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<p class="rougemaigre centre">Les larrons</p> <blockquote> <p class="petit">Abstract: A cause de J&eacute;sus, les deux larrons ont perdu leurs chances d'&ecirc;tre graci&eacute;s et leurs ex&eacute;cutions ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;cipit&eacute;es. Il y a dans ce tragique concours de circonstances la source d'une souffrance de J&eacute;sus qui n'est, h&eacute;las, jamais mentionn&eacute;e.</p> </blockquote> <div class="just"> <p>Les Evangiles <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-larrons.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')"> racontent </a>que deux prisonniers, les larrons, ont &eacute;t&eacute; ex&eacute;cut&eacute;s en m&ecirc;me temps que J&eacute;sus. Le r&eacute;cit laisse comprendre que si les larrons sont mis &agrave; mort ce jour-l&agrave; c'est &agrave; cause de J&eacute;sus. La date est inconvenante pour des ex&eacute;cutions capitales et c'est l'acharnement de l'&eacute;lite Juive qui presse les choses afin que tout retournement populaire en faveur de J&eacute;sus soit rendu improbable. Comme la <a href="rel-exeg-passion-crucifixion.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">proc&eacute;dure d'une ex&eacute;cution</a> mobilise pas mal de ressources logistiques, Pilate rassemble toutes les ex&eacute;cutions programm&eacute;es en une seule c&eacute;r&eacute;monie. Ces malheureuses co&iuml;ncidences agrav&egrave;rent certainement les souffrances du Christ; l'homme du pardon, <a href="../rel-spir/rel-spirit-erosphileagape.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">l'homme de l'Agap&ecirc;</a>, malgr&eacute; lui, a pr&eacute;cipit&eacute; deux supplices... </p> <p>Puisque ces larrons auraient de toute fa&ccedil;on &eacute;t&eacute; ex&eacute;cut&eacute;s, pourrions nous penser, autant avancer les mises &agrave; mort pour r&eacute;duire les souffrances li&eacute;es aux d&eacute;lais d'attentes... Non! Le probl&egrave;me de conscience de J&eacute;sus fut certainement plus fin; avec l'histoire de Barrabas son proc&egrave;s a purement et simplement annihil&eacute; ce qui fut le seul et dernier espoir des deux larrons. Pilate n'est pas un imb&eacute;cile; s'il pensait pouvoir sortir J&eacute;sus de cet imbroglio par la gr&acirc;ce traditionnellement accord&eacute;e &agrave; P&acirc;que en faveur d'un prisonnier, alors il a n&eacute;cessairement propos&eacute; un prisonnier particuli&egrave;rement d&eacute;testable en seule alternative &agrave; J&eacute;sus. (Donc, sans J&eacute;sus, l'un des deux larrons aurait certainement &eacute;t&eacute; gr&acirc;ci&eacute; au d&eacute;pend de Barrabas.) Il a fallu l'intrigue de l'&eacute;lite pour que le peuple r&eacute;clame la lib&eacute;ration de <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-barabbas.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">Barrabas</a>. </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Cette m&eacute;chancet&eacute; de l'&eacute;lite Juive a &eacute;t&eacute; mieux rendue par Luc et Jean qui n'indiquent pas comme Matthieu le fait l'alternative exclusive propos&eacute;e par Pilate (J&eacute;sus &quot;ou&quot; Barrabas -Mt27,17&amp;27,21-) mais laissent entendre que les juifs eux-m&ecirc;mes ont eu l'initiative du nom de Barabbas -probablement tr&egrave;s connu- pour indiquer &agrave; Pilate combien J&eacute;sus est encore plus d&eacute;testable que les plus d&eacute;testable des d&eacute;tenus d'alors. </p> </blockquote> <p>Si l'on en croit Matthieu (et sans se mettre en contradiction avec les autres &eacute;vang&eacute;listes), les deux autres condamn&eacute;s &agrave; mort ne peuvent comprendre qu'une seule chose dans cette affaire: &agrave; cause de J&eacute;sus, ils ont &eacute;t&eacute; exclus du march&eacute; de la gr&acirc;ce! On peut comprendre alors pourquoi ils injurient J&eacute;sus, alors m&ecirc;me qu'ils subissent les m&ecirc;mes tourments, et parce qu'ils subissent les m&ecirc;mes tourments (Mt27,44, Mc15,32)... </p> <p>Si J&eacute;sus fut vraiment un g&eacute;ant de gentillesse et de sensibilit&eacute;, alors il d&ucirc; ressentir, &agrave; cause des larrons, quelque chose d'atroce qui venait s'ajouter au autres tourments de sa propre mise &agrave; mort. Il nous faudrait comparer cette peine &agrave; ce qu'une personne aimable ressentirait apr&egrave;s avoir, par exemple, involontairement &eacute;cras&eacute; sur la route un enfant qui jouait au ballon ou une vieille dame qui souffrait d'un vertige... C'est le terrible poids de la 'faute' involontaire. Seuls les imb&eacute;ciles pensent qu'il suffirait de se rendre compte qu'elle fut involontaire pour n'en point souffrir... </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Si dans cette logique infernale, comme nous le <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-larrons.htm#lc" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">raconte Luc</a>, l'un des deux condamn&eacute;s choisit finalement de ne plus ironiser ou injurier mais de dire &agrave; J&eacute;sus des mots qui ne pouvaient que lui plaire, c'est qu'il comprit que J&eacute;sus fut lui-m&ecirc;me la victime des &eacute;v&egrave;nements et que s'il fut responsable de la pr&eacute;cipitation du malheur de tous, ce fut bien malgr&eacute; lui. La perspective prise par ce larron pour contextualiser son propre supplice serait le fait d'une &acirc;me tr&egrave;s forte et ce larron aurait bien m&eacute;rit&eacute; son privil&egrave;ge d'&ecirc;tre le premier saint canonis&eacute; de l'histoire chr&eacute;tienne! On n'imagine d'ailleurs qu'avec peine qu'il fut humainement possible de raisonner ainsi en de <a href="rel-exeg-passion-crucifixion.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">telles circonstances</a>. En racontant cette anecdote, Luc a pris le risque de se voir historiquement discr&eacute;dit&eacute;... </p> </blockquote> <p>Sans vouloir minimiser le moins du monde tout ce qui vient d'&ecirc;tre dit, ma propre exp&eacute;rience de la justice et de la mentalit&eacute; des prisonniers me fait percevoir qu'il y a dans cette dynamique relationnelle entre ces trois condamn&eacute;s une autre &laquo;logique&raquo; qui a pu induire les injures des larrons: celle du bouc-&eacute;missaire dans laquelle J&eacute;sus est d&eacute;j&agrave; vaguement englu&eacute; par la foule. Lorsqu'ils souffrent, les gens simples, priv&eacute;s d'un regard critique -ou du plus &eacute;l&eacute;mentaire self-contr&ocirc;le- ont parfois cette faiblesse de pouvoir apaiser leur propre souffrance en faisant mal &agrave; un autre, &agrave; un bouc &eacute;misaire... </p> <p>Selon certaines traductions fran&ccedil;aises (Crampon, J&eacute;rusalem, Parole Vivante...), Marc qui n'a pas plus que les autres pu voir en quoi J&eacute;sus avait involontairement fait du tord aux larrons se serait &eacute;tonn&eacute; plus que les autres des injures de ces deux co-supplici&eacute;s. Il y aurait senti quelque chose de paradoxal. &laquo;<span class="vertmaigre ital">...'m&ecirc;me' ceux qui &eacute;taient crucifi&eacute;s avec lui l'outrageaient...</span>&raquo; (J&eacute;rusalem). S'il avait pu d&eacute;coder la logique du bouc &eacute;missaire derri&egrave;re les &eacute;v&eacute;nements, le mot '<span class="vertmaigre ital">m&ecirc;me</span>' aurait &eacute;t&eacute; superflu. Mais les &eacute;vang&eacute;listes pouvaient-ils comprendre cette dynamique mentale du bouc &eacute;missaire qui n'a &eacute;t&eacute; v&eacute;ritablement d&eacute;construite intellectuellement que r&eacute;cemment? </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">J'avais pu observer &agrave; mes d&eacute;pens cette m&eacute;canique mentale, qui peut effectivement para&icirc;tre paradoxale, entre les d&eacute;tenus de la prison o&ugrave; j'&eacute;tais moi-m&ecirc;me enferm&eacute; pour une histoire de moeurs. D'autres prisonniers qui m'apercevaient &agrave; travers leurs barreaux lors de mon transfert vers le tribunal m'injuriaient de la mani&egrave;re la plus insolite qui soit. &Agrave; l'acm&eacute; de la tension psychologique, quelques minutes avant d'&ecirc;tre tra&icirc;n&eacute; menott&eacute; devant mes juges, j'avais &eacute;t&eacute; encag&eacute; dans une esp&egrave;ce d'immense clapier &agrave; volaille dans les caves du palais de justice, la &laquo;salle d'attente&raquo;, o&ugrave; nous &eacute;tions peut-&ecirc;tre cinquante &agrave; attendre la m&ecirc;me chose. D'une autre cage du m&ecirc;me clapier, aussi minuscule et aussi sordide que la mienne, un grand noir suant de terreur et peut-&ecirc;tre d'ailleurs tout &agrave; fait ind&ucirc;ment tra&icirc;n&eacute; en justice, hurlait mon nom suivit de: &laquo;<em>&Agrave; mort! &Agrave; mort! &Agrave; mort!..</em>.&raquo;. Aussi d&eacute;risoire puisse avoir &eacute;t&eacute; mon proc&egrave;s au regard du proc&egrave;s du Christ et de ceux des larrons (dont nous ne connaissons que la terrifiante issue), aussi injuste et inconvenante serait toute comparaison entre ma douleur et celles de ces trois crucifi&eacute;s, que ne ferais-je le rapprochement avec le comportement &eacute;trange des larrons. Il est certain que mon pauvre 'n&egrave;gre' qui hurlait &agrave; ma mort n'&eacute;tait pas plus m&eacute;chant que moi. Il &eacute;tait simplement tout &agrave; fait d&eacute;muni devant la trag&eacute;die qui allait &eacute;craser sa propre vie, son propre avenir, quelques minutes ou quelques heures plus tard. Il n'avait pour se d&eacute;battre que des instincts totalement inad&eacute;quats, totalement d&eacute;suets pour ne pas dire idiots et qui d'ailleurs n'offrent pas d'autre soulagement &agrave; ses propres douleurs que de l'en distraire quelques secondes. Le drame est que la nature fait mal les choses; des instincts inad&eacute;quats s'y rep&egrave;rent dans toutes ses sph&egrave;res et qu'ils me suffise ici de mentionner ces papillons qui vont se br&ucirc;ler les ailes sur flammes qui brillent dans la nuit. </p> </blockquote> <p>Les d&eacute;tails de la Passion invitent tout chr&eacute;tien &agrave; &ecirc;tre attentif &agrave; ces sourdes pulsions qui ont bless&eacute; J&eacute;sus. La dynamique du bouc &eacute;missaire n'est pas la moindre. Le devoir des intellectuels et en particulier des &eacute;ducateurs chr&eacute;tiens est peut-&ecirc;tre ici simplement de d&eacute;construire et de r&eacute;v&eacute;ler. Le plus souvent, il suffit de prendre conscience de cet instinct pour qu'il devienne inop&eacute;rant. C'est d'ailleurs dans cet esprit que l'on peut rejoindre la pointe de la dimension th&eacute;ologique de la Passion: la R&eacute;demption. C'est en d&eacute;clarant la<a href="../rel-citationsauteurs/rel-ref-aut-girard.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')"> victime &eacute;missaire innocente</a> que le christianisme tente de se d&eacute;gager de cet instinct social qui freine toute avanc&eacute;e spirituelle. Selon cette perspective, <a href="../rel-theo/rel-theo-redemption.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">la R&eacute;demption</a> ce n'est plus l'effacement du p&eacute;ch&eacute; du monde par le sacrifice de la victime expiatoire, c'est justement l'annonce de l'inutilit&eacute; et de la m&eacute;chancet&eacute; de cette logique expiatoire. Dieu n'a pas besoin de victime. Dieu n'a &eacute;videmment jamais aim&eacute; le meurtre de J&eacute;sus, Dieu ne conditionne pas son pardon. La dynamique relationnelle de Dieu c'est '<a href="../rel-spir/rel-spirit-erosphileagape.htm#agape" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">Agap&ecirc;</a>' et non un quelconque commerce de sang. D&eacute;construire l'instinct pour r&eacute;v&eacute;ler l'immensit&eacute; d'agape', voil&agrave; notre devoir d'&eacute;ducateur!... Parce que les &eacute;vang&eacute;listes <a href="rel-exeg-intro.htm#0" target="pop0larrons" onClick="MM_showHideLayers('glap1','','show','startpoptrans','','hide','poptrans','','show','x','','hide')">ne furent pas &agrave; la hauteur</a> de leur mentor, le message qu'ils nous donnent, s'il n'est pas &laquo;rumin&eacute;&raquo;, est ambigu voire contradictoire. La Tradition s'est fabriqu&eacute; un compromis qui arrangeait finalement un peu tout le monde: on a accept&eacute; d'arr&ecirc;ter les boucheries aux autels du Temple et, en lieu et place de ces animaux innocents appara&icirc;t une victime expiatoire tr&egrave;s particuli&egrave;re, J&eacute;sus, l'Agneau Mystique, dont le seul sang suffirait pour expier les p&eacute;ch&eacute;s pr&eacute;sents et &agrave; venir. La modernit&eacute; n'a &eacute;videmment plus besoin de ce langage ambigu qui nous laisserait croire que le P&egrave;re c&eacute;leste est un sadique. </p> <p>&nbsp;</p> </div> <p>paul yves wery - Chiangmai - Juillet 2008</p>