Mes Frères et mes amis,
Réunis cette nuit en cette église de Saint Rémy, je vous invite à partager la joie de la création entière. Vous l'avez entendu, l'histoire a un sens. Elle est dirigée, elle est orientée vers une plénitude, vers un accomplissement, un achèvement, vers l'heure où Dieu grâce à l'Incarnation de son Verbe sera tout en tout, où le cosmos sans rien excepter sera pure luminescence de la gloire de notre Dieu.
Réjouissons-nous, mes frères, car nous avons notre place dans cette œuvre de Dieu. Nous sommes déjà à notre tour appelés Fils de Dieu. Nous sommes appelés et nous sommes Fils de Dieu en vérité ! L'étincelle de la divinité est déposée en nous et elle ne demande qu'à percer notre chair pour illuminer, comme une petite étoile, l'univers.
Ecartons de notre cœur tout ce qui ne serait pas en harmonie avec la grâce de cette nuit. Nos errements, nos péchés, prenons-les et jetons-les dans la fournaise de la miséricorde de Dieu.
Mes Frères,
En ouvrant cette Eucharistie, je faisais allusion au plan de Dieu et à la place qu'il nous avait réservée. Il me semble que cette Nuit bénie pourrait être ainsi l'occasion de nous interroger sur notre identité, de nous demander ce que nous sommes venus faire dans ce monastère ?
Certes, une multitude de réponses pourraient être avancées ! Mais cette Nuit, il en est une, à mon avis, qui s'impose : le moine est un homme dévoré par le désir de voir le Christ Sauveur, Verbe de Dieu, né dans la mystérieuse obscurité d'une Nuit sans pareille, Verbe de Dieu naissant encore à tout moment dans le secret des cœurs affamés de lumière et de vie.
Voir le Christ, c'est avoir transcendé les affres de la mort et être entré en possession de la vie impérissable. Voir le Christ ? Mais comment est-ce possible ? N'est-ce pas douce folie ?
A cela je répondrai qu'il n'est pas de folie qu'un homme possédé par l'amour ne soit prêt à courir. Mais qu'est-ce que l'Amour ?
Aimer, c'est vivre hors de soi, c'est vivre pour l'autre et dans l'autre. A la limite, c'est se perdre dans l'autre jusqu'à devenir avec lui un seul être. Je verrai donc le Christ lorsque je l'aimerai, lorsque je me serai perdu pour lui, lorsque je lui aurai laissé en moi toute la place au point que je serai devenu avec lui un seul esprit. Ce ne sera plus moi qui vivrai, c'est lui qui vivra en moi. Alors, je le verrai...
Toute notre ascèse, mes frères, consiste donc à permettre au Christ de naître en nous, de sorte que notre vie soit un Noël perpétuel et que nous soyons lumière, et origine, occasion de joie pour les hommes sans exception, croyants et non-croyants. Lumière ? C'est à dire présence de la vérité absolue et de l'éternité. Lumière, car humble révélation du salut universel.
Cette vocation à la vision de Dieu, mes frères, elle n'est que la plénitude de l'appel lancé à tous les chrétiens, à tous ceux qui sont greffés plus profondément sur la personne du Christ. Notre rassemblement Eucharistique de cette Nuit, qui groupe les frères de Saint Rémy, leurs hôtes, leurs amis, en rappelle l'évidence. Nous sommes tous appelés à cette vision du Christ. Soyons donc heureux et fiers d'être des chrétiens.
A l'occasion de la Noël, on échange des vœux. Permettez-moi de formuler les miens. Ils seront très simples : Puisse aujourd'hui et tous les jours qui viendront notre lumière briller au regard de tous les hommes que nous rencontreront. Qu'elle brille dans notre regard, qu'elle brille dans notre conduite, qu'elle manifeste la présence du Christ Amour, qu'elle soit l'expression de notre attente, de notre espérance et qu'elle apporte à tous joie et réconfort. Qu'elle soit aussi pour la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ. Et qu'elle soit pour nous la certitude que bientôt nous aurons la joie de le voir.
Amen.
Mes frères,
Par la naissance merveilleuse du Christ en nos cœurs, nous devenons Fils de la Lumière. Pourtant nous le savons, il subsiste en nous bien des recoins ténébreux qui portent nom : égoïsme et péché. Etalons-les en présence du Seigneur ! Il les voie, il les comprend car il a voulu revêtir la faiblesse de notre nature.
Implorons sa miséricorde, et avec confiance entrons dans la célébration de cette Eucharistie.
Mes Frères,
La solennité de Noël arrive à son midi. Rien d'étonnant donc si on nous parle encore de lumière, de visions et de paix. Le Christ nous apparaît maintenant dans le poids redoutable et fascinant de sa divinité. Et pourtant, si nous avons pris attention à ce que nous disait l'Apôtre, nous percevons déjà les prodromes de la résistance qu'il allait rencontrer, qu'il rencontre encore hélas aujourd'hui, qu'il rencontrera toujours.
L'homme est à ce point malade qu'il ne peut supporter longtemps la présence de ce qui devrait le combler. L'Apôtre se permet trois coups de pinceau extrêmement discrets mais qui suffisent pour distiller l'inquiétude et laisser présager le drame. Pour le comprendre, nous devrions savoir ce qu'est la Lumière véritable dont il nous parle.
Pour le savoir, il faudrait que nous soyons nous-mêmes devenus Lumière. Il faudrait qu'elle nous habite, qu'elle rayonne de nous, que nous la connaissions par l'intérieur d'elle-même. Mais enfin, contentons-nous d'une approche quelque peu cérébrale.
La lumière, c'est le rayonnement de la divinité, la multiplicité infinie des énergies divines. Elle n'est pas distincte de l'être de Dieu. En un mot, elle est l'Amour dans sa vivifiante beauté. L'Apôtre contemple cette Lumière, au sein des ténèbres cosmiques, dans le monde des hommes, parmi les siens, ceux qu'elle avait préparé, qu'elle avait choisi pour en faire comme le nid dans lequel elle allait se reposer.
Or, les ténèbres ne l'ont pas saisie. C'était à prévoir ! Quelle communion peut exister entre les ténèbres et la Lumière ? Aucune ! Les hommes ne l'ont pas connue. Oui, les hommes, ils ont des yeux pour ne pas voir. Et les siens ne l'ont pas reçue ! Il n'y a pas de place pour la Lumière dans les cœurs remplis d'eux-mêmes. Rappelez-vous ce que nous a dit cette nuit un autre Evangéliste : Il n'y avait pas de place pour eux ! Il n'y avait pas de place pour la Lumière !
Mes Frères, une question ? Et tout cela, ne s’agirait-il pas de moi, de vous, de chacun d'entre nous ? La Lumière est partout présente, mais elle brille avec une intensité particulière sur le visage de mon frère. C'est mon attitude face à mon frère qui me classe et qui me juge. Si j'accepte le frère, je m'ouvre à la Lumière. Elle m'envahit et me transfigure ; si je refuse mon frère, je chasse la Lumière. Elle me quitte et me voilà plongé dans les ténèbres.
Et ainsi nous voyons se construire l'équation fatale. Nous voyons se mettre en route l'engrenage qui allait broyer dans ses dents le Christ, Lumière. Et cette équation, la voici : nous devrions toujours l'avoir présente devant nous : refus = expulsion = meurtre. Le même Apôtre sera clair lorsqu'il nous dira : Celui qui éprouve de l'aversion pour son frère, celui qui le chasse de son cœur, celui-là est un meurtrier, et il doit savoir que la vie de Dieu n'habite pas en lui et qu'il est installé dans la mort.
Mes frères, efforçons-nous d'être comptés au nombre de ceux qui acceptent la Lumière. Et nous le serons si nous préparons dans notre cœur une place pour notre frère. A notre tour, nous serons appelés Fils de Dieu, car nous aurons été avec notre frère engendrés par l'Amour qui est Dieu.
Et nos voeux, ceux que nous échangeons en ce jour de Noël, ils prendront tout leur sens. Ils signifieront une communion dans la même Vie qui est la Vie de Dieu et qui est l'Amour. Et nos voeux atteindront une efficacité qui portera jusqu'aux limites de l'infini.
Amen.
1. Introduction à l'Eucharistie.
Mes frères,
Le diacre Etienne a-t-il personnellement connu le Christ ? Personne ne nous le dit. Une chose est certaine : s'il ne l'a pas connu selon la chair, il l'a certainement connu selon l'Esprit. Et là, nous pouvons le rejoindre ! Malheureusement les yeux de notre cœur sont couverts de la taie du péché. Demandons au Seigneur de nous guérir ! Il le peut ! C'est pour les pécheurs qu'il est venu.
2. Homélie.
Mes frères,
Quand je pense au martyr du diacre Saint Etienne, je ne puis m'empêcher de sentir l'odeur et le goût de la violence qui coule comme une lave volcanique partout dans le monde. Ses victimes ne se comptent plus. Cela descend au rang de fait divers. Et pourtant, chacune d'elle porte imprimée en elle le visage bafoué du Christ.
Des cercles de plus en plus larges, surtout parmi les jeunes, découvrent que un des traits essentiels du Christianisme authentique est la non-violence, qui n'est pas impuissance douceâtre, résignée, mais qui est force, comble de force dans le refus catégorique de céder à la haine et à la vengeance.
Le non-violent sait qu'il expose sa vie. Mais il sait aussi que la mort n'est pas le dernier mot d'une vie qui semblerait, au regard des hommes, s'abîmer dans l'échec. Non, dans ces conditions, la mort est le témoignage de l'amour invaincu qui est fusion dans l'être de Dieu et paradoxalement sauvetage des bourreaux.
Le diacre Etienne qui voyait les cieux ouverts, qui contemplait la Lumière de Dieu et Jésus ressuscité debout dans la gloire, Etienne, il est le prototype du non-violent qui s'endort en Dieu sans le moindre sentiment de haine pour ses meurtriers.
Mes frères, la non-violence, elle est aujourd'hui l'expression moderne de l'amour. Lorsqu'elle arrive à son sommet, à sa perfection, elle s'identifie à la sainteté. A ce moment, c'est le Christ qui revit son mystère de mort et de résurrection dans un homme, un homme qui s'est donné à lui sans réticence, qui n'a pas retiré sa confiance ni sa Foi. Saint Benoît fait de la non-violence le quatrième degré de son échelle d'humilité. Je ne vais pas entrer dans les détails. Je citerai simplement une toute petite expression, deux mots : tacita conscientia, 7,35.
Le moine humble, c'est à dire le moine vrai, lorsqu'il est victime d'une injustice ou d'une agression, impose le silence au déchaînement des pensées et aux mouvements de révolte. Il va même plus loin. Il prend sur lui l'inconscience ou le péché de l'autre. Il le prend sur lui pour l'expier à sa place. Et ainsi, il imite son Sauveur, le Christ, auquel il s'est donné.
Mes frères, le martyre de Saint Etienne nous interpelle puissamment. N'allons pas nous boucher les oreilles, sinon nous signerions que nous sommes du côté des bourreaux. Mais plutôt, apprenons à contrôler nos réactions et à suivre le Christ en faisant nôtre le petit conseil de Saint Benoît qui dit : caritatem non derelinquere, 4,26. Ne jamais abandonner la charité, cet amour qui nous rend l'autre plus cher que nous-mêmes. Et alors, nous serons vraiment des disciples du Christ, des Fils de Dieu et des porteurs de Lumière.
Amen.
1. Introduction à la célébration.
Mes frères,
L'Apôtre Saint Jean, c'est pour nous d'abord, son Evangile et ses lettres dans lesquelles il nous révèle que Dieu est Amour. C'est tellement beau que nous osons à peine y croire. Avant d'entrer dans cette Eucharistie, demandons au Seigneur Jésus, lui l'éternellement jeune, de nous fortifier, de nous donner l'audace de croire.
2. Homélie.
Mes frères,
S'il est une violence qui conduit à la mort et les victimes et les bourreaux, il en est une autre qui débouche sur la communion et sur la vie. La première emprunte le chemin de la facilité. Elle frappe, elle tue, elle détruit, elle saccage, autant de signes d'une indéniable faiblesse.
La seconde se glisse par les sentiers étroits qui portent nom : patience, endurance, souffrance. Elle témoigne d'une force peut commune, d'une force qui lui vient d'ailleurs. L'Apôtre Jean est le premier à avoir exploré ces régions nouvelles. Les puissances d'agressivité qui vivaient en lui, il les dirigeait comme d'instinct vers des objets qui lui étaient extérieurs. Rappelons-nous le feu du ciel sur les Samaritains, ses intrigues pour souffler aux autres Apôtres la première place.
Puis, dans une seconde partie de sa vie, à partir d'un moment bien précis, cette agressivité, il la dirige vers un objectif valable cette fois, la forteresse d’égoïsme qui lui barre l’accès à la vie véritable. Les deux versants de sa vie ont basculé et se sont inversés à l'instant où il vit et il crut !
Jean était le seul parmi les Apôtres à avoir été le témoin de la mort du Christ et du constat de décès dressé par le soldat qui avait d'un coup de lance ouvert la poitrine du Christ. Et c'est le même Jean qui, le premier dans le tombeau vide, crut à la résurrection du Christ, et comprit. En un éclair, tout prenait sens pour lui et les paroles, et les actes au Christ, et l'histoire du monde, et son destin personnel à lui...
Il lui faudrait des années pour creuser cette découverte. Et au terme de sa vie, il ne pouvait plus s’empêcher de nous en livrer le secret et la grille d'interprétation. Il nous disait que Dieu est Lumière, Dieu est communion, Dieu est Vie, Dieu est Amour. Et tous ces trésors qui dépassent nos facultés d'appréhension et de compréhension, ils sont tous enfermés en la Personne du Christ Jésus ressuscité des morts. Et ils sont à notre disposition aujourd'hui encore...
Le bouleversement chez Jean avait été spectaculaire ! Il n'était plus question pour lui de disputer aux autres la première place, la meilleure, pour lui tout seul. Non, il n'avait plus qu'une préoccupation : partager avec tous la plénitude de sa joie...
Mes frères, à la suite de Jean, avons-nous à notre tour expérimenté un ébranlement qui nous jette pour toujours hors de nous-mêmes ? Si oui, tout s'est écroulé en nous et autour de nous et il ne reste plus que pauvreté, oubli de soi, obéissance, silence. Et devant nous, sous nos yeux, s'est allumé une Lumière éblouissante, fascinante, la Lumière de Dieu. Et en nous commence à travailler une force, la force de l'Esprit qui nous fait nous lancer à l'assaut du Royaume de Dieu dans la troupe de ces violents que rien n'effraie ni ne rebute.
Mes frères, c'est cela la vie contemplative ! Il faut oser mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui le plus vite possible, dès cette vie. Est-il donc irréalisable ce rêve de voir le Christ, de baigner en nous sa paix et sa joie, dans sa lumière, de recevoir tout ce qu'il nous a promis ?
Mes frères, il faut oser partir, sans regarder en arrière, vers les terres où règne un seul Roi, Dieu, des terres où la Vie est la nourriture de chaque jour, des terres où il n'est plus possible que d'aimer, de vivre en communion les uns avec les autres, des terres où le voile entre ce que nous appelons l'au-delà et ce par de ça où nous vivons, ce voile insensiblement s'amenuise et se déchire.
Mes frères, au départ de cette aventure prodigieuse, il n'y a rien qu'une chiquenaude : il vit et il crut, mais il faut le doigt de Dieu.
Amen.
1. Introduction à l'Eucharistie.
Mes frères,
Le dimanche consacré à la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph est une invitation à nous interroger sur les valeurs de communion dans le partage d'un même idéal ? L'idéal, pour nous, se concrétise dans une recherche persévérante de la volonté de Dieu.
Nous allons renouveler nos forces, rafraîchir notre esprit en nous replongeant symboliquement dans l'eau de notre baptême. Et nous demanderons à Dieu de nous purifier des attaches désordonnées à nos petits vouloirs personnels.
2. Homélie.
Mes frères,
L'épisode dont nous venons d'entendre la lecture aurait pu être écrit aujourd'hui. Que de familles arrachées à leur foyer par la persécution, par la guerre, par des événements, des catastrophes naturelles. Pensons à ce récent tremblement de terre dans le Sud de l'Italie.
Ici, ce qui lance cette toute jeune famille sur les routes de l'exil, c'est la haine. Un homme a pris peur, un vieux tyran. Il a pourtant tout pour être satisfait. Il a le pouvoir, i1 a la faveurs des empereurs, il a l'argent, il a la réussite temporelle. Et pourtant il est habité par la peur parce qu'il ne connaît pas Dieu.
Mes frères, nous devons prendre garde de ne pas nous retrouver dans la peau et dans l'âme de cet Hérode ! Nous vivons parmi d'autres hommes. Nous vivons parmi des frères. Et il y a en chacun, sur le visage de chacun, une flamme, un éclair. C'est un reflet de la Face de cet enfant, de cet enfant qui était Dieu, qui a grandi, qui est devenu un homme, qui toute sa vie a été poursuivi, et qui finalement a succombé sur une croix.
Mes frères, nous devons choisir. Nous serons cet homme. Nous le serons et comme lui nous grandirons en sagesse, en taille, en grâce devant Dieu notre Père et devant les hommes nos frères. Nous ne rendrons jamais l'injure pour l'injure, ni le mal pour le mal. Mais nous accepterons tout et nous le dissoudrons dans la fournaise d'amour qui est l'Esprit et qui nous habite. Et ainsi, nous deviendrons le cœur d'une Famille. Nous aurons avec nous des hommes et des femmes, dispersés dans le monde, dans l'invisible. Car la Famille de Dieu, aujourd'hui, elle s'étend à l'humanité entière.
Et à partir de nous se répandent des rayons de cet amour qui soudait entre eux Jésus, Joseph et Marie. Et ainsi de proche en proche se répandra, s'étendra le Royaume de Dieu. L'exemplaire type de cette Famille que Dieu veut édifier, c'est la Trinité.
Vous avez le Père. Vous avez un élément qu'on peut qualifier de féminin, qui est l'Esprit ou l'Amour. Rappelons qu'en langue Hébraïque, le mot Esprit est du genre féminin. Tout ça s'est perdu dans nos langages à nous. Et puis il y a le Fils.
A partir de là, nous avons notre propre personne qui partage cette vie Trinitaire. La part masculine qui est en nous, qui sera pour affronter les difficultés, pour les vaincre, pour ne jamais se laisser écraser par le mal.
Et puis il y a notre part de féminité qui sera tendresse, qui sera accueil, qui sera ouverture, et qui saura donner sa vie pour les autres.
Mes frères, la Famille, nous la portons d'abord en nous. Et puis nous l'étendons à nos proches. Et à partir de là, nous l'étendons à tous les frères. Essayons aujourd'hui d'avoir cet idéal devant les yeux, de le porter en nous, de le faire grandir pour qu'il se réalise. Telle est la volonté de Dieu. En elle nous devons nous perdre. Ce sera le salut du monde et notre propre résurrection.
Amen.
1. Introduction à l'Eucharistie :
Mes frères,
Demandons au Seigneur d'ouvrir nos cœurs aux largesses dont il veut nous enrichir à l'occasion de l'anniversaire de sa nativité. Et regrettons amèrement la débilité de notre conscience.
2. Homélie :
Mes Frères,
Les paroles de Siméon séparent l'humanité en deux. Et ces paroles sont décisives comme toutes celles que Dieu lance dans le monde par la bouche de ses prophètes. L'Oracle de Siméon signifie ceci : Les hommes se jugent eux-mêmes à travers leur prise de position en présence du Christ Lumière du monde.
Attention ! Soyons sur nos gardes ! N'allons pas imaginer qu'il est question ici d'opinion philosophique ou théologique comme s'il était simplement question de se situer, de se mouvoir au niveau de la réflexion ? Il s’agit bien d'autre chose. Et c'est l'Apôtre Jean qui nous donne une clef qui nous permet de comprendre. Et c'est extrêmement simple :
Mon attitude face à mon frère met à nu les secrets de mon cœur ! Si j'aime mon frère, je suis dans la Lumière et la Vie de Dieu palpite en moi. Si j'ai de l'aversion pour mon frère, je suis dans les ténèbres et les puissances de mort dominent sur moi.
Amour, Aversion ! Il ne s’agit pas de sentiments, mais de ce qui sort du cœur : pensées, gestes, actions dans le concret des relations quotidiennes. Et ceci vaut pour tous les hommes indistinctement, quelque soit le lieu où ils séjournent. C'est ainsi que le Christ compte des amis qui s'ignorent. Et il se trouve aussi de faux chrétiens, des menteurs, comme dit l'Apôtre.
Et ici, nous retrouvons en Saint Jean la violence qui était au départ de son tempérament, qui n'a pas été annulée, mais qui s'est convertie et qui maintenant ne lui permet pas de transiger avec la vérité. Transiger serait trahir la Christ et occulter la Lumière. Jean est dur parce qu'il veut tirer les hommes de leur sommeil. Il voit de ses yeux, il est le témoin oculaire de ce que Siméon contemplait de loin : Le Christ présent parmi les hommes et le Christ signe de division.
Mes frères, Saint Benoît nous dit que Dieu est patient avec nous. Il attend que nous le prenions au sérieux. Aujourd'hui encore dans cette liturgie, il nous parle ouvertement. L'entendrons-nous ? L'écouterons-nous ? Le moine est un neptique, un vigilant, un attentif, un éveillé. Sommes-nous des éveillés ? Est-ce que nous nous rendons compte que notre frère c'est le Christ et qu'il n'y a pas à en sortir !
Mon avenir éternel gravite autour du visage de mon frère. Ai-je les yeux ouverts pour reconnaître le Christ ? Et si je le reconnais, vais-je me dresser contre lui ? Que va-t-il sortir de mon cœur ? Ses secrets les plus personnels et les plus intimes, ils seront mis à nu, et sous le regard de Dieu, et sous le regard des autres aussi.
Mes frères, dans un instant le Christ va nous nous unir à lui. Il va nous rassembler en un seul Corps, qui est le sien. Puisse-t-il maintenant nous plonger tous dans sa Lumière et nous y garder jusqu'à notre dernier souffle...
Amen.
Mes frères,
Anne parlait de l'Enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Elle était soulevée par l'enthousiasme de sa Foi, elle ne pouvait se contenir. Pour elle, c'était assez et c'était trop. Assez, car ses espérances les plus folles étaient comblées. Trop car son cœur était devenu petit, et il débordait. Elle devait partager sa joie. Il fallait que le plus grand nombre, tous si possible, entre dans la plénitude de cette joie.
Mes frères, vous savez que le Chapitre Général s'est demandé si dans notre Ordre existait aujourd'hui de vrais contemplatifs ? Des contemplatifs authentiques ? Des hommes qui ont reçu un choc à la fois doux et terrible, un choc qui les a jetés à terre et rendus aveugle, un choc qui leur a donnés des yeux nouveaux qui maintenant regardent l'invisible.
Tous voyaient un enfant de 6 semaines dans les bras de sa mère. Anne, seule, contemplait la Lumière du monde. Cette Lumière en laquelle sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance.
Tous voient un univers de matière, du vivant, de l'intelligible. Le contemplatif seul, admire la Jérusalem nouvelle, patiemment, amoureusement construite par le Créateur. Cette Jérusalem, l'épouse de l'Agneau, nimbée de gloire, immergée dans la Lumière.
Mes Frères, notre capacité d'étonnement et d'émerveillement, elle qui fait les poètes et les contemplatifs, est-elle fraîche, juvénile, toujours neuve ? Est-elle adaptée, est-elle accordée à la Lumière, à l'enfance, à la transparence de cette ville : Jérusalem, cette cité de cristal, jeune de l'éternelle jeunesse de Dieu ?
Le contemplatif est l'œil lumineux du cosmos. Sans lui, Jérusalem ne serait pas éblouie par la beauté de son époux et elle ne se connaîtrait pas elle-même. Il est un tourment peu commun, c'est de voir des choses que personne ne voit, de se trouver désorbité par rapport aux autres, étranger, de plus en plus étranger.
Le monde a ses lois qui s'appellent convoitises de la chair, convoitises des yeux, orgueil de la puissance. Le contemplatif était, hier, dominé par ces lois. Mais l'enfant, mort et ressuscité, l'en a délivré. Et lui-même devenant à son tour un enfant sait que désormais il est libéré pour toujours ! Mais malheur à lui ! Désormais encore il sera seul car il a perdu de vue le troupeau qu'il suivait.
Mes Frères, des contemplatifs de cette trempe, s'en trouvent-ils encore dans nos monastères ? C'est là le secret de Dieu ! Mais une chose est certaine, si nous avons le courage de nous laisser vaincre par le Christ dans une joute d'amour, le courage de redevenir enfant, alors ce sera demain notre part. Bientôt, nous promet Saint Benoît !
Amen.
Mes frères,
Nous devrions nous pencher longuement sur l'Hymne magnifique qu'est le Prologue de Saint Jean. Il faudrait l'ausculter de l'intérieur, être soi-même pure hymne à la louange de Dieu afin d'être consonance parfaite avec elle.
Aujourd'hui, je voudrais me permettre de jeter un regard furtif mais combien respectueux et retenu sur les abîmes incandescents du mystère que Saint Jean ouvre aujourd'hui devant nous. Excusez-moi si je vais user d'images quelques peu insolites afin d'essayer d'évoquer ce que j'aurais un instant aperçu.
Dieu vit. Et dans les profondeurs de Dieu, dans ses entrailles qui sont bonté, amour, tendresse, don de soi, partage, dans les entrailles de Dieu germe un projet, une pensée, une parole, un "memra". Je m'arrête à ce mot Araméen qu'utilisait certainement Saint Jean quand il s'exprimait dans sa langue maternelle. Il dérive d'une racine qui est tout un tableau, une scène vivante que nous devons laisser jouer en nous jusque dans notre musculature.
Et cette racine esquisse un mouvement de bas en haut, une élévation, une ascension, une montée. Voyons donc ce "memra" qui germe au fond des entrailles de Dieu et qui monte. Il arrive à la hauteur du cœur, du cœur de Dieu. Et là, il se charge d'effluves qui sont les inimaginables énergies divines. Il monte encore. Le voici sur les lèvres de Dieu. Et il se répand au dehors en une vapeur qui devient l'ineffable beauté du cosmos.
Oui mes frères, l'univers est un discours ordonné, équilibré, harmonieux que Dieu nous adresse, par lequel il nous dit quelques secrets de son être mystérieux. Chaque créature, inanimée, vivante ou intelligente, porte en elle une étincelle de divin qu'est ce "memra" primitif.
Les anciens moines, les tous premiers étaient attentifs à lire ce Livre que Dieu avait écrit pour eux. Ils contemplaient ce qu'ils appelaient les "logoï" des êtres, cette Parole qu'ils déchiffraient avec une attention jamais lassée. C'est dans le Livre de la nature, de l'univers, de la création qu'ils faisaient une bonne part de leur Lectio Divina.
Mes frères, comme nos sens doivent être atrophiés aujourd'hui, nous qui n'y comprenons quasiment plus rien ! Mais le plus merveilleux n'est pas dit. Il a fallu que Jean nous l'apprenne. Dans le sein de Dieu, dans la profondeur des profondeurs, au lieu de l'inaccessible absolu, naît une "memra" unique, une Parole par laquelle Dieu se dit à lui-même qui il est.
Et cette Parole qu'il se dit pour lui tout seul, elle est tellement vraie, tellement réelle, tellement adéquate à son être divin, qu'elle est une Personne, une Personne divine entièrement distincte de la Source et pourtant consubstantielle à elle. C'est de cette Parole première, de cette Parole divine qu'ont été envoyés, qu'ont germé toutes ces multitudes infinies de Paroles qui sont devenues la création que nous pouvons admirer aujourd'hui.
Mais un jour, au jour fixé dans le projet divin, cette Parole divine, ce "memra" créateur - car rien de ce qui est, n'a été fait sans lui. Il est pour ainsi dire sorti hors de Dieu tout en ne le quittant pas - il a voulu, il a pris chair dans la chair d’une femme toute pure, d'une vierge. Et lui-même s'est fait chair. Il est devenu homme.
Il est apparu aux regards de tous les hommes de son temps, de son pays, de son village, de sa famille. Dieu, homme parmi les hommes. Et par un retour extraordinaire des choses, il a permis que notre nature humaine accède au niveau du divin et que nous, chair, nous puissions devenir à part entière des dieux.
Mes frères, l'Apôtre Jean nous dit : Nous avons vu sa gloire. Eh bien, nous ne sommes pas défavorisés par rapport à lui. Les yeux de notre cœur purifié peuvent aujourd'hui même, à cet instant dans notre assemblée, voir la Personne du Verbe Incarné, de ce Christ Jésus parvenu au terme de sa course à travers la mort et la résurrection. Lui qui est la Vie, lui qui est la Lumière du monde, il nous est donné à nous, si nous le voulons, de le regarder aujourd'hui des yeux de notre corps spirituel en voie de formation.
Mes Frères, nous sommes greffés sur cette Personne divine. Avec elle, nous partageons, et la Vie, et le Corps, et la destinée, avec elle, si nous y consentons, nous travaillons à l'achèvement, à l'accomplissement de ce travail auquel Dieu se livre depuis la chiquenaude initiale ou le premier "memra" est sorti de sa bouche.
Mes Frères, je voudrais que nous comprenions deux choses en cette fin d'année, à cette charnière entre deux années de notre vie. D'abord la noblesse de notre destinée. Et n'allons pas cracher sur elle ! Nous sommes des enfants de Dieu. Nous partageons la Vie divine. Nous sommes en voie de divinisation.
Notre cœur peut devenir lumineux, rayonnant d'une pureté telle que la divinité qui l'habite transparaisse au dehors et puisse ainsi comme de proche en proche allumer toutes ces étincelles, les ranimer pour que un jour - encore une fois au jour voulu par Dieu - la création entière soit le vase qui laisse paraître, transparaître, éclater la gloire de Dieu.
A ce moment, Dieu sera tout en tout et son" memra ", le Christ Jésus, sera le cœur du monde. Et nous, nous serons dans ce cœur la cellule qui lui donne joie, qui lui donne plénitude de bonheur.
Et ensuite, mes frères, nous devrions comprendre que tout péché est une forme de mensonge. Lorsque je pèche, je mens à Dieu et je fais passer Dieu pour un menteur...ce qui est le sommet du sacrilège. Et je me mens à moi-même, car je renie mon être véritable, la vérité que je suis.
Mes frères, il n'est rien de plus laid au monde que le mensonge, et tout péché est une forme de mensonge. Nous allons à nouveau dans cette Eucharistie revivre ces mystères de création, d'incarnation, de divinisation. Puissions-nous y entrer et ne jamais en sortir.
Amen.
Table des matières
Temps de Noël : Messe de Minuit. 25.12.80
1. Introduction à la célébration :
Temps de Noël : Messe du jour. 25.12.80*
1. Introduction à la célébration :
Temps de Noël : Fête de Saint Etienne. 26.12.80
Temps de Noël : Fête de Saint Jean. 27.12.80
Temps de Noël : Fête de la Sainte Famille. 28.12.80
Temps de Noël : Oracle de Siméon. 29.12.80
Temps de Noël : Le message d’Anne. 30.12.80
Temps de Noël : Le MEMRA de Dieu. 31.12.80