3. Le Temps du Carême.

Homélie : Mercredi des cendres. A.             *08.02.78

      L’imposition des cendres !

 

Mes frères,

 

          En réfléchissant à la cérémonie de ce jour, je me suis demandé ce qu’entendaient signifier les Israélites lorsqu’ils se couvraient la tête de poussière et de cendres ? Et j’ai compris que symboliquement ils s’enterraient, ils retournaient dans cette poussière dont les avait tiré la main de leur créateur. Ils entendaient signifier que la mort était pour eux préférable à la vie : plutôt mourir que de continuer à vivre dans l’infidélité et le péché.

          Et pour montrer que telle était bien leur intention, ils se laissaient également dépérir de faim en se privant de nourriture, en jeûnant. Il en est un parmi eux pour qui ce symbole est devenu tragique réalité, saint Paul vient encore d’y faire allusion : Jésus de Nazareth, identifié au péché des hommes, est mort sur une croix.

          En ce premier jour déjà, mes frères, se profile dans le lointain un monticule, et sur ce monticule une croix, et sur cette croix un homme, mieux un Dieu, qui se tord et se raidit dans une atroce agonie, à notre place. N’ayons pas peur de regarder la vérité en face. Nous sommes avant tout des pécheurs et, à ce titre, nous n’avons aucune part à la sainteté de Dieu, nous n’avons aucune part à la vie véritable ; mais un autre a voulu subir à notre place la mort que nous méritions.

 

          Il est entendu désormais que, nous aussi, nous devons maintenant savoir donner notre vie pour les autres, et savoir mourir à leur place. Lorsque Saint Benoît nous dit que nous devons toujours avoir la mort suspendue devant les yeux, si nous voulons aller au fond des choses, voilà ce qu’il entend nous faire comprendre : un autre est mort pour nous, sachons nous aussi mourir pour les autres.

          Oui, c’est cela que le Christ attend de chacun d’entre nous et, il l’attend de moi en tout premier lieu. Je devrais pouvoir vous adresser cette parole que Saint Paul adressait à ses disciples : Soyez mes imitateurs comme moi je le suis du Christ, et n’ayez pas peur à mon exemple de risquer votre vie pour la délivrance de votre frère !

           

            Certes, il y aurait une certaine satisfaction intime s’il était possible de se sacrifier, de disparaître avec panache. Vous voyez ce que je veux dire ! Mais cela ne nous est pas permis. Tout procédé visant à une auto exaltation dans le sacrifice est carrément proscrit. Qu’il s’agisse de jeûner, qu’il s’agisse de prier, tout doit s’opérer dans le secret, dans cette profondeur de notre être, dans l’invisible où Dieu et ma conscience se trouvent face à face. C’est là dans ce secret que Dieu entend insensiblement me vider de mon être, me pomper, me sucer hors de moi-même afin de prendre la place, d’occuper toute la place.

          Mes frères, nous devons, dès le début de ce carême, sentir que Dieu entend nous faire partager jusqu’au bout son mystère de mort et de résurrection. C’est là le déploiement achevé de toute vie chrétienne et plus particulièrement d’une vie monastique ; celle-ci n’a pas d’autre sens que dans cette direction : mort à soi, mort pour les autres, afin de ressusciter d’abord soi-même et puis mystérieusement, tous ceux que Dieu a attaché à notre existence ; ressusciter ensemble dans cette lumière qui est sa propre vie.

         

          L’imposition des cendres est une démarche communautaire. Par elle, nous allons renforcer nos liens de solidarité et de charité : de solidarité dans notre état de pécheur et dans notre refus de péché ; de charité dans le don que nous faisons de nous-mêmes à Dieu et aux autres.

          Tout au long de ce carême – et ici n’oublions pas que pour Saint Benoît, le carême s’étend pour le moine tous les jours de sa vie – nous allons donc pendant ce carême qui s’étend jour après jour, nous allons partager les mêmes épreuves, les mêmes renoncements.

          Mais aussi se lèvera le jour où nous partagerons ensemble le même triomphe et le même banquet. Nous qui aurons tant jeûné, nous partagerons dans la lumière une Pâque qui sera éternelle.

 

          Mes frères, voici les cendres dont nos têtes vont être marquées. Nous allons demander à Dieu de faire reposer sur ces cendres la puissance de sa bénédiction. Et que cette bénédiction s’attache à notre être, à notre esprit, pour nous rendre fort et pour nous permettre de mener jusqu’au terme, jusqu’au triomphe, notre combat spirituel.

 

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Homélie : Mercredi des Cendres. B.             28.02.79

 

Mes frères,

 

Le rite, que la liturgie nous propose aujourd'hui, pousse ses racines dans la nuit des temps. Aujourd’hui il est réduit à sa plus simple expression, l’imposition d’une petite croix de cendres sur la tête. Et c’est tout ! Mais que signifie-t-il ?

 

L’homme se juge indigne de vivre. L’homme est un malfaiteur, un pécheur. Il se condamne lui-même et il se condamne à mort. Il se laisse donner la mort, il se la donne lui-même. Il s’enfonce dans la terre comme un cadavre, il se couvre de poussière, il s’assimile à cette poussière dont il a été tiré et dans laquelle il doit retourner.

Il se couvre de cendres, ces cendres qui sont le résidu final de que chose qui a été détruit par le feu. Mais cette mort qu’il signifie par ce geste, il veut aussi de quelque façon la rendre effective, et alors il se prive de nourriture. La privation de nourriture conduit un homme à la mort, et un mort ne se nourrit plus.

            Il va encore plus loin, il distribue ses biens. Dès qu’un homme est mort, on partage ses dépouilles, les héritiers sont là pour s'en emparer. Mes frères, tout cela c'est le fait d’hommes pécheurs, d’hommes malfaiteurs, qui se jugent digne de mort.

           

Il en est tout autrement dès que l’homme est parvenu à la sainteté, c’est à dire dès qu’au-delà de la mort il vit avec l’Epoux qu’il a toujours ardemment cherché, avec l’Epoux qui l’a pris auprès de lui.

Alors, au lieu de cendres ou de poussières, c’est l’éclatante parure de la lumière. Au lieu des affres du jeûne, c’est la nourriture, une nourriture extraordinaire : l’homme se nourrit de la beauté de Dieu. Au lieu d’un dépouillement, d’une dénudation, d’un anéantissement, c’est une participation à la régence de l’univers avec le Christ qui en est le Seigneur.

 

Mes frères, ça nous permet de comprendre que jeûnes, aumônes, cendres, poussières, si c’est le fait d’hommes pécheurs, c’est le fait de pécheurs qui sont en voie de métamorphose, c’est le fait de pécheurs qui sont habités par un Esprit qui les travaille à l'intérieur, un Esprit qui est caché sous une enveloppe qui un jour va se briser pour le laisser apparaître dans toute sa splendeur. Et nous devons, nous, aider l’Esprit à travailler et à nous transformer.

Et cela se fait dans le secret, dans le caché. Le mot qui est utilisé par l’Evangéliste, que nous traduisons par le secret, on pourrait le traduire en le décalquant dans la crypte, donc dans une espèce de tombeau. Ce que nous faisons, c'est dans la tombe de notre cœur, c’est dans la tombe aussi de notre corps. Et ainsi, un jour, comme le Christ est jailli du tombeau, nous jaillirons vers la résurrection, et nous serons ainsi pour l’éternité.

 

Le carême, comme le demande Saint Benoît, doit être un carême perpétuel. Et il doit l’être encore une fois dans le caché, dans l’invisible, dans le secret. Il nous initie à une façon d’être de Dieu, à certaines mœurs divines. Dieu, lui, est extrêmement humble, il ne s’impose pas, il ne se manifeste pas aux yeux des hommes. Non, il demeure caché.

Il accepte même qu’on ne reconnaisse pas son existence, ou qu’on s’attaque à son existence. Il ne réagit pas. Il est l’humble par excellence et il nous invite aussi à aller le chercher là où il se trouve, dans cette humilité, dans la forêt comme nos Pères de Cîteaux, dans le désert comme nos tous premiers Pères du monachisme, et alors maintenant dans le secret de notre cœur, là où il habite invisible. Et là, dans l’invisible, nous le rencontrons.

 

Mes frères, ce carême perpétuel qu’est la vie monastique, ainsi que nous le dit Saint Benoît, il nous le rappelle plutôt car ce n’est pas lui qui l’a dit le premier, ce carême perpétuel doit s’intensifier en ce temps liturgique de notre carême actuel. C’est le moment de nous secouer une bonne fois, de nous reprendre en main, de nous regarder, d’enlever un peu de nous toutes les souillures qui se sont accumulées, et qui gênent ce travail de mort en nous.

Nous devons nous replonger dans notre réalité d’hommes qui ont choisi de tout abandonner, d’entrer dans le secret, dans l’invisible afin d’y rencontrer Dieu. Et à partir de là, de cet endroit, de se laisser transformer de manière à élever avec eux toute l’humanité un peu plus près de Dieu.

Mes frères, nous allons ainsi commencer notre carême dans la force, dans la confiance et aussi dans la joie, car nous savons que nous nous acheminons à travers lui vers la gloire de notre complète et parfaite transfiguration.

 

 

Homélie : mercredi des Cendres. B.             24.02.82*

      Laissez-vous réconcilier avec Dieu.

 

Mes frères,

 

Dans la seconde lettre que l'Apôtre Paul adresse aux chrétiens de Corinthe - nous venons de l'entendre - il use d'une expression que je trouve si vraie et si belle...belle parce que vraie. Nous sommes les ambassadeurs du Christ, dit-il, nous venons d’une contrée lointaine, d’un pays dont le Roi est le Christ Jésus le Seigneur de l’univers. Nous sommes envoyés vers vous porteur d’un message urgent, impérieux : laissez-vous réconcilier avec Dieu.

Cette réconciliation, elle est difficile, presque impossible. Vous ne pouvez même pas faire le premier pas. Dieu le sait. Il vous demande simplement de vous laisser faire, de vous laisser prendre par la main. Il se charge lui-même du reste.

Ce message, mes frères, nous revient à chaque carême, d'année en année...et pour nous, moines, chaque jour. Car Saint Benoît ne nous dit rien d'autre lorsqu'il nous propose comme objectif de revenir par le labeur et l'obéissance à Celui dont nous avait éloigné la lâcheté de la désobéissance.

 

Obéir, c'est se laisser réconcilier, c'est écouter ce que Dieu nous demande. Ecouter, c'est ouvrir son cœur dans l'amour, dans la confiance, dans la gratuité. Et le fruit de ce retour, de cette réconciliation, c'est l'entrée avec le Christ dans le Royaume de Dieu son Père, c'est une sorte de grande naturalisation qui nous fait acquérir la citoyenneté divine dans la vision de Dieu et la vie incorruptible.

Pourquoi la route de la réconciliation est-elle si longue ? Pourquoi notre marche est-elle si lourde ? Pourquoi notre obéissance est-elle si laborieuse ? Parce que le péché nous a entraîné très loin de Dieu, parce que pèse sur nous le fardeau de nos péchés, du péché, parce que nous sommes entravés au dedans de nous-mêmes par les chaînes de l'égoïsme. Péché, égoïsme, sont l'un par rapport à l'autre comme les fruits et l'arbre, comme le produit et la source.

L'égoïsme, la perte du sens de la gratuité, cette gratuité sur laquelle le Christ insiste avec tant de vigueur. Aumônes, prières, mortifications, c'est parfait à condition d'être gratuit. Tout se passe dans le secret, dans l'invisible. Personne ne le remarque, personne ne le sait sauf Dieu qui, lui, habite l'invisible, habite le secret et qui voit dans l'invisible. Et pour Saint Benoît, mes frères, ce secret, cet invisible est dissimulé dans la prière et la bénédiction de l'Abbé.

 

Ainsi, le temps de carême est pour nous reviviscence de notre vocation chrétienne et monastique. Des hommes, des pécheurs ont entendu le message des envoyés de Dieu. Ils acceptent de se laisser réconcilier avec Dieu, de retrouver la pleine communion avec lui, de lui permettre d'être tout en eux. Et qu’ainsi, grâce à eux, le Royaume de Dieu soit présent sur la terre parmi les hommes.

Mes frères, cette vocation est splendide. Mais hélas, nous vivons tellement en de ça d'elle. C'est pourquoi maintenant nous allons recevoir les cendres en signe de repentance, de pénitence et de conversion. Et nous nous engagerons dans ce carême avec le désir de répondre à l'appel de Dieu, de ne pas le laisser vain ; et de lui donner cette satisfaction d'être enfin pour lui des enfants qui lui font confiance, qui se laissent prendre et qui se laissent réconcilier entièrement avec lui.

                                                                                                        Amen.

 

Homélie du mercredi des Cendres. C.            16.02.83

      Espérance des retrouvailles.

       Jl. 2, 12-18  *  2Co. 5,20-6,2  *  Mt. 6,1-6.16-18

 

Mes frères,

 

Nous l'avons entendu, le Prophète nous invite à revenir vers le Seigneur. Et l'Apôtre Paul nous exhorte à nous laisser réconcilier avec le Christ. Que s'est-il donc passé ? C'est très clair ! Nous nous sommes écartés de Dieu, nous nous sommes éloignés de Lui. Nous lui avons dit : Je ne servirai pas, je n'ai pas besoin de toi, je saurais faire ma vie seul. Et le résultat ne s'est pas fait attendre : de notre museau nous flairons le sol et de notre groin nous fouissons la boue. N'allez pas trop vite crier: c'est exagéré ! Ecoutez plutôt le vacarme que les sept démons font en votre cœur qu'ils agitent à longueur de journées, dans vos pensées où ils tourbillonnent sans arrêter un seul instant.

 

Mes frères, la lutte du moine, c'est contre ces sept démons, contre ces pensées qui corrompent le cœur. Et notre effort de carême consistera entre autre à maîtriser cette situation de façon à ce que nous puissions obéir aux injonctions du Prophète et de l'Apôtre Paul. Pour Saint Benoît, notre état spirituel est sérieusement compromis certes par le péché. Mais il n'est pas sans issue car il existe un remède. Et il nous le propose.

C'est après notre recessus, un redditus. Revenir par le labeur de l'obéissance à Celui dont nous avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. C'est fuir la région de la dissemblance pour revenir dans le beau pays de la ressemblance. Cesser d'être un homme animal pour devenir un authentique fils de Dieu.

Et ce n'est pas impossible car Dieu a fait vers nous le premier pas. Il a jeté un pont de Lui à nous. Celui qui n'a pas connu le péché, il l'a pour nous identifié au péché afin que par Lui le Christ, nous ayons part à la sainteté de Dieu. Voilà, mes frères, notre destinée !

 

Le carême éveille en nous cette espérance de retrouvailles dans la Lumière. Et cela se passe dans le secret de notre cœur. C'est une condition essentielle pour que ce soit vrai. Le Christ lui-même vient de nous le redire. Que signifie l'aumône, sinon le don de soi généreux, silencieux aux frères affamés d'amour. Que signifie la prière, sinon l'appel incessant, lancinant vers le Dieu trois fois Saint qui travaille notre esprit et notre chair. Que signifie le jeûne, sinon la béance d'un cœur avide de contempler la Lumière.

Oui, mes frères, le carême veut nous faire retrouver une virginité parfaitement adaptée au Royaume de Dieu redescendu sur le jardin du Golgotha à l'aube de Pâques et cherchant à s'étendre aujourd'hui à l'univers entier. Nous allons vivre notre carême dans cette attente confiante, joyeuse. Et cette attente sera le lieu de notre conversion. Et n'allons pas dire que chaque année le carême revient et que nous en sommes toujours au même point.

Non, mes frères, nous ne devons pas nous donner en spectacle aux hommes, nous ne devons même pas nous donner en spectacle à nos propres yeux. Dieu seul mesure le chemin que nous parcourons. Car c'est Lui par son Esprit qui à l'intérieur de notre cœur opère des merveilles que son œil contemple et dont son œil se réjouit.

 

Mes frères, il faut que ce carême, après les autres, soit une période au cours de laquelle nous saurons ce que faisons. Il sera un temps de retour, mais de retour le sens plénier du terme. 0 je sais, ce n'est pas un retour définitif ! Mais c'est une marche sur le chemin du retour. Nous avons besoin d'être à nouveau virginisé.

Le Royaume de Dieu est promis à ceux qui retrouvent une âme d'enfant, toute simple, sans malice, ouverte, faisant confiance, accordant le préjugé favorable avant même que l'autre ne se soit présenté dans ce qu'il est. Avoir des yeux qui pénètrent jusqu'à l'intérieur de l'autre, qui contemplent ses turpitudes, mais qui non seulement n'en est pas offusqué, mais qui parvient à en extraire la perle qui y est cachée et qui attend de paraître au jour.

Voilà, mes frères, ce que Dieu fait avec nous ! Voilà cette Lumière de Dieu qui nous pénètre. Il faut que elle soit dans notre cœur, qu'elle brille aussi dans notre regard afin que chacun de nos frères, chacun des hommes soit à l'aise avec nous, qu'il ait la joie de reconnaître dans nos yeux le meilleur de ce qu'il est.

Mes frères, le signe des cendres que nous allons recevoir nous dit en toute clarté que notre vérité d'aujourd'hui elle est obscure et elle est claire. Nous sommes des pécheurs, mais à l'avance déjà nous sommes pardonnés car Dieu a permis que son propre Fils, que Lui dans ce qu'il était capable de révéler à l'univers soit assimilé au péché pour que nous-mêmes nous puissions devenir lumière et sainteté en Lui. Mes frères, notre vérité d'aujourd'hui, elle nous ouvre aussi à notre splendeur de demain.

 

                                                                                           Amen.

 

 

Homélie : Mercredi des cendres. B.              20.02.85

 

      Etre admiré ou être inexistant pour les hommes ?

 

Mes frères,

 

Nous l'avons entendu de la bouche même du Christ, nos actions les plus nobles peuvent être perverties à la racine et ne produire que des fruits empoisonnés qui laissent dans la bouche un goût d'amertume et de mort. Ce n'est plus alors ni jeûnes, ni prières, ni aumônes, mais des grimaces qui provoquent chez Dieu un sursaut de dégoût.

Oui, mes frères, ou bien on se donne en spectacle aux hommes, ou bien on agit dans le secret, là où Dieu de ses yeux d'amour regarde l'invisible. Ou bien on cherche les applaudissements, les compliments, les regards admiratifs, ou bien on demeure inaperçu des hommes. Ou bien on est connu et couru, ou bien on passe pour inexistant.

Voilà, mes frères, les choix, les dilemmes qui s'offrent à nous ! Et nous avons chaque fois à échapper à une tentation. Car, reconnaissons-le, il y a en nous comme un besoin de paraître, un besoin d'attirer les regards, quand en fait, en réalité, nous devons être uniquement présent aux regards de notre Dieu. Oui, nous devons savoir, mes frères, que la relation authentique à Dieu exige une gratuité absolue.

Cela signifie qu'il faut vivre sous son regard, seulement sous son regard, et non pas sous celui des hommes ; vivre dans la lumière de Dieu pour son honneur et pour sa joie et non pas opérer sur nous des retours qui ne peuvent que nous enserrer dans une étroite carapace de misère ; ne pas chercher à nous regarder nous-mêmes et à nous congratuler.

Oui, mes frères, voilà la certitude d'un véritable amour et de la réussite d'une vie : n'être dans le monde que pour Dieu. O il faut aussi vivre pour les autres, naturellement. Cela va de soi. Lorsqu'on fait l'aumône, lorsqu'on prie, lorsqu'on jeûne même, ce n'est pas encore une fois pour se mettre en évidence même à ses propres yeux, c'est pour Dieu.

Mais aussi, à partir de ce Dieu qui est le Maître, et le Créateur, et le Père de tous, il y a un rejaillissement spontané sur tous les hommes qui sont vus alors comme des frères et que l'on porte bien au chaud à l'intérieur de son cœur.

 

Mes frères, Dieu n'est pas jaloux. Il désire notre véritable bonheur. Et le Christ, aujourd'hui, nous met en garde contre toute forme d'autolâtrie qui ne peut aboutir qu'à une totale impasse. Le temps de Carême est le moment de sentir davantage le danger qu'il y a en nous, d'en dépister les traces. Oui, ce danger d'autolâtrie.

C'est le moment favorable, comme vient de nous le dire l'Apôtre, le moment de nous exercer à nous détourner de nous-mêmes pour nous tourner vers Dieu ; le moment de purifier notre cœur, de surveiller notre regard, de surveiller notre imagination, de surveiller nos appétits et nos passions pour les tenir dans l'ordre et toujours les diriger vers notre Dieu sans les utiliser à notre profit.

Mes frères, nous ne nous appartenons plus. Nous nous sommes donnés à notre Dieu et il peut tout nous demander pour sa gloire et pour le salut de nos frères. Voilà le travail de conversion auquel nous sommes invités. Et ce travail, il opère une réconciliation de tout notre être avec Dieu et avec notre vérité. Car, lorsque nous sommes dans l'axe de ce que Dieu attend de nous, nous sommes dans notre être véritable et nous nous accomplissons parfaitement dans une entière liberté.

 

Mes frères, nous allons continuer à descendre dans les profondeurs de notre humilité et nous considérerons comme nos bienfaiteurs ceux qui nous y pousseront. Et lorsque nous serons parvenus tout au fond, ce fond qui est en réalité un sommet, le sommet de cette échelle qui entre à l'intérieur des cieux, alors nous serons dans la lumière. Nous serons entièrement en Dieu et nous goûterons les joies de la résurrection. Car le carême nous achemine vers cette fête de Pâques qui nous dit notre véritable avenir.

Mes frères, voilà notre espérance et voilà notre désir. Nous allons l'exprimer en recevant humblement les cendres, ces cendres qui nous diront symboliquement que nous sommes sortis de la terre et que nous y retournerons. Mais le meilleur de nous-mêmes, notre être spirituel, notre corps nouveau sera chez Dieu, avec lequel nous aurons toujours vécu, pour lequel nous aurons toujours travaillé.

Voilà, mes frères, encore une fois notre espérance et notre désir : nous, pécheurs, nous deviendrons des saints. Là est notre destinée vraie!

 

                                                                                                                   Amen.

 

 

Homélie du mercredi des cendres. C.             08.02.89

 

Mes frères,

 

Nous venons de l'entendre, au plus profond de la nuit qui étrangle le monde, nuit d'autant plus opaque qu'elle a toutes les apparences de la clarté, soudain il est question de lumière, d'amour et de paix.

C'est presque scandaleux quand on connaît la masse épouvantable de malheurs, de souffrances, d'injustices qui accablent les hommes aujourd'hui. N'est-ce donc pas leur faire injure ?

Non, mes frères, la réalité qui nous est offerte est d'une autre nature. Elle est plus vraie, elle est plus fondamentale. C'est elle qui est capable de dénouer toutes les angoisses, de résoudre toutes les questions, de répondre à tous les appels.

 

Et cette réalité, la voici : la lumière, l'amour et la paix qui nous sont présentés ne sont pas des choses qui dépendraient du bon vouloir des hommes. Non, la lumière, l'amour et la paix sont une Personne bien concrète, une Personne vivante, une Personne qui agit. C'est la Personne de notre Dieu.

Nous devons, ici, laisser s'ouvrir les yeux de notre cœur. Nous devons rentrer en nous, retrouver le point où jaillit la source de notre être. Et alors nous voyons que nous habitons Dieu. Dieu est notre maison, il est notre demeure, il est notre lieu.

Nous remarquons que nous allons et que nous venons à l’intérieur d’une  lumière qui est précisément amour, douceur et paix.

A l'intérieur de cette lumière qui est notre Dieu, nous sommes des corps étrangers, malhabiles, maladroits, mal adaptés. Eh bien, nous devons nous laisser amollir, comme digérer par cette lumière pour devenir nous-mêmes lumière avec elle, un avec elle.

 

Tel est, mes frères, le cœur du mystère de l'Incarnation. Nous devons en reprendre conscience en ces jours bénis. Nous l'oublions peut-être trop facilement. Mais je le répète, nous habitons Dieu. Dieu est lumière. Nous nous mouvons à l'intérieur de la lumière. Et si nous nous laissons travailler par elle, nous devenons un avec elle. Et à ce moment, nous goûtons la paix, cette paix qui, encore une fois, est Dieu lui-même et que le monde ne peut jamais nous donner, car il ne la connaît pas ne connaissant pas Dieu.

Dieu ne nous a pas crées pour que nous soyons malheureux, mais pour que nous devenions un avec lui et que, en le voyant, en le contemplant, nous partagions son bonheur. Et pour cela, il s'est fait homme. Il a assumé tout de notre condition de la naissance à la mort. Il a absorbé en lui toutes nos misères, tous nos malheurs.

Lorsqu'un homme accepte ainsi de devenir UN avec Dieu, UN avec la Lumière, lorsqu'il permet au Christ de reprendre chair en lui, à ce moment-là cet homme comprend ce que signifie la souffrance de notre Dieu. Car s'il a voulu devenir homme, c'est parce qu'il ne pouvait pas supporter que sa créature soit malheureuse.

Il s'est fait pauvre, démuni, vulnérable, dépendant, faible, souffrant afin de nous apprivoiser, de nous décrisper, de nous apprendre à être vraiment homme en devenant semblable à lui.

 

Le chrétien, mes frères, est un homme qui accepte de devenir lumière de Dieu, d'être parmi ses frères amour et paix. Mais qui aujourd'hui est capable d'entendre un tel langage ? Est-ce que nous ne sommes pas encore trop fermés sur nous-mêmes, emprisonnés dans la peur ? Les hommes ont peur les uns des autres. Et pourquoi ? Mais parce qu'ils sont toujours encore des hommes rongés par l'égoïsme.

Mes frères, il y a une créature que nous devrions toujours avoir devant les yeux, c'est la Vierge Marie. C'était une femme comme les autres, plus pauvre que les autres sans doute, sans défense, mais son cœur était un palais, son cœur était un temple parce qu'il n'y avait pas en lui la moindre trace de malice. Si bien que tous les hommes pouvaient y trouver abri.

Et la merveille s'est accomplie. Dieu lui-même a voulu descendre dans ce cœur et prendre chair. Et maintenant nous-mêmes sommes enfantés à la vie divine par cette même femme toute simple, toute pure, toute humble, toute belle.

 

Mes frères, nous ne devons jamais perdre patience, ne jamais perdre courage quelques soient nos défaillances, quelques soient nos chutes. Au terme de notre aventure terrestre, croyons-le, ne l'oublions jamais, il y a notre métamorphose en Dieu. Mais ce que nous devrions faire, nous qui sommes des consacrés, nous qui sommes des chrétiens, nous devons être dans l'humanité ceux qui s'offrent à Dieu pour qu'il puisse prendre possession d'eux et faire d'eux les témoins de sa présence et de son amour sur la terre.

          Voilà un des enseignements de cette célébration Eucharistique qui nous rappelle l'Incarnation de notre Dieu et notre propre divinisation qui est en chemin.

 

Nous allons partager le Corps et le Sang de ce Dieu. Nous allons alors devenir tous un seul Corps en Lui. Et puis nous rentrerons chacun là où nous sommes attendus, mais nous ne serons plus après comme nous étions avant. Nous serons autres, nous serons devenus meilleurs et il faudra, mes frères, que les autres le sachent, que les autres le remarquent et que eux-mêmes en soient métamorphosés.

                                                                                              Amen.

 

 

 

Homélie : Mercredi des cendres. A.            28.02.90*

 

Mes frères,

 

Au seuil du carême de cette année 1990 consacrée à notre Père saint Bernard, je voudrais épingler trois paroles qui sont toutes et chacune un programme de vie.

 

La première, je l'emprunte à l'Apôtre. Il nous dit que Dieu entend nous donner part à sa justice, c'est à dire à sa sainteté. Nous savons déjà qu'il nous prescrit d'être saints comme lui est saint, c'est à dire de nous tenir à l'écart de toutes souillures de l'âme et du corps. Mais aujourd'hui, il va plus loin. Il veut nous donner part à sa vie la plus intime. Il désire nous adopter pour ses enfants, nous diviniser, nous faire partager tout ce qu'il est.

Mes frères, le terme de notre vie n'est pas une quelconque perfection à la manière païenne. Non, elle est bien autre chose. Elle est de voir, d'être transfiguré en foyer de pur amour. Mes frères, n'allons pas croire que c'est là un programme qui dépasse nos possibilités humaines. Nous avons été greffés sur le Christ le jour de notre baptême. Nous portons dans notre cœur une énergie immense, celle même de l'Esprit Saint. Et si nous nous laissons façonner par cet Esprit qui est l'amour, insensiblement mais sûrement nous devenons des enfants de Dieu et un jour nous commençons à apercevoir la transcendante beauté de la lumière qu'il est.

 

Mais voilà, au départ nous sommes des pécheurs repliés sur nous-mêmes, sur nos passions et sur nos peurs. Le Prophète Joël, lui, nous enseigne comment faire pour passer de cet état de mort à la vie, pour être en mesure de recevoir la vie qui est Dieu en personne.

Nous devons, nous dit-il, déchirer nos cœurs et ouvrir une brèche, permettre à toute la saleté de sortir, permettre à la Lumière d'y entrer. Il nous engage à emprunter une route de claire lucidité sur nous et sur notre avenir, une route de sincère humilité.

C'est ce que nous propose Saint Benoît, nous le savons, mes frères. C'est la mise en œuvre quotidienne de notre vœu de conversion des mœurs.

 

Et enfin, le Christ lui-même vient à notre secours. N'est-il pas le Sauveur ? N'est-il pas le Salut ? Il nous demande tout simplement d'être des hommes d'intériorité, d'être vrais, de nous installer, de nous établir dans la vérité.

Notez qu'il emploie six fois le mot : dans le secret, dans l'invisible. Le moine doit être un homme de l'invisible. Il vit avec Dieu que les yeux de chair ne peuvent voir. Il vit dans le secret du Royaume, là où les yeux des hommes ne peuvent voir.

Et ainsi, tout ce qu'il fait de bien, de bon, de beau, de grand, demeure inaperçu de tout le monde sauf de Dieu, sauf de son Père dont il adopte avec un instinct surnaturel sûr les façons d'agir. Si telle est notre condition, alors nous sommes au cœur de la vérité, nous sommes dans le Christ en Dieu et nous partageons toute sa vie.

 

Mes frères, telle est la route du carême et de toute notre vie. Je le rappelle : briser notre cœur, pleurer nos péchés, nous établir dans la vérité, accueillir en nous la sainteté de notre Dieu.

Les cendres que nous allons bénir et recevoir vont dire la sincérité de notre propos, notre désir de conversion. Elles vont exprimer publiquement notre foi, notre espérance et notre charité.

                                                                                                       Amen.

 

 

Homélie : Mercredi des cendres. B.              13.02.91

      Qu’avons-nous fait et que faisons-nous ?

 

Mes frères,

 

Cette année, nous vivrons le carême sur un arrière fond de guerre. Les événements tragiques qui ensanglantent les régions qui furent le berceau de notre foi ne peuvent nous laisser indifférents. Ils nous heurtent de front, ils nous provoquent, ils nous questionnent. Qu'avons-nous fait pour en arriver là ? Et que faisons-nous pour en sortir ?

Le temps du Carême peut nous apporter une réponse. Dieu et nos frères les hommes nous attendent. Le contemplatif ne vit pas replié sur soi. C'est le monde entier, le monde souffrant qui crie dans son cœur.

 

Cette réponse sera double. D'abord, nous nous reconnaîtrons pécheurs, c'est à dire coupables. Souvent nous avons fait des choix qui étaient à côté de l'amour, qui étaient contraires à l'amour. Oui, mes frères, négliger de donner la préférence aux autres, c'est semer des germes de division, de haine et de conflit.

La loi du Christ est formelle : priorité absolue doit être donnée à l'amour. Lui-même nous a laissé un exemple pour que nous l'imitions. Seuls l'amour et la beauté qui en est le visage sauveront le monde.

 

L'autre face de notre réponse sera de nous exercer au désintéressement, à la pureté du don, à la gratuité. C'est aussi l'enseignement du Christ, spécialement aujourd'hui.

Les pharisiens dont il nous a parlé étaient tous de braves gens, des hommes généreux. Il leur manquait une seule chose, le sens de la gratuité. Et ce défaut corrompait à la racine toutes leurs œuvres.

Mes frères, la gratuité est le fruit de l'humilité. En elle il n'y a ni premier, ni dernier, ni supérieur, ni inférieur. Elle détruit à la racine toute possibilité de rivalité parce qu’elle annule tous les rapports de force.

 

Mes frères, tel sera - si vous le voulez bien - notre programme de carême. Nous installant dans la gratuité, nous laisserons grandir en nous l'amour et nous deviendrons des agents de paix. Les cendres que nous allons bénir et recevoir vont dire la sincérité de notre propos de conversion.

                                                                                                    Amen.

 

 

Homélie : Mercredi des Cendres. A.             24.02.93.

      Portrait de deux moines !

 

Mes frères,

 

            Au seuil de ce carême, le Christ nous présente deux types d'homme, deux types de chrétien, deux types de moine. Et puisque nous sommes dans un monastère, arrêtons-nous, si vous le voulez bien, quelques instants, au portrait qu'il fait de deux moines. Contemplons-les sans complaisance, avec humour, avec au cœur de la peine et de l'espérance.

            Nous nous rappellerons que nous nous tenons un peu entre les deux, que nous tenons toujours un peu des deux. Le passage d'un type à l'autre est la Pâque de notre conversion, le tracé de notre vie.

 

            Voyons d'abord le moine crispé sur lui-même. Il n'a de regard que pour lui, il attend que les regards de tous convergent vers lui ; ils doivent même converger vers lui car il se voit comme le pôle du monde. Il n'a besoin de personne, mais tout le monde a besoin de lui.

            Le jeûne lui devient occasion de s'engraisser ; l'aumône lui est prétexte à s'enrichir ; la prière lui sert de piédestal pour mieux s'exhiber. Disons qu’il est heureux, il a ce qu'il recherche : il est quelqu'un, on le salue, on l'invite, on le reçoit. Il est comblé.

 

            L'autre moine, lui, passe inaperçu, inconnu, méconnu ; il est même inexistant à ses propres yeux. 0n irait jusqu'à dire qu'il veut même se cacher aux yeux de Dieu. Il fait tout avec une telle simplicité, une telle bonhomie qu'il ne se rend même pas compte qu'il le fait. Le jeûne, l'aumône, la prière sont comme sa seconde nature, sont devenus sa nature ; c'est la quasi naturaliter de Saint Benoît. Ce moine vit de Dieu et pour Dieu ; le reste ne l'intéresse absolument pas. Il est établi dans la vie véritable et, la gloire reçue des hommes, il n'en veut pas.

            Mes frères, les cendres que nous allons recevoir diront publiquement ce matin notre désir de renoncer à  la vanité du premier type de moine pour entrer entièrement dans la vérité du second et y rester.

                                                                                                   Amen.

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Homélie du mercredi des Cendres. A.           21.02.96*

      Donnons sa chance à Dieu !

 

Frères et sœurs,

 

            Nous ne pourrons jamais enfermer à l’intérieur de notre intelligence l’amour qu’est notre Dieu. Il est à la fois trop immense et trop fou. L’Apôtre vient de ramasser cette folie en une formule saisissante et percutante. Ecoutons là encore une fois. Elle devrait pénétrer notre cœur et le tarauder sans fin : Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes afin que grâce à lui nous ayons part à la justice de Dieu.

 

            Au seuil de ce carême, frères et sœurs, donnons à Dieu sa chance, la chance de déployer en nous l’amplitude de sa folie, la chance de faire de nous des révélations de son amour et de sa beauté.

            Donnons-lui donc toute notre confiance ! Evacuons nos peurs ! Mettons-nous en accord, en harmonie avec lui ! Supplions-le de nous pardonner, de nous aider, d’ouvrir notre cœur à sa grâce !

            Nous ne le savons que trop, nous sommes des êtres tordus, repliés sur eux-mêmes, égocentriques. C’est notre condition pécheresse et, c’est à partir d’elle que Dieu entend faire de nous des saints.

 

            Mais qu’est-ce qu’un saint ? C’est un homme établi dans la vérité, dans la lumière de la vérité. La vérité est une exigence radicale rappelée aujourd’hui avec force par le Christ. Faire l’aumône, prier, jeûner, c’est bien, c’est louable, c’est excellent, c’est parfait à condition  que ce ne soit pas une tapisserie derrière laquelle se dissimule notre malice.

            Oui, l’effort doit aller jusque là. S’installer dans la vérité, c’est renoncer définitivement à vouloir …?…, c’est s’enfoncer dans une humilité sans fond, c’est descendre jusqu’à la racine de notre être et là, découvrir la présence de celui qui est amour et ne plus vouloir en sortir.

 

            Saint Augustin disait : Je t’ai cherché dehors, je te cherchais au-dehors, je me dispersais à l’extérieur et c’est au-dedans de moi que tu étais ! C’est cela, frères et sœurs, qui nous est demandé pour que nous soyons vrais !

            C’est pourquoi en donnant du …?…, soyons toujours clairs dans notre agir. Evitons surtout de nous comporter en exploiteurs de la piété. Et pour cela, nous devons apprendre à vivre constamment, comme je viens de le dire, sous le regard de Dieu et dans sa compagnie.

            Mais Dieu est présent partout, il est au cœur de sa création. Il poursuit son œuvre de beauté. Il veut que chacun de nous devienne un reflet de ce qu’il est. Et c’est pourquoi, n’ayons pas peur de nous confier à lui. Je pense que le plus grand obstacle sur la route de la sainteté, c’est la peur.

 

            Dernièrement, le Cardinal nous a rappelé que les jeunes, surtout aujourd’hui, sont habités par une multitude de peurs. Ne cédons pas à cette sorte de panique qui peut s’ancrer sur chacun de nous, mais ouvrons-nous à Dieu qui est notre Père. Découvrir que Dieu est notre Père, c’est avoir fait un bon décisif sur la route qui conduit à lui.

 

            Il ne s’agit pas, lorsque nous parlons de Dieu, d’un Dieu espion, d’un Dieu gendarme mais d’un Dieu qui est l’amour, d’un Dieu qui veut nous rassasier de sa propre sainteté, d’un Dieu qui nous a créés pour que nous soyons heureux.

            Dieu lui-même et les hommes attendent ainsi que nous soyons vrais. Le carême nous rappelle cette exigence, cette exigence qui est une sagesse, une sagesse et une grandeur opposée à celle du monde et de son prince.

 

            Les cendres que nous allons recevoir vont proclamer haut et fort que nous la faisons nôtre cette sagesse et que les pécheurs que nous sommes ouvrirons bien large leur cœur à la sainteté, à la vérité que Dieu leur propose.

                                                                                                          Amen.

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Homélie de l’imposition des Cendres. A.         04.03.81*

 

Mes frères,

 

Nous inaugurons la grande et sainte quarantaine du Carême par la cérémonie de l'Imposition des Cendres. Il importe que notre geste extérieur soit l'écho fidèle de nos dispositions intérieures. Tout en effet est nu et découvert devant Dieu, ce Dieu qui a une oreille d'une finesse extrême et des yeux qui percent les épaisseurs les plus opaques. Il attend que le chant de notre cœur soit juste, et que soient beaux les mouvements de notre âme.

 

Mes frères, nous ne sommes rien, tout au plus un paquet, un petit paquet de matière animée. Nous sommes ce que nous mangeons, ce que nous buvons, ce que nous respirons : quelques kilos de poussières qui bientôt vont retourner à la poussière. Mais cet agglomérat de molécules animées est habité. Il est le temple de l'Esprit. Et le voici promis à un destin prodigieux : participer à la nature de Dieu, voir Dieu, partager l'intimité de la vie Trinitaire.

Oui, mes frères, Dieu lui-même a voulu devenir poussière afin que la poussière puisse devenir Dieu ! En nous et autour de nous naît et se développe un corps spirituel promis à la résurrection. Et le moine est un homme qui travaille avec l'aide de Dieu à l'engendrement et à la construction de ce corps nouveau. Son ascèse va consister à mettre tout en œuvre, à libérer toutes les énergies, afin de les mettre au service de cette Opus Dei, de ce chef-d’œuvre que Dieu veut réaliser avec ce rien, ce souffle qu'est un homme.

Sans cesse donc, nous allons nous détourner de la vanité, de la finitude, du néant, pour nous orienter vers la Lumière, pour voir cette Lumière, pour nous alimenter à la volonté de Dieu ; et ainsi déjà entrer dans l'éternité qui nous est promise, et de quelque façon la déguster cette quaedam praelibatio vitae aeternae, ces prémices de la vie éternelle dont parlent nos premiers Pères.

 

C'est cela, mes frères, la conversio morum à laquelle nous nous sommes engagés au jour de notre profession monastique ! Et le carême, c'est la réanimation, la réactivation de cet effort de conversion. Et cela, par une attention plus grande au renoncement, au détachement, à une orientation plus correcte de notre vie et aussi une ouverture plus large au vouloir divin, une collaboration plus étroite, plus efficace au travail de Dieu en nous.

Et cela, mes frères, va se concrétiser dans la fameuse trilogie : la prière, le jeûne, le don de nos biens et de nos personnes sans ostentation, sans forfanterie, mais dans la simplicité d'un cœur qui fait confiance, qui s'ouvre et qui se donne.

Nous allons recevoir les Cendres et quelques instants plus tard communier au Corps et au Sang du Christ ressuscité. Et ainsi nous allons signifier que nous sommes des riens appelés à devenir des Dieux. Et c'est là, mes Frères, notre Force et notre joie pour aujourd’hui et pour chaque jour de notre vie.

                                                                                                       Amen.

 

Homélie du mercredi des Cendres. A.            04.03.87

 

Mes frères,

 

Nous sommes pécheurs, chaque jour nous l'expérimentons à nos dépens. Et pourtant, comme vient de nous le rappeler l'Apôtre, notre destinée est d'être identifiés à la justice de Dieu, d'avoir part à la sainteté de notre Dieu : être des grains de lumière dansant dans la lumière qui est Dieu, devenir amour comme notre Maître lui-même est amour.

Le Carême entend graver en nous le désir d'arriver au bout de notre vocation d'homme. Il entend ranimer en notre cœur la certitude que tout est possible puisque Dieu est venu nous chercher au cœur de notre péché. Le Carême est un sursaut, il est un réveil ; il peut devenir l'origine d'une joie et d'une paix nouvelle.

Je parle d'un réveil, et il en est un auquel peut-être nous ne pensons pas. Nous donner en spectacle, que ce soit en matière d'aumônes, de prière ou de jeûne, ne nous intéresse pas. Il est une tentation plus subtile, plus insidieuse : à savoir une certaine bonne conscience née du sentiment d'être chez Dieu, dans sa maison, de vivre à son rythme, de faire sa volonté.

 

Il pourrait s'introduire dans notre cœur une béate satisfaction de soi, un " se donner en spectacle" non pas aux autres mais à soi-même. Et puis lentement s'assoupir dans le pieux ronronnement d'une certitude fondée sur une fausseté spirituelle.

Mes frères, cette tentation est bien réelle et nous devons la secouer loin de nous. Le moine est un homme qui est en état constant de conversion, de repentance, d'accueil. Participer à la sainteté de Dieu exige que nous nous vidions de tout, à commencer de nous-mêmes.

Le carême nous y aidera et les cendres que nous allons recevoir dans la foi diront publiquement notre résolution d'accueillir en nous la grâce de notre Dieu, notre résolution et notre confiance. Car nous le savons, nous n'avons pas été appelés pour une déchéance.

 

Nous avons été appelés en vue d'une résurrection. Et ce que Dieu nous propose, il ­nous suffit de le recevoir dans l'humilité, dans le respect  et aussi dans la reconnaissance. Il n'est rien en nous qui ne soit appel à une destinée plus haute, comme je le disais au début, comme nous l'a dit l'Apôtre : être identifié à la justice de Dieu et être aussi pour tous les hommes le témoignage de ce que Dieu attend de nous, de ce que Dieu a préparé pour chacun de nous.

                                                                                                                         Amen.

 

Homélie : Mercredi des cendres. C.              04.03.92

      L’aumône, la prière et le jeûne.

 

Mes frères,

 

Les paroles que nous venons d'entendre de la bouche du Seigneur­ Jésus sont, vous le savez, fondatrices de la spiritualité du carême. Elles définissent trois grandes observances: l’aumône, la prière et le jeûne. Et nous devons nous y attacher avec plus d'intensité au cours de ce carême.

Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas les pratiquer en d'autres temps. Non, le chrétien est toujours un homme adonné au jeûne, à la prière et généreux dans ses aumônes.

Il pratique le jeûne parce qu'il se nourrit en premier de la volonté de Dieu son Père. Il s'adonne à la prière parce qu'il vit déjà en espérance dans le monde à venir. Et il fait l'aumône parce qu'il se sait solidaire de tous les hommes, surtout des plus malheureux d’entre eux.

           

            Mais il sait qu'il est lui aussi un homme faible, fragile et qu'il lui arrive souvent d'oublier sa noblesse de chrétien et de négliger son devoir. Le carême est ainsi l'occasion de se reprendre, de réparer ses erreurs, de repartir dans une fraîcheur nouvelle. Il doit être, mes frères, comme le raccourci de notre vie entière. Il débouche sur l'allégresse de Pâques.

Il est donc porté, comme nous le dit Saint Benoît, par une profonde et secrète joie spirituelle. Et, il est une prophétie. Il est lui aussi une parole, celle qui trace le mouvement de toute notre vie, notre vie qui monte vers la mort qui, elle, est le porche de la résurrection.

Car, mes frères, nous n’avons pas ici bas de cité permanente. Notre véritable patrie, elle est située au coeur de la Sainte Trinité. Elle est construite jour après jour par notre Dieu qui est amour.

 

Voilà pourquoi, mes frères, le carême est anticipation, prophétie de notre véritable destinée. Et Saint Benoît, vous le savez, nous dit que la vie du moine doit être carême ainsi tous les jours. C'est dans cette optique, c'est dans cette vision d'un avenir qui nous est déjà donné maintenant, si nous voulons ouvrir les yeux de notre coeur.

Mais pour cela, nous ne devons pas nous attacher à de petites jouissances charnelles terrestres bien humaines certes, et qui en soi ne sont pas mauvaises ni méchantes. Mais nous devons être emportés ailleurs, dans cet ailleurs d’où nous sommes venus et vers lequel nous retournons.

Et dans les propos du Christ-Jésus, nous remarquons une petite note qui caractérise l'agir de tout chrétien. Et c'est l’absence de mercantilisme. Le jeûne, la prière et l'aumône n'ont de valeur que par la gratuité qui les anime : ne pas se faire voir, ne pas se produire, éviter tout étalage en paroles ou en gestes, et puis rester en communion avec Dieu dans le secret.

 

Telle est, mes frères, la conduite d'un chrétien digne de ce nom et cela en tout temps. Nous allons en reprendre conscience en recevant les cendres. Comme Saint Benoît nous le conseille, nous allons mettre à profit ce temps précieux du carême pour réparer toutes les négligences de notre vie passée. Nous saurons ainsi que l'amour qu'est Dieu est toujours le plus fort et que ses miséricordes sont inépuisables.

                                                                                                           Amen.

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Homélie : 1° dimanche de carême, année A.   08.03.81*

      La tentation de Jésus.

Gn 2, 7-9;3,1-7 / Am 5,12-19 / Mt 4,1-11

 

Mes frères,

 

Le récit que nous venons d'entendre à brûler au fer rouge la conscience de l'Eglise qui a déchiffré en lui le mystère de sa destinée. Il n’est pas possible de l'explorer en quelques minutes. Notre contemplation n'aura pas assez de l'éternité pour l'admirer et pour s'en nourrir. Je vais me contenter d'en effleurer un tout petit détail.

L'analyse sémantique d'un mot du texte original nous permet de comprendre que Jésus a été conduit, emmené sur une hauteur. Voilà ce mot : Jésus est poussé par l'Esprit dans un désert de montagne.

 

Il existe donc une montagne qui est le repaire de Satan, une montagne qui se dresse en marge de la communauté des autres montagnes que nous connaissons. Elles portent des noms prestigieux : l'Horeb, le Mont Sion, le Thabor, l'Hermon. L'Horeb, la montagne de la calcination : elle est brûlée par un feu qui ne consume pas, ce feu qui est Dieu lui-même. C'est

la montagne où Dieu se révèle dans le fracas des éléments déchaînés ou dans le murmure à peine perceptible d'une brise légère. C'est la montagne de Moïse et d'Elie, les deux plus farouches défenseurs de l'honneur de leur Dieu.

Plus modeste le Mont Sion qui est la montagne ombragée. Elle repose à l'ombre de l'Esprit. Sur elle, Dieu a établi sa demeure. Et c'est là qu'il se manifeste dans l'obscurité de sa présence. Il y a le Thabor qui signifie le nombril. C'est le nombril de la terre. Là, Dieu est apparu dans la fulgurance d'une chair transfigurée. Là aussi se sont rencontrés avec lui Moïse et Elie.

 

Mais j'en reste là pour venir à notre montagne sur laquelle Jésus à été conduit. Une montagne qui s'élève dans toute la hauteur de son vide, et qui de là, nargue les autres montagnes. Elle est marginale. Et voilà que le Fils de Dieu est chassé vers elle. Il la gravit non pas pour la détruire ­ou pour l'écraser, mais pour la purifier et pour la peupler.

Car dans les narines de cet homme qui est Jésus circule un souffle, ce souffle qui a été mis en lui au jour de la création, le propre souffle de Dieu. Ce souffle que un jour il va répandre sur le monde entier.           Et ce souffle de Dieu, cet Esprit, c'est l'Amour. Et l'amour ne méprise rien de ce qu'il a fait.

Et alors commence une lutte sans merci entre le vainqueur primordial, le démon, et le vaincu primordial, l'homme, l'Adam ; entre les ténèbres qui étouffent le monde et la Lumière venue dans le monde ; entre la haine qui sème la mort et l'amour qui donne la vie.

Nous connaissons les péripéties de cette lutte jusqu'à la mort du nouvel Adam sur le bois d'une croix. Et puis l'inattendu : sa résurrection d'entre les morts. L'Amour était demeuré invaincu. Parmi les tourments les plus atroces, au sein des persécutions les plus subtiles, jamais une seule pensée de malveillance n'avait pu entrer dans le cœur de cet homme. L'Amour, l'Esprit avait radicalement vaincu toutes les puissances du vide et du mal.

 

Mes frères, nous voyons mieux à présent pourquoi la place du moine est dans le désert. C'est le lieu du courage et de la Foi. Dans le désert, le Christ poursuit mystiquement dans la personne de quelques hommes cette lutte qu'il a entreprise un jour contre les puissances de destruction, toutes les puissances du mal, toutes les puissances de mort. Il le fait dans la personne d'hommes fragiles, mais qu'il habite et qu'il revêt de sa force à lui ; des hommes qui n'ont pas peur d'affronter la souffrance, la tentation, ni même la mort.

Et alors, c'est ici le lieu d'un affrontement entre la sensualité et le renoncement, entre l'extravagance et la discrétion, entre la démesure et l'humilité, et cela dans un déferlement et un enchantement de fantasmes. Ce n'est pas pour rien que Saint Benoît parle des culmina scientiae et virtutum, des sommets de science et de vertu. Ces sommets ne sont rien d'autre que les escarpements de notre être, ces escarpements que la grâce de Dieu a nettoyés, assainis et transfigurés.

 

Mes frères, c'est de nouveau l'obéissance à la volonté de notre Dieu : une obéissance absolue, sans discussion, une obéissance toute de confiance qui va          permettre au moine de traverser la mort et de parvenir dans la vie incorruptible, impérissable. Nous attendons avec la patiente ardeur du désir spirituel le jour de la Pâques, de la nôtre surtout, ce jour où nous verrons notre épreuve s'ouvrir, ce jour où enfin nous boirons à larges traits la vie qui coule des yeux lumineux du Christ ressuscité.

Mes Frères, la tentation, l'épreuve, la souffrance n'ont jamais qu'un temps. Ce qui nous attend, c'est la résurrection et la vie. Et à ce moment, les montagnes du vide, la montagne de ce vide satanique a été entièrement transformée. Elle est devenue la montagne de la rencontre pour une extase qui ne finira jamais.

                                                                                                               Amen.

 

Homélie : Premier dimanche du carême. C.      12.02.89

 

Mes frères,

Mon père était un araméen vagabond qui descendit en Egypte. Et Jésus poussé par l'Esprit dans le désert y demeura quarante jours, nomadisant, exposé à toutes les manifestations diaboliques.

 

Mes frères, cela nous apprend que nous n'avons pas ici-bas de cité permanente. Nous venons d'ailleurs. Nous sommes des étrangers sur cette terre. Nous traversons des jardins somptueux et des déserts effrayants. Nous allons vers un lieu qui nous est préparé et notre cœur ne goûtera la plénitude que le jour où il se reposera en lui.

Et ce lieu béni est le sein de Dieu notre Père, ce Dieu qui est amour et lumière, lui qui nous a faits pour que nous devenions un seul être avec lui, pour que nous goûtions finalement sa richesse et son bonheur.

Comme Jésus au désert, comme Israël avant lui, nous devons choisir. Toute tentation nous place devant un choix : ou bien une jouissance immédiate, ou bien une attente dans la foi.

 

          Céder à la tentation, c'est s'installer dans l'immédiateté, c'est se figer dans le matériel et le charnel, c'est renoncer à croître et à vivre. Par contre, se fermer à la tentation, c'est accueillir en soi plus grand que soi, c'est percer toutes les illusions et déjà entrer en possession de la vie.

La tentation est l'endroit où se définit la qualité spirituelle d'un homme. Elle est une chance et une grâce. Dieu devenu homme l'a voulue pour lui. Jésus est fils de Dieu. Il est Dieu. Mais il est aussi un homme soumis aux épreuves tout comme nous. Les 40 jours dans le désert synthétisent sa vie entière traversée de contradictions sans nombre.

Il était Dieu et il a voulu rester vulnérable, faible, démuni, pauvre, méconnu. Il était chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Comme son cœur devait saigner et comme le tentateur devait lui souffler mille et mille pensées !

 

Il a connu tout ce que nous connaissons, mes frères, et il a vaincu pour que nous vainquions en lui. Par notre fidélité nous lui permettrons de vaincre en nous aujourd'hui. Vaincu, c'est à dire ne pas quitter la vérité, ne pas glisser hors de l'amour.

L'Eucharistie nous plonge à nouveau dans ce mystère. Ce mystère, le sien, mystère de faiblesse et de force. Elle nous transporte aussi où nous devons aller en Dieu, d'où nous sommes venus. Car nous avons été aimés avant même la création du monde, et où nous retournons pour un bonheur sans mélange.

                                                                                                                Amen.

 

Homélie : Deuxième dimanche du carême.        18.03.84

      Le projet de Dieu sur nous : La Transfiguration.

 

Mes frères,

 

La liturgie de ce deuxième dimanche de Carême dresse sur notre route une borne d'incandescence. Et cette borne est une vision qui nous emporte au terme de notre voyage et même au delà. Elle nous introduit à l'intérieur du monde à venir rendu présent mystérieusement. La vision du Christ transfiguré dévoile le projet de Dieu sur nous, un projet qui est un trop ­plein d'amour qu'il est impossible de contenir.

A présent nous savons qui nous sommes et ce que nous devenons. Nous sommes destinés à être participant de la nature Divine. La vision de la Lumière nous est promise. Et nous devons sentir dans notre cœur la douce et irrésistible pression d'une gloire qui nous dilate à l'infini.

C'est là, mes frères, un cadeau qui nous est offert gracieusement, libéralement, à la façon dont Dieu seul peut donner. Et il ne nous est rien demandé en échange. Il nous suffit d'accepter, de tendre nos mains vides, des mains qui ont tout laissé, qui ont tout abandonné, des mains qui ont renoncé à toutes leurs sécurités familières, terrestres, charnelles.

 

Le destin d'Abraham et le nôtre s'est joué sur un tout petit mot : il partit comme Dieu le lui avait dit. Il partit, il quitta tout, absolument tout, sans jamais regarder en arrière, sans jamais remettre en question. Il partit et il suivit la voix qui l'invitait, qui l'appelait.

Et le pays que Dieu veut nous faire voir, c'est son univers à lui, son univers qui est sa propre personne. Je dis bien : qu'il désire nous faire voir. C'est ainsi qu'il est exprimé dans le texte original : Faire voir. Dieu nous prend par la main - notre main vide - et il nous conduit sur ses routes à lui vers son pays.

Nous laisser conduire chez Dieu, remonter la pente au ­bas de laquelle toute l'humanité a roulé, retrouver les sommets de lumière et d'amour, voilà le propos de la vie monastique pour ne pas dire de toute vie chrétienne. La Transfiguration du Christ, prémices de la nôtre, placée presque au début du Carême, nous rappelle ce but sublime de notre vie.

 

Si nous nous livrons avec confiance aux énergies divines qui travaillent notre cœur, nous sentirons s'opérer en nous une puissante métamorphose. Nous ne posséderons plus rien, nous ne serons plus rien, mais nous verrons la lumière de Dieu et sur notre palais, nous ferons rouler la saveur de la vie incorruptible.

Mes frères, le Carême débouchant sur Pâques et la Résurrection trace la ligne de notre vie. C’est un tracé liturgique, certes, mais aussi c'est un tracé mystique, donc un tracé réel, d'une réalité qui est la seule vérité. Car nous le savons, nous arriverons tôt ou tard sur un seuil qu'il nous faudra franchir. Et ce seuil, mes frères, pourquoi ne pas le franchir de suite ? C'est à cela que nous sommes invités.

La table Eucharistique à laquelle nous participons, elle va faire entrer en nous cette espérance, cette réalité, cette possession. Nous serons déjà à ce moment-là, tous ensembles, un Corps ressuscité. Tous ensembles nous serons transportés au-delà de ce seuil, chez Dieu. Et ceux d'entre nous qui auront le regard assez pur pour discerner cette gloire, la verront, mes frères.

 

Voilà ce à quoi nous sommes invités aujourd'hui avec plus d'insistance encore. Parcourir cette route jusqu'au terme, voilà ce qui nous est demandé, voilà ce que Dieu, voilà ce que le Christ attend de nous.

Oui, voir le Christ transfiguré est à notre portée si nous avons au cœur la foi d'Abraham, si nous sommes vraiment ses fils et si comme lui, abandonnant tout, nous nous laissons prendre par la main et conduire dans ces régions merveilleuses où il n'y a plus qu'amour et lumière, là où nous sommes tous invités, et là où nous irons, mes frères, en portant cette joie dont nous parle Saint Benoît, la joie unique du Carême, cette joie qui doit être celle de toute notre vie, celle que le monde ne peut donner car elle est la propre joie de Dieu.

                                                                                            Amen.

 

Homélie : Deuxième dimanche. C.                27.02.83

      Oser l’aventure de l’amour.

       Lc. 9, 28b-36 : La Transfiguration.

 

Mes frères,

 

En évoquant au second Dimanche de Carême l'épisode de la Transfiguration, la Liturgie nous prend par la main et elle nous introduit dans les celliers secrets de notre destinée, dans les mystères de notre vie chrétienne et surtout de notre vie monastique. Elle nous découvre des merveilles au regard desquelles l'univers entier n'a aucune valeur.

Notre pauvre corps de misère sera un jour conformé parfaitement à l'image du corps glorieux du Christ. Et ce trésor, nous le portons déjà aujourd'hui dans le vase boueux de notre chair qui, elle, est destinée, est condamnée à la corruption. Mais en dessous de cette enveloppe déjà se forme une chair spirituelle, notre corps de demain.

Oui, mes frères, la gloire de la divinité, elle est déjà en nous. Et le jour viendra où elle transparaîtra. Et ce jour, n'allons pas attendre un lointain utopique. Non, cela se passera, si nous sommes fidèles, avant notre mort physique.

 

Ne rêvons pas non plus à ce que nous venons d'entendre. Non, ce fut réservé à la personne du Christ. Car il fallait à ce moment-là que les disciples voient au moins une fois - pour toute l'humanité ils ont été les témoins - qu'ils voient ce qu'était le Christ et ce que nous sommes, nous. Et c'est là un cadeau que nous recevons. Il nous est demandé une seule chose, pas onéreuse, elle va de soi : c'est d'y consentir, c'est d'y croire !

Faut-il donc que nous soyons traumatisés pour que nous ne parvenions pas à donner à Dieu une foi complète, achevée, sans retour ? Quelque part dans un coin de notre cœur Dieu habite. Nous le savons, et nous le sentons, et cela nous fait peur... Et si Dieu fait mine de bouger, aussitôt il nous semble qu'une masse de ténèbres s'abat sur nous, et nous sommes saisis d'une frayeur sombre et profonde.

O, ce n'est pas là la torpeur extatique d'Abraham. Non, c'est le réflexe qui cloue sur place le pécheur, ou bien qui leur donne l'envie de prendre la fuite. Nous sommes vraiment les fils d'Adam avant d'être un jour les fils d'Abraham.

 

Mes frères, prenons donc notre courage à deux mains. Courons le risque de la confiance. Ce n'est pas un saut dans le vide, mais c'est un envol vers le haut...et des ailes nous serons données. Il faut accepter d'être citoyen des cieux, renoncer à placer dans les choses de la terre le but de notre vie. Il faut abandonner, quitter les sécurités charnelles pour courir la grande, la formidable aventure de l'amour.

Mes frères, ils sont rares les hommes qui croient vraiment en l'amour. C'est un mot dont on parle beaucoup aujourd'hui. On le chante encore davantage. Mais rares sont ceux qui connaissent l'amour, qui savent ce que c'est, qui sont possédés par lui. Car l'amour, c'est notre Dieu ! Et s'abandonner à l'amour, c'est se donner à Dieu, c'est se laisser prendre par lui, c'est se laisser recréer à l'image de ce qu'est cet amour.

Et dans un cœur renouvelé à ce point, il n'y a plus rien que le besoin de se donner aux autres, le besoin de se livrer. Et c'est là comme nous l'avons entendu ce matin, la véritable Tradition : ne plus vivre pour soi, mais vivre pour les autres, exactement comme notre Dieu. C'est cela, mes frères, le véritable amour ! Et c'est cette aventure que nous devons oser entreprendre. C'est la vocation de chaque chrétien, ne l'oublions jamais. Mais parmi ces chrétiens, quelques uns sont appelés, sont invités plus spécialement. Et ceux-là ne peuvent pas se dérober.

 

Le moine, oui, car il s’agit de lui, il se laisse charmer par un chant qui caresse ses oreilles et désencombre son cœur de tout ce qui le rend pesant. Et il se livre au souffle embaumé...oui, car il y a un parfum embaumé des vouloirs divins. Et il devient léger, tellement léger qu'il part, qu'il s'en va dans un ailleurs.

Il voit les choses et les hommes avec des yeux nouveaux. Il ne les voit pas de plus haut, mais il les voit par l'intérieur d'eux-mêmes. Il habite dans les hommes, il habite dans les choses car il est devenu comme Dieu et il participe au pouvoir qu'a Dieu de créer et de recréer l'univers, l'univers inanimé, l'univers des vivants, même l'univers des raisonnables.

 

Mes frères, cet homme devient ce qu'il est, c'est-à-dire un enfant de Dieu qui joue, qui s'ébat sous le regard de son Père et auquel la création toute entière est donnée pour domaine. Il voit la Lumière et il devient lui-même Lumière dans son Seigneur. Il est transfiguré...C'est là une création analogue à celle de l'Eucharistie. Extérieurement, pour la perception sensible, rien n'est changé, c'est toujours le même homme. Mais à l'intérieur, dans l'invisible, ce n'est plus lui qui vit, c'est le Christ qui vit en lui.

Voilà, mes frères, ce qui nous est rappelé aujourd'hui. Là est le terme auquel Dieu désire nous conduire. Comme je le disais il y a un instant, une seule chose nous est demandée,

c'est d'y croire, c'est d'y consentir. Le carême nous rappelle à l'audace de cette foi. Il ne nous est pas permis de flâner en chemin. Nous nous avançons vers Pâques. Nous y serons bien vite. Ce sera un jour la Pâque finale de notre vie. Ce sera le passage...

Mes frères, nous devons nous préparer à ce passage. O ici, encore une fois, je ne pense pas à la mort biologique, mais à l'instant heureux où le Christ nous apparaîtra dans sa gloire et où il nous conformera parfaitement a ce qu'il est. A ce moment-là, nous serons vraiment des hommes car nous serons devenus des enfants de Dieu. Et la joie habitera notre cœur. Elle débordera de nous. Elle se répandra sur tous nos frères. Et la paix sera notre partage, dès maintenant et pour l'éternité.

                                                                                                    Amen.

 

 

Homélie : 2° dimanche du carême. B.            28.02.88

        La Transfiguration.

 

Mes frères,

 

Dimanche dernier, la Liturgie nous poussait au désert avec le Christ Jésus. Aujourd'hui, elle nous promène dans un paysage de montagne. Désert et montagne : lieux de lutte et de rencontre. Lieu de lutte contre le Satan, le démon, cet être malfaisant qui est menteur et criminel depuis les origines ; lutte contre le penchant mauvais qui habite dans le cœur, contre les passions déréglées, contre les forces de destruction qui agissent en nous.

Lieu de rencontre aussi : rencontre d'amour de celui qui aime ses amis jusqu'à leur proposer l'impossible épreuve de l'obéissance totale. Rencontre de celui qui apparaît dans la lumière éblouissante et dansante d'un buisson, celui qui là au-dessus de la montagne nous recouvre d'une nuée au sein de laquelle il habite et qui fait entendre sa voix douce mais impérative, celui-là qui nous apparaît toujours dans l'invisible beauté de son être, de sa vie, de son amour.

Mes frères, avons-nous déjà fait cette expérience ? Oh, on n'est pas sur cette terre pour faire des expériences, encore moins dans un monastère pour faire des expériences. Mais tout de même, la vie chrétienne n'est-­elle pas ..?. ..?. une lutte dans le désert de .. ?.. et ..?.. de celui qui prend possession de nous afin de nous transfigurer en ce qu'il est, Lui.     Il faut tout de même le savoir, il faut tout de même se prêter à ce travail qu'on peut appeler une expérience.

 

Et alors, d'être avec nous et pour nous, ce Dieu qui nous donne tout en se donnant à nous. Qui sera contre nous ? Qui pourra jamais nous faire tort ? Et j'entends par tort un dommage mortel, celui qui nous séparerait pour jamais de la vie véritable. Le chrétien, le vrai chrétien est un homme qui vit en état d'apesanteur. Il a vaincu la mort. Il est incorporé au Christ ressuscité des morts. Il est chez Dieu déjà. Si bien que l'univers entier est à lui avec tout ce qui l'emplit.

Mes frères, le chrétien est un roi. Mais il est un roi, non pas pour dominer mais pour servir, un roi pour partager ce qu'il possède, un roi qui à jamais donnera sa vie pour ses frères. Ce qu’Abraham a vécu, ce qui lui a été demandé, nous devons à notre tour accepter de le vivre au jour le jour : sacrifier ce que nous avons de meilleur, c'est à dire nous-mêmes.

Le donner aux autres, largement, sans rien prendre pour nous, être toujours faibles (?) afin d'être le reflet de cet amour qui est Dieu. Le rappel de la Transfiguration du Seigneur Jésus en ce deuxième dimanche du carême nous rappelle, nous ­rappelle en ce jour à la vérité de notre destinée humaine.

 

Nous sommes bien autre chose que des animaux raisonnables. Nous sommes des fils de Dieu. Le reconnaît-on à notre conduite, à nos œuvres ? Le sacrifice et la résurrection de ce premier Fils et bien-aimé de Dieu doivent nous arracher pour jamais à la puissance de la chair égoïste et à la mort. Mais nous devons donner notre accord, Dieu ne fera rien sans nous.  

Et c'est là que se trouve la ligne de démarcation entre le vrai chrétien et le chrétien postiche : accepter que Dieu enlève de notre cœur tout ce qui fait obstacle à l'amour, à la lumière, à la vie. Nous devons entrer généreusement, avec confiance dans les vouloirs de Dieu les plus déroutants.

Et ainsi, nous devenons avec lui un seul esprit. Nous devenons fils de Dieu dans le Christ, comme le Christ. Et la vie Trinitaire peut nous purifier, nous transformer, nous donner un cœur nouveau, un regard nouveau. Si bien que nous pouvons connaître de suite les joies de la résurrection.

 

Mes frères, notre baptême nous a voués à cette aventure. Notre participation à l'Eucharistie le proclame bien haut. Aiguisons donc la pointe de notre foi. Ne nous laissons pas détourner par les vertiges, par les illusions que l'adversaire peut faire jouer devant nous ou en nous. Ni le désert, ni les montagnes ne nous effrayeront, ne nous arrêterons.

Nous sommes enfants de Dieu, mes frères, et ce que nous sommes n'est pas encore pleinement dévoilé. Mais encore une fois, il faut que ceux qui nous rencontrent découvrent que nous sommes des enfants de Dieu. Notre devoir est là. Nous devons être sur terre des témoins du Christ, de sa résurrection, de son amour.

Et alors nous parviendrons nous aussi très vite à cette transfiguration qui nous donnera le bonheur véritable, celui auquel nous sommes appelés, celui que les Apôtres ont connu. Et nous pourrons entonner avec Saint Paul, celui qui a eu le bonheur de brutalement, brusquement voir la Lumière de Dieu et en être retourné, nous pourrons avec lui dire: Qui jamais nous séparera de cet amour ? Et tout est à nous pour jamais !

                                                                                            Amen.

 

Homélie : 2° dimanche du carême. C.          12.03.95.

Un phare sur notre route.

           

Gn 15,5 -12.17-18 * Ph 3, 17- 4, 1 * Lc  9, 28b- 36

 

Frères et sœurs,

 

            Ce deuxième dimanche du carême se dresse comme un phare sur notre route. Il nous rappelle que rien dans notre vie n'est jamais perdu. Dieu a conclu une alliance avec nous. Il nous tient toujours solidement de sa main, qui que nous soyons, quoique nous fassions. Il n'est pas affligé d'un complexe meurtrier, il ne veut pas notre mort. Il est amour et fidélité et rien jamais ne pourra y changer. Dieu ne recule pas.

 

            Abraham a cru, il a ajouté foi à la parole qu'il avait entendue et, aussitôt est venue en lui la propre fidélité de Dieu. Et c'est à cause de cette réponse, une réponse muette mais bien réelle, que nous sommes ici aujourd'hui dans cette église à louer Dieu et à l'écouter. Nous sommes la descendance spirituelle d'Abraham, ses alliés dociles, ses amis et ses enfants.

            C'est là sans doute, c'est là certainement la réalité la plus profonde, la plus intime de notre être. Nous sommes les enfants de Dieu et la vie divine en nous pousse, presse comme la végétation en ce printemps. Il faut que cette vie un jour éclate et qu'elle apparaisse aux regards émerveillés de tout l'univers.

 

            Ensemble nous formons un seul corps. Nous sommes tous membres les uns des autres. Tous, nous sommes animés du même Esprit, cet Esprit qui est descendu, qui a reposé sur, qui a pris possession du descendant par excellence d'Abraham qu'est le Seigneur Jésus.

            C'est pourquoi nous, qui avons été baptisés dans le Christ, nous sommes citoyens des cieux et nous sentons vibrer en nous les espaces sans limites d'une liberté qui nous donne pleine assurance face au monde.

 

            C'est à cela qu'on reconnaît le véritable chrétien. C'est un homme dans le cœur duquel se rythme la liberté. Ce n'est pas licence, ce n'est pas faire n'importe quoi, non, c'est être enveloppé de la volonté de Dieu et faire tout ce que Dieu fait, lui qui est la liberté par excellence.

            Tout est à vous, dira l'Apôtre Paul, le ciel, la terre, le passé, le présent, l'avenir, les anges, et l'univers entier est à vous, et Dieu même est pour vous parce que vous vivez de sa vie.

 

            Frères et sœurs, nous l'avons compris, notre Dieu, ce n'est pas notre ventre, ni rien des convoitises de ce monde, des convoitises terrestres qui au lieu d'élever l'homme et de le libérer, l'asservissent et en font un esclave.

Notre Dieu à nous, c'est le Seigneur Jésus qui déjà transfigure notre corps à l'image du sien. Là est notre force, là est le phare sur notre route. Le carême nous dit que non seulement rien n'est perdu mais que tout est gagné.

 

            Que va-t-il nous parvenir tôt ou tard ? Eh bien, frères et sœurs, nous serons transfigurés à la suite du Christ et tout comme lui. Notre vie de labeur, de souffrance et souvent même de mort nous conduit vers l'heure bienheureuse de notre résurrection.

            Alors, nous serons semblables au Christ, nous serons semblables à Dieu. Et ce que nous pressentons obscurément aujourd'hui apparaîtra en pleine lumière à notre conscience et à la face du ciel.

            Cette espérance réveillée en ce dimanche doit rester chevillée en notre cœur. Elle est la présence en nous de la fidélité de Dieu et de son agir qui est amour.

 

            Frères et sœurs, tel est le message du carême. Nous allons le retenir en proclamant bien haut notre foi afin que la grâce ...?... devienne de plus en plus féconde en nous et qu'elle porte des fruits, des fruits qui demeurent.                                                                                                

 

                                                                                                            Amen.

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Table des matières

6. Le Temps du Carême

. 1

Homélie : Mercredi des cendres. A.             *08.02.78. 1

L’imposition des cendres ! 1

Homélie : Mercredi des Cendres. B.             28.02.79. 2

Homélie : mercredi des Cendres. B.             24.02.82*. 4

Laissez-vous réconcilier avec Dieu. 4

Homélie du mercredi des Cendres. C.            16.02.83. 5

Espérance des retrouvailles. 5

Jl. 2, 12-18  *  2Co. 5,20-6,2  *  Mt. 6,1-6.16-18. 5

Homélie : Mercredi des cendres. B.              20.02.85. 6

Etre admiré ou être inexistant pour les hommes ?. 6

Homélie du mercredi des cendres. C.             08.02.89. 8

Homélie : Mercredi des cendres. A.            28.02.90*. 10

Homélie : Mercredi des cendres. B.              13.02.91. 11

Qu’avons-nous fait et que faisons-nous ?. 11

Homélie : Mercredi des Cendres. A.             24.02.93. 12

Portrait de deux moines ! 12

Mes frères, 12

Homélie du mercredi des Cendres. A.           21.02.96*. 13

Donnons sa chance à Dieu ! 13

Homélie de l’imposition des Cendres. A.         04.03.81*. 14

Homélie du mercredi des Cendres. A.            04.03.87. 15

Homélie : Mercredi des cendres. C.              04.03.92. 16

L’aumône, la prière et le jeûne. 16

Homélie : 1° dimanche de carême, année A.   08.03.81*. 17

La tentation de Jésus. 17

Gn 2, 7-9;3,1-7 / Am 5,12-19 / Mt 4,1-11. 17

Homélie : Premier dimanche du carême. C.      12.02.89. 18

Homélie : Deuxième dimanche du carême.        18.03.84. 19

Le projet de Dieu sur nous : La Transfiguration. 19

Homélie : Deuxième dimanche. C.                27.02.83. 21

Oser l’aventure de l’amour. 21

Lc. 9, 28b-36 : La Transfiguration. 21

Homélie : 2° dimanche du carême. B.            28.02.88. 22

Homélie : 2° dimanche du carême. C.          12.03.95. 24

Un phare sur notre route. 24

 

 

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