déjà intolérable de misères et de souffrances qui accablent le monde.

 

Or, l'univers baigne dans une lumière qui est Dieu lui-même, Dieu qui est puissance créatrice, compassion et miséricorde. Mais à quoi bon s'il n'y a pas des yeux qui captent cette lumière et qui la diffusent largement au loin.

Mes frères, le monde a besoin de cœurs purs qui voient la lumière de Dieu et qui rachètent tous les égarements, toutes les erreurs. Un homme qui possède un tel cœur, c'est lui qui est un véritable grand prêtre, c'est lui qui transforme tout ce qui en ce bas monde peut à des yeux de chair paraître absolument perdu.

Il n'est rien de plus beau, mes frères, qu'un regard de lumière, rien de plus beau que des yeux qui rayonnent la bienveillance, la douceur et l'amour. Etre regardé par de tels yeux, c'est passer de la mort à la vie. Un vrai chrétien est un homme au regard divinisé, regard qui embellit et qui transfigure tout.

 

C'est pourquoi, implorons la pitié du Seigneur Jésus ! Ne craignons pas d'être des mendiants. Permettons à Dieu de purifier notre cœur, car c'est dans le cœur que se trouve la puissance de vision. Qu'il n'y ait plus en nous la moindre trace de malice, le moindre réflexe contraire à la charité.

Nous serons alors d'authentiques voyants, nous verrons Dieu et nous verrons nos frères dans la lumière de Dieu. Nous-mêmes serons sauvés, libérés, et nous sauverons les autres avec nous. C'est alors que se réalisera vraiment la prophétie de Jérémie : le monde entier sera transformé.

Mes frères, il est absolument urgent qu'il y ait dans ce monde des cœurs purs, des cœurs qui voient Dieu, des yeux de lumière. Peut-être ne remarque-t­-on rien au niveau des statistiques, mais dans le secret, là où travaille l'Esprit, une résurrection sera en route. Et au jour de Dieu, la grande foule des sauvé apparaîtra dans la lumière.

                                                                                             Amen.

 

Homélie du dimanche. [2] 31° B.                    31.10.82

       Dt 6, 2-6 * He 7, 23-28 * Mc 12, 28b-34

 

………tous les trésors de la sagesse et de la beauté.          

 

Ainsi, mes frères, nous avons la ménorah, ce chandelier dans lequel plus tard les Pères vont voir les 7 flammes de l'Esprit Divin que le Christ va faire reposer sur son Eglise et sur les hommes. Mais le Christ, en conclusion ramasse cette vision en un mot qui définit sa personne à lui et sa mission, et le plan de Dieu lorsqu'il se lance dans la grande aventure de la création. Et ce mot, le voici : présence du Royaume de Dieu, proximité de ce Royaume.

Mes frères, aujourd'hui encore, sachons-le bien, le Christ attend des hommes d'une qualité spirituelle égale à celle de ce scribe qui était devenu son ami, des hommes honnêtes, sincères, purs, qui acceptent la grande loi de l'amour et qui la mettent en pratique, des hommes qui soient pour leurs contemporains apparition vivante, concrète de ce Royaume de Dieu. Voilà ce qui est attendu de nous qui nous glorifions du titre de chrétien !

C'est possible, mes frères, à condition que nous consentions à nous laisser saisir par le Christ et sauver par lui d'une façon définitive comme nous l'a recommandé l'Epître aux Hébreux. Et ce salut consiste à abandonner en nous toute la place à l'Esprit de Dieu, à ces 7 flammes qui brillent au sommet du chandelier, et qui éclairent, et qui vivifient le monde. Abandonner en nous la place et nous laisser transférer dans cet univers nouveau dont toute malice et tout péché sont à jamais bannis.

 

Mes frères, cet univers, nous le portons dans notre cœur, ne l'oublions jamais, ce cœur qui peut devenir pur si nous en ouvrons les portes au vouloir amoureux de notre Dieu. Le scribe ne contestait pas. Il interrogeait humblement et il acceptait avec joie la réponse qui lui était donnée. Cette belle sagesse, elle est aussi à notre portée. Puissions-nous nous ouvrir à elle pour qu'elle s'inscrive en notre cœur et qu'elle inspire toute notre conduite.

Nous deviendrons alors ce que le Christ attend de nous : lumière, flamme de lumière pour notre Dieu, pour nos frères les hommes. Et ainsi, attrait irrésistible vers ce Royaume que le Christ est venu lancer sur la terre, ce Royaume qui est un feu qui doit nous purifier tous, nous rendre proche les uns des autres pour qu'il n'y ait plus entre nous la moindre discorde mais que nous ne formions plus qu'un dans le Christ avec notre Dieu, pour jamais.

                                                                                                                                          Amen.

 

Homélie : 31° Dimanche ordinaire. C.            30.10.83

      Faiblesse de Dieu pour les pécheurs.

 

Mes frères,

 

Chaque fois que Dieu nous adresse la parole, c'est pour nous dire, pour nous rappeler qui il est. Dieu n'a jamais admis, il n'a jamais accepté la blessure qui nous a été infligée au seuil de notre histoire, ce péché qui nous tient éloigné de  ­lui dans l'indifférence ou dans la peur. Alors il cherche a nous apprivoiser afin que nous puissions à nouveau goûter le bonheur de vivre dans sa communion, le bonheur de partager sa vie, sa nature, d'entrer dans la lumière où lui-même existe.

Aujourd'hui il nous dévoile à nouveau une des facettes les plus attachantes de son être. Il a un faible pour les pécheurs. Ce sont ses préférés. Le péché, il ne peut le tolérer. Jamais il ne se réconciliera avec lui. Mais les pécheurs, il se trouve irrésistiblement attiré vers eux. Et pourquoi ? Mais tout bonnement parce qu'il est l'amour. Et il pousse cela très loin : il ferme les yeux sur nos péchés. Oui, mes frères !

Cela ne veut pas dire qu'il les ignore, cela ne veut pas dire qu'il fait comme si ça n'existait pas ? Non. Notre péché lui fait mal. Mais il supporte cette souffrance, il s'y expose même, patiemment, avec une patience divine qui l'a conduit, vous le savez, jusqu'à prendre sur lui tous ces péchés, devenir le péché, et en mourir...Vous voyez ! Il ne se détourne pas. Non, mais il accepte. Il prend patience et il travaille dans le secret des cœurs.

 

Le retournement de Zachée est spectaculaire, mais il l'a préparé de longue main. Les hommes, dans leur logique étroite, récriminent, ils ne peuvent comprendre. Ils ne sont pas satisfaits, car pour eux ils doivent être les préférés de Dieu puisqu'ils sont des justes. Et les malheureux, ils ne savent même pas que enfoncés dans leur humaine justice, ils sont les plus difficiles des pécheurs.

Mes frères, prenons garde de ne pas devenir des hommes nous qui sommes des fils de Dieu. Ce serait un malheur, car nous cesserions d'être des chrétiens. Saint Benoît, lui, ne s'y est pas trompé. Il enfonce son moine dans les profondeurs de l'humilité. Il l'amène au stade où la conscience d'être pécheur pénètre l'être tout entier. Et on ne peut se tenir devant Dieu que dans une attitude d'attente. Oui, on devient patient comme Dieu lui-même est patient.

L'homme pécheur, l'homme qui a pris conscience que vraiment il est un pécheur, il ose alors tout espérer de son Dieu. Oui, c'est cette attitude devant lui que Dieu attend pour libérer dans notre cœur les océans de son amour. La vocation monastique doit nous conduire jusque là. Et c'est à cette heure, à cet instant qu'on retrouve la véritable communion, et avec Dieu, et avec les frères, et avec tous les hommes et que notre cœur lui-même se tourne sans aucune difficulté - quasi naturellement comme nous dit Saint Benoît - vers les plus faibles, vers ceux qui ne savent pas ce qu'ils sont ou qui commencent à la découvrir. Et l'Eucharistie est le sommet de ce mystère.

Nous permettrons au Christ de nous aimer tels que nous sommes et de nous transfigurer en lumières d'amour afin que nous aussi nous puissions chercher et sauver ce qui était perdu. Lui permettre à lui, d'abord de nous sauver, nous qui sommes les premiers perdus. Et puis à travers nous, de réaliser l'œuvre pour laquelle il a voulu devenir un homme, c'est à dire le salut de tous sans aucune exception.

                                                                                                        Amen.

 

Homélie : Dimanche de la 32° semaine.          11.11.79

       1R 17, 10-26  *  Hb 9, 24-28  *  Mc 12, 38-44

 

Mes frères,

 

Si nous pouvions entendre proclamer dans la langue originale le récit dont il vient de nous être donné lecture, nous nous trouverions devant un tableau d'une beauté saisissante. Il faudrait être un artiste doublé d'un saint pour, en langue française, faire revivre tous les détails de cette scène sans n’en trahir aucun, et pour en évoquer l'envoûtante puissance.

Je dis envoûtante, car cette vie dans laquelle s'entrecroisent le Christ, des riches, une miséreuse, tout cela exercerait sur nous une séduction telle que nous ne pourrions y résister. Nous nous laisserions engloutir, mais pour en ressortir transformé et promener sur le monde et sur les hommes un regard autre, un regard nouveau, le regard même du Fils de Dieu.

 

Le récit est construit autour d'un axe, ou si vous le préférez, il est parcouru d'une nervure comme une feuille. Et sur cet axe ou au long de cette nervure s'allument 7 lampes portées par 7 bras. Vous voyez se dessiner le fameux chandelier à 7 bras toujours luisant, brillant devant la face de Dieu, portant les détresses et les besoins de tous les hommes, mais aussi étant pour les hommes le signe de la présence bienveillante, amoureuse de leur Créateur.

Sept bras, sept lampes ! Ce fameux chiffre 7 qui symbolise pour nous la totalité des exigences divines, mais aussi qui éveille en nos cœurs, qui nous rappelle la plénitude de l'intimité, intimité enivrante à laquelle Dieu nous convie.

Naturellement tout cela est évaporé dans la traduction française ! Mais dans l'original, nous avons un après l'autre dessinant ce chandelier, nous avons sept fois le verbe jeter. C'est une action : jeter. Ici on a prudemment traduit : déposer ou mettre ! Non, c'est le geste de jeter. Et nous avons là dans la cour du temple, Jésus qui est assis. Et autour de lui se trouvent ses disciples également assis.

Mes frères, c'est déjà le tribunal qui siège. Un jour, a-t-il dit à ses disciples, vous qui m'avez suivi vous siègerez sur douze trônes jugeant les douze tribus d'Israël avec moi. Mes frères, le jugement est déjà ouvert, le tribunal est réuni.

Et Jésus observe. Il contemple, dit le texte. C'est le mot qui sera repris par la tradition monastique pour signifier le regard que l'homme pose sur la Divinité qui se manifeste à lui, et aussi le regard que Dieu porte sur l'homme.

Jésus observe le geste, comment on jette : geste du bras, geste de la main, geste de tout le corps. Mais lui, son regard de Dieu va beaucoup plus loin. Il observe le geste du cœur : comment on jette ! Et c'est le seul important.

 

Et cette foule ne se doute absolument pas que Dieu l'observe jusqu'au très fond du cœur. Et il remarque beaucoup de riches qui jettent beaucoup dans le trésor. Des riches habillés de vêtements splendides, la haute couture de l'époque ! Les riches, sur les places on les salue avec respect, on est heureux lorsqu'ils daignent rendre un salut ou faire l'aumône d'un regard. Dans les assemblées liturgiques, ils occupent les premiers rangs. Dans les festins, dans les banquets auxquels on est honoré de les inviter, ils sont là sur les premiers sièges. Des riches, il y en a parmi eux qui ont dévoré les biens des veuves. Ils ont construit leur fortune sur la ruine de combien de familles ? Les capitalistes d'aujourd'hui ! Et Jésus observe.

 

Mais il remarque dans cette foule une personne, une veuve. Et cette veuve, c'est une pauvresse, une miséreuse. Et cette pauvresse, elle jette dans le trésor deux piécettes. Oserait-on dire deux francs ou deux sous ?

Et alors, mes frères, Jésus ouvre la bouche. C'est terrible cette bouche de Jésus lorsqu'elle s'ouvre au moment où il siège ; elle prononce un jugement ! C'est le jugement de Dieu, un jugement définitif, un jugement sur lequel il n'y aura plus de toute éternité à revenir.

Il s'adresse à ses assesseurs, et la sentence tombe. De tous ceux, dit-­il, qui jettent dans le trésor, cette pauvresse, elle a jeté beaucoup plus, infiniment plus que tous les autres ensembles.

 

Qu'est-ce que cela veut dire, mes frères ? Cela veut dire que les deux sous de la pauvresse ont d'un coup rempli tout le trésor du temple. Et les richesses que les riches avaient jetées, elles se sont évaporées, elles ont disparu, il n'en reste rien au regard de Dieu. Mais pourquoi la rigueur de ce jugement ?

Jésus prononce les attendus maintenant de sa sentence. Tous ces riches, dit-il, ils ont jeté dans le trésor de leur surabondance. Ils ont dégorgé leur trop-plein. Ils ont jeté ce dont ils n'avaient pas besoin pour eux, c'était assez bon pour Dieu.

Et cette pauvresse, elle a jeté tout ce qu'elle avait. Il va même plus loin, il dit : - mais dans la traduction c'est encore édulcoré - elle a jeté sa vie dans le trésor. Et c'est cela que Jésus a remarqué, lui, le seul qui scrute les cœurs, celui auquel rien n'échappe.

 

Mes frères, Jésus à ce moment là se souvenait-il de la sœur de cette veuve, une autre veuve qui des siècles auparavant avait elle aussi, sur la parole d'un étranger qu'elle rencontrait dans la rue, sur la parole de cet étranger dans la voix duquel elle entendait sonner la voix de Dieu, elle avait aussi tout jeté, tout ce qui lui restait pour vivre elle et son fils.

Mais Jésus a un regard pénétrant. Dans cette veuve, il s'est reconnu lui-même, et il a vu se jouer sous ses yeux ce que lui était en train de faire, lui qui une fois, une seule fois, s'est jeté corps et âme dans la mort, la mort qui lui était présentée par son Père. Mais pas n'importe quelle mort, une mort par amour de tous les hommes qu'il avait pris en lui. Oh, il savait qu'il avait jeté sa vie entre les mains de son Père, et qu'elle lui serait rendue, car ce qu'on a confié à Dieu est remis transfiguré.

 

Mes frères, les trois : et Jésus qui voyait sa vie se dessiner devant lui, et la Veuve de Sarepta, et la pauvresse du temple ont posé tous les trois le même geste. Ils se sont jetés avec une confiance absolue dans les mains de l'Amour. Ils ont risqué leur vie sur une Parole, sur la Parole qui ne peut tromper, qui est la Parole même de Dieu.

Et maintenant, mes frères, voici que les sept lampes nous brûlent, que les sept bras se referment sur nous et nous ne pouvons pas échapper. Nous sommes les disciples du Christ, nous sommes des chrétiens. Mais est-ce vrai ou n'est-ce pas vrai ? Sommes-nous des chrétiens de la taille de cette pauvresse, ou bien sommes-nous des chrétiens sociologiques, une étiquette ? 

 

Mes frères, nous sommes pris. Si nous voulons être chrétiens vraiment nous devons, nous aussi, nous jeter corps et âme dans l'Amour qui s'offre à nous. Il faut que Dieu puisse prendre possession de nous, qu'il puisse s'emparer de toutes les cellules de notre être corporel et spirituel.

Nous ne devons rien nous réserver, nous devons lui céder toute la place pour qu’alors il fasse de nous d'autres Christ ; mais pas encore n'importe quel Christ, pas un Christ superstar, pas un Christ fantasmagorique. Non, un Christ pneumatophore, un Christ porteur de l'Esprit, un Christ dans lequel l'Esprit bouillonne, déborde, se répand sur les proches et sur ceux qui sont au loin.

 

Voila mes frères ce que c'est d'être chrétien. C'est de répandre partout où l'on est, de répandre cet Esprit qui est l'Amour. Mais pour cela il faut risquer sa vie sur la Parole. Saint Benoît y a-t-il pensé, avait-­il sous les yeux cette scène lorsqu'il disait à ses disciples ceci :

 Dieu dans la cour de son temple observe une foule. Et dans cette foule, il cherche un homme, un seul, qui acceptera de tout donner, de se donner lui-même, qui acceptera d'être le frère de cette veuve, de cette pauvresse.

Oh mes frères, si nous pouvions chacun pour notre part répondre : C'est moi, d’accord, je veux bien, je suis prêt ! Si nous pouvions alors nous jeter en lui et alors, mes frères, nous laisser emporter là où lui voudra. Amen.

 

Homélie : 32° dimanche ordinaire. Année A.    11.11.84

      La flamme de notre lampe.

­

Mes frères,

 

Etre pour toujours avec le Seigneur ; partager sans réserve aucune sa vie et sa lumière, sa beauté ; être renouvelé par lui et en lui à tout instant comme une flamme, comme une fontaine ; n'est-ce pas le rêve inscrit au fond de notre cœur ?

 

Nous avons un besoin fou d'éternité, de vision, de rassasiement. Et nous attendons, nous veillons, nous espérons et, j'ose le dire, d'une certaine manière, déjà nous possédons, car nous tenons en main une lampe allumée. Et cette lampe, c'est notre foi en la présence active du Christ Jésus ressuscité d'entre les morts.

Notre existence quotidienne peut sembler insipide et morne. Elle peut paraître se traîner, s'étirer comme une nuit sans fin. Ecoutez donc cette affirmation paradoxale. Je vous assure qu'elle est une parole de toute vérité sur laquelle on peut s'appuyer et construire. Et cette parole, la voici :

« Plus la nuit est opaque, plus grande est notre sécurité. Car, dans l'obscurité totale, les yeux ne se distraient pas. Ils ne s'égarent pas. Ils demeurent fixés sur la flamme de notre lampe. Et insensiblement, ils se dilatent. »

 

Il se prépare alors, mes frères, quelque chose d'indicible. L'Epoux se tient là tout proche dans la nuit. Et déjà sa main, doucement ouvre la porte. Oui, notre vie est une lente, une patiente acclimatation de notre œil à une présence cachée, de notre palais à un repas où Dieu lui-même se donne en nourriture.

Nous avons tout à découvrir. Nous avons tout à recevoir. Or, nous sommes tellement grossiers, tellement inadaptés... Il est nécessaire de nous perdre dans la flamme de notre lampe, de disparaître en elle et de ressusciter en elle pour ainsi traverser l'impossible.

Cette flamme, elle s'est allumée dans le cœur de notre Dieu, et elle y retourne en nous entraînant avec elle.

 

Mes frères, c'est cela notre résurrection qui est déjà en cours. Et par notre fidélité, à l'intérieur de notre fidélité, déjà de quelque manière nous l'expérimentons. Car à l'intérieur de notre nuit, je le rappelle, il y a cette flamme que nous tenons dans notre main. Et derrière cette flamme, il y a le Christ ressuscité d'entre les morts, lui qui anime la flamme, qui lui donne vie et qui déjà la prend en lui pour la transfigurer.

Cette flamme, je le rappelle, c'est notre foi en sa présence et en son amour. Et à travers elle, lui notre Christ, notre Dieu, il nous transfigure à son image. Déjà sa resplendissante beauté jaillit sur notre être tout entier. Oui, nous sommes en lui déjà ressuscités. Et tout est terminé, tout est acquis déjà. En espérance certes, mais l’espérance n'est-elle pas, à notre mode humain ici sur terre, n'est-elle pas déjà la possession?

Comme l'Apôtre vient de le dire : au moment où le Christ se manifeste, nous ne sommes pas en avance sur ceux qui sont morts, nous ne sommes pas en retard non plus, mais nous sommes déjà avec eux en sa présence et ­notre œil discerne déjà sa silhouette.

Mes frères, voilà la vie qui nous est promise. C'est à elle que nous nous donnons. Et déjà grâce à elle, nous sommes entrés dans notre éternité.

 

                                                                                                        Amen.

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Homélie : 32° dimanche ordinaire – B.                      10.11.85*

      L’obole de la veuve.

 

Mes frères,

 

La réflexion finale de Jésus, elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre, est une des paroles divines plus dangereuse qu'un glaive à deux tranchants, une de ces paroles qui pénètre jusqu'à la jointure de la moelle et des os, et qui transperce les secrets des cœurs pour les mettre, pour les établir en plein jour.

Mes frères, le regard de Jésus, nous le savons, est une flamme de lumière et de feu qui pénètre au-delà des apparences et qui contemple l'invisible. C'est pourquoi la Parole du Seigneur prononce un jugement solennel définitif. Jésus est assis face à la salle du trésor. Les hommes défilent devant lui. Et lui, il les départage. Mais à quels codes obéit-il ? Quels sont ses critères de jugement ?

Eh bien, mes frères, le Christ Jésus ne connaît qu'un seul code. Et à l'intérieur de ce code, il ne connaît qu'un seul article, à savoir : l'amour. Ce qui nous juge, ce qui nous classe, c'est un mouvement, un geste imperceptible des yeux qui entraîne un déplacement de l'être entier. Ou bien, je me regarde, je m'admire, je m'enferme dans ma suffisance : les hommes sont autour de moi formant une cour qui m'applaudit. A la limite, c'est luciférien. Ou bien, mon regard s'élève. Il se détache. Il prend son envol. Je me quitte. Je me donne. Je ne m’appartiens plus. C'est l'extase de la charité.

 

La veuve, la pauvresse, elle a pour sa part déployé jus­qu'au bout ce geste de la charité. Ses yeux sont partis là où Dieu se trouve. Ils ont été très loin. Ils ont remonté très loin dans le passé et ils ont plongé jusqu'au plus lointain avenir. Elle s'est reconnue la sœur de cette veuve de Sarepta. Et voilà que comme elle, elle a tout risqué. Elle a risqué sa vie sur une parole, sur une parole de son Dieu qui lui a dit que Lui était inébranlablement fidèle.

Et ainsi, emportée par l'extase de la confiance et de l'amour, elle a été projetée au-delà d'elle-même, au-delà de la mort. Elle a jeté en Dieu tout ce qu'elle avait. Elle y a même jeté son indigence. Elle a jeté en Dieu tout ce qu'elle était et, bien réellement, elle est morte. Elle n'a plus rien pour vivre, rien que ce lien qui la rattache à Dieu. Et elle meurt à elle-même, elle meurt au monde, mais elle se retrouve chez Dieu, ressuscitée en lui.

Personne ne l'a remarqué, que Dieu, ces yeux de Jésus qui ont recueilli les deux piécettes, qui dans ces deux piécettes ont recueilli la pauvresse, et qui l'ont prise là où Lui se trouve, c'est à dire chez Lui.

 

Et à côté, il y a les scribes et les sages, il y a les gens biens, il y a les gens sérieux. Et ceux-là, ils se pa­rent de leurs atours. Ils se nourrissent, ils se gavent de félicitations, de succès, de réussites. Mais ils restent misérablement à la porte.

Et lorsque un jour, ils frapperont à cette porte, ils entendront de l'autre côté la voix du maître qui leur dira : Mais que faites-vous là ? Je ne vous connais pas ! Restez, demeurez pour jamais dans ces ténèbres où vous avez passé vôtre vie. Vos prières, elles ruissellent du sang des veuves. Alors, je vous vomis.

Mes frères, les yeux du Christ, ses yeux qui sont flammes de lumière et de feu, ils reposent sur moi en cet instant. Qui suis-je donc ? Jésus le Seigneur seul le sait. Puisse-t­-il me prendre en sa miséricorde et me revêtir un jour, un jour proche, de la lumière qu'il est.

                                                                                                    Amen.

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Homélie : 32°dimanche * Année A.              07.11.93.

      La joie d’être sauvé !                               

            Sg. 6,12-16 * 1Th. 4,13-18 * Mt. 24,42a-44 *

 

Frères et sœurs dans le Christ,

 

            Que veut nous rappeler le Seigneur Dieu en ce dimanche qui est un des derniers de l’année liturgique ? Il nous parle de la Sagesse ; la Sagesse qui devance nos désirs en se montrant à nous la première ; la Sagesse que nous pouvons trouver assise à notre porte et qui se donne à contempler sans fin. Cette Sagesse, c’est le Seigneur Jésus lui-même dans son indicible beauté ; Lui dont le bonheur est de nous faire partager sa vie, sa vie qui est plénitude d’amour, qui est don de soi sans réserve.

            Dieu nous parle aussi de la résurrection, de cette métamorphose de notre être corporel par laquelle nous vainquons pour jamais toute espèce de mort. Et cette transfiguration doit s’opérer dès maintenant. Il nous parle enfin de vigilance, de prudence, d’avance, d’une heure qui approche et au-delà de laquelle il n’y aura plus rien. Au fond, Dieu nous parle aujourd’hui de l’amour qu’il est et qui s’offre à nous dans une gratuité stupéfiante.

 

            Dieu-Amour ne s’impose pas à nous comme un maître, comme un despote, comme un pharaon. Non, il se présente à nous comme un époux qui nous respecte à l’infini et qui désire s’unir à notre intimité la plus secrète pour faire de nous ce qu’il est, pour faire de nous des dieux.

            Il attend de nous une réciprocité d’amour qui doit devenir la respiration de notre liberté, l’espace de notre grandeur, le sommet de notre accomplissement le plus complet. Telle est la vocation du chrétien, telle est la vocation, la destinée de tout homme.

 

            Frères et sœurs, nous sommes des privilégiés et le visage de chaque chrétien devrait devenir une icône de l’éternelle Beauté, une épiphanie de l’avenir merveilleux promis à tout homme. O, disait Nietzsche, je commencerai à croire lorsque les chrétiens auront un visage un peu moins triste. Prenons garde à cette parole, cette parole d’un prophète qui était païen, mais par qui Dieu nous lançait en plein visage une réalité qui doit nous blesser !

            Le Royaume de Dieu, oui, il est à notre porte. Notre résurrection est pour maintenant et la Sagesse nous tend la main. Pourquoi pourrions-nous encore porter sur notre visage les signes d’une tristesse comme si nous étions de ces hommes qui n’ont pas d’espérance et qui s’affligent sans cesse ?

            Oui, je sais, il y a des situations accablantes ; il y en a aujourd’hui plus que jamais peut-être ? Mais si nous sommes de vrais chrétiens, la paix et la joie du Christ habitent au fond de notre cœur et cette capacité doit infailliblement transparaître sur notre visage, dans nos yeux, sur notre sourire.

            Frères et sœurs, puissions-nous le croire ! Puissions-nous nous oublier enfin et être les uns pour les autres les prémices de la vie éternelle que le Seigneur nous promet, que le Seigneur nous donne déjà et dont il veut inlassablement nous rassasier.      

                                                                                                                             Amen.

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Homélie : 32° Dimanche - Année B.             06.11.94.

      Dieu ne nous abandonne jamais !

            1R 17, 10-16  *  He 9,24-28  *  Mc 12,38-44

 

 

Frères et sœurs,

 

            Nous l’avons entendu ! Avons-nous compris ? Une grande existence, nous n’en sommes pas encore là et, ce n’est pas demain que nous donnerons nos deux derniers francs ? Et qu’est-il advenu de cette veuve après ? Elle qui avait donné tout ce qu’elle avait pour vivre.

            Une chose est certaine, il ne restait rien que les oiseaux de proie qu’étaient certains scribes pour les saisir de leurs griffes et les dévorer. L’Histoire ne dit pas ce qui est arrivé par après pour cette veuve.

 

            Mais ne nous faisons pas de soucis. Dieu qui a créé les fleurs des champs, Dieu qui nourrit les oiseaux du ciel, Dieu qui a vu sa générosité, il aura pris soin d’elle avant de lui donner une place de choix auprès de lui, tout près de lui dans son Royaume.

            Dieu n’abandonne jamais personne. Il a confié la veuve de Sarepta au prophète Elie et, elle n’a manqué de rien, ni elle, ni son fils. Sa propre mère, Dieu, dans la personne du Christ Jésus, l’a confiée à son disciple préféré qui l’a prise chez lui, qui a veillé sur elle avec la tendresse qu’on imagine.

            Non, Dieu est amour et jamais il n’abandonne qui que ce soit, quelques soient les apparences.

 

            Et puis, Dieu ne nous demande pas de donner nos deux derniers francs. Son exigence est d’une autre nature et va beaucoup plus loin. Il attend, non pas tout ce que nous avons, mais tout ce que nous sommes. Il attend que nous nous donnions nous-mêmes. Nous devons à son exemple nous vider de nous-mêmes, de toutes formes d’égocentrisme et, céder en nous dans notre cœur toute la place et à Dieu, et aux autres.

            Ne l’oublions jamais, le Seigneur Jésus, lui qui était Dieu, il n’a pas jalousement retenu pour lui sa nature de Dieu, mais il s’est vidé de lui-même, de tout ce qu’il était et est devenu homme semblable à tous les autres hommes. Et il a peiné, il s’est anéanti, il s’est fait obéissant jusqu’à mourir sur une croix. Là, frères et sœurs, est la Sagesse de Dieu.

 

            Et nous, nous devons devenir ce que lui est. Ne sommes-nous pas ses enfants ? Sa propre vie ne circule-t-elle pas à l’intérieur de nos veines ? Est-ce que il n’est pas en train de construire en nous notre cœur de ressuscité ?

            Nous devons devenir ce qu’il est : pur accueil des autres, pur don de nous-mêmes, gratuité, transparence, limpidité, lumière. Et pourquoi ne pas espérer que cette merveille s’accomplisse pour chacun d’entre nous ? Pourquoi ne pas prendre le risque d’aimer jusqu’au bout ?

 

            Certes, pour aimer, il faut entrer dans le mystère de la croix, il faut oser se perdre pour se trouver en vérité. Je rappelle cette parole de l’Apôtre Paul a ses disciples de Corinthe : « Rappelez-vous quand j’étais parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus, et Jésus crucifié. J’ai renoncé aux arguties de la sagesse humaine et j’ai présenté sous vos yeux un Dieu sur une croix ».

 

            Telle est, frères et sœurs, la vérité, la sagesse, l’avenir, et pour nous et pour le monde. C’est quelque chose de paradoxal, c’est ...?... Mais le prophète Elie l’a dit à cette veuve qui elle aussi craignait de mourir : « N’aie pas peur ! »

            Et c’est la première parole que notre Pape Jean-Paul II a prononcé lors de sa toute première allocution : « Frères et sœurs, n’ayez pas peur ! » Mais Dieu comprend nos hésitations. Il est patient, il est l’amour et il attend.

 

            Et puis, regardons les choses en face, le mois de novembre nous y invite. L’heure viendra où nous devrons tout abandonner. Je pense à l’heure de notre mort où d’autres partagerons notre avoir et où notre unique richesse sera notre tunique d’amour. Cela n’a rien d’effrayant pour le chrétien. Le Seigneur Jésus aujourd’hui encore nous montre le chemin.

            Dans cette Eucharistie, nous évoquons de manière concrète - dans un réalisme que rien au monde ne peut réaliser - nous évoquons sa mort sur la croix. Mais aussi, au-delà de cette mort, la résurrection ; au-delà de notre mort, notre résurrection. Et notre tenue de ressuscité, nous l’édifions nous-mêmes chaque fois que renonçant à nous, nous posons un acte de véritable amour.

            Frères et sœurs, soyons donc logique dans notre foi ; prenons le risque d’aimer et tout nous sera finalement donné.

                                                                                              Amen.

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Homélie : 32° dimanche – année A.        10.11.96

      Nous préparer ardemment à la rencontre !

 

            Sg 6, 12-16   *   1Th 4, 13-18   *   Mt 25, 1-13

 

Frères et sœurs,

 

            Nous avons pour nous prendre la main et nous conduire sur les chemins de cette vie à la vérité toute entière un pédagogue à nul autre pareil : l’Esprit Saint qui vient du Père et qui retourne à Lui en nous emportant avec lui.

            Au terme de notre année liturgique, il a soin de nous rappeler avec force et douceur que notre monde lui aussi aura une fin. La science nous le dit également : le soleil finira par s’éteindre et toute forme de vie aura disparu sur la terre. Le point de l’univers dont nous sommes à présent la conscience éveillée sera mort.

 

            Certes, ce n’est pas pour demain mais cela arrivera inéluctablement. C’est un signe, c’est une parabole, c’est une parole qui nous est adressée et que nous devons accueillir avec soin car, elle est une invitation sur le chemin que nous avons à prendre. Car il est une réalité qui nous touche au plus près, au plus secret de notre être : c’est notre propre fin, c’est notre mort. Et vraiment pour nous, à cet instant, ce sera la fin du monde.

 

            Pourquoi ne pas y penser ? Pourquoi ne pas nous y préparer ? Saint Benoît recommande à ses disciples de tenir présente sous nos yeux, la mort, notre mort personnelle. Ce n’est pas pour nous effrayer, ce n’est pas un geste morbide, loin de là ! Mais c’est pour nous dire que nous ne sommes pas destinés à tomber dans le néant mais plutôt à nous préparer ardemment à une rencontre comme ces jeunes filles de la parabole.

 

            Remarquez, mes frères, qu’il est question aujourd’hui à trois reprises de rencontre. Or, ce n’est pas rencontrer n’importe qui : c’est rencontrer la Sagesse qui est la personne même du Seigneur Jésus, c’est rencontrer le Seigneur Jésus dans son être de ressuscité, c’est rencontrer le Seigneur Jésus qui se présente à nous comme un époux avec lequel nous devons nous unir pour jamais.

            Ce qui doit faire battre notre cœur, c’est l’Amour. Celui qui aime, il est toujours sur des charbons ardents, il attend, il n’est jamais rassasié d’attendre. Il sait que le moment de la rencontre approche et qu’elle se fera à l’heure voulue. Oui, il s’agit de rencontrer le Seigneur Jésus en personne.

 

            Il n’est pas loin de nous, frères et sœurs, lui qui est l’amour, lui qui nous crée à toute heure, lui qui est la Sagesse au visage toujours souriant. Il nous demande d’être attentifs à sa présence, de nous ouvrir à l’amour, de croire en ce qui est en l’homme et qui est plus que l’homme, de nous tenir prêt pour l’heure où lui-même déchirera le voile. Car, ce qui nous est encore annoncé aujourd’hui, c’est l’existence d’un univers qui est comme enveloppé sous la rugosité de notre univers matériel. C’est le propre univers de Dieu, celui vers lequel tous nous nous dirigeons.

 

            Oui, notre monde matériel – du moins celui qui est le nôtre actuellement – aura une fin. Et même le grand cosmos, tout cela va s’éteindre. Mais lorsque cette heure arrivera, Dieu aura été tout en toute chose et la terre resplendira d’une lumière nouvelle, une lumière autre et elle sera l’ostensoir  nous permettant de contempler notre Dieu pour jamais.

 

            Eh bien, frères et sœurs, nous devons nous exercer dès maintenant à cette vision. C’est cela la foi, la véritable foi ! Certes, nous avons le droit de nous assoupir et de nous endormir comme les dix jeunes filles. Car si notre esprit est vif, notre chair par contre, elle est faible, elle est lourde. Mais sous le sommeil qui parfois nous accable doit veiller un cœur qui aime et un cœur qui attend. Si bien qu’au premier signal, nous serons debout pour la rencontre et pour la joie.

 

            Etre avec le Seigneur pour toujours, comme nous le dit l’Apôtre, c’est le sommet de notre existence : toujours avec Dieu dans la lumière, dans la beauté, dans le rassasiement d’un amour sans fin, d’un amour toujours nouveau, comme une source qui jaillit de plus en plus pure. N’est-ce pas là, frères et sœurs, notre rêve le plus fou ?

            Eh bien, c’est cela la mort de l’homme juste ! Elle est le rêve devenu réalité pour jamais. Nous sommes des chrétiens, ne soyons donc pas abattus comme ceux qui n’ont pas d’espérance. Aidons-nous les uns les autres dans les nécessités de notre vie terrestre et aussi, en portant notre espérance en la vie nouvelle.

            Ce n’est pas une vie comme celle-ci qui serait en mieux, qui serait même parfaite. Non, c’est la nouveauté absolue ! Et seuls pressentent cette nouveauté ceux dont les cœurs assez purs commencent à percevoir la réalité et la beauté. Mais ils ne peuvent rien dire car il n’est pas un seul mot dans notre univers actuel pour pouvoir l’exprimer.

 

            Frères et sœurs, aimons-nous vraiment les uns les autres et …?… ainsi de quelque manière nous serons au-delà de la mort. Le Seigneur Jésus ressuscité, lui qui a voulu être un homme comme nous, il est ressuscité et il nous ressuscite avec lui. Laissons-nous porter par cette réalité, c’est cela l’espérance ! C’est de croire et de sentir qu’on est déjà en train de passer à cette vie nouvelle.

 

            Frères et sœurs, comme nous le recommande la parabole de ce jour qui vient de tomber des lèvres même du Seigneur, veillons ! Veillons, tenons ouverts les yeux de notre cœur ! Nous ne savons ni le jour ni l’heure, c’est peut-être maintenant si nous voulons ? Ouvrons donc notre cœur à l’espérance, ouvrons-le à la foi, ouvrons-le à la charité et ainsi, nous vivrons en sécurité et nous serons les uns pour les autres un en..?.…

                                                                                                                                 Amen.

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Homélie : 33° Dimanche ordinaire * année A   15.11.81*

La fidélité (parabole des talents)

       Mt 25, 14-30

 

Mes frères,

 

De l'enseignement qui vient de nous être dispensé par l'Esprit Saint, nous recueillons un encouragement précieux pour notre labeur ascétique, apparemment interminable, toujours monotone. Entre nos mains est déposé l'antidote de l'acédie, cette maladie qui, si elle n'est pas jugulée conduit jusqu'au seuil du délabrement spirituel et physique.

Et ce remède, c'est la fidélité : une fidélité confiante, ouverte, inépuisablement créatrice dans l'instant et tout au long de la durée. Nous ne pouvons pas comme nos frères du monde espérer le havre reposant d'une retraite bien méritée. Le moine demeure operarius et servus, ouvrier et serviteur jusqu'à son dernier soupir.

Aussi, n'y a-t-il rien d'étonnant, rien de scandaleux si une fois ou l'autre sa pensée est mordue par le serpent de l’acédie : Dieu n'est-il pas trop dur, trop exigeant ? Il moissonne où il ne sème pas. Il ramasse le grain là où il ne l'a pas répandu. Le plus simple n'est-il pas de tout enterrer, de croiser les bras et de dormir pour oublier ?

 

Ce n'est que tentation, certes ! Sans doute, avons-nous été trop sûrs de nous-mêmes ? Et Dieu qui est notre Père, Dieu qui est amour, nous rappelle à notre vérité afin que nous ne puisions pas notre force en nous-mêmes, mais que nous la fassions reposer uniquement sur lui. Et puis, cette durée qui nous semble interminable, ne peut-elle brusquement prendre fin ? Et cette fin, cette fin ne peut-elle pas s'abattre sur nous à l'improviste comme un voleur en pleine nuit ?

Saint Benoît ne nous conseille-t-il pas d'avoir la mort suspendue sous nos yeux, quotidie, chaque jour ? Et n'est-il pas salutaire de vivre constamment la présence de cette fin ?

Non pas par un effort d'imagination, mais dans le regard éveillé d'une foi attentive. Alors mes frères, s'il en est ainsi, nous serons vraiment des moines, c'est à dire des veilleurs et des travailleurs fidèles que rien ne perturbent.

 

L'Ecriture nous donne en exemple une femme, une maîtresse de maison peut-être, parce que la fidélité est enracinée dans la partie féminine de notre être, dans notre cœur et dans nos entrailles. Peut-être aussi parce que la fidélité est délicatesse, beauté, courage, endurance, toutes qualités que nous admirons chez la femme ?

La fidélité est réalisme et vérité. Dans son âpreté même nous goûtons déjà la douceur du salaire promis au bon serviteur. Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu prépare pour ceux qu’il aime.

Mes frères, la fidélité, nous l'avons demandée dans l'oraison de ce jour. La fidélité, elle est un portail de lumière ouvrant sur la Parole ultime, décisive : Entre pour jamais dans la joie de ton Seigneur.

                                                                                                      Amen.

 

 

Table des matières

Les Dimanches Ordinaires. 1

Homélie : 2° dim. B.                             20.01.85*. 1

Etre appelé par notre vrai nom. 1

Homélie: 2° dim. B.                               17.01.88. 2

1S 3,3b-10.19    1Co 6,13b-15a.17-20    Jn 1,14a.12a. 2

Homélie : 4° dim.A.                                01.02.81. 4

Les Béatitudes, la chartre fondamentale de notre vie. 4

Sophonie 2,3 ; 3,12-13 * 1Co 1,26-31 * Mt 5,1-12. 4

Homélie : 5° dim.B.                                07.02.82. 5

Le souci des autres. 5

Homélie : 5° dim. C.                              06.02.83. 6

Témoin du Christ. 6

Is. 6, 1-8  *  1Co. 15, 1-11  *  Lc. 5, 1-11. 6

Homélie : 5° dim. B.                               07.02.88. 7

Jb 7, 1-4.6-7   *   1 Co 9, 16-19.22-23   *   Mc 1, 29-39. 7

Homélie du 6° dim.B.                              11.02.79. 8

Le lépreux. 8

Mc 1, 40-45. 8

Homélie du 6° Dim.C.                              17.02.80. 9

Les Béatitudes. 9

Homélie : 6° Dim. B.                             17.02.85. 11

Notre lèpre ?. 11

Homélie : 6° dim. A.                               15.02.87. 12

La Sagesse nouvelle. 12

Si 15, 15-20 * 1Co 2, 6-10 * Mt 5, 17-37. 12

Homélie : 8° dimanche. A.                        25.02.90. 13

Evangile : Mt 6, 24-34. 13

Homélie : 9° dimanche. C.                                 04.06.89. 15

Nous sommes des païens convertis. 15

1R 8, 41-43 * Ga 1, 1-2.6-10 * Lc 7, 1-10. 15

Homélie : 11° dimanche ordinaire – B.           12.06.88. 16

Ez. 17, 22-24  *  2 Co. 5, 6-10  *  Mc. 4, 26-34. 16

Homélie : 12° dimanche de l’année B.                                19.06.94. 17

Une créature nouvelle ?. 17

Homélie : 13° Dimanche B.                        01.07.79. 18

Sg 1, 13-24 * 2Cor 8, 7-15 * Mc 5, 21-43. 18

Marcher à la suite du Christ. 20

1R 19, 16b.19-21 * Ga 5,1.13-18 * Lc 9, 51-62. 20

Homélie : 13° dimanche – Année C.                                          28.06.92*. 21

Libre ou esclave ?. 21

1R 19, 16…21  *  Ga 5, 1…18  *  Lc 9, 51-62. 21

Homélie : 14° dimanche – B.                                     07.07.85. 22

Naïveté et candeur de notre Dieu. 22

Homélie : 14° dimanche ordinaire. Année B.    03.07.88. 23

Ez. 2, 2-5  *  2Co. 12, 7-10  *  Mc. 6, 1-10. 23

Homélie : 14° dimanche ordinaire – C.           09.07.89. 24

La création nouvelle. 24

Is. 66, 10-14  *  Ga. 6, 14-18  *  Lc. 10, 1-12.17-20. 24

Homélie : 14° dimanche ordinaire. Année B.    07.07.91. 26

Quelle est la qualité de notre regard ?. 26

Ez. 2,2-5 * 2Co. 12,7-10 * Mc. 6,1-6 *. 26

Homélie : 15° dimanche ordinaire année C.     13.07.80*. 27

Le bon samaritain. Lc 10, 25-37. 27

Homélie : 15° dimanche ordinaire. A.           12.07.81*. 28

La parabole du semeur : Parole de Dieu. 28

Mt. 13, 1-23. 28

Homélie : 15° dimanche ordinaire année C.     13.07.80*. 29

Le bon samaritain. Lc 10, 25-37. 29

Homélie : 15° dimanche ordinaire. A.           12.07.81*. 30

La parabole du semeur : Parole de Dieu. 30

Mt. 13, 1-23. 30

Homélie : 15° dimanche ordinaire. A.            15.07.90. 31

Se mettre en travers du projet de Dieu. 31

Is 55, 10-11  *  Rom 8, 18-23  *  Mt 13, 1-23. 31

Homélie : 16° dimanche, année B.               20.07.97*. 32

Proche ou loin de Dieu ! 32

Homélie : 17° dimanche ordinaire. Année A.    29.07.84. 33

Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu. 33

Homélie : 17° dimanche ordinaire. C.           20.07.86*. 35

Le Maître de l’impossible. 35

Homélie : Dix-huitième dimanche ordinaire. A.  02.08.87. 36

L’expérience du Christ. 36

Homélie : 18° dimanche ordinaire : C.           02.08.92. 37

Revêtez votre être nouveau ! 37

Qo 1,2 ; 2,21-23  *  Col 3,1……11  *  Lc 12,13-21. 37

Homélie : 20° dimanche ordinaire – B.          14.08.88*. 38

Prov. 9, 1-6  *  Eph. 5, 15-20  *  Jn. 6, 51-58. 38

Homélie du 21° dimanche ordinaire. A.          23.08.81. 39

Connaître Jésus-Christ. 39

Is 22, 19-23 * Rm 11, 33-36 * Mt 16, 13-20. 39

Homélie : 21° Dimanche ordinaire – C.           24.08.86. 40

Dieu est l’Amour. 40

Homélie : 21°dimanche * Année A.        22.08.93. 41

Le regard de la foi. 41

Is. 22,19-23 * Rm. 11,33-36 * Mt. 16,13-2O *. 41

Frères et sœurs dans le Christ, 41

Amen. 42

___________________________________________________________________________. 42

Homélie : 22° dimanche ordinaire * année C.    03.09.89. 42

Une oreille qui écoute. 42

Si 3,17-18.20.28-29 * He 12,18-19.22-24 * Lc 14,1a.7-14. 42

Homélie : 23° dimanche ordinaire. A.            09.09.84. 43

Le Christ est parmi nous. 43

Homélie : 23° dimanche ordinaire. Année B.    04.09.88. 44

Effata ! 44

Is 35,4-7  *  Jc 2,1-5  *  Mc 7,31-37. 44

Homélie : 23° dimanche ordinaire. Année C.     06.09.92. 46

Adopter le tout de Dieu. 46

Sg 9, 13-18 * Phm 9b-10.12-17 * Le 14, 25-33. 46

Homélie : 25°Dim.A.                              16.07.78. 47

La Parole du Royaume. 47

* Is. 55, 10-11 * Rm. 8, 18-23 * Mt. 13, 1-23. 47

Homélie : 25° dimanche – année B.               19.09.82. 48

Les paradoxes du Royaume. 48

Sg 2, 12.17-20  *  Jc 3, 16-4, 3  *  Mc 9, 30-37. 48

Homélie : 25°Dimanche – Année B.              25.09.94. 49

Choisir la vraie vie ! 49

Homélie : 26° dimanche ordinaire – B.           29.09.85. 51

Tous prophètes ! 51

Homélie : 26° dimanche ordinaire – B.           25.09.88. 52

Que l’Esprit vienne à notre secours. 52

Nb Il, 25-29 * Jc 5,1-6 * Mc 9, 38-48. 52

Homélie : 26° dimanche ordinaire. A.            30.09.90. 53

De quel côté es-tu ?. 53

Ez. 18, 25-28  *  Ph. 2, 1-11  *  Mt. 21, 28-32. 53

Homélie : 26° Dimanche – Année A.            29.09.96*. 55

Prendre la place des derniers ! 55

Homélie : 26° dimanche ordinaire. B.     29.09.97*. 57

Faire le bon choix ! 57

Homélie : 27° dimanche ordinaire, A.           04.10.81*. 59

Les vignerons homicides, aujourd’hui ! 59

Mt 21, 33-43. 59

Homélie : 27° dimanche ordinaire. Année A.    07.10.84. 60

Produire du fruit. 60

Homélie : 28° dimanche ordinaire – année C.    11.10.92. 61

Le mécanisme de la Foi. 61

2R 5, 14-17  *  2Tm 2, 8-13  *  Lc 17, 11-19. 61

Homélie : 28°dimanche * Année A.              11.10.93. 63

Le vêtement de noce. 63

Amen. 65

___________________________________________________________________________. 65

Homélie : 29° Dimanche ordinaire – C.          22.10.95. 65

Le Salut par la Foi. 65

Ex. 17, 8-13 * 2Tm. 3,14- 4,2 * Lc. 18, 1- 8. 65

Homélie : 30° Dimanche ordinaire. C.            26.10.86. 66

Le pharisien et le publicain. 66

Homélie : 30° dimanche ordinaire. Année A.    25.10.87. 67

La question d’un pharisien. 67

Homélie : 30° dimanche ordinaire – Année B.   23.10.88. 69

Jésus Fils de David, aie pitié de nous ! 69

Jer 31, 7-9  *  Heb 5, 1-6  *  Mc 10,46-52. 69

Homélie du dimanche.  31° B.                    31.10.82. 70

Dt 6, 2-6 * He 7, 23-28 * Mc 12, 28b-34. 70

Homélie : 31° Dimanche ordinaire. C.            30.10.83. 71

Faiblesse de Dieu pour les pécheurs. 71

Homélie : Dimanche de la 32° semaine.          11.11.79. 72

1R 17, 10-26  *  Hb 9, 24-28  *  Mc 12, 38-44. 72

Homélie : 32° dimanche ordinaire. Année A.    11.11.84. 74

La flamme de notre lampe. 74

Homélie : 32° dimanche ordinaire – B.                      10.11.85*. 75

L’obole de la veuve. 75

Homélie : 32°dimanche * Année A.              07.11.93. 76

La joie d’être sauvé ! 76

Sg. 6,12-16 * 1Th. 4,13-18 * Mt. 24,42a-44 *. 76

Frères et sœurs dans le Christ, 76

Homélie : 32° Dimanche - Année B.             06.11.94. 77

Dieu ne nous abandonne jamais ! 77

Homélie : 32° dimanche – année A.        10.11.96. 79

Nous préparer ardemment à la rencontre ! 79

Homélie : 33° Dimanche ordinaire * année A   15.11.81*. 81

La fidélité (parabole des talents) 81

Mt 25, 14-30. 81

 

 



[1] Il manque le tout début.

[2] Il manque le début.