<table id="tabletxt" > <tr> <td ><p ><a name="0" id="0"></a></p> <p >&nbsp;</p> <p class="rougemaigre centre">Les 'failles' dans les r&eacute;cits &eacute;vang&eacute;liques...</p> <p class="rougemaigre centre">( Ordre symbolique et Ex&eacute;g&egrave;se)</p> <p class="petit">Abstract: Les malaises, les omissions volontaires et les simplismes des &eacute;vang&eacute;listes sont autant d'indices qui nous permettent aujourd'hui de d&eacute;passer les d&eacute;couvertes des philologues et des herm&eacute;neutes. <span class="just"> Il nous faut retrouver le propos de J&eacute;sus par-del&agrave; l'intention parfois maladroite de l'&eacute;vang&eacute;liste...</span></p> <div class="just"> <div class="just"> <p >Gardons en t&ecirc;te que la priorit&eacute; des priorit&eacute;s pour l'ex&eacute;g&egrave;se chr&eacute;tienne n'est pas tant de retrouver ce qu'ont pens&eacute; les &eacute;vang&eacute;listes que de retrouver ce qu'a pens&eacute; J&eacute;sus (voire ce qu'Il aurait pens&eacute; s'Il avait choisi de s'incarner aujourd'hui). </p> Or, les &eacute;vang&eacute;listes, manifestement, ne comprenaient pas toujours parfaitement J&eacute;sus. Parfois, vaguement troubl&eacute;s par une flagrante 'bizarrerie', l'un ou l'autre pr&eacute;f&eacute;rera omettre un d&eacute;tail contextuel embarrassant. <blockquote> <p class="turquoisemaigre ">Exemple: </p> <p class="turquoisemaigre ">Lorsque J&eacute;sus dess&egrave;che le figuier parce qu'il ne porte pas de fruit, Mt 'oublie' de mentionner que, ce n'&eacute;tait pas la saison des figues! <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-figuierdesech%20mt21.htm#0" target="" >(Cf. Mt21,19 contre Mc11,13). </a></p> </blockquote> <p>Parfois il pr&eacute;f&eacute;rera carr&eacute;ment trafiquer une partie du propos du ma&icirc;tre. </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Exemple: </p> <p class="turquoisemaigre">&laquo;<span class="vertmaigre">Pourquoi m'appelles-tu bon</span>&raquo; (Mc10,18 ou Lc18,19) qui devient &laquo;<span class="vertmaigre">Pourquoi m'interroges-tu sur ce qui est bon?</span>&raquo; (Mt19,17 <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-richessechameau.htm#0" target="" >Cf. &eacute;pisode du jeune homme riche</a>). </p> </blockquote> <p>La critique historique raffole &eacute;videmment de ce genre de d&eacute;tails qui d&eacute;notent un noyau historique; il fallait le poids d'une r&eacute;alit&eacute; historique pour que quelques-uns parmi les narrateurs se sentent oblig&eacute;s malgr&eacute; tout d'&eacute;voquer des d&eacute;tails 'd&eacute;sobligeants'... Ou alors, c'est par maladresse qu'ils les auraient mentionn&eacute;s. Tous ces premiers chr&eacute;tiens auraient certainement pr&eacute;f&eacute;r&eacute; pouvoir tout magnifier...</p> <p>Parfois, barricad&eacute; derri&egrave;re sa mission de narrateur, plut&ocirc;t que de se lancer dans des explications confuses, l'&eacute;vang&eacute;liste nous rapportera que de toute fa&ccedil;on personne n'y entendait rien; J&eacute;sus lui-m&ecirc;me ne semblait-il pas avoir parfois voulu se jouer de ses propres formules myst&eacute;rieuses? </p> <blockquote> <p class="vertmaigre"> &laquo;...Les disciples &eacute;taient d&eacute;concert&eacute;s par ces paroles. Mais J&eacute;sus leur r&eacute;p&egrave;te: 'Mes enfants, qu'il est difficile d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile &agrave; un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'&agrave; un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu.' Ils &eacute;taient de plus en plus impressionn&eacute;s; ils se disaient entre eux: 'Alors qui peut &ecirc;tre sauv&eacute;?' Fixant sur eux son regard, J&eacute;sus dit: 'Aux hommes, c'est impossible, mais pas &agrave; Dieu, car tout est possible &agrave; Dieu'...&raquo; (Mc10,24 -Nouvelle Bible S&eacute;gond 2002) (voir contexte et autres traductions <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-richessechameau.htm#0" target="" >Mt19,24-26, Mc10,25-27, Lc18,25-27</a>)</p> </blockquote> <p>Rappelons aussi que, selon les Actes, m&ecirc;me sur une question aussi fondamentale que l'int&eacute;gration des 'incirconcis' dans les communaut&eacute;s primitives, il y eut encore de tumultueux d&eacute;bats apr&egrave;s la R&eacute;surrection (<a href="../rel-citationsbible/actes%20nbs.htm" target="" >Ac15,1-35</a>.). Il fallut se rassembler pour prendre une d&eacute;cision. Cela laisse &agrave; penser aussi que J&eacute;sus, s'il ne pouvait toujours se faire comprendre d'embl&eacute;e, d&eacute;sirait peut-&ecirc;tre aussi laisser des questions ouvertes pour autoriser un certain dynamisme et une dimension coll&eacute;giale dans la mise en oeuvre de son projet. </p> <p> Pour les chercheurs d'authenticit&eacute; christique, les ignorances et maladresses des &eacute;vang&eacute;listes sont des sources de confusions au moins aussi criantes que les d&eacute;formations inh&eacute;rentes &agrave; la transmission de tout texte ancien. Pour serrer de plus pr&egrave;s la subtile v&eacute;rit&eacute; historique du message de J&eacute;sus, l'ex&eacute;g&egrave;te doit donc aussi fouiller dans ce que les &eacute;vang&eacute;listes ont probablement voulu taire, dans ce qu'ils n'ont probablement pas os&eacute; &eacute;crire et dans ce qu'ils n'ont probablement pas compris. </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Exemple: <p class="turquoisemaigre">Aujourd'hui, on doit oser mettre sur la table la pertinence d'une formule comme '<span class="vertmaigre ital">...le Fils de l&rsquo;homme est venu pour <strong>donner sa vie en ran&ccedil;on</strong>...</span>'&nbsp;(dont on retrouve de multiples variantes dans les Evangiles;<a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-redemprancon.htm#0" target="" > Mc10,45 Mt 20:28 Jn 10,11-12 Mc 14,36 Jn1,29 Jn1,36 Lc22,19-20 Mt26,26-28 Mc14, 22-24... </a>(La liste n'est pas exhaustive!) <p class="turquoisemaigre">...&quot;Ran&ccedil;on&quot;!?!... Devrait-on comprendre qu'il fallait du sang pour calmer le courroux du P&egrave;re? Autant oser poser la question tout de go: les &eacute;vang&eacute;listes avaient-ils bien compris ce que J&eacute;sus disait de la bont&eacute; du P&egrave;re et la port&eacute;e de la<a href="../rel-theo/rel-theo-redemption.htm#0" target="" > R&eacute;demption</a>? La r&eacute;ponse est 'non' bien s&ucirc;r; tout l'Esprit du Nouveau Testament nous dit qu'il n'y a pas de 'ran&ccedil;on' dans une dynamique d'<a href="../rel-spir/rel-spirit-erosphileagape.htm#agape" target="" >Amour-Agap&ecirc;</a>. Mais cette r&eacute;ponse n'est valable que dans notre ordre symbolique (voir plus loin). En fait, si les &eacute;vang&eacute;listes n'ont pas clairement compris qu'avec J&eacute;sus on entrait dans une logique du pardon plut&ocirc;t qu'une logique d'expiation, c'est parce que cette approche de l'&eacute;thique, dans l'ordre symbolique qui &eacute;tait le leur, aurait exig&eacute; d'eux une solide dose d'&eacute;rudition. </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p class="centre">***</p> <p>&nbsp;</p> <p>Pour approcher le message de J&eacute;sus, le travail de l'ex&eacute;g&egrave;te rassemble en une unit&eacute; organique les r&eacute;sultats d'au moins trois activit&eacute;s savantes tr&egrave;s diff&eacute;rentes: </p> <ol> <li> <span class="petit"><a href="#txt" target="_self">Authentification du Texte et nettoyage des 'effets de pr&ecirc;che'</a></span></li> <li class="petit"><a href="#sym" target="_self">Distinction entre ordre symbolique et ordre du langage</a></li> <li class="petit"><a href="#amb" target="_self">Exploitation de l'ambigu&iuml;t&eacute; des Evang&eacute;listes (des personnes)</a></li> </ol> <p>&nbsp;</p> <p><span class="rougemaigre"><a name="txt"></a>1- Authentification du Texte et nettoyage des 'effets de pr&ecirc;che' </span>&nbsp; </p> <p> Purifier les Evangiles des maltraitances de l'histoire...&nbsp;Non seulement retrouver les textes originaux mais encore les laver malentendus induits par les effets de pr&ecirc;che... On peut parler ici d'un travail scientifique pur. Ce travail est d&eacute;j&agrave; tellement compliqu&eacute; qu'il nous faut nous en remettre aux travaux savants des philologues et autres historiens si nous voulons avoir encore assez de temps et d'&eacute;nergie pour aller plus loin.</p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Exemple :</p> <p class="turquoisemaigre">La parabole du bon Samaritain (<a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-bonsamaritain%20lc10.htm#0" target="" >Lc10,29-37</a>) est un bel exemple de texte que la pr&ecirc;che a pu pervertir. Fran&ccedil;oise Dolto fut peut-&ecirc;tre la plus populaire des d&eacute;nonciatrices d'une 'd&eacute;rive interpr&eacute;tative' dont la pointe se situe au d&eacute;but du XX&egrave;me si&egrave;cle. (<a href="../rel-citationsauteurs/rel-ref-aut-dolto-bonsamaritain.htm#0" target="" >Cliquez ici pour lire un extrait du texte de Dolto</a>.) Il est int&eacute;ressant d'observer que pour d&eacute;noncer la perversion, elle n'a eu recours ni aux plus subtiles ressources de la philologie, ni &agrave; une vaste exp&eacute;rience ex&eacute;g&eacute;tique, ni &agrave; la fr&eacute;quentation intensive de la Patristique...&nbsp;Par ailleurs, aucun savoir psychanalytique ne lui fut n&eacute;cessaire, quoi qu'en laisse penser le titre de son ouvrage (&laquo;L'Evangile au risque de la psychanalyse&raquo;). </p> <p class="turquoisemaigre">En quoi consistait cette perversion? La tradition avait progressivement laiss&eacute; croire que la fonction premi&egrave;re de cette parabole &eacute;tait de proposer le bon Samaritain comme mod&egrave;le &eacute;thique. Cette lecture, si elle n'est pas fondamentalement fausse, joue quand m&ecirc;me &agrave; saut-de-mouton sur les &eacute;vidences textuelles. Une lecture honn&ecirc;te nous montre tr&egrave;s clairement que la premi&egrave;re intention de la parabole n'est pas tant morale qu'anthropologique! La parabole invite l'auditeur du r&eacute;cit &agrave; s'identifier &agrave; l'homme agress&eacute; et non au bon Samaritain. </p> <p class="turquoisemaigre">Aime ton <em>'prochain'</em>... Or le '<em>prochain</em>', c'est le Bon Samaritain. Donc, &quot;aime&quot; le Bon Samaritain (plut&ocirc;t que &quot;sois&quot; le Bon Samaritain!).</p> <p class="turquoisemaigre">Le Christ dit ici que ce qui peut faire m&ucirc;rir l'homme -croyant ou non d'ailleurs!- c'est d'abord une <span class="gras">r&eacute;ceptivit&eacute;</span> &agrave; la bont&eacute; de son entourage. C'est le pr&eacute;alable incontournable &agrave; toute maturation spirituelle, morale, intellectuelle, politique... et amoureuse! (C'est alors seulement qu'il pourra &eacute;ventuellement devenir lui-m&ecirc;me un &quot;Bon Samaritain&quot;... La lecture de Dolto est imparable et retrouve ainsi la lecture de la Patristique: Orig&egrave;ne, Ir&eacute;n&eacute;e, Cl&eacute;ment d'Alexandrie et d'autres encore voyaient dans la victime de l'agression la figure d'Adam...</p> <p>&nbsp; </p> </blockquote> <p class="rougemaigre"><a name="sym"></a>2- Distinction entre ordre symbolique et ordre du langage</p> <p>Les mani&egrave;res qu'avaient les anciens juifs et les anciens grecs de diviser le cosmos en parties distinctes ne sont plus d'usage. Ce ne sont pas tant les mots qui ont chang&eacute; que ce que les anciens recouvraient du r&eacute;el par chacun de ces mots... </p> <p>Imaginons un instant que le mot &quot;l&egrave;pre&quot; n'ait pas chang&eacute; depuis la nuit des temps; ce que ce mot aurait recouvert il y a deux mille ans n'aurait malgr&eacute; tout jamais pu &ecirc;tre tout &agrave; fait identique &agrave; ce qu'il recouvre aujourd'hui. La raison est simple: &agrave; l'&eacute;poque de J&eacute;sus personne n'avait la possibilit&eacute; de faire la diff&eacute;rence entre une maladie bact&eacute;rienne, une maladie virale, une maladie parasitaire et une maladie autoimmune... La partie du r&eacute;el recouverte par le mot l&egrave;pre &agrave; l'&eacute;poque de J&eacute;sus recouvrait donc aussi bien certaines formes de psoriasis ou d'ecz&eacute;ma, le vitilligo, le pitiriasis, etc.</p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Il ne faudrait surtout pas croire que le philologue digne de ce nom pourrait sortir de l'impasse simplement en tenant compte des subdivisions contemporaines des parties anciennement '&eacute;l&eacute;mentaires' du cosmos; rares, tr&egrave;s rares, sont les mots pour lesquels ce serait possible. </p> <p class="turquoisemaigre">&quot;L&egrave;pre&quot; serait, peut-&ecirc;tre, l'un de ces rares mots. Le philologue en effet pourrait dire que la l&egrave;pre que J&eacute;sus gu&eacute;rissait c'est le psoriasis OU le vitilligo OU le pitiriasis OU etc. (L&egrave;pre = [psoriasis V vitilligo V pitiriasis V etc.]) Mais que notre philologue s'attaque maintenant au mot &quot;amour&quot;, au mot &quot;chair&quot;, au mot &quot;nature&quot;, (...), et il admettra que plus aucun algorithme ne pourra plus l'aider s'il a un minimum d'int&eacute;grit&eacute; et de lucidit&eacute; scientifique! Or chacune des parties du r&eacute;el recouvertes par de tels mots trace les fronti&egrave;res d'autres parties du r&eacute;el (virtuelles ou non, peu importe... ce n'est pas la question importante ici!). C'est par exemple &agrave; partir, entre autres choses, des fronti&egrave;res de ce qu'on entend par l'amour que l'on peut tracer les fronti&egrave;res de la m&eacute;chancet&eacute;, de la violence, etc.</p> </blockquote> <p>L'ex&eacute;g&egrave;te n'a JAMAIS la possibilit&eacute; d'&ecirc;tre certain de savoir exactement ce que les anciens pla&ccedil;aient comme &quot;<a href="../rel-bud/rel-bud-ordresymb.htm#ordre" target="" >symbole</a>&quot; derri&egrave;res un mot comme &quot;amour&quot; ou &quot;Dieu&quot; ou &quot;Homme&quot; ou &quot;mort&quot; ou &quot;pardon&quot;... Tout juste peut-il prendre distance par rapport &agrave; sa propre mani&egrave;re de diviser son cosmos en &quot;parties distinctes&quot; (symboles). </p> <p>Pour aider l'ex&eacute;g&egrave;te, il n'y a ici aucune solution-miracle. L'&eacute;tude pouss&eacute;e du grec ne peut que le pousser dans la longue lign&eacute;e des sp&eacute;cialistes philologues/traducteurs qui ont chacun leurs propres convictions sur les v&eacute;rit&eacute;s symboliques qui sous-tendent les mots grecs. Laissons la philologie et la traduction aux mains des g&eacute;nies scientifiques et, plut&ocirc;t que d'&eacute;tudier plus ou moins maladroitement le grec, mettons sur une m&ecirc;me table les conclusions diverses de ces divers savants. L'ensemble de ces traductions, par leurs divergences, pourra peut-&ecirc;tre recr&eacute;er un 'climat' plus respectueux des frustrations, des d&eacute;sirs, des ambigu&iuml;t&eacute;s, des pudeurs, des peurs et des maladresses des &eacute;vang&eacute;listes. Il sera temps alors, pour retourner au message de J&eacute;sus (ce qui est le but de l'entreprise), de se rappeler que ni J&eacute;sus ni les Evang&eacute;listes n'&eacute;taient Grecs!</p> <p> Ni J&eacute;sus ni les Evang&eacute;listes ne d&eacute;coupaient exactement comme les grecs le cosmos en parties distinctes... Rebelotte! Sans renier les d&eacute;couvertes des philologues grecs, si je veux comprendre ce que J&eacute;sus et les &eacute;vang&eacute;listes pensaient et disaient en aram&eacute;en, il me faudra refaire le m&ecirc;me travail critique une deuxi&egrave;me fois avec la langue et les symboles des aram&eacute;ens. </p> <p>Et ce n'est pas fini! Les Evang&eacute;listes aram&eacute;anophones traduisaient en grecs ce qu'ils avaient compris des paroles dites en aram&eacute;en. Mais Jn par exemple nous le dit en <a href="../rel-bud/rel-bud-dialogue.htm#jngrec" target="" >mauvais grec</a>, avec un vocabulaire pauvre... (Jn est moins fort en langue que Lc...). </p> <p>Il est temps d'aller chercher une aspirine... </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Pour faire une comparaison facile, mettons-nous dans la peau d'un Anglais parlant mal le tha&iuml;landais qui essaierait d'expliquer en tha&iuml;landais &agrave; un Fran&ccedil;ais vaguement tha&iuml;landophone mais ignorant tout de l'anglais une nuance de l'amour que Shakespeare exprimait par un usage particulier des mots &laquo;<span class="ital">like</span>&raquo; et &laquo;<span class="ital">love</span>&raquo;... (En fran&ccedil;ais, il n'y a que &laquo;<span class="ital">aimer</span>&raquo;, en tha&iuml;landais il y a &laquo;<span class="ital">chop</span>&raquo; et &laquo;<span class="ital">rak</span>&raquo;, en anglais &laquo;<span class="ital">like</span>&raquo; et &laquo;<span class="ital">love</span>&raquo;) Inutile de dire que la transmission de la nuance shakespearienne sera p&eacute;rilleuse! Mais, surtout, si ce Fran&ccedil;ais vaguement tha&iuml;landophone qui ne sait rien de l'anglais veut comprendre cette nuance, la philologie tha&iuml;landaise ne lui sera &eacute;videmment que d'un secours limit&eacute;!... Ainsi en va-t-il de la philologie grecque pour aider l'ex&eacute;g&egrave;te chr&eacute;tien! </p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p align="center">*</p> <p>On pourrait croire que tout cela n'est qu'une vaine sp&eacute;culation sans grande cons&eacute;quence... Attention! Sur le terrain de l'ex&eacute;g&egrave;se (et donc de la th&eacute;ologie, de la morale, de la politique...), ces nuances sont parfois importantes! N'importe quel anthropologue le sait. </p> <blockquote> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Donnons un exemple de terrain que les ethnologues connaissent bien: il serait vain de demander d'embl&eacute;e dans une culture tribale d'Amazonie de s&eacute;parer les pouvoirs politique et religieux. Leur ordre symbolique -qui ne fait pas la distinction entre la religion et la politique- ne le leur permettra que par une longue proc&eacute;dure d'initiation et d'apprentissage. L'histoire montre que les symboles religieux primitifs ne se d&eacute;cantent que tr&egrave;s <span class="gras">progressivement</span> en diverses strates ind&eacute;pendantes (la m&eacute;decine, la magie, la politique, le sacr&eacute;, la science, etc.). Peu importe ici les causes de cette d&eacute;cantation. Il convient juste de constater que le mot 'religion', in fine, apr&egrave;s &eacute;ducation et maturation, recouvre une r&eacute;alit&eacute; symbolique tr&egrave;s diff&eacute;rente de celle du d&eacute;part et que le nouvel ordre symbolique fait na&icirc;tre des questions qui ne pouvaient pas se poser au d&eacute;part. </p> <p class="turquoisemaigre">Or J&eacute;sus, lui, faisait d'embl&eacute;e une <a href="../rel-citationsbible/2tob.htm#1217" target="" >distinction nette</a> entre la question politique et la question religieuse (ce discernement fut d'ailleurs &agrave; <a href="rel-exeg-judas.htm#mobiles" target="" >l'arri&egrave;re-plan</a> du conflit qu'eut J&eacute;sus avec les religieux de son temps et qui le conduisirent jusqu'&agrave; la croix.). Un missionnaire chr&eacute;tien devrait en rendre compte s'il veut christianiser ses ouailles!... Comment ce missionnaire va-t-il proc&eacute;der? Celui qui r&eacute;pond en un temps trois mouvements n'est pas n&eacute;cessairement le plus chr&eacute;tien des missionnaires... </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre petit">En g&eacute;n&eacute;ral, ce qu'une culture ancienne entendait dans un seul de ses 'symboles' (un 'morceau &eacute;l&eacute;mentaire du r&eacute;el per&ccedil;u'), se subdivise aujourd'hui en plusieurs constituants parce que l'histoire &eacute;toffe le pouvoir discriminatoire du cerveau (l'&eacute;ducation et les sciences y ont leurs parts de responsabilit&eacute;s mais il s'y ajoute des facteurs plus difficiles &agrave; cerner qui contribuent &agrave; colorier d'une mani&egrave;re singuli&egrave;re chaque culture). Mais remarquons tout de m&ecirc;me que, parfois, dans certains domaines, le discernement de r&eacute;alit&eacute;s distinctes dans l'une ou l'autre sph&egrave;re du r&eacute;el s'appauvrit au contraire au cours de l'&eacute;volution d'une culture!&nbsp;Un Indien d'une tribu isol&eacute;e dans la jungle d'Amazonie discernera probablement des nuances dans les sons et les odeurs que le citadin natif de New York confondra. Les questions que ce New-yorkais se posera s'il est jet&eacute; dans la jungle risqueront alors de para&icirc;tre infantiles (immatures, d&eacute;connect&eacute;es des contraintes du r&eacute;el) pour les indiens... Notre missionnaire devra lui-aussi m&ucirc;rir, travailler son ordre symbolique! </p> </blockquote> </blockquote> <p><span class="turquoisemaigre petit"><a name="epa" id="epa"></a></span>Pour montrer autrement que ces sp&eacute;culations ne sont pas anodines, puisqu'on a parl&eacute; d'amour et que ce sujet est par excellence un sujet chr&eacute;tien, attaquons-nous aux questions que soul&egrave;ve ce mot &quot;amour&quot; pour les traducteurs des Evangiles.</p> <p>Pour le dire d'une mani&egrave;re simple, dans la langue originale des Evangiles, le grec, il y a deux mots pour recouvrir ce que la francophonie recouvre par le seul mot &quot;amour&quot;: 'Philia' et 'Agap&ecirc;'. A priori, la consultation des philologues grecs ne suffira pas pour nous restituer la nuance parce que, apr&egrave;s les mutations culturelles du moyen-&acirc;ge, notre sensibilit&eacute; symbolique n'a pas n&eacute;cessairement pr&eacute;serv&eacute; exactement la distinction des symboles que les mots philia et agap&ecirc; recouvraient pour les Grecs. </p> <p>On peut raisonnablement penser que tout homme est 'neurologiquement' capable de faire la distinction symbolique qui a &eacute;t&eacute; assum&eacute;e dans la langue grecque par la diff&eacute;rence des mots 'Philia' et 'Agape', mais dans certaines cultures ce ne sera gagn&eacute; qu'au prix d'une &eacute;rudition laborieuse. (Le pouvoir discriminant du cerveau, heureusement, n'est pas immuable et peut se travailler, comme un muscle ou la ma&icirc;trise d'une langue!) C'est l&agrave; que l'on comprend que le travail d'un missionnaire peut tr&egrave;s bien consister &agrave; faire tout autre chose que de parler de J&eacute;sus (...ce que les J&eacute;suites, par exemple, ont tr&egrave;s bien compris lorsqu'ils s'&eacute;fforcaient plus de faire des &eacute;coles chr&eacute;tiennes que des petits chr&eacute;tiens!). </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre">Il n'est pas inutile de rappeler ici une d&eacute;couverte philologique qui n'est pas anodine: &agrave; l'&eacute;poque de la r&eacute;daction des Evangiles, les Grecs eux-m&ecirc;me utilisaient d&eacute;j&agrave; indiff&eacute;remment les mots &quot;Philia&quot; et &quot;Agap&ecirc;&quot;! Ce fait donna &agrave; Jn un moyen pratique de transmettre une nuance aram&eacute;enne qui lui &eacute;tait ch&egrave;re (car contrairement &agrave; ses contemporains gr&eacute;cophones, Jn n'utilisa manifestement <a href="../rel-bud/rel-bud-dialogue.htm#philologie" target="" >pas indiff&eacute;remment</a> les mots &quot;Philia&quot; et &quot;Agap&ecirc; dans son Evangile!). </p> </blockquote> <blockquote> <p class="turquoisemaigre petit">&nbsp;</p> </blockquote> <p>Lisons maintenant un texte &eacute;vang&eacute;lique embl&eacute;matique r&eacute;dig&eacute; en grec ancien et qui traite sp&eacute;cifiquement de l'amour: Jn 21 (et en particulier Jn21,15-19). </p> <p>Pour les traductions <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-Jn21%2015-19.htm#tob" target="" >TOB</a>, Darby, S&eacute;gond, Martin et tant d'autres J&eacute;sus pose trois fois la question simple &agrave; Pierre: &laquo;<span class="vertmaigre">...m'aimes-tu?</span>&raquo;. Pierre y r&eacute;pond trois fois par un &laquo;<span class="vertmaigre">...je t'aime</span>&raquo;. </p> <p>Selon Jn pourtant, J&eacute;sus n'a pas pos&eacute; trois fois la m&ecirc;me question! Dans les deux premi&egrave;re question, Jn, le sensible Jn, a utilis&eacute; le mot grec &quot;Agape&quot; que ces traducteurs ont rendu par le mot fran&ccedil;ais &quot;aimer&quot;. Selon Jn, Pierre r&eacute;pondit deux fois par le mot grec &quot;Philia&quot; que ces traducteurs ont aussi rendu par le mot &quot;aimer&quot;. Les traducteurs &eacute;voqu&eacute;s ici ne discernaient donc aucune diff&eacute;rence entre &quot;Agape&quot; et &quot;Philia&quot; et, pour traduire, ont utilis&eacute; indiff&eacute;remment un seul et m&ecirc;me mot. </p> <p>D'autres traducteurs probablement plus &eacute;rudits ont voulu recr&eacute;er pour leurs lecteurs un contexte qui les incline &agrave; &eacute;toffer leur discernement symbolique pour retrouver la <a href="rel-exeg-jn21.htm#0" target="" >profondeur abyssale</a> dans laquelle Jn nous invite &agrave; entrer.</p> <p>Pour la traduction de <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-Jn21%2015-19.htm#deiss" target="" >Lucien Deiss</a>, J&eacute;sus pose deux fois la question &laquo;...<strong class="vertgras">m'aimes-tu</strong>?&raquo; (Agape). &Agrave; quoi Pierre r&eacute;pond: &laquo;&nbsp;...je <strong class="vertgras">t'aime avec tendresse</strong>&raquo; (Philia). La troisi&egrave;me fois, J&eacute;sus demande &laquo;...m'aimes-tu avec tendresse&raquo; et Pierre de r&eacute;pondre encore &laquo;...je t'aime avec tendresse.&nbsp;&raquo; </p> <p>Quasi simultan&eacute;ment, le <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-Jn21%2015-19.htm#osty" target="" >chanoine Osty</a> fait dire &agrave; J&eacute;sus &agrave; peu pr&egrave;s la m&ecirc;me chose: &laquo;...<strong class="vertgras">m'aimes-tu?</strong>&raquo; (Agape). &Agrave; quoi Pierre r&eacute;pond: &laquo;...<strong class="vertgras">je t'aime tendrement</strong>&raquo; (Philia)<strong>.</strong> La troisi&egrave;me fois, J&eacute;sus demande &laquo;...M'aimes-tu tendrement&raquo; et Pierre de r&eacute;pondre encore &laquo;...je t'aime tendrement&raquo;.</p> <p> &Agrave; leurs suites, mais par sa logique propre, <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-Jn21%2015-19.htm#chouraki" target="" >Chouraki</a> va traduire 'Agape' par '<strong class="vertgras">Aimer</strong>' et 'Philia' par '<strong class="vertgras">ch&eacute;rir</strong>'... </p> <p>On constatera en l'occurrence que ni Deiss, ni Osty ni Chouraki ne donne exactement aux mots 'Agape' et 'Philia' les sens que beaucoup plus tard Andr&eacute; Conte Sponville donnera dans son admirable livre '<span class="ital">Petit Trait&eacute; des Grandes Vertus</span>' (un livre probablement sans v&eacute;ritable pr&eacute;tention philologique d'ailleurs mais qui eut un succ&egrave;s mondial en tant que livre de morale). Peut-&ecirc;tre est-ce sous son influence que la traduction dite du '<a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-Jn21%2015-19.htm#semeur" target="" >Semeur</a>' en 2000 fait dire par J&eacute;sus d'abord '...<span class="vertmaigre">m'aimes-tu</span>' (Agape) &agrave; quoi Pierre r&eacute;pond par '<span class="vertmaigre">...tu connais mon amour</span> <span class="vertgras">pour toi</span>' (Philia). La troisi&egrave;me fois donc J&eacute;sus demande '...Simon, fils de Jean, as-tu de l'amour <span class="vertgras">pour moi</span>?' </p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre petit">Mais il y a ensuite dans cette belle traduction une petite incoh&eacute;rence que Deiss a pu mieux contourner: ' <em>...Pierre fut pein&eacute; <strong>car c'&eacute;tait la troisi&egrave;me fois que J&eacute;sus lui demandait</strong>: &laquo;As-tu de l'amour pour moi?...&raquo;</em>' (Semeur) contre <em>'...Il fut pein&eacute;, Pierre, <strong>qu'il lui ait dit&nbsp;la troisi&egrave;me fois</strong> &laquo;M'aimes-tu avec tendresse?&raquo;...</em>' (Deiss). Deiss ne dit donc pas que Pierre est pein&eacute; d'une triple r&eacute;p&eacute;tition mais au contraire de ce que la troisi&egrave;me question ne soit pas la m&ecirc;me que les deux premi&egrave;res. Chouraki aussi a pu vaguement surmonter cette incoh&eacute;rence mais par une traduction l&eacute;g&egrave;rement ambivalente: <em>'...Petros s'attriste <strong>de ce qu'il lui demande pour la troisi&egrave;me fois</strong>: &laquo;Me ch&eacute;ris-tu?&raquo;... </em>' La traduction de Osty souffre de la m&ecirc;me incoh&eacute;rence que celle du Semeur.</p> </blockquote> <p> Derri&egrave;re les nuances de ces traductions, on peut donc retrouver les effets sous-jacente des ordre symbolique plus ou moins &eacute;volu&eacute; de chacun des traducteurs. Un jugement de valeur peut m&ecirc;me parfois &ecirc;tre pos&eacute; car un ordre symbolique 'pr&eacute;vaut' sur un autre si, pour toutes choses &eacute;gales par ailleurs, il discerne deux r&eacute;alit&eacute;s l&agrave; ou l'autre n'en per&ccedil;oit qu'une. En pratique ici, on peut ainsi estimer regrettable par exemple que la traduction TOB semble ignorer la diff&eacute;rence entre 'Philia' et 'Agape'. </p> <p>Cet enrichissement de l'ex&eacute;g&egrave;se peut conduire le Christianisme &agrave; revoir quelques-unes de ses positions &quot;politiques&quot;. J'ai personnellement fait usage de Jn 21 pour &eacute;lucider l'une ou l'autre question pos&eacute;e par le dialogue interreligieux (Cf. &quot;<a href="../rel-bud/rel-bud-dialogue.htm#agape" target="" >Le Dialogue</a>&quot; ou &quot;l'<a href="../rel-bud/rel-bud-ordresymb.htm#0" target="" >Universalit&eacute; des Religions</a>&quot;...). Mais il va sans dire que cette nuance ex&eacute;g&eacute;tique pourra aussi avoir des r&eacute;percutions sur la mani&egrave;re de concevoir et pratiquer &quot;l'<a href="../rel-eth/rel-eth-responssabilite.htm#jesussocial" target="" >Entraide Chr&eacute;tienne</a>&quot;, les strat&eacute;gies d'&eacute;vang&eacute;lisation ou l'esprit de &quot;la <a href="../rel-bud/rel-bud-compassion.htm#0" target="" >Compassion</a>&quot;,(...).</p> <p>&nbsp; </p> <blockquote> <p><a href="../rel-bud/rel-bud-ordresymb.htm#0" target="" class="petit" >(Pour une autre analyse des tenants et aboutissants de l'ordre symbolique, cliquez ici)</a> </p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p class="rougemaigre"><a name="amb"></a>3- Exploitation de l'ambigu&iuml;t&eacute; des Evang&eacute;listes (des auteurs, et non plus de leurs textes!) </p> <p>&Agrave; partir d'une approche globale de diverses 'bonnes traductions', apr&egrave;s avoir consult&eacute; aussi -autant que faire se peut- les travaux des philologues et des <a href="../rel-citationsdicos/rel-ref-dicoperso.htm#hermeneutique" target="" >herm&eacute;neutes</a>, ...en un mot, apr&egrave;s avoir cherch&eacute; &agrave; comprendre ce que les &eacute;vang&eacute;listes ont voulu dire, l'ex&eacute;g&egrave;te doit scrupuleusement chercher ce qu'ils n'ont pas os&eacute; dire et deviner ce qu'ils ont voulu taire. Pour retrouver le message de J&eacute;sus, l'ex&eacute;g&egrave;te, doit essayer de d&eacute;busquer ce que l'&eacute;vang&eacute;liste a voulu cacher ou n'a pas bien compris (cf. probl&egrave;me de la <a href="../rel-theo/rel-theo-redemption.htm#0" target="" >Ran&ccedil;on et de la R&eacute;demption</a> &eacute;voqu&eacute;e plus haut). </p> <p>La reconstruction de la figure de J&eacute;sus, pour bien faire, devrait m&ecirc;me essayer de deviner ce que J&eacute;sus aurait pens&eacute; et dit dans les structures symboliques contemporaines. Aurait-Il os&eacute; dire &quot;<span class="vertmaigre ital">Bienheureux ceux qui pleurent!</span>&quot; aujourd'hui? Peut-&ecirc;tre ...mais probablement pas de la mani&egrave;re donn&eacute;e par Matthieu... (cf. infra). Ce d&eacute;fit de r&eacute;&eacute;criture est pourtant incontournable puisque nous n'avons pas la possibilit&eacute; de faire rena&icirc;tre un ordre symbolique r&eacute;volu. Lire sans r&eacute;interpr&eacute;ter, c'est r&eacute;interpr&eacute;ter sans en prendre conscience...</p> <p>Ce devoir de r&eacute;&eacute;criture est un d&eacute;fi ambitieux mais pas insurmontable. Les maladresses des &eacute;vang&eacute;listes nous aident &agrave; d&eacute;busquer les pi&egrave;ges, augmenter notre recul critique et baliser notre libert&eacute;. </p> <p>J&eacute;sus avait manifestement un pouvoir de discrimination symbolique auquel ne pouvait pr&eacute;tendre les &eacute;vang&eacute;listes et si les &eacute;vang&eacute;listes se trompent parfois en utilisant par exemple le mot &quot;ran&ccedil;on&quot; d'une mani&egrave;re inappropri&eacute;e, en derni&egrave;re analyse, c'est parce qu'ils fonctionnaient mentalement &agrave; partir d'un ordre symbolique l&eacute;g&egrave;rement diff&eacute;rent de celui de leur ma&icirc;tre. La maladresse des &eacute;vang&eacute;listes &eacute;tait parfois tellement manifeste qu'elle n'&eacute;chappe plus &agrave; personne aujourd'hui et c'est bien l&agrave; qu'il faut voir une invitation &agrave; oser aller plus loin que ce que nous dit l'herm&eacute;neutique! Je le r&eacute;p&egrave;te, c'est J&eacute;sus bien plus que les &eacute;vang&eacute;listes qui nous int&eacute;ressent! </p> <p>Cette libert&eacute; une fois conquise, la combinatoire des interpr&eacute;tations possibles n'est pas aussi vertigineuse qu'on pourrait le croire car on ne poss&egrave;de pas un Evangile, mais quatre! Si Matthieu refusait de nous dire que ce n'&eacute;tait pas la saison des figues, -Dieu soit b&eacute;ni!- Marc, le maladroit, nous l'a distraitement signal&eacute;... <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-figuierdesech%20mt21.htm#0" target="" >(Cf. Mt21,19 contre Mc11,13).</a></p> <p>&nbsp;</p> <p>Pour ne pas se perdre, l'ex&eacute;g&egrave;te devra aller de plus en plus loin dans l'interdisciplinarit&eacute;. La philologie nous permettait de traduire plus fid&egrave;lement le grec. L'<a href="../rel-citationsdicos/rel-ref-dicoperso.htm#hermeneutique" target="" >herm&eacute;neutique</a> qui nous invitait &agrave; entrer en empathie avec chaque &eacute;vang&eacute;liste, nous permettait ensuite de prendre une petite distance par rapport aux philologues pour retrouver l'intention de chaque &eacute;vang&eacute;liste en s'attaquant &agrave; la globalit&eacute; de son texte et &agrave; sa culture maternelle. Mais maintenant, il nous faut aller plus loin encore! Par-del&agrave; les maladresses de r&eacute;daction et les intentions plus ou moins inad&eacute;quates de l'&eacute;vang&eacute;liste, il nous faut retrouver l'intention de J&eacute;sus lui-m&ecirc;me. </p> <blockquote> <div> <p class="turquoisemaigre" >Exemple 1: </p> <p class="turquoisemaigre" >Apr&egrave;s la vulgarisation des pens&eacute;es de Marx, Freud et Nietzsche, notre ordre symbolique s'est consid&eacute;rablement transform&eacute;. Pensez! La charit&eacute; sous le scalpel de Nietzsche peut devenir de l'orgueil, de la domination... La chastet&eacute; et la virginit&eacute;, sous le scalpel de Freud, peuvent devenir faiblesses, veules soumissions aux angoisses de castrations, effets de la peur... L'Au-Del&agrave;, sous le scalpel de Marx, peut devenir de l'opium... Les penseurs du soup&ccedil;on ont fait feux de tout bois!</p> <p class="turquoisemaigre" >Du coup, certaines sentences &eacute;vang&eacute;liques sont devenues indigestes. Que devient la deuxi&egrave;me <a href="../rel-citationsbible/rel-ref-bi-beatitudes.htm#0" target="" >B&eacute;atitude</a> ('Bienheureux ceux qui pleurent'-Mt5-4) dans notre nouvel ordre symbolique? Les philologues et herm&eacute;neutes ont peu ou prou inspir&eacute; d'excellentes traductions, mais je reste, moi, sur ma faim. L'afflux de ces traductions n'ont fait qu'accentuer l'ampleur et la profondeur de l'ambigu&iuml;t&eacute;...</p> <blockquote> <p class="vertmaigre">&laquo;Heureux ceux qui pleurent: ils seront consol&eacute;s...&raquo; (TOB) </p> <p class="vertmaigre">&laquo;Ils sont heureux, ceux qui pleurent, parce que Dieu les consolera!&raquo; (Parole de Vie) </p> <p class="vertmaigre">&laquo;Magnifique les endeuill&eacute;s car...&raquo; (Pl&eacute;iade) </p> <p class="vertmaigre">&laquo;En marche, les endeuill&eacute;s! Oui, ils seront r&eacute;confort&eacute;s!...&raquo; (Chouraqui)&nbsp;</p> </blockquote> <p class="turquoisemaigre" >En Occidental du XXIe si&egrave;cle, le bon sens m'invite &agrave; pr&eacute;f&eacute;rer ici la formulation de Chouraqui moins 'masochiste' que les autres. Elle supprime la d&eacute;plaisante relation de cause &agrave; effet (&laquo;car&raquo;, &laquo;parce que&raquo;...) et combat assez efficacement le fatalisme (&laquo;En marche!&raquo;). Le rapport du pr&ecirc;cheur &agrave; la &quot;victime&quot; y est aussi moins &eacute;quivoque, plus g&eacute;n&eacute;reux... Oui, cette traduction a incontestablement quelques m&eacute;rites au regard de ce que J&eacute;sus semble d&eacute;velopper comme th&eacute;ologie dans le reste des Evangiles. Pour les m&ecirc;mes raisons, j'aime moins les traductions 'Pleiade' et 'Parole de Vie' qui, m&ecirc;me dans le cadre tr&egrave;s g&eacute;n&eacute;ral d'une exhorte populiste, inciteraient plut&ocirc;t &agrave; une r&eacute;signation qui ne me semble pas tr&egrave;s chr&eacute;tienne. </p> <p class="turquoisemaigre">Les philologues admettraient probablement sans difficult&eacute; que -hors de toutes consid&eacute;rations historiques- cette audacieuse proposition de Chouraqui approche bien l'esprit g&eacute;n&eacute;ral des Evangiles. Mais ils auraient bien du mal &agrave; admettre qu'il s'agit d'une traduction valable du texte de Matthieu! Ils pr&eacute;f&eacute;reront rappeler que la philologie n'a pas pour but de plaire ou de d&eacute;plaire, ni m&ecirc;me de rendre plus coh&eacute;rent l'ensemble des Evangiles. On ne peut pas mettre la charrue avant les boeufs. Dans l'&eacute;tat actuel des sciences, le &quot;En marche&quot; de Chouraqui convient plut&ocirc;t mal pour traduire ce que Matthieu (et Luc) nous a concr&egrave;tement donn&eacute; &agrave; lire en grec. </p> <p class="turquoisemaigre">Pourtant, l'intuition de Chouraqui m&eacute;rite mieux que de la condescendance des savants. On sent bien que Chouraqui est aussi un savant, qu'il nous dit aussi quelque chose de bel et bien &laquo;historique&raquo; dans sa traduction, serait-il m&ecirc;me d&eacute;montr&eacute; que jamais Matthieu n'a pens&eacute; cet &quot;en marche&quot;! Si c'est bien J&eacute;sus et non Matthieu qui nous int&eacute;resse, le philologue et l'herm&eacute;neute qui ne nous parlaient que de ce qu'a &eacute;crit et pens&eacute; Matthieu (et Luc) doivent appeler un autre genre d'experts. Une autre coh&eacute;rence -<span class="gras">historique elle aussi</span> -et ce n'est l&agrave; qu'un apparent paradoxe- le r&eacute;clame!</p> <p class="turquoisemaigre">L'ex&eacute;g&egrave;te contemporain est oblig&eacute;, pour rendre justice &agrave; J&eacute;sus (et non &agrave; Matthieu ou Luc), de confronter la deuxi&egrave;me b&eacute;atitude &agrave; de redoutables questions qui ne s'imposaient pas de la m&ecirc;me mani&egrave;re &agrave; l'&eacute;poque de J&eacute;sus: le masochisme, la complaisance dans la d&eacute;pression, le conservatisme politique, le fatalisme, etc. Il devra par exemple, courageusement revaloriser ce que la petite sainte Th&eacute;r&egrave;se nous indiquait lumineusement: la saintet&eacute; de l'humilit&eacute; et de la petitesse nonobstant le fait que ces attitudes peuvent appartenir aussi &agrave; la clinique psychiatrique ou &agrave; la manipulation politique. L'ex&eacute;g&egrave;te contemporain devra d&eacute;limiter plus clairement que Matthieu et Luc la limite entre le pathologique, le politique et le spirituel. En un mot, c'est une ex&eacute;g&egrave;se symbolique qui s'impose ici: les ordres symboliques ont chang&eacute; dans des proportions qui d&eacute;bordent par nature des comp&eacute;tences des philologues et des herm&eacute;neutes. Chouraqui joue le jeu... mais qu'il soit bien d&eacute;clar&eacute; qu'il devient alors plus ex&eacute;g&egrave;te que traducteur de Matthieu ou de Luc! Il a fait un saut qualitatif que l'on n&eacute;glige peut-&ecirc;tre trop souvent de mentionner.</p> <p class="turquoisemaigre">&nbsp;</p> <p class="turquoisemaigre"><a name="ages"></a>Exemple 2: </p> <p class="turquoisemaigre">Dans les grandes mutations symboliques de l'Occident, impossible de laisser sous le boisseau tout ce qui concerne la dynamique des &acirc;ges (respect/devoir/autorit&eacute;s entre g&eacute;n&eacute;rations). Freud a ici aussi sa part de responsabilit&eacute;s qui a bien montr&eacute; avec Piaget, Dolto et tant d'autres ce qui fait la diff&eacute;rence du fonctionnement mental d'un enfant et celui d'un adulte. Mais dans les causes de la mutation symbolique, il faut aussi mentionner la d&eacute;gringolade d&eacute;mographique, la s&eacute;curit&eacute; sociale (qui est pass&eacute;e d'une gestion familiale &agrave; une gestion par l'employeur ou par l'&eacute;tat-providence), l'importance grandissante de la performance intellectuelle et donc de la dur&eacute;e des &eacute;tudes, etc. Les cons&eacute;quences culturelles de cette d&eacute;rive symbolique sont &eacute;normes. En Occident, elles vont de la sacralisation de l'enfant, &agrave; l'&eacute;rosion consid&eacute;rable du respect des 'a&icirc;n&eacute;s' par le simple fait de leur &acirc;ge en passant par la fin de la cohabitation syst&eacute;matique des parents et grands-parents, l'&eacute;mergence de la caste des adolescent, r&eacute;ification de l'enfant, etc. </p> <p class="turquoisemaigre"><a name="thailande"></a>Dans les r&eacute;gions moins occidentalis&eacute;es, la d&eacute;rive du sens des diff&eacute;rences d'&acirc;ges a &eacute;t&eacute; moins importante. Ayant personnellement d&eacute;m&eacute;nag&eacute; dans une zone rurale de Tha&iuml;lande, au d&eacute;but, je m'&eacute;tonnais de ce que cette absence de d&eacute;rive impliquait encore dans l'organisation sociale. En fait, cette ancienne mani&egrave;re de g&eacute;rer les diff&eacute;rences d'&acirc;ges semble pouvoir s'observer aussi dans la plupart des cultures agraires ayant une pyramide d&eacute;mographique non invers&eacute;e, et il n'est pas tr&egrave;s audacieux d'imaginer qu'elle refl&egrave;te beaucoup mieux l'ordre symbolique de la Palestine antique que l'ordre symbolique de mon Europe natale... Alert&eacute; par les impacts &eacute;normes que peuvent avoir sur la vie de tous les jours ces consid&eacute;rations, je m'&eacute;tonnais alors de ce que la critique historique ne prenne quasi jamais en compte cette dynamique des &acirc;ges dans la communaut&eacute; de J&eacute;sus. </p> <p class="turquoisemaigre">Une analyse relativement superficielle des Textes me permettait d'abord de constater que <a href="rel-exeg-jean.htm#argu" target="" >Jean &eacute;tait probablement un enfant</a> lorsqu'il a connu J&eacute;sus et que Pierre par contre devait &ecirc;tre clairement le plus &acirc;g&eacute; de la bande. Je fus ensuite tr&egrave;s surpris de d&eacute;couvrir qu'un savoir &eacute;mergeait de la confrontation des r&egrave;gles de la critique historique avec celles qui g&egrave;rent les &acirc;ges dans les soci&eacute;t&eacute;s agraires: plus la critique historique me permettait de d&eacute;nicher des indices de diff&eacute;rences d'&acirc;ges, plus l'ancien ordre symbolique des &acirc;ges me permettait de mettre &agrave; nu des &eacute;vidences historiques dans le corpus Evang&eacute;lique qui me r&eacute;v&eacute;laient du coup d'autres indices des diff&eacute;rences d'&acirc;ges, etc. Un faisceau d'argument convergeaient vers une nouvelle forme de &quot;v&eacute;rit&eacute; historique&quot;.</p> <p class="turquoisemaigre">Voil&agrave; que certaines bizarreries ou omissions du compte-rendu de l'instruction de J&eacute;sus chez Ann trouvaient une <a href="rel-exeg-jean.htm#sanhedrin" target="" >explication</a>... Voil&agrave; que m&ecirc;me la pr&eacute;sence de Jean au pied de la croix pouvait &eacute;ventuellement <a href="rel-exeg-jean.htm#jncroix" target="" >se comprendre</a>... Voil&agrave; que l'absence significative de l'<a href="rel-exeg-jean.htm#jnactes" target="" >autorit&eacute; de Jean</a>, &quot;<span class="ital">le disciple que J&eacute;sus aimait</span>&quot;, dans les Actes se justifie mieux... Voil&agrave; aussi que s'explique mieux l'incoh&eacute;rence de Jean lorsqu'il parle de Judas et sa totale indiff&eacute;rence &agrave; l'ampleur du <a href="rel-exeg-jean.htm#bethanie" target="" >gaspillage</a> d'argent &agrave; B&eacute;thanie. Etc. </p> <p class="turquoisemaigre">Par ailleurs, la prise en compte que la dynamique des &acirc;ges offre une cr&eacute;dibilit&eacute; neuve aux intuitions de quelques savants comme Wilkens, Boismard (et d'autres) lorsqu'ils essayent de comprendre la composition <a href="../rel-citationsauteurs/rel-ref-aut-deiss-analysejn.htm#0" target="" >pour le moins confuse </a> du quatri&egrave;me Evangile. Ces savants expliquent la coexistence dans cet Evangile d'une unit&eacute; (stylistique) de deux de ses strates r&eacute;dactionnelles (les deux principales) en supposant l'existence d'un auteur (surnomm&eacute; 'Jean2' par Boismard), qui aurait retravaill&eacute; son propre texte une trentaine d'ann&eacute;es apr&egrave;s sa premi&egrave;re r&eacute;daction. Ce r&eacute;dacteur 'principal' &eacute;tait-il vraiment l'ap&ocirc;tre Jean comme le veut la rumeur populaire? Le ton des textes le laisse penser. A mes yeux, la puissante intuition philologique de Boismart et Wilkens renforce cette rumeur. Il suffit de consid&eacute;rer que si c'est l'ap&ocirc;tre Jean lui-m&ecirc;me qui fut ce r&eacute;dacteur, il &eacute;tait d&eacute;j&agrave; bien vieux lors de sa deuxi&egrave;me r&eacute;daction. Il est bien normal que les communaut&eacute;s primitives aient accept&eacute; ce texte sans v&eacute;ritable squelette mais qui sortait tout droit de son coeur. Au pire, cette communaut&eacute; aurait charg&eacute; ensuite d'autres mains d'essayer de remettre un peu plus de coh&eacute;rence dans l'ensemble (ce qu'elles n'auraient que tr&egrave;s partiellement r&eacute;ussit d'ailleurs!).</p> <blockquote> <p class="turquoisemaigre petit">Il faut rappeler ici que ces soci&eacute;t&eacute;s agraires peuvent mieux que nous distinguer dans les 'pseudo-radotages' d'un vieux l'impitoyable lucidit&eacute; du coeur que n'ont pas n&eacute;cessairement les adultes. Nonobstant les incoh&eacute;rences que cela peut accidentellement induire dans les r&eacute;cits de ces vieux, ces cultures attachent une importance &agrave; ces 'radotages' que la modernit&eacute; n&eacute;gligera au nom d'une certaine rationalit&eacute;. </p> </blockquote> <p class="turquoisemaigre"></p> <p class="turquoisemaigre"> Allons donc en avant dans cette direction en imaginant que r&eacute;dacteur principal fut un enfant lorsqu'il a connu J&eacute;sus, un adulte bien m&ucirc;r lorsqu'il donna sa premi&egrave;re copie en grec et un vieillard lorsqu'il corrigea et augmenta sa premi&egrave;re copie. Laissons nous porter par la pression symbolique que ces diff&eacute;rences d'&acirc;ges induiraient. La structure de &quot;v&eacute;rit&eacute; historique&quot; d&eacute;j&agrave; esquiss&eacute;e se renforce encore. On comprend enfin que l'adulte essaye de cacher qu'il n'aurait pu &ecirc;tre &laquo;qu'un enfant&raquo; lorsqu'il a connu J&eacute;sus. Mais le vieillard n&eacute;glige de &laquo;nettoyer&raquo; sa glose des infantilismes contenus dans ses souvenirs d'enfance (ces souvenirs sont truff&eacute;s de caract&eacute;ristiques tr&egrave;s infantiles, &agrave; commencer par celle que dit la formule &quot;<span class="ital">le disciple que J&eacute;sus aimait</span>&quot;). A l'unit&eacute; stylistique du texte s'ajouter donc une unit&eacute; psychologique tellement puissante qu'il devient m&ecirc;me difficile d'imaginer que ce r&eacute;dacteur n'aie pas connu personnellement et intimement J&eacute;sus! </p> <p class="turquoisemaigre">Il y a une autre mani&egrave;re de le dire; si l'auteur principal du quatri&egrave;me Evangile n'avait pas &eacute;t&eacute; l'ap&ocirc;tre lui-m&ecirc;me, s'il avait &eacute;t&eacute; simplement un &eacute;crivain tr&egrave;s habile, capable de bien rendre compte d'un t&eacute;moignage tr&egrave;s charg&eacute; affectivement, il aurait aussi pu rendre aussi son texte beaucoup plus coh&eacute;rent! </p> <p class="turquoisemaigre"><a name="ecrivain"></a>La maladresse de composition&nbsp; ici renforce donc la structure de v&eacute;rit&eacute;. Il me semble raisonnable d'admettre que l'auteur principal du quatri&egrave;me Evangile n'&eacute;tait pas un &eacute;crivain tr&egrave;s habile. Son vocabulaire est d'ailleurs plus pauvre que celui des autres &eacute;vang&eacute;listes (1011 mots pour Jn contre 1691 pour Mt, 1345 pour Mc et 2055 de Lc selon Deiss). Il n'&eacute;tait pas un intellectuel &quot;pur et dur&quot; (incapacit&eacute; de r&eacute;tablir un semblant de coh&eacute;rence dans le d&eacute;roulement temporel et spatial de ses souvenirs d'enfance). S'il fallut que d'autres mains contribuent &agrave; terminer ce quatri&egrave;me Evangile, ce ne fut pas pour y ajouter de la confusion par des intentions didactiques comme d'aucun l'ont pens&eacute; ...mais pour essayer tant bien que mal d'y remettre un tout petit peu de coh&eacute;rence sans trop ab&icirc;mer la source tr&egrave;s sacralis&eacute;e pour d'autres raisons tout aussi &eacute;videntes: ce vieillard malhabile est depuis lors devenu pour son auditoire un v&eacute;ritable &laquo;monstre sacr&eacute;&raquo;! (Ce n'est pas contradictoire avec ce qui a &eacute;t&eacute; dit de son insignifiance lors des premi&egrave;res d&eacute;cisions de l'Eglise Primitive) Pensez! Le dernier ap&ocirc;tre! Peut-&ecirc;tre le dernier t&eacute;moin direct des pr&ecirc;ches du Ma&icirc;tre! Celui-l&agrave; pouvait bien se permettre ces envol&eacute;es emphatiques, ce style proph&eacute;tique et, surtout, extr&ecirc;mement paternaliste. C'est ce qu'on attendait de lui car les autres &eacute;vangiles manquaient justement de ce paternalisme pacifiant et sacralisant qui pla&icirc;t tant aux sectes lorsqu'elles passent le cap de la premi&egrave;re g&eacute;n&eacute;ration de fid&egrave;les.</p> <p class="turquoisemaigre">Ce que l'Eglise Primitive a tr&egrave;s bien su comprendre, c'est que Jean, le vieux Jean surtout, s'il n'&eacute;tait ni grand &eacute;crivain ni grand intellectuel, &eacute;tait devenu par contre un immense spirituel. D&eacute;finitivement et radicalement marqu&eacute; dans son enfance par un 'gourou' tr&egrave;s puissant avec qui -parce qu'il &eacute;tait un enfant &agrave; cette &eacute;poque- il avait pu partager une intimit&eacute; exceptionnelle, il avait pu d&eacute;passer cette respectueuse distance qui handicapait la relation entre les autres disciples et le Ma&icirc;tre. (Jean vieillard aimait bien s&ucirc;r se vanter de cette intimit&eacute;!). Son g&eacute;nie touchait alors directement le coeur du coeur! Jn 21 est par excellence le texte qui refl&egrave;te cette sup&eacute;riorit&eacute; spirituelle qui tel un bistouri <a href="rel-exeg-jn21.htm#0" target="" >diss&egrave;que</a> jusqu'en ces abyssales profondeurs la chair du coeur. <a name="papias"></a></p> <blockquote> <p><span class="turquoisemaigre petitpetit">NB Boismard pr&eacute;f&egrave;re identifier le r&eacute;dacteur principal &agrave; 'Jean l'ancien' (que Papias distingue de Jean l'ap&ocirc;tre contrairement &agrave; Ir&eacute;n&eacute;e). La justification que Boismard donne est &eacute;videment logique mais, &agrave; mes yeux, elle n'a pas assez de poids pour aller &agrave; la fois contre ce que dit la tradition et contre cette unit&eacute; psychologique qui d&eacute;nonce si bien la tr&egrave;s grande intimit&eacute; entre ce r&eacute;dacteur et J&eacute;sus. Cela saute aux yeux! Pas besoin d'&ecirc;tre un expert! Si c'&eacute;tait un simple effet litt&eacute;raire, je le r&eacute;p&egrave;te, un tel &eacute;crivain aurait pu faire mieux pour la coh&eacute;rence de son texte!). Il suffirait de tr&egrave;s peu d'imagination pour fabriquer un contexte qui conduise &agrave; une autre conclusion des extraits de Papias et Ir&eacute;n&eacute;e. Cet argument ne fait pas vraiment partie d'une 'structure de v&eacute;rit&eacute; historique' tr&egrave;s &eacute;toff&eacute;e. (D'ailleurs je trouve que Boismard n'est pas tr&egrave;s enthousiaste dans l'expos&eacute; de cette th&egrave;se, comme si une autre intuition habitait son inconscient). </span> </p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p class="turquoisemaigre">Exemple 3: </p> <span class="turquoisemaigre">L'ordre symbolique contemporain nous a permis de bien diff&eacute;rencier la dynamique du bouc-&eacute;missaire de celles de la justice ou de l'&eacute;thique. Cette complexification symbolique va permettre par exemple &agrave; l'ex&eacute;g&egrave;te de constater que <a href="rel-exeg-passion-mechancete.htm#0" target="" >la 'm&eacute;chancet&eacute;' de Ca&iuml;phe </a>ne r&eacute;pond pas du tout &agrave; une logique de bouc-&eacute;missaire contrairement &agrave; la violence des soldats lors de la Passion. Et que dire alors des larrons qui injurient j&eacute;sus lorsqu'ils marchent avec lui vers le Golgotha? Par leurs positions tragiques durant ces &eacute;v&egrave;nements ces larrons ont surtout des raisons valables de voir en J&eacute;sus la cause de l'avancement de leur mise &agrave; mort... Et nous voil&agrave; donc invit&eacute;s &agrave; comprendre une r&eacute;alit&eacute; jusqu'ici n&eacute;glig&eacute;e par l'ex&eacute;g&egrave;se dont les &eacute;vang&eacute;listes n'ont, semble-t-il, rien per&ccedil;u. A moins qu'ils aient voulu contourner cette embarrassante question?... En tout &eacute;tat de cause, aujourd'hui, dans le nouvel ordre symbolique, nous sommes en mesure de percevoir un <a href="rel-exeg-larrons.htm#0" target="" >probl&egrave;me de conscience de J&eacute;sus</a> vis-&agrave;-vis de ses pauvres co-supplici&eacute;s. Cette tragique complicit&eacute; involontaire de J&eacute;sus au destin des larrons fut probablement pour Lui une souffrance majeure. Une souffrance de J&eacute;sus... Avons-nous seulement le droit, nous, chr&eacute;tiens, de ne pas y accorder une immense importance?... (Voir l'<a href="rel-exeg-larrons.htm#0" target="" >&eacute;tude d&eacute;di&eacute;e</a> aux larrons dans ce site)</span> <p >&nbsp;</p> </div> </blockquote> <p>Chiangmai - Septembre 2007 </p> <p class="petit" >Version 2.01 - Octobre 2008</p> <p ><span class="petit">Version 2.20 - Janvier 2011</span> </p> <p >&nbsp;</p> <p >&nbsp;</p> <p >&nbsp;</p> </div> </div> </td> </tr> </table> </div>