Abbott Elisabeth - Histoire universelle de la chasteté et du célibat

Je n'ai pas vérifié la crédibilité de cette très longue étude par crainte de devoir admettre que tout cela est exact. Elisabeth Abbott nous raconte ici une horrible histoire.

Donc, à en croire cette étude -mais quel homme s'en étonnera vraiment?- quarante ans d'efforts ne suffisent pas pour faire taire la soif de luxure et la concupiscence. Le vieux Pachon (et ses semblables) souffrait encore de toute sa verdeur, ...avec peut être une forme de perversion en plus.

Comment de tels hommes courageux ne comprenaient-ils pas que si Dieu n'avait rien à faire de leur holocauste, il ne le dirait pas autrement... Pour moi, le mystère est là!

« ...Un vieil anachorète, Pachon, confie à un nouveau venu que quarante ans dans le désert ne l'ont pas guéri de sa lubricité. Entre cinquante et soixante-dix ans, dit-il, je n'ai pas connu une seule nuit sans pensées impures. Un autre vieillard reconnaît avoir éprouvé quotidiennement «les mêmes révoltes et les mêmes orages.

Beaucoup de Pères, taraudés par des désirs obscènes, résistent cependant, allant jusqu'à se livrer à de terribles pratiques de mortifications, parfois même à des mutilations. Certains emploient les grands moyens. Afin d'éteindre le feu brûlant de ses passions charnelles, Ammonius se brûle avec une barre de métal chauffé à blanc. Le vieux Pachon entre dans la tanière d'une hyène dans l'espoir d'être dévoré. Un jour où l'appel de la chair se fait trop lancinant, il place une vipère près de son pénis. Évagre, qui est amoureux d'une noble dame, refroidit ses ardeurs en s'immergeant dans un puits d'eau glacée. Un Père obsédé par le souvenir d'une femme s'inflige une horrible mortification: après avoir appris la mort de sa bien-aimée, il recherche son corps et trempe son manteau dans les chairs putréfiées. Il conserve longtemps ce vêtement, dont la puanteur finit par anéantir sa passion.

Certains préceptes disciplinaires sont relativement efficaces: s'abstenir de toute évocation d'images féminines, éviter les passages des Écritures qui parlent des femmes; se garder de tout contact visuel de manière à ne pas risquer de poser les yeux sur une femme. Un moine qui s'écarte de cette règle alors que quelques nonnes marchent non loin de lui est réprimandé par leur supérieure: «Si tu avais été un moine parfait, tu ne nous aurais pas regardées et tu n'aurais pas vu que nous étions des femmes.»

Ces dernières sont cependant rares dans le désert. L'on y voit plus souvent de jeunes garçons. Les pères succombent si souvent à leurs charmes que de nombreuses maximes mettent en garde contre la cohabitation avec de jeunes garçons. Hélas! des fils arrivent avec leur père, et des enfants sont confiés aux ermites. «Si tu vois un jeune enfant, prends ta peau de mouton et va ton chemin», dit un Père sage. Un autre déclare: «N'amenez pas vos jeunes garçons ici. Quatre églises de Scète sont désertées à cause de ceux qui la fréquentent.»

Les sources de tentation les plus évidentes sont, bien sûr, les autres Pères. Les renonçants résistent autant qu'ils le peuvent, protégés par leur mode de vie solitaire. Ils sont peu nombreux à abandonner leur vocation à cause d'un écart de conduite. Ils se repentent, demandent conseil à des anachorètes plus âgés et renouvellent leurs efforts vers la perfection.

Pendant des siècles, l'implacable désert va rester le symbole du combat de ces hommes pour la chasteté. Terrés dans des lieux inhospitaliers, livrés à un jeûne quasi perpétuel, les Pères ne cessent de prier et de surveiller leurs moindres pensées honteuses, se débattant sans cesse contre l'envie d'absorber ces aliments qui risquent, du moins le croient- ils, d'aviver leur sensualité. Parfois le remède semble être la cause du mal, tant les pauvres hommes s'accusent et se condamnent pour leur appétit charnel, l'ennemi le plus redouté de cette chasteté qu'ils s'efforcent si douloureusement de conquérir. »

Abbott Elizabeth : « Histoire universelle de la chasteté et du célibat » traduction de Paule Pierre -Fides -2003 - Page 106 et suite.